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11/03/2016 | FRANCE | N°15/00499

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 11 mars 2016, 15/00499


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/00499



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section Encadrement - RG n° 12/13731



APPELANTE

SAS FED

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 440 235 273 00131

représentée par Me Laurent MONTAGNIER, a

vocat au barreau de PARIS, toque : A0187 substitué par Me Pascale THERAULAZ BENEZECH, avocat au barreau de PARIS,

toque : D1891



INTIMEE

Madame [O] [S] épouse [O]

[Adresse 2]...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/00499

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section Encadrement - RG n° 12/13731

APPELANTE

SAS FED

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 440 235 273 00131

représentée par Me Laurent MONTAGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0187 substitué par Me Pascale THERAULAZ BENEZECH, avocat au barreau de PARIS,

toque : D1891

INTIMEE

Madame [O] [S] épouse [O]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 1]

représentée par Me Gaëlle LIONEL-MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0194

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Janvier 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-présidente placée, chargée du rapport.

Le magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

- Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère faisant fonction de présidente

- Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice présidente placée

- Mme Patricia DUFOUR, conseillère

Greffier : Mme Fanny MARTINEZ, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère faisant fonction de présidente, et par Madame Fanny MARTINEZ, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Madame [O] [O] a été engagée par la Société PARTNER FINANCE par un contrat à durée indéterminée à compter du 23 mai 2008, en qualité de responsable administrative et financière, niveau 3, position 3.2, coefficient 210. Sa rémunération mensuelle brute s'est établie en dernier lieu à 4416 euros.

Par lettre en date du 28 novembre 2012, Madame [O] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

L'entreprise compte plus de 10 salariés.

La relation de travail est régie par la Convention collective SYNTEC.

Madame [O] a saisi le Conseil de Prud'hommes de PARIS d'une demande tendant en dernier lieu à dire que la prise d'acte de rupture de son contrat de travail produisait les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse. A titre reconventionnel, la SAS FED a sollicité la condamnation de l'intéressé au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 15 000 euros, indiquant que la prise d'acte de la rupture devait s'analyser en une démission.

Par décision en date du 20 novembre 2014, le Conseil de Prud'hommes a fait droit aux demandes de Madame [O] en retenant que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a débouté la SAS FED de ses demandes reconventionnelles. Il a condamné l'employeur à payer diverses sommes à la salariée.

La Société SAS FED (anciennement PARTNER FINANCE) a interjeté appel de cette décision dont elle sollicite l'infirmation. Elle demande à la Cour de débouter Madame [O] de l'ensemble de ses demandes, de la condamner au paiement des sommes de 15 000 euros au titre du préavis du en cas de démission, 1500 euros au titre des congés payés afférents et 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Madame [O] sollicite la confirmation du jugement, de reconnaître l'existence d'un harcèlement moral, de dire la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail justifiée et produisant les effets d'un licenciement nul et de condamner la SAS FED au paiement des sommes suivantes :

50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention des agissements de harcèlement moral,

15 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

1500 euros au titre des congés payés afférents,

8609, 69 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

60 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, ou à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse.

Elle sollicite également la condamnation de la Société SAS FED au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 25 janvier 2016, reprises et complétées à l'audience.

MOTIVATION,

Sur le harcèlement moral :

En application des articles L1152-1 et suivants du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

S elon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En cas de litige, en application de l'article L 1154-1 du code du travail, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision se justifie par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures qu'il estime utile.

Madame [O] soutient avoir subi une dégradation de ses conditions de travail importante, une modification de ses fonctions et responsabilités, un isolement et une pression importante, tout d'abord pour accepter un poste de contrôleur de gestion et de conduite de projet, puis remettre une démission, puis accepter une rupture conventionnelle, et ce depuis juillet 2012.

Elle rappelle que cette situation s'inscrit dans le contexte de la fusion de l'entreprise PARTNER FINANCE dont elle est salariée et de l'entreprise SAS FED. Elle précise que Monsieur [P] occupe, comme le démontre l'organigramme produit, les fonctions de Directeur Financier et Administratif pour les deux sociétés, et qu'elle se trouve donc contrainte de devoir redéfinir les contours de son propre poste.

Elle cite plusieurs salariés qui exécuteraient des tâches qui lui étaient initialement dévolues, et ce alors même qu'ils sont moins qualifiés et ont moins d'expérience qu'elle (recouvrement des créances clients, factures d'honoraires, reporting hebdomadaire...). Elle ajoute qu'elle s'est vue priver de tout management, les salariés dont elle était auparavant la supérieure hiérarchique en référant dorénavant à d'autres personnes.

Elle verse également trois attestations établies par des collègues qui ont travaillé avec elle, soit avant le déménagement en septembre 2012 ( Madame [H] ), soit avant et après ce déménagement ( Monsieur [I] et Monsieur [Z] ). Tous trois évoquent les qualités professionnelles et l'investissement de Madame [O], même pendant son congé maternité, et son exclusion, à compter de septembre 2012 des comités de direction et des réunions entre manager.

Madame [O] a été en arrêt de travail du 20 septembre au 07 octobre 2012, puis du 22 octobre au 12 novembre puis à compter du 22 novembre 2012.

