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22/03/2016 | FRANCE | N°15/04539

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 22 mars 2016, 15/04539


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5



ARRET DU 22 MARS 2016



(n° 2016/ 128, 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04539



Décision déférée à la Cour : sur renvoi après cassation par Arrêt de la Cour de Cassation du 04 Septembre 2014 ayant cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'appel de PARIS du 26 mars 2013 (RG n° 11/09404) sur appel d'un jugement du trib

unal de Grande Instance de PARIS du 7 avril 2011 (RG n° 08/13615)





APPELANTS



Madame [Y] [M]

née le [Date naissance 2] 1943 à [Localité 2]
...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRET DU 22 MARS 2016

(n° 2016/ 128, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04539

Décision déférée à la Cour : sur renvoi après cassation par Arrêt de la Cour de Cassation du 04 Septembre 2014 ayant cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'appel de PARIS du 26 mars 2013 (RG n° 11/09404) sur appel d'un jugement du tribunal de Grande Instance de PARIS du 7 avril 2011 (RG n° 08/13615)

APPELANTS

Madame [Y] [M]

née le [Date naissance 2] 1943 à [Localité 2]

[Adresse 8]

[Adresse 6]

Madame [N] [M]

née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1]

[Adresse 8]

[Adresse 6]

Madame [J] [M]

née le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Adresse 3]

Monsieur [L] [M]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 5]

Représentés et assistés par Me Eric PLOUVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1809

INTIMÉE

La société LUXLIFE inscrite au RCS LUXEMBOURG sous le n° B 41013, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Adresse 7]

Représentée et assistée par Me Philippe MAMMAR, avocat au barreau de PARIS, toque : B1160

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Février 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre, et Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère entendue en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre

Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère

Madame OPPELT-REVENEAU, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère, substituant Madame Catherine LE FRANCOIS présidente empêchée et par Madame [J] BAJAZET, greffier présent lors du prononcé.

'''''

Le 24 mai 1993, Mme [V] [C] a souscrit auprès de la société de droit luxembourgeois LUXLIFE, par l'intermédiaire de la société de courtage ASSURANCE PLUS représentée par sa gérante Mme [D] [X], un contrat d'assurance vie n° 200010521001 sur lequel elle procédait à un versement de 400 000 francs, les versements ultérieurs portant le capital investi à la somme de 1 468 642 francs (223 893€), à la fin de l'année 1998. Il a ensuite été enregistré, entre le 22 décembre 1998 et le 20 juillet 2000, dix huit rachats partiels pour un montant cumulé de 1 560 000 francs.

Après modification de la clause initiale par Mme [V] [C], le contrat stipulait qu'en cas de décès avant le terme, l'épargne constituée serait versée pour moitié à sa petite-fille [N] [M], et pour l'autre moitié à sa fille [Y] [M] et à ses autres petits-enfants, [J] et [L] [M]. Une nouvelle modification de la clause bénéficiaire est intervenue, le 20 juillet 2000, au profit de Mme [B], femme de ménage de Mme [V] [C] depuis de nombreuses années.

Mme [V] [C] est décédée le [Date décès 1] 2000 et Mme [B] a perçu le capital décès (149 990 francs soit 22 870€), le 18 avril 2001.

Mmes [Y], [N] et [J] [M] et M [L] [M] ont demandé des informations à la SA LUXLIFE qui leur a répondu que leurs noms n'apparaissaient pas dans les fichiers de la société en tant que bénéficiaires. Mme [Y] [M] a alors interrogé Mme [X], gérante de la société ASSURANCE PLUS, qui l'a d'abord renvoyée vers la SA LUXLIFE pour les informer ensuite qu'il y avait eu un changement de bénéficiaire et qu'aucun membre de la famille ne figurait en cette qualité au contrat d'assurance.

Le 19 février 2001, les consorts [M] ont déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Marseille. Mme [X] a été renvoyée devant le tribunal correctionnel de Marseille et condamnée par cette juridiction, le 27 mars 2009 pour faux, altération frauduleuse de la vérité dans un écrit, usage de faux en écritures, contrefaçon ou falsification de chèques, usage de chèques contrefaits ou falsifiés et escroquerie, les faits incriminés se rapportant aux rachats partiels réalisés sur le contrat d'assurance vie de Mme [V] [C] entre le 22 décembre 1998 et le 20 juillet 2000. Par un jugement du 29 octobre 2009, le tribunal correctionnel de Marseille a condamné Mme [X] à indemniser les préjudices subis par les consorts [M] pour la somme totale de 237 820€, augmentée de l'intérêt légal.

