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08/03/2016 | FRANCE | N°14/12414

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 08 mars 2016, 14/12414


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 5



ARRET DU 08 MARS 2016



(n° 2016/ 102 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/12414



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Mai 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/03560





APPELANT



Monsieur [B] [C]

né le [Date naissance 1] 1953 à HAITI

[Adresse 1]

[Ad

resse 1]



Représenté et assisté par Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187







INTIMÉES



La SA SOCIETE D'EXPLOITATION MULTI ACC...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRET DU 08 MARS 2016

(n° 2016/ 102 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/12414

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Mai 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/03560

APPELANT

Monsieur [B] [C]

né le [Date naissance 1] 1953 à HAITI

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté et assisté par Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187

INTIMÉES

La SA SOCIETE D'EXPLOITATION MULTI ACCES BANQUE (SEMAB) prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 652 057 969 00402

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistée de Me Marc HENRY du LLP HUGHES HUBBARD et REED LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J013

La SAS PRIMONIAL prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 484 304 696 00038

Représentée et assistée par Me Laurence CECHMAN de l'AARPI EVERLAW, avocat au barreau de PARIS, toque : B0131

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Février 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre

Monsieur Christian BYK, Conseiller

Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, présidente et par Madame Catherine BAJAZET, greffier présent lors du prononcé.

'''''

Le 15 septembre 2001, Monsieur [B] [C] a souscrit par l'intermédiaire de la société JP MORGAN FLEMING SELECTION un contrat d'assurance vie en unités de compte, option PEP STRATEGIE FLEMING MONDE II n° 20461301, auprès de la société d'assurance LA FÉDÉRALE CONTINENTALE, sur lequel il a versé la somme de 300 000 francs ( 45 734,71 euros).

Il a souscrit la garantie plancher proposée par le contrat d'assurance vie.

Le 10 octobre 2001, il a souscrit auprès de la Société de Banque et d'Expansion un prêt in fine d'une durée de 120 mois au taux nominal annuel de 6%, remboursable par 119 échéances d'un montant mensuel de 228,67 euros et d'une dernière échéance d'un montant de 45 734,71 euros, le coût du crédit étant de 27 517,05 euros.

Le 10 octobre 2001, en garantie du prêt accordé, il a délégué à la SBE les droits de créance dont il disposait au titre de son contrat d'assurance vie.

Le 10 octobre 2011, Monsieur [B] [C] a arbitré en faveur du rachat partiel de son contrat à hauteur du capital emprunté, la somme de 45 963,38 euros a été versée à l'établissement bancaire en remboursement du solde du prêt et la mainlevée de la garantie prise sur le contrat d'assurance vie a été effectuée.

Le 10 juin 2013, [B] [C] a demandé le rachat total du contrat d'assurance et la somme de 9.963,36 euros lui a été versée.

Par acte d'huissier du 28 février 2011, Monsieur [B] [C] a assigné la société MULTI ACCES BANQUE, venant aux droits de la banque SBE et la société PATRIMOINE MANAGEMENT ET ASSOCIES, désormais dénommée PRIMONIAL, venant aux droits de la société JP MORGAN FLEMING SELECTION devant le tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 15 mai 2014, a rejeté ses demandes et l'a condamné à payer à la SOCIETE D'EXPLOITATION MAB et à la société PRIMONIAL la somme de 2000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par déclaration du 11 juin 2014, Monsieur [B] [C] a interjeté appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 7 janvier 2016, il sollicite l'infirmation du jugement, demandant à la cour de condamner in solidum les sociétés PRIMONIAL et SOCIETE D'EXPLOITATION MAB à lui restituer à titre principal les sommes correspondant aux versements effectués sur son contrat d'assurance vie augmentées des 15% de rendement annuels soit la somme de 139.419,98 € garantis par la société PMA, à titre subsidiaire de les condamner in solidum au paiement de 9% du rendement moyen garanti soit la somme de 62.584,94 €, à titre infiniment subsidiaire à la somme de 16.475,40 euros, correspondant aux intérêts et frais au titre de l'emprunt in fine à parfaire au jour du jugement à venir à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi dans le cadre du montage financier litigieux, de les condamner in solidum au paiement de la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice moral avec capitalisation, et de celle de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 14 janvier 2016, la société d'exploitation MAB, anciennement dénommée Banque, exerçant sous la nouvelle dénomination sociale 'SE MAB (ex.Ma Banque )' sollicite la confirmation du jugement, demandant à la cour de débouter Monsieur [B] [C] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 15 octobre 2014, la société PRIMONIAL, anciennement dénommée PATRIMOINE MANAGEMENT & ASSOCIES, venant aux droits de la société JP MORGAN FLEMING SELECTION sollicite la confirmation du jugement, demandant à la cour de débouter Monsieur [B] [C] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2016.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les manquements aux obligations de conseil, de mise en garde et d'information reprochés à la société d'exploitation MAB

