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15/04/2016 | FRANCE | N°14/00850

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 15 avril 2016, 14/00850


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 2









ARRET DU 15 AVRIL 2016



(n°73, 10 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 14/00850





Décision déférée à la Cour : jugement du 18 novembre 2013 - Tribunal de commerce de CRETEIL - 1ère chambre - RG n°2013F00423







APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES

INCIDENTES





S.A.S. EFFIGEST, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Immatriculée au rcs de [Localité 1] sous le numéro 432 966 92...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 15 AVRIL 2016

(n°73, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/00850

Décision déférée à la Cour : jugement du 18 novembre 2013 - Tribunal de commerce de CRETEIL - 1ère chambre - RG n°2013F00423

APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES INCIDENTES

S.A.S. EFFIGEST, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Immatriculée au rcs de [Localité 1] sous le numéro 432 966 927

S.A.R.L. EFFIGEST SEINE ET MARNE, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Immatriculée au rcs de [Localité 2] sous le numéro 508 589 660

Représentées par Me Joëlle VALLET-PAMART, avocat au barreau de PARIS, toque D 1476

Assistées de Me Philippe JULIEN plaidant pour le Cabinet PDGB, avocat au barreau de PARIS, toque U 001

INTIMES AU PRINCIPAL et APPELANTS INCIDENTS

S.A.R.L. [D] - SOCIETE D'AUDIT ANALYSE FINANCIERE ET HISTORIQUE INFORMATION ET REVISION COMPTABLE, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 5]

[Adresse 5]

M. [O] [H]

Né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 3] (53)

Demeurant [Adresse 5]

Représentés par Me Vincent RIBAUT de l'AARPI GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L0010

Assistés de Me David LUSTMAN, avocat au barreau de PARIS, toque L 40

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 2 mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Colette PERRIN, Présidente

Mme Sylvie NEROT, Conseillère

Mme Véronique RENARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Colette PERRIN, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La société Effigest (ci-aprés « Effigest ») est une société d'expertise comptable créée en septembre 2000 par Monsieur [G] [O] et Mme [E] [Q], aujourd'hui respectivement Président et Directrice Générale de la structure.

Le 3 octobre 2008, elle s'est associée avec la sarl [D], société d'expertise-comptable, pour créer la société Effigest Seine et Marne (ci après la société « Effigest 77 »), MM. [G] [O] et [O] [H], gérants respectifs des susdites sociétés, étant nommés co-gérants.

Le 6 avril 2012, M. [O] [H] a décidé de quitter la société Effigest Seine et Marne, départ qui a été précédé par celui de Mme [H], associée au sein de la société [D], puis suivi par celui d'autres salariés.

Soupçonnant des actes de détournement de clientèle de la société Effigest Seine et Marne par la société [D], les sociétés Effigest et Effigest Seine et Marne ont été autorisées à faire procéder à une saisie au siège de la société [D].

Par exploit d'huissier en date du 15 mai 2013, les sociétés Effigest et Effigest Seine et Marne ont assigné la société [D] et à M. [O] [H] devant le tribunal de commerce de Créteil.

Par jugement contradictoire en date du 18 novembre 2013, le tribunal de commerce de Créteil a

- Condamné solidairement la société [D] et M.[O] [H] à payer à la société Effigest Seine et Marne, la somme de 200.000,00 euros, et débouté les sociétés Effigest et Effigest Seine et Marne du surplus de leur demande.

- Débouté les sociétés Effigest et Effigest Seine et Marne de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice d'image.

- Débouté les sociétés Effigest et Effigest Seine et Marne de leur demande de publication de la présente décision.

- Débouté la société [D] et M. [O] [H], chacun, de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour préjudice d'image.

- Débouté M. [O] [H] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour préjudice moral.

- Condamné solidairement la société [D] et M. [O] [H] à payer à la société Effigest Seine et Marne la somme de 5.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouté les sociétés Effigest et Effigest Seine et Marne du surplus de leur demande et la société [D] et M. [O] [H] de leur demande de ce chef.