Estimant que la SA LUXLIFE s'était rendue coupable de négligences fautives engageant sa responsabilité contractuelle, les consorts [M] l'ont, par acte du 24 juillet 2008, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris. Par jugement en date du 7 avril 2011, le tribunal a déclaré leur action irrecevable au motif que l'assignation avait été délivrée après l'expiration du délai de prescription biennale prévu par l'article L. 114-1 du code des assurances.

Sur appel des consorts [M], la cour d'appel de ce siège a, par arrêt du 26 mars 2013, confirmé le jugement déféré (les appelants admettant que leur action était prescrite sur le fondement contractuel) et y ajoutant, a déclaré les consorts [M] irrecevables à agir à l'encontre de la SA LUXLIFE sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil.

Par un arrêt du 4 septembre 2014, la 2ème chambre de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt sus-mentionné et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée. La cour a été saisie par les consorts [M], le 25 février 2015.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 12 février 2016, les consorts [M] demandent à la cour,

- à titre principal, sur le fondement du principe 'fraus omnia corrompit',

qu'elle infirme le jugement déféré, qu'elle leur déclare inopposable la modification de la clause bénéficiaire au profit de Mme [B] et condamne la SA LUXLIFE au paiement, au titre de l'exécution frauduleuse de la clause bénéficiaire, de la somme de 15.430,46€ à [N] [M] et de celle de 5.143,50€ chacun à [Y], [J] et [L] [M] ; et au titre des manquements contractuels lors de l'exécution des rachats partiels, de la somme de 180.981,77€ à [N] et de celle de 60.327,26€ chacun à [Y], [J], et [L] [M] outre, afin d'indemniser leur préjudice moral, une somme de 15.000€ à [N] [M] et celle de 5000€ chacun à [Y], [J], et [L] [M]; et celle de 8000€ à [N] [M] et 6000€ chacun à [Y], [J], et [L] [M] pour résistance abusive.

- à titre subsidiaire, la condamnation de la SA LUXLIFE au paiement des dites sommes sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

- en tout état de cause, la condamnation de la SA LUXLIFE au paiement d'une indemnité de procédure de 30 000€.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 février 2016, la SA LUXLIFE demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action des consorts [M] sur le fondement contractuel, irrecevable comme prescrite et de déclarer irrecevable et à défaut mal fondée, l'action des consorts [M] fondée sur l'adage fraus omnia corrompit. Elle soutient également que les consorts [M] sont dénués d'intérêt et mal fondés à agir sur le fondement quasi-delictuel.

A titre subsidiaire, elle nie tout lien de causalité entre dommages et faute et très subsidiairement, au constat que le préjudice réparable ne peut constituer qu'en une perte de chance, elle conclut au rejet des demandes ou à tout le moins, à leur rejet en ce qu'elles excédent la somme de 276.159,92€ hors intérêts. En tout état de cause, elle soutient le rejet des prétentions des appelants au titre du préjudice moral et leur condamnation au paiement d'une somme de 30.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 février 2016.

SUR CE, LA COUR

Considérant que les consorts [M] ont saisi le tribunal de grande instance d'une action contractuelle, en leur qualité d'héritiers de Mme [V] [C], action qui a été déclarée irrecevable sur le fondement de l'article L 114-1 du code des assurances ; qu'ils ne discutent plus de la recevabilité de leur action ainsi fondée, disant désormais agir, en leur nom personnel, sur le fondement de la fraude et des articles 1382 et 1383 du code civil ; que dès lors le jugement déféré, qui a fait une exacte application des dispositions précitées au vu des éléments de fait qui lui ont été présentés, doit être confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que les consorts [M] soutiennent en premier lieu, au visa de l'adage 'fraus omnia corrompit' que la dernière modification de la clause bénéficiaire ne leur est pas opposable et que, dès lors, ils demeurent les réels bénéficiaires du contrat et en cette qualité, ils sont fondés à exiger tant le versement du capital constitué au moment du dénouement du contrat que le remboursement des rachats partiels, l'absence d'information de la défunte sur le montant de son épargne à compter de 1995 comme le défaut de vigilance de la SA LUXLIFE ayant facilité les détournements dont ils ont été victimes ;

