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02/05/2016 | FRANCE | N°15/08626

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 02 mai 2016, 15/08626


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 02 Mai 2016

(n° 345 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/08626



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juillet 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 14/05018





APPELANT

Monsieur [F] [T]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 2]

comparant en

personne, assisté de Me Olivier THIBAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107



INTIMEE

SARL [G] & ASSOCIES

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée M. [Y] [G] (Représentant légal)...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 02 Mai 2016

(n° 345 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/08626

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juillet 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 14/05018

APPELANT

Monsieur [F] [T]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Olivier THIBAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107

INTIMEE

SARL [G] & ASSOCIES

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée M. [Y] [G] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir général,

assisté par Me Ingrid YEBENES, avocat au barreau de PARIS, toque : B0098

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère faisant fonction de présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

- Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère faisant fonction de Présidente

- M. Mourad CHENAF, conseiller,

- Mme Patricia DUFOUR, Conseiller

Greffier : Mme Fanny MARTINEZ, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Cécile DUCHE-BALLU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

M. [F] [T] a été engagé en qualité de géomètre stagiaire le 27 septembre 2012, par la Sarl Serrain et Associés cabinet de géomètres experts. Une convention de stage a, en outre, été signée pour 2ans.

La rémunération brute mensuelle de M. [T] s'est établie à 3 100 €.

Le 25 septembre 2013, M. [T] a reçu un avertissement.

Il s'est trouvé en arrêt de travail du 16 au 20 décembre 2013.

Le 31 mars 2014, la Sarl Serrain et Associés a rompu la convention de stage.

Le salarié s'est à nouveau trouvé en arrêt de travail du 7 au 25 avril 2014, prolongé jusqu'au 28 mai 2014. Il a été licencié pour insuffisance professionnelle le 2 mai 2014.

L'entreprise compte plus de 11 salariés.

Le 8 avril 2014, avant son licenciement, M. [T] avait saisi le conseil des Prud'Hommes de Paris d'une demande tendant notamment à obtenir la résiliation de son contrat de travail et le paiement de diverses indemnités. Il a conclu désormais à la nullité de son licenciement, en tout cas à son absence de cause réelle et sérieuse et au paiement d'une indemnité à ce titre, outre une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire. A titre reconventionnel, la Sarl Serrain et Associés a réclamé le paiement d'une indemnité pour procédure abusive et d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 16 juillet 2015, le conseil des Prud'Hommes a débouté M. [T] de toutes ses demandes et l'a condamné aux dépens. Il a également débouté la Sarl Serrain et Associés de sa demande.

M. [T] a fait appel de cette décision. Il demande à la cour d'annuler l'avertissement du 25 septembre 2013, de juger irrégulière la rupture unilatérale de la convention de stage, de juger les manquements de son employeur de nature à fonder la résiliation de son contrat de travail, subsidiairement, de juger nul, en tout cas sans cause réelle et sérieuse, son licenciement et de condamner la Sarl Serrain et Associés à lui payer les sommes suivantes :

- 3 100 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'avertissement

- 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour la rupture irrégulière de la convention de stage

- 31 000 € à titre de dommages et intérêts pour les manquements de son employeur justifiant la résiliation du contrat de travail, subsidiairement au titre du licenciement nul, ou sans cause réelle et sérieuse

- 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

L'employeur conclut à la confirmation du jugement déféré, en conséquence, au débouté de M. [T] et à sa condamnation à payer une amende civile, à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, il demande à voir les sommes allouées réduites aux préjudices justifiés.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 14 mars 2016, reprises et complétées à l'audience.

Motivation

- Sur l'avertissement

L'avertissement du 25 septembre 2013 reproche à M. [T] son retard important (30mn) à un rendez-vous du 18 septembre 2013, et d'avoir quitté son lieu de travail sans avoir préalablement informé son employeur de sa qualité de bénévole réquisitionnable sur son temps de travail, alors qu'il a été dépêché ce même jour, sur les lieux d'un sinistre à la demande de l'ordre de Malte pour lequel il exerce la fonction d'ambulancier.

Il ressort des débats que la matérialité des faits n'est pas contestée.