Madame [O] établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

L'employeur fait valoir que Madame [O] a construit ces accusations de harcèlement moral en raison du refus de la société de lui verser une indemnité de rupture conventionnelle plus importante. Il ajoute que Madame [O] a pris l'initiative de négocier son départ en juillet 2012 et produit deux mails, l'un du 28 juin 2012 dont il ressort qu'elle fait le reproche à deux collaborateurs de ne pas l'aider à obtenir un « meilleur départ », et l'autre dans lequel elle indique qu'elle part « le 15/09  ». Il précise également, en versant l'ensemble de ces mails, que ces éléments sont en contradiction avec un mail en date du 12 juin 2012 dans lequel Madame [O] se dit satisfaite de l'articulation des fonctions envisagées avec Monsieur [P] pour l'avenir.

Ensuite, la SAS FED rappelle que Madame [O] a été en congés du 14 août au 31 août 2012, puis en arrêt pour maladie entre le 20 septembre et le 07 octobre 2012, puis du 22 octobre au 12 novembre 2012 et qu'elle a donc été peu présente dans l'entreprise, alors qu'elle dénonce des agissements de harcèlement moral, sur une durée inférieure à un mois entre septembre 2012 et son courrier de prise d'acte de la rupture de son contrat de travail le 28 novembre 2012.

La SAS FED rappelle également que la SAS FED a racheté la Société PARTNER FINANCE le 29 juin 2012, que le déménagement des locaux a eu lieu le 7 septembre 2012 er que le transfert devait être terminé le 31 décembre 2012. Elle précise que les absences aux comités de direction et aux réunions de manager dont attestent trois collègues de Madame [O] sont en réalité très limitées en raison de cette chronologie de fusion et des dates de présence de Madame [O] à cette période. Ainsi, la signature des contrats de travail, par exemple évoquée dans le cadre du mail du 13 novembre 2012, correspond en réalité à une période d'absence de Madame [O], ce mail ayant précisément pour objet de la tenir informée de ce qu'il s'est passé en son absence dans le périmètre de ses fonctions.

La SAS FED verse aux débats plusieurs mails échangés entre Monsieur [P] et Madame [O] dont la lecture démontre que les attributions initiales de la salariée sont demeurées inchangées contrairement à ce que celle-ci affirme, notamment concernant le recrutement, la gestion des paies, bonus, paiement des fournisseurs.

Il ne peut qu'être relevé, à la lecture de l'ensemble de ces échanges de mails et à l'aune de la chronologie de la fusion, du déménagement et des absences de Madame [O], que les éléments rapportés par Madame [H], Monsieur [I] et Monsieur [Z] sont en réalité très ponctuels et très limités dans le temps et ne peuvent s'analyser qu'en des événements isolés.

Ensuite, ce même échange de mails entre Monsieur [P] et Madame [O], ou avec d'autres collaborateurs, Madame [O] étant alors en copie, démontrent la persistance des fonctions de Madame [O] dans leur définition initiale. Ils n'établissent pas la réalité de l'affirmation de cette dernière d'être « mise dans un placard doré ». Son propre mail en date du 9 octobre 2012, dans lequel elle décrit les agissements prétendus de son employeur à son égard, se trouve en définitive démenti par les explications et les pièces produites par la SAS FED.

Dès lors, il ressort de l'ensemble des explications et pièces produites par l'employeur que les éléments avancés par Madame [O] sont en définitive justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sur les manquements de l'employeur :

Compte-tenu de ce qui précède et de l'absence de harcèlement moral établi, alors même qu'il convient de rappeler que l'employeur a immédiatement sollicité la médecine du travail lorsqu'il a été destinataire du mail de Madame [O] dans lequel elle dénonçait de tels agissements, Madame [O] ne peut qu'être déboutée de sa demande à ce titre.

Sur la prise d'acte de la rupture :

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il résulte de la combinaison des articles L 1231-1, L 1237-2 et L 1235- 1 du Code du Travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Madame [O] au soutien de sa prise d'acte de la rutpure de son contrat de travail aux torts exclustifs de son employeur reprend les faits dénoncés au titre de ses demandes afférentes au harcèlement.

Au regard des développements précédents dont il ressort que l'employeur n'a pas commis de manquement à son égard, le courrier en date du 28 novembre 2012 par lequel Madame [O] a entendu mettre fin à la relation de travail ne peut s'analyser qu'en une démission.

Par conséquent, Madame [O] est déboutée de ses demandes au titre d'un licenciement nul à titre principal, et au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire.

Il s'ensuit que la SAS FED est bien-fondée à solliciter le paiement de dommages-intérêts par Madame [O] comte-tenu de la rupture brutale de la relation de travail par Madame [O] sans préavis. Au vu des éléments produits aux débats, le préjudice subi par l'employeur en résultant est évalué à la somme de 1000 euros.

L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et de condamner Madame [O] au paiement de la somme de 500 euros.

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

STATUANT à nouveau et Y AJOUTANT,

DIT que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Madame [O] doit s'analyser en une démission,

DEBOUTE Madame [O] de l'ensemble de ses demandes,

CONDAMNE, à titre reconventionnel, Madame [O] [O] au paiement à la SAS FED de la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérês,

CONDAMNE Madame [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

CONDAMNE Madame [O] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

DEBOUTE Madame [O] de sa demande de ce chef.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

F. MARTINEZM -E. OPPELT-RÉVENEAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 15/00499
Date de la décision : 11/03/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°15/00499 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-11;15.00499 ?
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