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07/04/2016 | FRANCE | N°13/07547

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 07 avril 2016, 13/07547


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 07 avril 2016

(n° 305 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/07547



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Juillet 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/04354





APPELANT

Monsieur [R] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1953 à ALGERIE

comparant en perso

nne, assisté de Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136



INTIMEE

SA EUTELSAT

[Adresse 2]

[Localité 1]

N° SIRET : 422 551 176

représentée par Me Julie FERRAR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 07 avril 2016

(n° 305 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/07547

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Juillet 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/04354

APPELANT

Monsieur [R] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1953 à ALGERIE

comparant en personne, assisté de Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136

INTIMEE

SA EUTELSAT

[Adresse 2]

[Localité 1]

N° SIRET : 422 551 176

représentée par Me Julie FERRARI, avocat au barreau de PARIS, toque : G0190

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Février 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-présidente placée, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère faisant fonction de Présidente

M. Mourad CHENAF, conseiller

Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-Présidente placée

Greffier : Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, greffier présent lors du prononcé.

Faits et procédure :

Monsieur [R] [Y] a été engagé par l'organisation intergouvernementale EUTELSAT par un contrat à durée indéterminée à compter du 27 octobre 1994, en qualité de responsable service organisation et support technique. Son contrat de travail a été transféré à la SA EUTELSAT France en date du 02 juillet 2001. Sa rémunération mensuelle brute s'est établie en dernier lieu à 7013 euros.

Convoqué le 08 février 2012 à un entretien préalable fixé le 21 février 2012, Monsieur [Y] a été licencié le 24 février 2012 pour faute grave.

L'entreprise compte plus de 10 salariés.

La relation de travail est régie par la convention collective des Télécommunications.

Contestant son licenciement, Monsieur [Y] a saisi le Conseil de Prud'hommes de PARIS d'une demande tendant en dernier lieu à dire son licenciement nul et à voir condamner la Société EUTELSAT à lui payer diverses indemnités.

Par décision en date du 25 juillet 2013, le Conseil de Prud'hommes a débouté Monsieur [Y] de ses demandes.

Monsieur [Y] a interjeté appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation. Il demande à la Cour de juger son licenciement « nul sans cause réelle et sérieuse » et de condamner la société à lui payer les sommes suivantes, augmentées des intérêts au taux légal

-28 052 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (28956 euros dans le corps des écritures),

-2805 euros à titre des congés payés afférents (2895 euros dans le corps des écritures),

-84 156 euros à titre d'indemnité de licenciement,

-253 000 euros à titre de dommages et intérêts pour « licenciement nul sans cause réelle et sérieuse ».

Monsieur [Y] sollicite également la condamnation de la SA EUTELSAT au paiement de la somme de 6000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'employeur conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de Monsieur [Y] au paiement de la somme de 6500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 09 février 2016, reprises et complétées à l'audience.

MOTIVATION,

Sur la nullité du licenciement :

Rappelant qu'il a été victime d'un accident du travail le 13 février 2012, placé en arrêt de travail du 13 février 2012 au 20 février 2012 et qu'il a repris son travail sans visite médicale de reprise le 21 février 2012, Monsieur [Y] sollicite que soit prononcée la nullité de son licenciement.

L'employeur soutient que Monsieur [Y] ne relève pas des dispositions de l'article R 4624-21 du Code du Travail dans sa rédaction applicable à la relation de travail, ayant été en arrêt de travail moins de 08 jours, du 13 février au 20 février 2012.

Il convient de rappeler que les dispositions de l'article R 4624-21 du Code du Travail, qui sont celles antérieures au décret n° 2012-135 en date du 30 janvier 2012 entré en vigueur le 01 juillet 2012, prévoient que « le salarié bénéficie d'un examen de reprise de travail par le médecin du travail ['] après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail ».

Il ressort des pièces produites, et notamment du certificat médical initial en date du 13 février 2012, que Monsieur [Y] a été placé en arrêt de travail jusqu'au 20 février 2012 en raison d'un accident de travail. Le simple décompte des jours compris entre le 13 février et le 20 février, chacun des jours étant compté, conduit à un arrêt de travail de huit jours qui entre donc dans les prescriptions légales susvisées.

Dès lors, faute d'examen de reprise de travail organisée, le contrat de travail de Monsieur [Y] était toujours suspendu à la date de sa rupture et cette dernière relève donc des dispositions des articles L 1226-9 et L 1226-13 du Code du Travail, devant être fondée soit sur une faute grave de l'intéressé, soit l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie, étant rappelé que tout rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions est nulle.