Considérant que soutenant l'indivisibilité des opérations de prêt, d'assurance vie et de nantissement, Monsieur [C] expose que la SEMAB a manqué à ses obligations d'information et de conseil renforcé telles qu'elles résultent de l'article L533-4 du code monétaire et financier dans sa version alors en vigueur qui s'applique à l'établissement bancaire lequel devait s'enquérir de la situation de son client, de sa compétence professionnelle en matière de services d'investissement et sur ses objectifs face à un montage spéculatif qui impliquait des intérêts élevés et une certaine capacité de remboursement, qu'en l'espèce alors que l'opération était particulièrement avantageuse pour la banque, que Monsieur [C] n'était pas un client averti, le devoir de conseil devait prendre en compte le montage dans sa globalité et la banque devait fournir une information globale sur les coûts et les risques engendrés par l'indivisibilité de l'opération qui pour être rentable supposait que la rentabilité du contrat d'assurance couvre la totalité des frais dûs au titre du prêt in fine soit 27 517,05 euros et les frais de souscription du contrat d'assurance vie de 5% soit 2286,73 euros, que la banque a également manqué à son devoir de vérification portant d'une part sur les capacités de remboursement de son client et d'autre part sur le projet qu'il envisage de financer afin de pouvoir le mettre en garde à raison du risque d'endettement né de l'octroi du prêt sur le risque de ne pas pouvoir faire face à ses obligations de remboursement alors que les revenus issus du contrat d'assurance vie étaient totalement aléatoires, que de plus, au lieu de faire souscrire un prêt in fine, la banque aurait dû lui proposer de souscrire un prêt amortissable classique ;

Considérant que la SEMAB qui soutient l'absence d'indivisibilité des contrats d'assurance vie et de prêt, expose que n'ayant pas la qualité de prestataire de services d'investissement, elle n'est pas soumise aux obligations posées à l'article L. 533-4 du Code monétaire et financier, qu'elle ne peut se voir appliquer des obligations pesant sur l'assureur et qu'elle n'a pas manqué à ses obligations de dispensateur de crédit à savoir son obligation d'information et son obligation de mise en garde en ce que Monsieur [C] était un emprunteur averti et que le prêt était adapté à ses capacités financières alors que le ratio d'endettement de Monsieur [C] ne dépassait pas 38% et que le remboursement du crédit était totalement sécurisé par la garantie en capital souscrite par celui-ci dans le cadre de l'option PEP, qu'elle ajoute qu'en qualité de prêteurs de deniers, elle n'avait pas à attirer son attention sur les risques de chute des cours boursiers et que sa responsabilité ne doit être appréciée qu'au regard de l'opération de prêt alors que le devoir de non immixtion du banquier lui interdit de refuser d'exécuter les instructions de son client au motif qu'elles ne lui paraissent pas judicieuses ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de statuer sur l'indivisibilité des opérations de prêt, d'assurance vie et de prêt alors qu'il n'en est tiré aucune conséquence sur la validité du montage ou la nullité d'un des contrats en conséquence de la disparition de l'autre et qu'il est établi d'une part que la somme empruntée a servi à abonder le contrat d'assurance vie souscrit par Monsieur [C], d'autre part que, en garantie du prêt accordé, Monsieur [C] a délégué à la SEMAB les droits de créance dont il disposait au titre de son contrat d'assurance vie et enfin que la société PRIMONIAL intervenait pour la demande de prêt in fine dans le cadre d'une convention de partenariat avec la SBE, dont l'existence résulte des termes de la lettre de la banque du 31 octobre 2001, produite aux débats par le courtier;