- Condamné solidairement la société [D] et M. [O] [H] aux dépens.

Les sociétés Effigest et Effigest Seine et Marne ont fait appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 13 janvier 2014.

Par dernières écritures noti'ées par voie électronique le 7 août 2014, auxquelles il est expressément renvoyé, les sociétés Effigest et Effigest Seine et Marne demandent à la cour de:

- Confirmer le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a reconnu que les actes de concurrence déloyale accomplis tant par la société [D] que par M. [H] avait eu pour effet de désorganiser l'activité de la société Effigest Seine et Marne ;

- Infirmer le jugement entrepris pour le surplus, et, statuant à nouveau :

- juger que les actes de concurrence déloyale accomplis par la société [D] et M. [H] ont abouti au détournement de la majeure partie de la clientèle de la société Effigest Seine ET Marne ;

- juger que les man'uvres effectuées par la société [D] et M. [H] traduisent un comportement parasitaire préjudiciable aux intérêts de la société Effigest Seine et Marne ;

- juger que M. [H] a violé ses obligations de loyauté et de fidélité à l'égard de la société Effigest Seine-et Marne en sa qualité de gérant ;

- condamner in solidum les sociétés [D] et M. [H] à régler à la société Effigest Seine et Marne la somme de 870 000 € en réparation du préjudice subi par la société a la suite de leur comportement parasitaire et anticoncurrentiel ;

Subsidiairement,

- condamner in solidum les sociétés [D] et M. [H] à régler à la société Effigest Seine et-Marne la somme de 300000 € à titre provisionnel et désigner tel expert qu'il lui plaira avec pour mission de :

o convoquer les représentants légaux des sociétés [D] et Effigest 77 et se faire remettre par ces derniers tous documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission, et notamment tous éléments de comptabilité et tous éléments de gestion relatifs à la clientèle détournée ;

o entendre tout sachant ;

o évaluer le préjudice subi par Effigest Seine et Marne à la suite des actes de concurrence déloyale et parasitisme commis par [D] et M. [H] ;

En tout état de cause

- condamner in solidum les sociétés [D] et M. [H] à régler à la société Effigest la somme de 150 000 € en réparation du préjudice d'image subi par la société à la suite de leur comportement parasitaire et anticoncurrentiel ;

- ordonner la publication de la décision à intervenir dans deux publications, nationale et régionale, destinées aux experts comptables, au choix d'Effigest et aux frais des intimés ;

- condamner in solidum les sociétés [D] et M. [H] à régler la somme de 50 000€ à la société Effigest Seine-et-Marne et celle de 5 000€ à la société Effigest au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens ;

Par dernières écritures noti'ées par voie électronique le 2 février 2016, auxquelles il est expressément renvoyé, la société [D] et Monsieur [O] [H] demandent à la cour de :

- accueillir la société [D] et M. [H] en leurs conclusions et appels incidents et les y déclarer bien fondées ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société [D] et M. [H] se sont livrés à des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Effigest Seine-et-Marne ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Effigest de l'ensemble de

ses demandes ;

- rejeter l'ensemble des demandes des sociétés Effigest Seine-et-Marne et Effigest ;

A titre subsidiaire,

- juger que les sociétés Effigest Seine et Marne et Effigest ne font pas la démonstration ni de l'existence ni du quantum des préjudices allégués et encore moins du prétendu lien de causalité ;

- débouter les sociétés Effigest Seine et Marne et Effigest de leurs demandes indemnitaires ;

En tout état de cause,

- Condamner in solidum les sociétés Effigest Seine-et-Marne et Effigest au paiement à la société [D] et à M. [H] d'une somme de 100.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

- Condamner in solidum les sociétés Effigest Seine-et-Marne et Effigest au paiement à la société [D] et à M. [H] d'une somme de 80.000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral ;

- la condamner en outre aux entiers dépens d'instance dont distraction au profit de Me Ribaut conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la production de faux alléguée par les sociétés