Qu'ils reprochent à la SA LUXLIFE d'avoir, alors qu'elle avait conscience et pouvait avoir la certitude que la signature de la lettre du 27 juillet 2000 n'était pas de la main de Mme [V] [C], validé cette clause et procédé au versement du capital à Mme [B] en avril 2001 afin d'éluder les règles de la responsabilité civile ; que l'intimée insiste sur l'absence de contestation par les appelants de la validité de la clause bénéficiaire désignant Mme [B] et l'obligation pour elle d'exécuter la clause litigieuse, devenue irrévocable par son acceptation par la bénéficiaire ; qu'elle relève le caractère subsidiaire de l'action ainsi fondée ainsi que l'absence de faute, de mauvaise foi ou d'intention de nuire de sa part ;

Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que :

- par un courrier du 20 juillet 2000 signé de Mme [V] [C] et évoquant un entretien téléphonique dont ni la date ni la teneur ne sont précisées, celle-ci demandait que lui soit adressés la situation de son compte ainsi que le détail des bénéficiaires mentionnés au contrat et aux avenants ; une note de synthèse d'un entretien téléphonique du 4 juillet 2007 fait état d'un 'dossier à étudier, nombreux retraits depuis le 15 décembre 1998" ;

- par un courrier du 27 juillet 2000, dont Mme [X] a admis au cours de l'instruction pénale, qu'elle avait 'aidé' Mme [V] [C] à le signer, celle-ci demandait à l'assureur de ne tenir aucun compte des courriers écrits pour son compte, de faire transiter son courrier par son courtier et modifiait la clause bénéficiaire du contrat du 24 mai 1993 afin de gratifier Mme [B] ;

- au regard de la teneur du réquisitoire définitif et de la décision du tribunal correctionnel de Marseille du 27 mars 2009 qui n'évoquent aucun non-lieu partiel, le juge d'instruction puis le tribunal n'ont jamais été saisi par les consorts [M] ou par le ministère public d'une prévention en rapport avec la fausseté de la signature du courrier du 27 juillet 2000 ;

- le 10 août 2000, la SA LUXLIFE recevait une nouvelle demande de rachat partiel, qui ne sera pas exécuté ;

- selon les notes manuscrites saisies au cours de la procédure pénale dans les locaux de la SA LUXLIFE, celle-ci a tenté de joindre Mme [V] [C] afin d'éclaircir la situation sur les trois points évoqués dans son courrier du 27 juillet 2000 ;

- Mme [V] [C] étant décédée, le [Date décès 1] 2000, sa fille a adressé à la SA LUXLIFE, le 30 août 2000, un courrier aux termes duquel elle réclamait une information sur l'état du compte, s'étonnait de l'absence de réponse au courrier de sa mère de juillet 2000 et du silence du courtier de Mme [X] ; ces demandes ont été réitérées le 16 septembre puis le 18 décembre 2000 ;

Que la note manuscrite saisie au cours de l'instruction permet de connaître les diligences de la SA LUXLIFE à partir du moment, où à réception du courrier du 20 juillet 2000, il a été fait le constat de signatures douteuses ; que le rédacteur de cette note relève que la signature figurant au rachat partiel du 10 août 2000 n'était pas identique à celle du courrier du 20 juillet et s'agissant du courrier du 27 juillet 2007, il estime qu'eu égard à son doute quant à l'authenticité de la signature, le changement de bénéficiaire ne pouvait être effectué (page 2 de la pièce 16) ; qu'il s'interroge également sur un éventuel lien de parenté entre la personne gratifiée et l'assurée ; qu'enfin, il conclut à l'éventualité de faux s'agissant des rachats partiels et au risque pour l'assureur de voir sa responsabilité contractuelle engagée, ce dernier constat justifiant à lui seul que sur le plan comptable, l'assureur provisionne une somme afin de couvrir une éventuelle dette de responsabilité au titre des dits rachats ;

Que le service juridique a, également, rédigé une note du 19 décembre 2000 ; qu'il y est précisé que l'assureur a accusé réception de la lettre de Mme [B] acceptant le bénéfice du contrat, le 20 septembre 2000 et il y est retenu qu'il existait une volonté de Mme [V] [C] de gratifier la défunte, dont il déduit que la dernière clause bénéficiaire est valable;