Considérant qu'il ne peut être tiré du fait que les fonds prêtés ont été investis dans le contrat d'assurance vie que la SEMAB est intervenue autrement qu'en qualité de prêteur de deniers alors qu'il n'est pas contesté que tant la souscription du contrat d'assurance vie que le montage financier ont été proposés à Monsieur [C] par la société JP MORGAN FLEMING SELECTION, courtier ;

Considérant qu'il en résulte que les dispositions de l'article L.533-4 du code monétaire et financier ne sont pas applicables à la SEMAB qui, en consentant un prêt, n'a pas agi comme un prestataire de service d'investissements tel que défini par l'article L.321-1 du code monétaire et financier ;

Considérant qu'en raison de son devoir de non immixtion, le banquier dispensateur de crédit n'est pas tenu d'une obligation de conseil sauf s'il a contracté une obligation spécifique à cet égard ;

Considérant que Monsieur [C] ne démontre pas que la SEMAB se serait engagée à le conseiller sur l'opportunité de l'investissement envisagé ou sur la nature du prêt, qu'il ne peut en conséquence lui reprocher un manquement à ce titre ;

Considérant qu'il est justifié que la SEMAB a satisfait à son obligation d'information alors que Monsieur [C] a signé les conditions particulières du prêt qui font mention de la durée du prêt, du taux d'intérêts, du coût total du crédit, des frais de dossiers, du montant des échéances mensuelles et de l'échéance finale ainsi que de la délégation de créance, qu'il est également établi qu'il a reçu le tableau d'amortissement qu'il produit aux débats ;

Considérant que le banquier qui consent un prêt à un emprunteur non averti est tenu à son égard, lors de la conclusion du contrat, d'un devoir de mise en garde à raison de ses capacités financières et des risques d'endettement excessif nés de l'octroi du prêt ;

Considérant que le fait pour Monsieur [C], qui exerce la profession d'artisan taxi, d'avoir souscrit le 5 mars 1992 un compte titres ' Fleming Finance option PEA sur lequel il a versé la somme totale de 21 342 euros alors qu'il n'est pas établi que la plus value dont fait état le courtier, qui ne résulte d'aucune des pièces produites, serait le résultat d'opérations d'arbitrage faites de la propre initiative de l'appelant, le 26 mars 1992 un contrat d'assurance décès sur lequel il versait la somme mensuelle de 13,72 euros, le 4 janvier 2001, un contrat d'assurance vie ' Fleming Epargne sur lequel il a versé la somme initiale de 1143,37 euros et devait verser la somme mensuelle de 381,12 euros, la souscription d'un contrat d'assurance vie ' Fleming Epargne Investissement le 5 mars 1992 et son rachat total en octobre 2000 n'étant établis par aucune pièce, est insuffisant pour établir qu'il est un client averti alors qu'il s'agit, pour l'assurance décès, d'une simple mesure de prévoyance, et pour les autres investissements établis par les documents produits, de placements modestes réalisés par l'intermédiaire d'un courtier ;

