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07/04/2016 | FRANCE | N°15/03760

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 07 avril 2016, 15/03760


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 07 Avril 2016

(n° 309 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/03760



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Mars 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 12/08309





APPELANT

Monsieur [S] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] ([Localité

1])

comparant en personne, assisté de Me France BUREAU POUSSON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0777



INTIMEES

SA ALTEN

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par Me Adeline LARVA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 07 Avril 2016

(n° 309 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/03760

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Mars 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 12/08309

APPELANT

Monsieur [S] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] ([Localité 1])

comparant en personne, assisté de Me France BUREAU POUSSON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0777

INTIMEES

SA ALTEN

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par Me Adeline LARVARON, avocat au barreau de PARIS, toque : L0081

SA SAGEM DEFENSE SECURITE

[Adresse 5]

[Adresse 6]

représentée par Me Nicolas CAPILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1308

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Février 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère faisant fonction de présidente

M. Mourad CHENAF, Conseiller

Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, greffier présent lors du prononcé.

Faits et procédure

M. [S] [I] a été employé par la société Alten à compter du 6 octobre 2008 en qualité d'ingénieur d'études par contrat à durée indéterminée. Il a été affecté en mission chez un client de la société Alten, la société Sagem Défense Sécurité.

Par courrier en date du 26 octobre 2011, M. [I] a adressé à la société Alten sa démission, laquelle, dans son courrier en réponse du 28 octobre suivant, en a pris acte, en rappelant à son salarié qu'en raison de la durée du préavis de 3 mois, la relation de travail prendrait fin le 27 janvier 2012.

L'entreprise compte plus de 11 salariés.

La relation de travail est régie par les dispositions de la convention collective Syntec.

Formant contre les deux sociétés en cause, un ensemble de demandes relatives à l'exécution du contrat de travail, le 21 novembre 2011, M. [I] a saisi le conseil des Prud'[Localité 2] de [Localité 3], lequel se déclarant incompétent a renvoyé l'affaire devant le conseil des Prud'[Localité 2] de [Localité 4].

Statuant en sa formation de départage, le conseil des Prud'[Localité 2] a débouté M. [I] de toutes ses demandes, ainsi que les deux sociétés en cause, et l'a condamné aux dépens.

M. [I] a fait appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation. Il demande à la cour de reconnaître l'existence d'une relation de travail très intégrée au sein de la société Sagem Défense Sécurité. Il sollicite la condamnation, avec les intérêts au taux légal capitalisés :

A titre principal :

- de la société Alten à lui payer les sommes suivantes :

* 64 335,05 € à titre de 'rappel de salaire forfaitaire'

* 6 433,50 € au titre des congés payés afférents

A titre subsidiaire :

* 11 990,80 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires (d'octobre 2008 à octobre 2011)

* 1 199,08 € au titre des congés payés afférents

* 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail

* 1 335,76 € au titre des frais professionnels

* 3 000 € à titre de primes de vacances

* 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- de la société Alten solidairement avec la société Sagem Défense Sécurité à lui payer la somme de 15 900 € à titre d'indemnité forfaitaire prévue à l'article L8223-1 du code du travail.

La société Alten Sa conclut à la confirmation du jugement déféré, en conséquence, au débouté de M. [I] et à sa condamnation à lui payer la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Sagem Défense Sécurité conclut à la confirmation du jugement déféré, en conséquence, au débouté de M. [I] et à sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 18 février 2016, reprises et complétées à l'audience.

Motivation

- Sur la demande de 'rappel de salaire forfaitaire'

M. [I] forme cette demande sans en préciser le fondement juridique et paradoxalement alors que sa rémunération mensuelle présente un caractère forfaitaire. Il convient de constater qu'au moyen de cette demande, le salarié conteste, en réalité, le montant même de sa rémunération, pourtant fixée par les parties, dans son contrat de travail, qui est la loi des parties. M. [I] ne peut donc qu'être débouté de sa demande de ce chef.

- Sur la demande de paiement des heures supplémentaires

Il n'est pas sérieusement contesté que M. [I] , relevant de la convention Syntec et d'un contrat de travail qui n'établit pas de convention de forfait, n'était pas assujetti à une telle convention.

En application de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En outre, l'absence d'autorisation préalable des heures supplémentaires n'exclut pas en soi un accord tacite de l'employeur.