Considérant qu'aucun constat, par le juge pénal ou par le juge civil, n'a été fait d'un faux au titre du courrier du 27 juillet 2000 contenant modification de la clause bénéficiaire, les consorts [M] s'étant contenté, afin de soutenir la faute contractuelle de la SA LUXLIFE, d'alléguer devant les premiers juges (conclusions N°4 communiquées en pièces 2 par l'intimée) du fait que la SA LUXLIFE ne pouvait 'ignorer que les signatures apposées (...)sur le courrier demandant une modification de la clause bénéficiaire, aujourd'hui qualifiée de faux, n'était pas de Mme [C]', disant que cet acte ne saurait être considéré comme valable et leur être opposable, faisant grief à l'assureur d'un défaut de diligence ce dont ils déduisaient, citant un arrêt de la cour de cassation, qu'il n'était pas libéré envers son client quant il exécutait un ordre revêtu d'une fausse signature ; qu'ils argumentaient ensuite longuement sur les éléments qu'ils retiennent désormais pour qualifier la fraude qu'ils imputent à l'intimée ;

Que la fraude consiste selon les appelants, dans la 'validation de la clause' litigieuse, la SA LUXLIFE cherchant ainsi à éluder sa responsabilité contractuelle à l'égard des 'réels bénéficiaires du contrat' ; or, sauf à s'assurer de l'intention véritable de son assuré afin de lever le doute sur l'authenticité de l'acte juridique qui lui est attribué, vérification à laquelle la SA LUXLIFE n'a pas pû procéder en raison du décès de Mme [V] [C], l'assureur ne dispose d'aucun pourvoir pour valider ou invalider celui-ci ; que force est de constater qu'en l'absence de toute action des consorts [M], devant le juge civil pour connaître le ou les bénéficiaires désignés puis contester la modification litigieuse et, confrontée à une acceptation de la clause bénéficiaire par Mme [B] et à une réclamation de cette dernière, la SA LUXLIFE ne pouvait que dénouer le contrat dans les termes de la lettre du 27 juillet 2000, ce qu'elle n'a fait qu'au mois d'avril 2001 ;

Que l'argumentation des consorts [M] tend à voir constater l'inefficacité d'un acte juridique de leur auteur et du paiement effectué en exécution de cet acte, en dehors de toute inscription de faux, moyen qui venait soutenir leurs demandes devant les premiers juges, fondée sur les dispositions des articles 1134 et 1146 du code civil ; qu'il s'ensuit qu'ils disposaient d'une action, afin de faire sanctionner la fraude qu'ils dénoncent, qu'ils ont exercée et qui n'a échouée qu'en raison de sa tardiveté ;

Qu' au surplus, ils pouvaient, dans le cadre d'une inscription de faux, agir en nullité de la clause bénéficiaire litigieuse, action qu'ils n'ont jamais envisagée d'exercer disant qu'ils 'n'avaient pas la moindre raison de se retourner contre Mme [B] qui n'a pas commis la moindre faute, et dont ils sont très contents qu'elle ait pu recueillir des fonds suite au décès de Mme [Z] 34 de leurs conclusions n°4), cette abstention trouvant très certainement sa cause dans la volonté de Mme [V] [C] de gratifier celle qui l'assistait au quotidien depuis des années ce que sa fille et son gendre n'ignoraient pas ( ainsi qu'il ressort de l'avant dernier paragraphe de la page 4 du réquisitoire définitif) ;

Que les consorts [M] disposant d'une action privant d'effets l'acte litigieux et les actes subséquents (et notamment le paiement exécuté en vertu de cet acte), ils ne peuvent fonder leur action sur l'adage fraus omnia corrompit, qui ne peut qu'avoir un caractère subsidiaire, par rapport à une action plus adaptée à la situation juridique en litige ;

Qu'enfin, les consorts [M] citent les dispositions de l'article L 132-25 du code des assurances qui envisagent les conséquences d'un paiement fait, par l'assureur de bonne foi à un bénéficiaire évincé par des dispositions qu'il ignorait (modification de la clause bénéficiaire, acceptation d'un autre bénéficiaire ou de révocation de sa désignation), inapplicable au cas de l'espèce, le paiement ayant été effectué entre les mains du bénéficiaire désigné, par une clause dont la validité n'a jamais été judiciairement remise en cause ;

Que les prétentions des consorts [M] seront rejetées, en ce qu'ils fondent leur action sur l'adage sus-mentionné, qu'elles portent sur le capital constitué au dénouement du contrat, les rachats frauduleux ou les demandes accessoires de dommages et intérêts, qui toutes supposent qu'ils soient considérés comme les bénéficiaires du contrat souscrit par Mme [V] [C] ;

