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03/03/2016 | FRANCE | N°13/06775

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 03 mars 2016, 13/06775


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 03 Mars 2016

(n° 138 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/06775



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Mai 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MEAUX RG n° 10/00089





APPELANTE

Me [N] [X] (SCP [N]-[V]) - Mandataire liquidateur de la SARL L & R CONSULTANTS

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté pa

r Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205 substitué par Me Anne-lise HERRY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205





INTIMES

Monsieur [O] [S]

[A...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 03 Mars 2016

(n° 138 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/06775

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Mai 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MEAUX RG n° 10/00089

APPELANTE

Me [N] [X] (SCP [N]-[V]) - Mandataire liquidateur de la SARL L & R CONSULTANTS

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205 substitué par Me Anne-lise HERRY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205

INTIMES

Monsieur [O] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]

représenté par Me Carole SIRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0176

AGS CGEA IDF EST

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205 substitué par Me Anne-lise HERRY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Janvier 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-présidente placée, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère faisant fonction de présidente

M. Mourad CHENAF, Conseiller

Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-Présidente placée

Greffier : Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère faisant fonction de présidente et par Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, greffier présent lors du prononcé.

Faits et procédure :

Monsieur [O] [S] soutient avoir été engagé par la SARL L&R CONSULTANTS par un contrat à durée indéterminée à compter du 17 janvier 2005, en qualité d'ingénieur- expert, coefficient 150 pour une rémunération mensuelle brute s'établissant, pour ce temps complet, à 3800 euros.

Monsieur [S] a été placé en arrêt pour maladie entre le 09 novembre 2008 et le 15 mars 2009.

Par avenant au contrat, le 01 mars 2009, Monsieur [S] s'est vu notifier une réduction de son temps de travail. Sa rémunération mensuelle brute s'est établie en dernier lieu à 2730 euros.

Par jugement en date du 28 septembre 2009, le Tribunal de commerce de MEAUX a prononcé la liquidation judiciaire de la Société L&R CONSULTANTS.

Convoqué le 29 septembre 2009 à un entretien préalable fixé le 06 octobre 2009, Monsieur [S] a été licencié pour motif économique le 10 octobre 2009.

L'entreprise compte moins de 10 salariés.

La relation de travail est régie par la convention collective SYNTEC.

Revendiquant la qualité de salarié et contestant son licenciement, Monsieur [S] a saisi le Conseil de Prud'hommes de MEAUX d'une demande tendant en dernier lieu à dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par décision en date du 31 mai 2013, le Conseil de Prud'hommes, statuant en sa formation de départage, a reconnu la qualité de salarié de Monsieur [S], dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et a fixé au passif de la SARL L&R CONSULTANTS les sommes suivantes :

-6113, 60 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 01 août 2009 au 10 octobre 2009,

-9009, 66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,

-16 854, 21 euros au titre de l'indemnité de congés payés,

-1767, 32 euros au titre de la prime de vacances,

-5684, 40 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

-20 463, 84 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

La SARL L&R CONSULTANTS a été condamnée au paiement de la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Maître [N], mandataire liquidateur, a interjeté appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation. Il demande à la Cour de dénier la qualité de salarié à Monsieur [S], de juger le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de débouter Monsieur [S] de l'ensemble de ses demandes.

Monsieur [S] sollicite la confirmation du jugement rendu, tout en sollicitant la somme de 10 560, 03 euros au titre du rappel de salaire, somme distincte de celle octroyée par les premiers juges.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 22 janvier 2016, reprises et complétées à l'audience.

MOTIVATION,

La Cour constate en premier lieu que les pièces 10 et 13 à 16 sur le bordereau intitulé « Conseil des Prud'hommes de MEAUX » de Monsieur [S] en date du 26 mars 2010 ne sont pas produites aux débats ainsi que les pièces 8, 9, 11 à 16 et 19 du second bordereau de pièces en date du 11 mars 2013.

-sur la qualité de salarié :

Maître [N], pris en sa qualité de mandataire liquidateur, soutient que Monsieur [S] n'avait pas, en dépit du contrat de travail signé et des bulletins de salaire émis, la qualité de salarié, faute de lien de subordination. Il précise que Monsieur [S] n'était soumis à aucune contrainte d'horaires ayant pu signer un contrat à temps partiel avec une autre société, qu'il exposait des frais particulièrement élevés sans aucun contrôle, qu'il fixait les salaires, qu'il donnait des directives à ses collègues de travail.