Considérant qu'il résulte des informations fournies par Monsieur [C], que lors de la souscription du prêt, il disposait de revenus annuels d'un montant de 154 569 francs (23 563 euros), et supportait des charges annuelles de 42 000 francs (6 402 euros), que son taux d'endettement était porté à 38 % en tenant compte du montant des échéances mensuelles pour un total de 18000 francs (2744 euros) du prêt sollicité ;

Mais considérant qu'alors que les échéances mensuelles de 228,67 euros ont été régulièrement réglées, que l'échéance finale de 45 963,38 euros a été payée par le rachat partiel fait par l'assuré de son contrat le 10 octobre 2011et que le montant du capital versé sur le contrat d'assurance vie correspondant au montant de l'échéance finale était garanti par l'option Prévoyance souscrite, il n'est pas établi que le prêt ait présenté un risque d'endettement excessif ce dont il résulte que le dispensateur de crédit n'a pas manqué à son obligation de mise en garde et que c'est à juste titre que les premiers juges, dont la décision sera confirmée sur ce point , ont débouté Monsieur [C] de ses demandes à l'encontre de la SEMAB ;

Sur les manquements aux obligations d'information et de conseil reprochés à la société PRIMONIAL

Considérant que Monsieur [C] soutient que la plaquette de présentation du 'PEPS' éditée par le courtier, qu'il produit, ne fait état que d'exemples positifs qui auraient dû lui permettre non seulement de générer une plus value mais encore de rembourser le prêt in fine, qu'il n'a nullement été informé des risques réels relatifs au montage auquel il lui a été conseillé de souscrire, que cette information était d'autant plus importante que le contrat a été souscrit en octobre 2001 c'est à dire juste après les événements du 11 septembre 2001 qui ont provoqué l'effondrement des cours boursiers et qu'il incombait au courtier d'attirer son attention sur les risques de chute des cours de la bourse et sur les conséquences que cela aurait sur la rentabilité de l'opération, à savoir l'impossibilité de couvrir les intérêts d'emprunt et les frais de souscription par la plus value du contrat d'assurance vie ;

Considérant que la société PRIMONIAL soutient que le placement 'Stratégie PEP qui n'est qu'un contrat d'assurance vie en unités de compte adossé à un contrat de prêt in fine, n'est pas un investissement spéculatif mais une opération simple dont le mécanisme est connu de tous, qu'elle a remis à monsieur [C] les documents nécessaires à une information complète et loyale du produit souscrit à savoir une synthèse de son investissement, une proposition d'assurance, les conditions générales valant note d'information ainsi que les notices d'information des fonds communs de placement sur lesquels s'est porté son choix d'investissement dans lesquels figure la mention du fait que l'investissement en unités de compte peut varier à la hausse comme à la baisse, la mention des caractéristiques des différents profils d'investissement, que Monsieur [C] ne peut sérieusement soutenir que son attention n'a jamais été portée sur le risque d'un tel placement alors qu'il était largement précisé dans les documents qui lui ont été remis que le placement était soumis aux fluctuations boursières qui, par nature peuvent être à la hausse ou à la baisse et que Monsieur [C] avait une réelle connaissance des placements boursiers puisqu'il avait ouvert en 1992 un compte titre qui lui avait permis de générer une plus value en moins de 5 ans de 7900,06 euros, sur lequel il effectuait des opérations d'arbitrage impliquant nécessairement une véritable compréhension des modalités de fonctionnement de ce type de placement, qu'il avait également déjà souscrit un contrat de prêt pour sa résidence principale ;

Qu'elle ajoute avoir rempli son devoir de conseil, étant parfaitement informée du patrimoine de Monsieur [C], celui-ci ayant par ailleurs expressément refusé que son conseiller financier procède à l'établissement du bilan patrimonial ainsi que cela résulte de la synthèse de l'investissement signée par celui-ci ce qui démontre qu'il avait une parfaite compréhension du produit qu'il entendait souscrire, qu'elle a vérifié les objectifs et le patrimoine du souscripteur et l'a informé sur les risques d'un placement en bourse alors que les effondrements successifs qui ont secoué les marchés boursiers ces dernières années n'étaient nullement prévisibles à court et moyen terme que ce soit dans leur ampleur ou dans leur existence ;