Dès lors, il apparaît qu'est fautive le retard important de M. [T] au rendez-vous en cause, en l'absence de justification apportée par celui-ci. De même le salarié aurait du, en raison de son obligation de loyauté qu'il doit à son employeur, lui préciser la nature de son engagement bénévole et ce 18 septembre 2013siolliciter son autorisation pour quitter son travail pour répondre à la demande d'intervention formulée, ce qu'il n'établit pas avoir fait.

L'avertissement notifié à ce titre apparaît donc proportionné, quand bien même, pour une raison indépendante de la volonté du salarié, il s'est avéré que le client lui-même ne s'est pas présenté à ce rendez-vous.

M. [T] est donc débouté de sa demande de ce chef.

- Sur la rupture unilatérale par l'employeur de la convention de stage

Selon le salarié, la convention de stage, assimilable à un contrat à durée déterminée, ne peut être rompue unilatéralement que pour faute grave, en application des articles 1134 et suivants du code civil. Il ajoute que la rupture à l'initiative de l'entreprise n'est envisageable qu'en cas de non respect du règlement intérieur, de déloyauté dans l'exécution de la convention, de la violation du secret professionnel ou du non respect de façon générale, des modalités particulières initialement prévues pour le stage. Il en conclut que l'insuffisance professionnelle ou de productivité ne peuvent servir de base à une rupture par l'employeur d'une convention de stage et en déduit qu'en l'espèce, ou de surcroît la convention de stage ne prévoit pas de cas de rupture unilatérale, celle-ci prononcée pour insuffisance professionnelle, n'est pas régulière. Enfin, il reproche à l'employeur de l'avoir, par cette rupture, mis dans l'impossibilité de valider son expérience professionnelle et en conséquence de le pousser à la démission pour trouver un autre stage.

Selon l'employeur le comportement de M. [T] qui a manqué durant son stage à son obligation de loyauté et de coopération (implication insuffisante et manque de rigueur), telles que décrites dans le vademecum émis par l'Ordre des géomètres experts, a empêché la réalisation de l'objet du contrat prévu par les parties, en l'espèce la formation et l'intégration de M. [T] en vue de l'exercice de la profession de géomètre-expert. Il précise que la mauvaise qualité du travail de M. [T] , son impossibilité à s'intégrer au sein de l'entreprise, son manque de respect à l'égard de ses collègues et en particulier de son maître de stage, le fait qu'il n'admette pas les observations et qu'il soit devenu ingérable refusant d'admettre ses carences et manquements caractérisent la gravité du comportement requise pour fonder la rupture unilatérale de la convention de stage.

En l'espèce la convention de stage en cause n'a pas prévu de clause de rupture. Elle a été rompue, de manière unilatérale par l'employeur par courrier en date du 31 mars 2014.Ce courrier ne précise pas les motifs de la rupture.

En application de l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. L'article 1148 du même code prévoit l'impossible exécution du contrat en raison de la force majeure et l'article 1184 du code civil définit la clause résolutoire comme celle qui, lorsqu'elle s'accomplit, opère la révocation de l'obligation et dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour les cas où l'une des parties ne satisfera pas à son engagement. La résolution du contrat est prononcée par le juge. Il résulte de l'application de cette disposition que la rupture unilatérale de la convention, fondée sur la gravité du comportement du cocontractant, s'exerce aux risques et périls de son auteur, sous réserve du contrôle à posteriori du juge.

Il résulte de ces textes que la résolution unilatérale d'un contrat synallagmatique suppose, pour l'auteur de la rupture, de rapporter la preuve d'un comportement suffisamment grave de la part de son cocontractant.

En l'espèce, au vu des éléments produits aux débats, la cour retient les motifs pertinents des premiers juges et confirme leur décision en ce qu'ils ont jugé que le comportement de M. [T] présentait une suffisante gravité faisant obstacle à la réalisation de l'objet de la convention prévue par les parties.

- Sur les manquements de l'employeur

En présence d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et d'un licenciement prononcé postérieurement, il convient en premier lieu d'examiner le bien fondé des griefs invoqués au soutien de cette demande. Si ces griefs sont fondés, la rupture comporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et rend sans objet l'examen des griefs invoqués par l'employeur au soutien du licenciement qu'il a lui-même prononcé.