Monsieur [S] rappelle que sa qualité d'associé majoritaire n'est pas incompatible avec la qualité de salarié et il affirme qu'il existait bien un lien de subordination entre lui et le gérant de l'entreprise.

En application des dispositions de l'artice L 1221-1 du Code du Travail, en présence d'un contrat de travail écrit, c'est à l'employeur qui invoque le caractère fictif de ce contrat d'en rapporter la preuve.

Maître [N] produit divers mails entre Monsieur [R] et Monsieur [W], étant le gérant de la SARL L&R CONSULTANTS dont il ressort qu'il existe un conflit aigü entre Monsieur [R] et Monsieur [S], notamment au sujet des frais exposés par ce dernier.

En revanche, force est de constater que ces mails sont largement insuffisants pour remettre en cause le lien de subordination présumé entre Monsieur [S] et Monsieur [W], n'ayant pas pour objet l'exercice du pouvoir de direction ou de contrôle ou, à l'inverse, une absence d'intégration dans une équipe structurée et hiérarchisée.

Au contraire, la réduction du temps de travail de Monsieur [S] par avenant à son contrat de travail en raison de la baisse du chiffre d'affaire de la société, à l'initiative de Monsieur [W], le 27 février 2009, démontre l'existence d'un lien de subordination auquel est soumis Monsieur [S].

Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que le caractère fictif du contrat de travail de Monsieur [S] n'était pas démontré et que celui-ci bénéficiait de la qualité de salarié nonobstant sa qualité concomittante d'associé majoritaire.

-sur le rappel de salaire :

Monsieur [S] sollicite un rappel de salaire concernant les mois d'août 2009, septembre 2009 et octobre 2009, affirmant que ces rémunérations ne lui ont pas été versées.

Si l'employeur ne conteste pas cette absence de paiement, il affirme que le montant de la rémunération retenu sur les bulletins de salaire des mois afférents est erroné, les absences pour congés payés et l'indemnité de congés payés étant calculées selon un taux horaire différent de celui de la rémunération brute.

Les bulletins de salaire produits aux débats qui, sans explication objective, affichent des montants bien supérieurs à la rémunération de Monsieur [S] ne sont pas suffisants pour démentir que Monsieur [S] a travaillé effectivement à hauteur du temps partiel contractuel équivalent à 82 heures par mois.

Il s'ensuit, compte-tenu de ce que le salaire vient rémunérer la durée de travail effectif de dire qu'est due à Monsieur [S] la somme de 6370 euros. Le jugement est infirmé sur ce point.

-sur l'indemnité de congés payés :

En application de l'article 28 de la convention collective applicable, comme des dispositions de l'article L 3141-22 du Code du Travail, le congé annuel prévu par l'article L 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.

Monsieur [S] sollicite le paiement de 53, 5 jours de congés payés qu'il n'a pas pu prendre.

La SARL L&R CONSULTANTS rappelle que les jours qui ne sont pas pris au cours de la période de référence sont perdus et affirme que Monsieur [S] a pu prendre l'ensemble de ses jours de congés.

Il convient de rappeler qu'en application des dispositions des articles L 3141-13 et R 3141-3 du Code du Travail, le point de départ de la période prise en compte pour le calcul du droit au congé est fixé au 1er juin de chaque année. Concernant un éventuel solde de jours de congés payés acquis au titre de la période antérieure à la période de référence, leur report sur la période de référence nécessite l'accord de l'employeur.

Il convient de relever qu'aucune des pièces produites aux débats ne démontre l'existence d'un tel accord, de sorte que le salarié ne peut revendiquer le paiement de jours de congés payés au titre de périodes antérieures au 01 juin 2009.

Il s'ensuit, qu'en application des dispositions de l'article L 3141-3 du Code du Travail, le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail lorsqu'il est à temps complet qu'il convient d'appliquer en l'espèce sur la période du 01 juin 2009 jusqu'à la rupture.

Sur cette période, il ressort des pièces versées aux débats que Monsieur [S] est à temps partiel et qu'il a bénéficié, au cours de la période de référence ouverte à compter du 01 juin 2009 en application des textes précités, au regard des mentions des bulletins de salaire de 23 jours de congés payés, ce qui excède le nombre de 2, 5 jours de congés payés acquis par mois travaillé à temps complet.