Considérant que la société PRIMONIAL, qui est intervenue en qualité de courtier est tenue envers son client d'une obligation d'information complète et loyale et d'un devoir de conseil permettant au client d'avoir une vision exacte des risques encourus et d'investir dans un produit adapté à sa situation particulière ;

Considérant que préalablement au placement, le courtier a établi, le 27 juillet 2001, une synthèse de l'investissement projeté signée par Monsieur [C], dont il ressort que celui-ci était déjà client de la société de courtage et qu'ainsi que le soutient la société PRIMONIAL, il a refusé que son conseiller financier procède à l'établissement du bilan patrimonial, que cette synthèse fait état de ce que Monsieur [C] possède déjà un compte titre, qu'il a une capacité d'épargne de 2500 francs(381 euros) par mois et que la solution mise en place consiste en la souscription d'un PEPS au moyen de fonds provenant de la SBE et en des supports financiers portant sur la gestion d'actions et d'obligations, que dans le lexique annexé à ce document, sous l'intitulé 'Action', il est indiqué : 'Pour les titres cotés, la valeur peut fluctuer à la hausse comme à la baisse, selon le marché concerné (confrontation de l'offre et de la demande )' ;

Considérant qu'il résulte du bulletin de souscription qu'il a été remis à Monsieur [C] les conditions générales valant note d'information et les notices d'information des fonds communs de placement, que contrairement à ce que soutient le courtier, aucun de ces documents ne précise, en contravention avec les dispositions de l'article A 132-5 du code des assurances, dans sa rédaction résultant de l'arrêté du 23 novembre 1999, que la valeur des unités de compte est sujette à des fluctuations à la hausse ou à la baisse ;

Considérant que Monsieur [C] produit aux débats la plaquette de présentation du produit 'PEPS aux termes duquel il est notamment précisé 'L'idée neuve ... PEPS vous avance vos dix prochaines années d'épargne', 'Au lieu d'une épargne traditionnelle constituée régulièrement, PEPS vous permet de disposer immédiatement d'un capital à investir en bourse, dans la limite de 600 000 francs. Or les chiffres le démontrent ... Bien que soumise à certaines fluctuations, la Bourse offre le meilleur rendement pour un investissement à long terme. Avec PEPS, votre épargne bénéficie donc d'un important effet de levier' 'PEPS , la combinaison astucieuse d'un contrat d'assurance vie option PEP souscrit auprès de la Fédération Continentale (groupe GENERALI ) et d'une avance consentie par un établissement de crédit' ;

Considérant que sur la deuxième page de cette plaquette figure notamment un comparatif entre un contrat d'épargne traditionnel et un contrat PEPS aux termes duquel il apparaît que pour une épargne traditionnelle de 1000 francs (152,45 euros ) par mois, le capital obtenu, au bout de 10 ans est de 192 000 francs (29 270,21 euros ) alors que la plus value obtenue pour le placement d'un capital sur un contrat PEPS est de 290 000 francs (44 210, 21 euros ), que sous ce comparatif, il est précisé : 'cette comparaison est effectuée sur la base d'une avance de 200 000 FRF au taux de 6 % par an et pour un rendement annuel moyen de 9 %. Aucun rendement enregistré sur 10 ans de Bourse, après une baisse d'au mois 20% sur 6 mois consécutifs, n'a été inférieure à 9 %. Etude réalisée sur 30 ans (janvier 1970-janvier 2001) de l'indice composite composé de 70% MSCI World et 30% Micropal Obligations Internationales' ;