Considérant que les sociétés Effigest font valoir que les sociétés [D] et M. [H] ont produit en première instance des lettres de mission qui constitueraient des faux au sens de l'article 441-1 du Code pénal, soutenant que c'est pour ne pas retarder la procédure en cours, qu'elles n'ont pas à ce jour déposé plainte au pénal pour faux, usage de faux et tentative d'escroquerie au jugement mais qu'elles réservent leurs droits à ce titre; qu'elles affirment que ces lettres ont eu pour objet d'instrumentaliser les clients transférés en leur rédigeant un courrier type à adresser à la société Effigest pour laisser penser qu'ils auraient eu une relation exclusive avec la société [D].

Considérant que les intimés soutiennent que l'accusation des sociétés appelantes n'apparait pas crédible puisqu'elle suppose qu'ils aient, eux-mêmes, fabriqué des faux pour justifier qu'un client qui n'existe plus et qui n'a plus d'activité serait bien un client de la société [D].

Considérant que les sociétés Effigest n'apportent pas la preuve de leurs allégations.

Sur la concurrence déloyale alléguée par les sociétés Effigest

Sur le débauchage massif de salariés

Considérant que les sociétés Effigest soutiennent que la société [D] et M.[H] ont commis des actes de concurrence déloyale en ce qu'ils ont débauché au cours du premier semestre 2012, soit sur une période très courte de trois mois et demi, la totalité des salariés d'Effigest 77 constitué de neuf personnes et que ce débauchage massif a été prémédité depuis la fin de l'année 2011 avant d'être méthodiquement orchestré au cours du premier semestre 2012, mettant la société Effigest 77 dans l'impossibilité d'exploiter son activité.

Considérant que la société [D] et M. [H] opposent le principe de la liberté du travail des salariés en cause qui n'étaient tenus par aucune clause de non concurrence, soutenant que les sociétés Effigest ne font pas la démonstration du moindre fait positif de débauchage et que les départs des salariés n'ont été que la conséquence de la pression et des critiques au quotidien de la part de M.[O] qui ont visé toute l'équipe salariée de la société Effigest 77 y compris M. [H].

Considérant que les courriels démontrent que M.[O] intervenait au quotidien et qu'il mettait en cause de façon systématique, l'organisation, les méthodes de travail, la facturation, le niveau de la trésorerie et la compétence des salariés, écrivant ainsi« Merci pour une mise en place plus rapide de ces actions ».

« Merci de vous atteler à ce suivi et à vos relances ».

« Je pense que les responsables de dossiers ont eu leur feuille de route pour engager les actions pour restaurer une situation positive ».

« Pourquoi est-ce toi qui fait la saisie sur ce dossier ' ».

« merci de m'appeler avant pour que nous reparlions du discours à tenir afin de recadrer ce dossier et la relation avec le client ».

« merci de confier ce dossier à un assistant pour saisie et suivi administratif et toi tu contrôles ».

« Dans ton rôle de responsable, tu dois suivre les honoraires. Les consignes que je te donne ne sont pas des options mais des obligations afin de reprendre en main le suivi des encours qui n'a jamais été fait jusqu'à maintenant. A compter de maintenant je voudrais que tu nous informes tous les matins des règlements reçus par courrier et non pas en fin de journée », « nous n'allons pas sur le bon chemin ».

Que M. [O] explique cette intervention systématique par le fait qu'il n'était pas physiquement présent sur place puisqu'il dirigeait la société Effigest 78 ; que, toutefois, était présent M. [H], lui-même expert comptable expérimenté et co-gérant qui était dès lors en mesure de donner des instructions et faire des remarques aux salariés qu'il avait sous sa direction.

Considérant que Mme [H] a été tout particulièrement visée par les critiques de M.[O], celui-ci lui écrivant par courriel du dimanche 20 novembre 2011

« La saisie des temps est toujours mal faite ».

« Les temps en social ne sont pas facturés (mutuelle, courrier salarié') ».

« Les temps exceptionnels (échéanciers, négo, caisses, mise en place d'un contrat apprentis') ne sont pas facturés ».