Il s'ensuit qu'il convient désormais d'examiner la faute grave alléguée par l'employeur au soutien du licenciement de Monsieur [Y].

En application de l'article L 1232-6 du Code du Travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La lettre de licenciement en date du 24 février 2012 fait référence au témoignage reçu de la part de Madame [L], salariée de l'entreprise placée sous la responsabilité hiérarchique de Monsieur [Y] et qui a rédigé « une attestation de 08 pages ['] dans laquelle elle dénonçait des faits particulièrement graves » concernant son supérieur hiérarchique.

L'employeur indique que la salariée dénonce des faits de harcèlement sexuel qui ont débuté lorsqu'elle a voulu mettre un terme à leur liaison amoureuse en octobre 2011. Il reprend les termes de l'attestation, affirmant que Monsieur [Y] a essayé de l'embrasser et l'a menacée de lui faire perdre son emploi et a mis en place « un subtil manège alternant menaces, pressions physiques et abus de pouvoir. »

L'employeur indique également que Monsieur [Y] trouvait systématiquement un prétexte professionnel pour la contraindre à dépasser ses horaires. Il décrit également l'état « de détresse incommensurable » de Madame [L], sa « peur » au retour de congés de Monsieur [Y] le 05 décembre 2011. La Société EUTELSAT, après avoir recopié le dernier paragraphe de l'attestation de Madame [L] dans la lettre de licenciement, conclut ainsi : « votre comportement à l'égard de Madame [L] est inacceptable et ne saurait être justifié par les qualités professionnelles qui pourraient vous être reconnues par ailleurs. Ce comportement ne permet pas votre maintien dans l'entreprise, y compris le temps d'un préavis.; Nous sommes donc contraint de vous notifier votre licenciement pour faute grave. »

Monsieur [Y] indique que les faits retenus au soutien de son licenciement sont prescrits, l'employeur en ayant eu connaissance plus de deux mois avant la convocation à l'entretien préalable.

Il conteste les faits tels que décrits par Madame [L] et repris dans leur intégralité dans la lettre de licenciement. Il réfute tout agissement de nature à caractériser des faits de harcèlement et les allégations reprises dans la lettre.

Sur la prescription des faits alléguée par Monsieur [Y] :

Monsieur [Y] explique qu'il a été reçu dès le 05 décembre 2011, à son retour de congés, suite aux faits dénoncés par Madame [L]. Il précise également que cette dernière avait été reçue le 28 novembre 2011 par Madame [V], responsable RH. Il soulève donc la prescription des faits visés dans le cadre de son licenciement, la convocation à l'entretien préalable datant du 08 février 2012.

L'employeur soutient n'avoir eu connaissance de l'étendue des faits reprochés qu' à compter du 25 janvier 2012, date de l'attestation rédigée par Madame [L]. Il soutient que l'initiative de recevoir Madame [L] en entretien dès le 28 novembre 2011 est une initiative personnelle de la responsable des ressources humaines de l'entreprise et que cet entretien, donnant lieu à un changement de poste, n'avait pas permis de mesurer la gravité des agissements reprochés et de connaître la nature et l'ampleur des faits allégués.

Il ressort des pièces versées aux débats que Madame [L] a été placée en arrêt maladie plus de 21 jours et qu'elle a donc été reçue par la médecine du travail dans le cadre d'un examen de reprise. Il a été mentionné dans le cadre de cet avis médical « orientation souhaitable vers un autre poste similaire dès que possible dans autre service ».

Il ressort de l'attestation émanant de Madame [V], adjointe au Directeur des ressources humaines, qu'elle a reçu Madame [L] le 28 novembre 2011, à la suite cet avis. La salariée lui a alors indiqué que «le problème étant Monsieur [Y] » et a dénoncé, dans ce cadre, certains agissements de son supérieur hiérarchique, évoquant une situation qui s'est dégradée lors de la rupture en octobre 2011, des humiliations et des stratagèmes à compter de cette date.

Il ressort de cette même attestation que le changement de service de Madame [L] a été immédiatement organisé, comme un entretien avec Monsieur [Y] à son retour de congés payés le 05 décembre 2011.

Il ressort toutefois d'un premier mail, en date du 13 décembre 2011, et de son attestation longue et précise du 25 janvier 2012 que Madame [L] a entendu préciser que les faits dénoncés relevaient plus du « harcèlement sexuel » que du harcèlement moral.

Dès lors, c'est à bon droit que la SA EUTELSAT explique qu'elle n'a été en mesure d'apprécier utilement la gravité des agissements dénoncés et l'éventuelle sanction à prononcer qu'à compter de cette attestation circonstanciée et écrite, sauf à manquer de précaution dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire, et ce nonobstant l'entrevue avec Monsieur [Y] le 05 décembre 2011.