M. [I] qui soutient avoir travaillé au-delà de la durée légale du travail, produit aux débats un tableau récapitulatif du nombre de jours travaillés d'octobre 2008 à janvier 2012, ainsi que de nombreux documents internes à l'entreprise, des comptes-rendus de réunions du comité central d'entreprise, ainsi qu'une attestation de M. [X], collègue ingénieur.

Il ressort de ces éléments que M. [I] a travaillé sur le projet SLPRM, d'octobre 2008 à octobre 2011, qui a conduit la société Sagem à affecter pour sa réalisation des ingénieurs, aussi bien des salariés parmi les siens que parmi le personnel externe et d'organiser le temps de travail de manière décalée au moins sur la période du 19 février au 3 mars 2010 en établissant du travail la nuit et le samedi. Selon son compte-rendu, la réunion extraordinaire du comité d'établissement du 25 février 2010, évoque les compensations accordées au personnel interne de l'entreprise Sagem, en contrepartie des efforts qu'il consent ainsi, tandis que l'employeur, interrogé sur ce point, précise que les équipes extérieures sont 'au forfait', ce dont il se déduit qu'elles ne bénéficient pas de ces compensations. M. [X] témoigne, en outre, que M. [I] travaillait au-delà de 35 heures hebdomadaires comme tous les ingénieurs, y compris ceux étant salariés de la société Sagem.

Il résulte de ces éléments que M. [I] étaye sa demande d'heures supplémentaires.

L'employeur, qui conteste le bien fondé de cette demande oppose notamment au salarié le fait que, remettant chaque mois des rapports d'activité, il n'a jamais mentionné, dans la rubrique réservée aux observations, qu'il effectuait des heures supplémentaires.

Toutefois, il convient de constater que les comptes-rendus d'activité établis en nombre de jours travaillés ne donnent pas l'occasion au salarié de préciser son temps travaillé en heures, ce sans qu'il puisse lui en être fait le grief.

De la même manière, le seul fait pour l'employeur de se borner, en réponse, à rappeler à son salarié dans un courrier du 29 novembre 2011, la nécessité d'obtenir son autorisation pour effectuer des heures supplémentaires, est inopérant.

En effet, au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, il apparaît que pour les besoins de son activité professionnelle induits par la réalisation du projet SLPRM sur lequel il a travaillé depuis l'origine de son affectation, M. [I] a effectué des heures supplémentaires non rémunérées, avec l'accord implicite de son employeur, lequel accord se déduit de ce que celui-ci facture ses prestations à la société Sagem, en jours travaillés/salariés, et non en heures, ainsi que l'affirme le salarié, sans être contredit par les sociétés intimées, et en vertu de quoi, il apparaît que la Sa Alten s'est dispensée de s'interroger sur la réalité d'heures supplémentaires effectuées par M. [I]

A défaut d'éléments fiables produits par l'employeur sur l'évaluation du temps de travail effectué par M. [I] , il convient de retenir le nombre de 549,08 heures supplémentaires effectuées par M. [I] sur la période en cause, allant du mois d'octobre 2008 à octobre 2011, ce qui correspond à la somme de 11 990,80 € outre 1 199,08 € au titre des congés payés afférents.

- Sur le travail dissimulé

En application de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour l'employeur, soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L1221-10 du code du travail relatif à la déclaration préalable d'embauche, soit de se soustraire intentionnellement à la formalité prévue à l'article L 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli. L'article L 8223-1 du code du travail sanctionne le travail dissimulé, 'd'une indemnité forfaitaire allouée au salarié égale à 6 mois de salaire, à moins que l'application d'autres règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduise à une solution plus favorable'.

Il ressort des débats que par le système de décompte du temps de travail, en jours, qui est à la base de l'évaluation du coût des prestations fournies par la société Alten à la société Sagem, la Sa Alten s'est dispensée de connaître le temps de travail effectivement réalisé par son salarié.

En l'absence de tout moyen fiable permettant de décompter le temps de travail réellement effectuer par le salarié mis à disposition, il apparaît que l'employeur, qui ne saurait ignorer les exigences des projets à réaliser, a volontairement méconnu la réalité des heures supplémentaires effectuées par M. [I], ne les a pas rémunérées et, ce faisant, a sciemment eu recours au travail dissimulé.