« Tous les forfaits sont à revoir à nouveau car certains semblent sous-estimés. En profiter avec les bilans pour facturer un complément ».

« La formation sur le classement avant la saisie est faite auprès des débutants car les temps de saisie sur les dossiers me paraît toujours aussi important ».

« Pour les dossiers annuels pour lesquels nous passons du temps pour le suivi toute l'année ou établissons les TVA il faudrait prévoir une facturation intermédiaire (une maintenant et une au moment du bilan ou 2072). Voir en fonction des dossiers ».

« Ok, VBL n'ayant rien fait sur toute l'année 2011 en terme d'ajustement comme cela est prévu dans ses lettres de mission, il faudrait les compléter par les missions non facturées sur l'année (paie, frais et missions juridiques, compta'.) ».

« Je ne suis pas d'accord pour cet envoi compte tenu de la situation dans laquelle nous sommes et compte tenu des pertes générées sur ses dossiers (NB : ceux de [V] [H]) et les effets indus de son organisation (encours clients, manque de suivi des clients, désorganisation des équipes') ».

Considérant qu'il résulte de ces éléments que la relation entre M. [O] et Mme [H] ne pouvait perdurer ; que, pour autant, il ne saurait être reproché à M. [H] d'avoir conclu une rupture conventionnelle, la circonstance qu'elle ait été associée minoritaire de la société [D] depuis 2009 étant sans relation avec les conditions de cette rupture qui n'a été que la conséquence d'une mésentente croissante avec M. [O], co-gérant de la société Effigest.

Considérant que Mme [H] a quitté le cabinet le 19 janvier 2012 à la satisfaction de M. [O] puisque celui-ci a écrit après ce départ et lors de celui de M.[H] en avril 2012« En effet, je n'ai cessé de te répéter au cours de cette réunion que je ne comprenais pas que tu préfères choisir de partir travailler avec une personne qui n'a fait que créer des problèmes » ; que dans ces conditions les sociétés Effigest ne peuvent soutenir que ce départ a été préjudiciable et a entraîné une désorganisation de la société Effigest 77.

Considérant que la société Effigest 78 fait état que ce sont 8 autres salariés qui ont démissionné entre le 15 janvier 2012 et le 30 juin 2012 et qu'il s'agissait de l'intégralité du personnel de la société Effigest 77.

Considérant, toutefois, que la société Effigest 78 réalisait des prestations pour le compte de la société Effigest 77, notamment toute la maintenance informatique et qu'elle assurait également toute la téléphonie ; que la facturation de la société Effigest 78 porte mention « nos interventions en matière comptable » ; que la société [D] et M.[H] font valoir que la société Effigest 78 avait communiqué en première instance des factures relatives à l'intervention de cinq de ses salariés ce qu'elle ne conteste pas.

Considérant que les préavis des salariés démissionnaires ont été écourtés et qu'en outre dès le mois de juillet 2012, la société Effigest 77 a recruté cinq nouveaux salariés.

Considérant que la société Effigest Seine-et-Marne prétend que le remplacement des salariés se serait avéré d'autant plus difficile qu'une partie des salariés était lusophone afin de servir une clientèle constituée d'entrepreneurs portugais ou d'origine portugaise; que toutefois, parmi les salariés ayant démissionné, seuls deux d'entre eux étaient lusophones dont Mme [X] [X] [A] qui est restée chez Effigest Seine-et-Marne jusqu'au 29 juin 2012 et qui était encore en poste au moment où M. [O] a pris la décision unilatérale de couper intégralement l'accès informatique du cabinet.

Considérant que la société [D] produit un constat d'huissier en date du 6 avril 2012 qui relève qu'à cette date sont présents 6 salariés, que l'un est en clientèle et que le système informatique a été entièrement neutralisé comme il le sera à nouveau le 13 avril 2012 .