Il s'ensuit que les faits allégués dans la lettre de licenciement ne sont pas prescrits. Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la faute grave :

La faute grave est définie comme un manquement du salarié à ses obligations tel que la rupture immédiate du contrat est justifiée. Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu'il invoque. Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables.

En application de l'article L 1232-6 du Code du Travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

Il ressort des pièces du dossier qu'il a existé une relation amoureuse consentie entre Monsieur [Y] et Madame [L] jusqu'au début du mois d'octobre 2011.

Il est également établi que Monsieur [Y] a été en congés à compter du 28 octobre 2011 jusqu'au 05 décembre 2011 et qu'à son retour dans l'entreprise, le changement effectif de service de Madame [L] était en cours.

Plusieurs griefs sont retenus à l'encontre de Monsieur [Y], constitutifs de faits de harcèlement à l'égard d'une salariée appartenant au service qu'il dirige : une tentative de baiser, des pressions récurrentes et des humiliations.

La lettre de licenciement repose essentiellement sur les faits dénoncés par Madame [L], confirmés par son attestation détaillée et précise en date du 25 janvier 2012.

Ces éléments sont en outre corroborés par les attestations que la salariée verse aux débats, dans la limite de ce que les autres salariés pouvaient constater en raison de la nature des agissements dénoncés et du caractère secret de la relation passée. Ces détails rapportés par d'autres salariés viennent étayer les affirmations de Madame [L]. La concordance de ces témoignages avec l'attestation de la salariée rend donc celle-ci crédible.

Il s'ensuit que la constance des déclarations de Madame [L], notamment dans sa dénonciation d'une tentative de baiser de la part de Monsieur [Y] après la rupture, n'a pas lieu d'être remise en cause par la seule dénégation de Monsieur [Y].

Il résulte donc de ces éléments que Monsieur [Y], supérieur hiérarchique de madame [L], a bien tenté de l'embrasser au cours du mois d'octobre 2011 comme elle le dénonce.

Concernant la réunion du 21 octobre 2011, Madame [L] fournit une description précise du comportement de Monsieur [Y] à son égard, qui n'a eu de cesse de la mettre en difficulté au cours de cette réunion, ce que ne saurait venir démentir la seule attestation de Monsieur [D] qui vient rédiger en septembre 2014, soit 03 ans plus tard, une attestation contraire venant affirmer « la réunion s'était bien passée ». De plus, la description faite par Madame [L] est corroborée par son état psychologique à la sortie de la réunion, constaté par d'autres salariés qui mentionnent « C. [L] était éprouvée et en pleurs ».

S'agissant des dépassements d'horaires allégués par Madame [L] à compter de la fin de la relation amoureuse, la salariée produit un relevé horaire établi à partir de l'utilisation de son badge qui corrobore ses affirmations. Ces dépassements d'horaires, qui font suite à la rupture amoureuse, ont participé des pressions dénoncées par la salariée.

Il convient, en outre, de rappeler que Monsieur [Y] était le supérieur hiérarchique de Madame [L], qu'il était présent dans l'entreprise depuis de nombreuses années alors qu'elle n'est salariée que depuis 05 ans au moment des faits dénoncés, cette subordination devant également être mesurée à l'aune de la différence d'âge des protagonistes et de leurs personnalités respectives, le handicap de Madame [L] et sa propre mésestime n'étant pas contestés.

Enfin, la dégradation de l'état psychologique de Madame [L] est établie par les pièces produites aux débats et qui ne sont pas sérieusement contestés.

Ainsi, c'est à bon droit que la SAS EUTELSAT a analysés les agissements dénoncés par Madame [L] comme constitutif d'un harcèlement justifiant de mettre fin immédiatement à la relation de travail existant avec Monsieur [Y].

Constitutifs d'une faute grave, ces agissements excluent la protection du salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d'un accident de travail.

Dès lors, il ne peut qu'être conclu que le licenciement de Monsieur [Y] repose sur une faute grave et qu'il n'est donc pas entaché de nullité. Le jugement est confirmé.

Par conséquent, Monsieur [Y] est débouté de l'ensemble de ses demandes à ce titre.Le jugement est confirmé.

L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et de condamner la Monsieur [Y] au paiement de la somme de 1000 euros.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

CONDAMNE Monsieur [Y] aux entiers dépens.

CONDAMNE Monsieur [Y] au paiement de la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.


DEBOUTE Monsieur [Y] de sa demande de ce chef.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 13/07547
Date de la décision : 07/04/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°13/07547 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-07;13.07547 ?
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