Il convient donc de condamner la société Alten à payer à M. [I] la somme de 15 900 € à titre d'indemnité forfaitaire, en application du texte précité.

M. [I] ne peut, en revanche, qu'être débouté de cette demande à l'égard de la société Sagem dont il ne prétend pas même qu'elle est son employeur.

- Sur l'exécution fautive du contrat de travail et son exécution déloyale

M. [I], qui, par ailleurs, ne démontre pas la mauvaise foi de son employeur dans l'exécution du contrat de travail , ne peut qu'être débouté de sa demande de ce chef.

- Sur le remboursement des frais professionnels

Selon l'article 12 du contrat de travail, 'le remboursement des frais engagés ne pourra se faire que sur présentation et validation d'une fihe mensuelle de frais et des justificatifs afférents'.

M. [I] qui formule une demande à ce titre à hauteur de 1 335,76 €, sans précision et sans justificatifs , ne peut qu'être débouté de sa demande de ce chef.

- Sur la prime de vacances

Il convient de constater que l'article 31 de la convention collective applicable, invoqué par la Sa Alten, qui prévoit l'allocation d'une prime de vacances, autorise l'employeur à y substituer toutes primes ou gratifications versées en cours d'année à divers titres dès lors qu'elles sont supérieures à 10 % de la masse globales des indemnités de congés payés de l'ensemble des salariés et qu'elle soit versée pendant la période allant du 1er mai au 31 octobre, ce qui n'est pas le cas, en l'espèce, de la prime de motivation prévue à l'article 5 du contrat de travail, qui représente 12 % du salaire mensuel de base du salarié, au besoin proratisé, et qui est versée en deux parts égales de 6 % aux mois de juin et de décembre, à la condition, au surplus que le salarié soit présent dans l'entreprise au moment de sa distribution.

Il s'ensuit que la demande de M. [I] est fondée et, au vu des éléments produits aux débats il y a lieu d'évaluer à la somme de 3 000 €, la prime de vacances due au salarié.

- Sur le prêt de main d'oeuvre illicite

En application de les articles L8231-1 et L8241-1 du code du travail, 'toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d'oeuvre est interdite' sauf dans le cadre du travail temporaire, du portage salarial, notamment.

Pour que soit admise la réalité d'un contrat de sous-traitance, la convention passée doit comporter l'exécution d'une tâche nettement définie rémunérée de façon forfaitaire ainsi que le maintien de l'autorité du sous-traitant sur son personnel, auquel il verse son salaire et dont il assure l'encadrement, la discipline et la sécurité.

Dès lors qu'il a constaté qu'un travailleur a été employé pour les besoins de l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice, en sorte que le contrat la liant à celle-ci relevait du droit commun et notamment des dispositions interdisant le prêt de main d'oeuvre à but lucratif, le juge ne saurait le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour marchandage intentée contre l'entreprise utilisatrice, sans rechercher si sa mise à disposition réalisait une opération de fourniture de main d'oeuvre procurant à celle-ci des facilités et des économies dans la gestion du personnel.

En l'espèce, le seul fait pour la société Alten d'avoir mis à disposition de la société Sagem M. [I] pour la réalisation d'un projet particulier, même pour une durée de quelques années, ne suffit pas à la cour pour conclure au prêt de main d'oeuvre illicite, alors, au surplus, que les éléments produits aux débats montrent, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par les parties, que le salarié était en lien de subordination avec la seule Sa Alten.

Il convient donc de débouter M. [I] de sa demande de ce chef.

Par ces motifs, la cour,

- confirme le jugement déféré, sauf en ce qui concerne ses dispositions relatives aux heures supplémentaires, au travail dissimulé et à la prime de vacances

Statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant :

- condamne la Sa Alten à payer à M. [S] [I] les sommes suivantes :

* 11 990,80 € à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires

* 1 199,08 € au titre des congés payés afférents

* 3 000 € au titre de la prime de vacances

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de la réception par la Sa Alten de sa convocation devant le bureau de conciliation

* 15 900 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision

- condamne la Sa Alten aux dépens de première instance et d'appel

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la Sa Alten à payer à M. [I] la somme de 2 500 €

- déboute les sociétés intimées de leur demande de ce chef.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 15/03760
Date de la décision : 07/04/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°15/03760 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-07;15.03760 ?
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