Par conséquent, il convient de débouter le salarié de ce chef. Le jugement de première instance est infirmé.

-sur la prime de vacances :

En application de l'article 31 de la convention collective applicable, l'ensemble des salariés bénéficie d'une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l'ensemble des salariés.

La Cour retient l'avis rendu le 19 mars 1990 par la Commission Nationale d'interprétation qui n'est pas produit aux débats dont les parties s'accordent sur les termes selon lesquels la prime de vacances est égale à 10% de l'indemnité de congés payés de chaque salarié.

En appliquant ce taux à l'indemnité de congés payés relative à la rémunération brute annuelle perçue par le salarié, il apparaît qu'est due à Monsieur [S] la somme de 349, 69 euros reconnue par Maître [N] pris en sa qualité de mandataire liquidateur. Il convient de fixer cette somme au passif de la SARL L&R CONSULTANTS. Le jugement est infirmé sur ce point.

-sur le licenciement :

En application des articles L 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel appartient l'entreprise. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

En cas de contestation, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif économique allégué et de ce qu'il a satisfait à l'obligation de reclassement lui incombant.

Toutefois, il convient de rappeler que l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur, fût-il en liquidation judiciaire, de rechercher tous les emplois disponibles dans l'entreprise ou parmi les entreprises appartenant au même groupe, dans lesquelles une permutation est possible, trouve sa limite dans la cessation d'activité de l'entreprise qui n'appartient pas à un groupe.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

Il ressort de la lettre en date du 09 octobre 2009 que « par jugement en date du 28 septembre 2009, le Tribunal de Commerce de MEAUX a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL L&R CONSULTANTS[...] en conséquence, ce jugement emporte de plein droit la cessation de toute activité, suppression de tous les postes de travail et de tous les emplois, dont [celui de Monsieur [S]] fermeture de l'entreprise et licenciement collectif de la totalité du personnel inscrit au jour du jugement. ['.] compte-tenu de la cessation totale d'activité, je me vois contraint de procéder à votre licenciement pour cause économique, au motif de la suppression de votre poste de travail, de votre emploi et de l'impossibilité de vous proposer un reclassement. »

Monsieur [S] soutient que la SARL L&R CONSULTANTS a manqué à son obligation de reclassement en adressant un courrier rédigé en termes généraux et non personnalisés à quelques entreprises.

Il convient néanmoins de relever qu'il n'est pas contesté que la SARL L&R CONSULTANTS s'est trouvée en cessation d'activité à compter de la liquidation judiciaire et qu'elle comptait, avec cette mesure, trois seuls postes de salariés.

Il ressort de cette situation objective, et faute pour l'entreprise d'appartenir à un groupe, qu'aucun reclassement n'était envisageable au sein de cette structure à la taille particulièrement limitée dont l'activité cessait. Ainsi, il apparaît que le mandataire liquidateur s'est heurté à l'impossibilité objective de reclasser le salarié, sans qu'il puisse lui être reproché d'avoir effectué une recherche de reclassement externe en des termes généraux.

Par conséquent, le licenciement de Monsieur [S] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et ce dernier est débouté de ses demandes à ce titre (indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents, indemnité de licenciement et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse).

Le jugement de première instance est infirmé.

Compte-tenu de ce qu'une partie des pièces visées dans les écritures et portées aux bordereaux de pièces ne sont pas versées et de ce que le dispositif des écritures ne correspond pas aux motifs développées, il n'apparait pas inéquitable de débouter Monsieur [S] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qui concerne la qualité de salarié octroyée à Monsieur [S],

STATUANT à nouveau et Y AJOUTANT,

DIT que le licenciement de Monsieur [S] repose sur une cause réelle et sérieuse,

FIXE au passif de la Société L&R CONSULTANTS les sommes suivantes :

-6370 euros au titre du rappel de salaire des mois d'août 2009, septembre 2009 et du 01 au 10 octobre 2009,

- 349, 69 euros au titre de la prime de vacances,

DEBOUTE Monsieur [S] du surplus de ses demandes,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

DIT que chacune des parties supportera ses dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 13/06775
Date de la décision : 03/03/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°13/06775 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-03;13.06775 ?
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