Considérant qu'il résulte de ces éléments que, si la société Effigest 77 a connu des départs de salariés au cours du premier semestre 2012, elle n'a pas pour autant été désorganisée par ceux-ci, ayant pu assurer leur remplacement ; qu'elle ne produit aucun document justifiant une quelconque plainte des clients ; que, dès lors, la seule «migration» de personnels salariés d'une société à une autre, non accompagnée de manoeuvres ou agissements déloyaux pour les convaincre de changer d'employeur, ne constitue pas en soi un agissement contraire à l'exercice d'une saine concurrence .

Considérant d'ailleurs que, par courriel du 25 janvier 2012 M.[O] avait écrit à M. [H] «Je pense que nous arrivons au bout d'un mode de fonctionnement» démontrant qu'il n'entendait pas poursuivre la relation ; que M. [H] expose que dès lors il n'a plus été convoqué aux assemblées de la SCI [Adresse 6] dont il était pourtant associé à hauteur de 33%, qu'à deux reprises dont le 13 avril 2012, toute l'informatique du cabinet a été coupée à la demande de M. [O] comme en atteste M. [G], responsable informatique ; que M. [H] s'est vu subitement signifier que les serrures du cabinet seront changées et qu'il devait partir de sorte que plus aucun salarié ne pouvait plus travailler sous sa direction alors même qu'il était co-gérant du cabinet.

Considérant que, dans ces conditions de rupture énoncées par M. [O] lui-même dès décembre 2011, M. [H] qui avant sa collaboration avec M. [O] exerçait une activité d'expert-comptable, était fondé à rechercher une solution pour poursuivre ses activités dans le cadre de la société [D] et avec le concours de Mme [H], associée au sein de celle-ci et dès lors à rechercher un local ; que la circonstance que les locaux qui ont alors été loués par la société [D] se trouvaient à proximité de la société Effigest Seine-et-Marne ne pouvait créer une confusion dès lors que l'attachement d'une clientèle libérale ne se fait pas en fonction de l'emplacement de son lieu d'activité mais en raison des liens tissés avec l'expert-comptable, ce lien étant, dans ce domaine, fortement imprégné d'intuitu personae ; que M. [H] avait tissé des liens bien avant la création de la société Effigest 77 ; qu'il a pu les renforcer voire en créer de nouveaux au sein de la société Effigest Seine-et-Marne.; que cette clientèle avait dès lors toute liberté de choisir son prestataire et de suivre M. [H] ;

Considérant que les clients étant liés à l'expert comptable, le fait que les deux sociétés ont exercé dans des conditions proches géographiquement et que la société [D] a repris un personnel qui avait travaillé au sein de la société Effigest 77 n'étaient pas de nature à créer une confusion auprès de la clientèle.

Considérant qu'il résulte de ces éléments que les sociétés Effigest échouent à démontrer le débauchage de ses salariés et la désorganisation conséquente de la société Effigest 77 : qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris.

Sur les détournements de documents, fichiers, matériels ou encore documentation

Considérant que la société Effigest prétend que le départ des salariés se serait accompagné de détournements de documents, fichiers, matériels ou encore de documentation.

Considérant que s'agissant des dossiers physiques des clients, dès lors que ceux-ci ont fait le choix de suivre M. [H], leurs dossiers se trouvaient dès lors normalement au sein de la société [D] puisqu'il est, en effet, fait obligation à tout expert-comptable ou commissaire aux comptes de détenir pour chacun de ses clients un dossier physique .

Considérant que, concernant la documentation de l'entreprise, M. [H] explique avoir par mégarde emporté lors de son départ un mémento mais l'avoir retourné ce qui n'est pas contesté, les sociétés Effigest ne caractérisant pas l'intérêt concurrentiel qu'ont pu en retirer la société [D] et M. [H]

Considérant qu'il n'est plus contesté que- le logiciel EBP, retrouvé dans les locaux de la société [D] n'appartient pas à la société Effigest Seine-et-Marne mais bien à la société [D] qui l'a acquis le 9 mai 2012; que, si les sociétés Effigest font état d'autres logiciels qui auraient disparu, elles ne démontrent ni leur existence ni en quoi ces logiciels auraient appartenu à la société Effigest Seine-et-Marne et/ou même se seraient trouvés dans les locaux de la société Effigest Seine-et-Marne.