Considérant qu'à titre subsidiaire, les consorts [M], disant agir à titre personnel, soutiennent que la SA LUXLIFE a engagé sa responsabilité délictuelle du fait de ses manquements à ses obligations contractuelles, celle-ci n'ayant plus à compter de 1995, délivré l'information sur l'évolution du contrat alors qu'elle s'y était engagée aux termes de sa police et, ayant manqué de vigilance lors des rachats litigieux, la signature de Mme [V] [C] étant à l'évidence grossièrement imitée ; que la SA LUXLIFE objecte qu'en l'absence de remise en cause judiciaire de la clause bénéficiaire, c'est Mme [B] qui a subi un préjudice du fait des rachats partiels frauduleux opérés par Mme [X], qui ont amputé le montant du capital qui lui a été finalement versé en exécution de la clause bénéficiaire faite à son profit, en déduisant que les consorts [M] sont irrecevables et mal fondés en toutes leurs prétentions en application des articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile, faute d'intérêt et de qualité à agir ;

Considérant que certes le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage mais le succès de la demande (et non sa recevabilité) suppose qu'il fasse la démonstration d'un préjudice en lien de causalité avec la faute alléguée ;

Qu'en l'espèce, les consorts [M], prétendent avoir été lésés par suite des fautes commises par la SA LUXLIFE dans l'exécution du contrat d'assurance vie, dès lors qu'ils ont été privés du capital versé lors du dénouement du contrat, celui-ci étant, au surplus, amputé par les rachats frauduleux ; qu'ils allèguent d'un préjudice, qu'ils tentent de caractériser et leur action est, par conséquent, recevable ;

Qu'aux termes de l'article L132-12 du code des assurances, le capital payable lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne fait pas partie de la succession ; que les consorts [M] ne sont pas bénéficiaires du capital du contrat d'assurance vie souscrit par [V] [C], la dernière modification du 27 juillet 2000 désignant Madame [B], laquelle l'a acceptée ; qu'aucune décision qu'elle soit civile ou pénale ne vient consacrer qu'il s'agit d'une document apocryphe, les consorts [M] disant d'ailleurs ne pas vouloir engager une action en ce sens ;

Que dès lors, les consorts [M] ne peuvent pas revendiquer la qualité de bénéficiaires du contrat d'assurance vie, qui seule, leur permettrait de prétendre qu'ils ont subi un dommage personnel du fait de l'exécution du contrat entre les mains de Mme [B] ; qu'ils ne peuvent pas plus arguer d'un tel préjudice du fait des rachats frauduleux, ceux venant réduire le montant du capital versé à Mme [B] ;

Qu'il s'ensuit, que faute de preuve d'un préjudice, ils ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de la SA LUXLIFE et dès lors, ils seront déboutés de leurs demandes tant au titre du capital versé au dénouement du contrat que des rachats partiels ;

Qu'enfin, les consorts [M] prétendent à l'allocation de dommages et intérêts pour résistance abusive, demande dont ils ne peuvent qu'être déboutés eu égard à ce qui précèdent ; qu'ils soutiennent également l'existence d'un préjudice moral, faisant valoir qu'en 'faisant semblant d'être convaincue que la clause bénéficiaire était régulière, la SA LUXLIFE (leur) a fait croire que leur mère et grand-mère avait cherché, selon les propres termes de la SA LUXLIFE, à les sanctionner' ; que pour ce faire, ils dénaturent les conclusions déposées pour le compte de l'intimée, devant le tribunal de grande instance et devant la cour, celle-ci y exprimant les motifs pour lesquelles elle ne pouvait, du seul fait d'une modification radicale de la clause bénéficiaire, estimer que celle-ci était frauduleuse; que les consorts [M] seront également déboutés de ce chef de demande ;

Considérant que les consorts [M], parties perdante, seront condamnés aux dépens d'appel et devront rembourser les frais irrépétibles de la SA LUXLIFE dans la limite de 5000€ ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris, le 7 avril 2011 ;

Y ajoutant,

Rejette les prétentions des consorts [M] en ce qu'elles sont fondées à titre principal sur l'adage 'fraus omina corrompit' ;

Déboute les consorts [M] de leurs demandes en ce qu'elles sont fondées à titre subsidiaire sur les règles de la responsabilité quasi-délictuelle ;

Condamne Mmes [Y], [N] et [J] [M] et M [L] [M] à payer à la SA LUXLIFE la somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 15/04539
Date de la décision : 22/03/2016

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°15/04539 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-22;15.04539 ?
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