Les griefs invoqués par le salarié à l'encontre de son employeur, sur le fondement de l'article L1152-3 du code du travail, sont les suivants :

le refus de lui attribuer des travaux qualifiants (travaux fonciers) ; la notification d'un avertissement injustifié, la rupture de la convention de stage, lesquels ont eu pour effet de dégrader gravement son état de santé, ce qui a donné lieu à de nombreux arrêts pour maladie.

L'employeur, qui conteste les griefs invoqués à son encontre expose qu'exerçant en zone urbaine dense, le cabinet de géomètres experts, ancré à [Localité 4], réalise très peu de travaux fonciers comme les bornages. En témoigne le seul dossier (dossier [I])de cette nature traité par le cabinet pendant la période de présence de M. [T] au cabinet, ce qui explique selon lui que M. [T] a pu mener de tels travaux en externe chez d'autres confères. Il précise que la remise tardive de son rapport de stage par M. [T] l'a contraint à refuser sa validation. Il ajoute que le cabinet met un point d'honneur à former de jeunes géomètres experts dans un environnement professionnel compétent, attentif et respectueux. Au soutien de ses affirmations, la Sarl Serrain et Associés produit aux débats des documents faisant état de travaux fonciers confiés à M. [T] .

En application des articles L1152-1 et suivants du code du travail ' aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'

En outre, l'article L 1152-4 du même code prescrit au chef d'entreprise de prendre toute dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements précités.

Enfin, en cas de litige, en application de l'article L 1154-1 du code du travail, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision se justifie par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures qu'il estime utile.

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats la cour adoptant les motifs pertinents des premiers juges confirme leur décision en ce qu'ils ont jugé l'absence de tout manquement de l'employeur dans l'exécution de ses obligations, ce qui amène la cour à conclure à l'absence de tout fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral.

- Sur le licenciement

Aux termes de l'article L1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. L' insuffisance professionnelle constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Lorsqu'elle repose sur une insuffisance de résultats, celle-ci doit être imputable au salarié, sur la base d'objectifs fixés qui sont réalisables et elle doit se fonder sur des faits objectifs.

En cas de litige, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié (article L 1235-1 du code du travail).

Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables.

En application de l'article L 1232-6 du code du travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

En l'espèce, M. [T] a été licencié pour insuffisance professionnelle, l'employeur fournissant à l'appui de la décision prise de nombreux exemples pour illustrer les 'carences et négligences' du salarié ainsi que des 'erreurs grossières et souvent graves.' Il lui est reproché également d'avoir adopté 'une attitude inacceptable' à l'égard de sa hiérarchie, n'acceptant aucune remarque de sa part, en contestant le bien fondé et de s'être enfermé dans une 'posture victimaire', en tenant des 'propos fallacieux prétendant faire l'objet de harcèlement et de pression dans le cadre de votre travail'.

M. [T] qui conteste le grief allégué, conclut, en premier lieu, à la nullité de son licenciement, sur le fondement des articles L1152-2 et suivants du code du travail, au motif que sa dénonciation à l'employeur du harcèlement dont il s'estimait l'objet, visé dans la lettre de licenciement, en est le véritable objet. Subsidiairement, il soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il convient de relever, en premier lieu, qu'il ne peut être reproché à l'employeur de contester l'attitude du salarié qui, comme en l'espèce, invoque à tort un harcèlement.

En outre, au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, la cour, retenant les motifs pertinents des premiers juges, confirme leur décision par laquelle ils ont jugé établie l'insuffisance professionnelle de M. [T] et fondé sur une cause réelle et sérieuse son licenciement.

Le jugement déféré est donc confirmé en toutes ses dispositions.

Par ces motifs, la cour,

- confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

- condamne M. [F] [T] aux dépens

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne M. [T] à payer à la Sarl Serrain et Associés la somme de 1 000 €

- le déboute de sa demande de ce chef.

Le greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 15/08626
Date de la décision : 02/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°15/08626 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-02;15.08626 ?
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