Considérant que la société Effigest Seine-et-Marne admet que les paiements réalisés par erreur par les clients pour des factures Effigest Seine-et-Marne ont tous été restitués et qu'aucune somme ne reste due; que, si elle maintient néanmoins que M. [H] a détourné la rémunération de travaux en cours, elle ne fait état d'aucune facturation à ce titre qui aurait ouvert droit à paiement, ni ne précise aucun client qui aurait été concerné de sorte que son affirmation est vaine; qu'au demeurant les sociétés Effigest font état de procédures engagées à l'encontre d'un certain nombre de clients pour recouvrer les sommes qui lui étaient; qu'elle ne peut en conséquence prétendre à un quelconque détournement de la société [D] ou de M. [H]; qu'elle ne saurait pour pallier sa carence probatoire en demandant à la cour d'ordonner une expertise.

Sur le parasitisme allégué

Considérant que les sociétés Effigest soutiennent que la société [D] et M. [H] ont commis des actes de parasitisme en ce qu'ils profité des investissements qu'elle a réalisés et que la sorte la société [D] a détourné de manière déloyale la clientèle de la société Effigest77, affirmant que les clients en litige n'étaient pas attachés à la personne de M. [H] en sa qualité de dirigeant de la société [D] mais à M. [H] en sa qualité de dirigeant de la société Effigest Seine-et-Marne.

Considérant que les sociétés Effigest font valoir qu'aucun contrat d'apport de clientèle n'a été régularisé entre les sociétés [D] et Effigest 77 exposant que M. [H] avait conservé quelques clients qu'il avait rachetés à son ancienne société au prix de 40 000€, et que, pour assurer la passation effective des dossiers clients, des lettres de mission leur avaient été adressées à en tête Effigest et non de la société [D] ; qu'elle expose que la société [D] n'avait ainsi aucune clientèle et que l'enregistrement comptable d'une sous traitance dont elle aurait bénéficié de la part de la société Effigest 77 n'a été qu'un habillage qui aurait été abandonné de manière radicale d'année en année; qu'elle ne conteste pas qu'il y a eu des rétrocessions de 426 845 € en 2009, puis de 261 640€ en 2010 et de 76 573€ en 2011.

Considérant que les sociétés Effigest font valoir que ces rétrocessions ne correspondent pas à de la sous-traitance et donc à un maintien d'une clientèle propre à la société [D] mais qu'elles auraient été une des modalités de rémunération de chacun des associés, M. [H] ne percevant pas de salaire alors qu'il assurait des fonctions de directeur de site ; que cette explication n'est pas cohérente avec la baisse significative entre 2009 et 2010 ; qu'il apparaît donc que l'explication ne peut être que celle de rétrocessions liées à l'existence d'une clientèle logée au sein de la société [D] ; que,si cette dernière n'avait alors aucun salarié, aucun local professionnel, il n'en demeure pas moins qu'elle pouvait avoir une clientèle du fait même des activités d'expert comptable de son dirigeant et faire assurer les prestations par la société Effigest 77 ; que cette dernière a accepté les paiements effectués par la société [D] et les a comptabilisés ; que le rachat par M. [H] lors de son départ de la société Sotraco d'une clientèle pour un montant de 40 000€, ne démontre pas que ce montant correspond à la totalité de la clientèle qui l'a alors suivi et qui a pu alors être logée au sein de la société [D], ce qui est conforté par la production des lettres de missions signées par les clients avec la société [D], peu importe que la société [D] n'ait pas réalisé elle-même les prestations; que, de plus, si les sociétés Effigest expliquent que le montant des rétrocessions dont la société Effigest 77 a bénéficié de la part de la société [D] a diminué, alors que dans le même temps le chiffre d'affaires de la société Effigest 77 a été multiplié par trois, le rapprochement de ces données laisse supposer que cette augmentation résulte simplement d'un transfert progressif des clients de M. [H] et de la société [D] et donc d'un abandon de la sous-traitance.