Considérant qu'alors que dans ce document, la société PRIMONIAL, vantait l'existence d'une 'idée neuve', elle ne peut soutenir qu'un contrat d'assurance vie en unités de compte adossé à un contrat de prêt in fine, est une opération dont le mécanisme était connu de tous, qu'il ne suffisait pas au client, dont la cour a dit, pour les motifs ci-dessus énoncés, qu'il était non averti, d'avoir déjà souscrit une assurance vie et un prêt immobilier pour appréhender le mécanisme ainsi mis en place par le courtier, dans la mesure où il ne s'agissait pas de la simple juxtaposition de deux contrats mais d'un montage dont les risques étaient accrus par le fait qu'alors qu'il était présenté par le courtier comme une opération particulièrement favorable, le placement fait sur le contrat d'assurance vie devait, pour ne pas être déficitaire, générer une plus value au moins égale au montant des intérêts et des frais payés par le souscripteur ;

Considérant qu'en l'espèce , le capital de 45 963,38 euros versé sur le contrat d'assurance vie devait , pour que l'opération soit neutre pour Monsieur [C], générer une plus value minimum sur 10 ans de 27 517,05, ce qui représentait environ 60% du capital investi, que le courtier devait informer son client de manière complète et explicite sur les risques accrus générés par le montage à effet de levier dont il n'a présenté que les avantages et il ne prouve pas qu'il a rempli cette obligation par la seule mention figurant, au surplus, dans une des définitions du lexique, alors que même s'il est indiqué dans la plaquette d'information que la bourse est soumise à certaines fluctuations, il est également précisé que ' la Bourse offre le meilleur rendement pour un investissement à long terme'ce qui est confirmé par les informations contenues dans la seconde page du document qui sont de nature à présenter le montage comme étant sans risque pour le souscripteur ;

Considérant de plus que le courtier ne peut soutenir que les effondrements successifs qui ont secoué les marchés boursiers ces dernières années n'étaient nullement prévisibles à court et moyen terme, que ce soit dans leur ampleur ou même leur existence alors que le placement a été réalisé en octobre 2001 et qu'il reconnaît lui-même en page 19 de ses écritures qu'après l'effervescence des marchés financiers dans les années 90, notamment après 1999, où le CAC 40 avait progressé de près de 51,12 %, la bulle spéculative a éclaté dans les années 2000 et 2001, puisque l'indice a reculé respectivement de 0,54% et de 21,97 % ce dont il résulte qu'en tant que professionnel averti des risques dûs aux fluctuations des placements boursiers et qui avait connaissance de l'évolution péjorative des marchés financiers, le courtier a manqué à son obligation de conseil en ne dissuadant pas son client de souscrire au montage à effet de levier qui supposait un rendement déjà important pour ne pas causer de perte à celui-ci ;

Considérant que le préjudice résultant de ces fautes consiste en la perte que monsieur [C] n'aurait pas subie s'il n'avait pas souscrit au montage dans son ensemble, à savoir la somme de 16 475,40 euros demandée correspondant aux intérêts et frais du prêt in fine, déduction faite de la plus value enregistrée sur le contrat d'assurance vie, qui lui sera allouée à titre de dommages et intérêts ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

Considérant que les soucis et tracas générés par le caractère péjoratif du placement conseillé qui a fait perdre à Monsieur [C] une partie de son épargne sont constitutifs d'un préjudice moral qui sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Sur les frais irrépétibles

Considérant qu'il convient d'allouer à Monsieur [C] la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter tant la SEMAB que la société PRIMONIAL de leur demande à ce titre ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [B] [C] de ses demandes à l'encontre de la société d'exploitation MAB ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés ;

Condamne la société PRIMONIAL à payer à Monsieur [B] [C] :

- la somme de 16 475,40 euros à titre de dommages et intérêts,

- celle de 5000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral ,

- celle de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne la capitalisation des intérêts dûs à compter de ce jour dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

Déboute la société d'exploitation MAB et la société PRIMONIAL de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société PRIMONIAL aux entiers dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 14/12414
Date de la décision : 08/03/2016

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°14/12414 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-08;14.12414 ?
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