Considérant qu'il résulte de ces éléments que M. [O], gérant de la société Effigest 77 qui n'ignorait pas l'existence de la société [D], connaissait parfaitement l'intérêt de son existence au regard des liens développés par M. [H] avec des clients alors même qu'il avait exercé son activité pour la société Sotraco ; qu'il ne conteste pas avoir avec M. [H] procédé à un « habillage » comptable ce qui relève d'un montage organisé dans le cadre de la création de la société Effigest 77 ; qu'il ne peut dès lors arguer de sa méconnaissance de ces circonstances mettant en évidence que M.[H] a conservé des liens avec une clientèle qu'il avait développée avant son arrivée au sein de la société Effigest 77.

Considérant que, dans ses courriels, la société Effigest identifiait des clients [H], [H] ou [O] auxquels elle associait des niveaux de performance personnelle de sorte qu'elle ne peut pas soutenir l'absence de lien entre M. [H] et ceux-ci.

Considérant que peu importe l'ampleur des investissements de la société Effigest 77 et le fait qu'ils soient bien supérieurs à 40 000€, montant réglé à la société Sotraco mais dont il n'est pas démontré qu'il corresponde à la réalité de la clientèle apportée par M. [H] et qu'ils aient porté sur le préfinancement les locaux d'exploitation, la mise à disposition de la société Effigest 77 de son image de marque, de son réseau, de l'ensemble de ses outils informatiques et logiciels soit un ensemble de moyens matériels dont ne disposait pas la société [D] ; que, si M. [H] a pu ainsi bénéficier d'investissements matériels mis à sa disposition par la société Effigest, cette circonstance est inopérante dès lors que la clientèle restait libre de choisir son expert comptable et que les éléments précités démontrent qu'au moins une partie de celle-ci était attachée à M. [H] ; qu'il n'est pas démontré de manoeuvres qui auraient orienté quelque client que ce soit à quitter la société Effigest 77.

Considérant que, si M. [H] a, lors de sa démission proposé une issue amiable au litige en offrant une somme de 150.000 euros au titre de certains clients, celle-ci ne vaut pas reconnaissance d'une quelconque responsabilité; qu'au surplus il s'agissait d'une offre de règlement global puisqu'elle portait également sur la vente des titres Effigest Seine-et-Marne et celle des titres de la SCI [Adresse 6]; que la société Effigest Seine-et-Marne ayant décliné l'offre, rien n'interdisait à ces clients de suivre spontanément un expert-comptable et ce, même sans contrepartie financière.

Considérant, en conséquence, que c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté les société Effigest de leurs demandes au titre d'actes de parasitisme.

Sur les demandes reconventionnelles de M.[H] et de la société [D]

Considérant que M. [H] et de la société [D] soutiennent qu'en exerçant une action en concurrence déloyale, les sociétés appelantes ont eu pour seul objectif de leur nuire ; qu'ils font état de dénigrement et de menaces leur ayant causé un préjudice moral et d'image.

Considérant que toutefois ils ne caractérisent pas les agissements allégués ; que c'est donc à bon droit qu'ils ont été déboutés de leur demandes.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que la société [D] et M. [H] ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges,

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a condamné solidairement la société  [D] et M. [Z] [S] [H] à payer à la société Effigest Seine et Marne, la somme de 200.000 euros,

Et statuant à nouveau,

DEBOUTE les sociétés Effigest Seine et Marne et Effigest de leurs demandes indemnitaires,

REJETTE toute autre demande, fin ou conclusion plus ample ou contraire,

CONDAMNE in solidum les sociétés Effigest Seine et Marne et Effigest au paiement à la société [D] et à M. [O] [H] d'une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

CONDAMNE in solidum les sociétés Effigest Seine et Marne et Effigest aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 14/00850
Date de la décision : 15/04/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°14/00850 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-15;14.00850 ?
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