Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRET DU 01 MARS 2016
(n° 2016/ 91 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/14692
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juillet 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/15130
APPELANTS
Monsieur [F] [P]
né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1]
et
Madame [X] [F] épouse [P]
née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 2]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
ès qualité d'administrateurs légaux de leur fille [V] [P] née le [Date naissance 3] 1990 à [Localité 3]
Représentés par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
Assistés de Me Jean-Luc LUBRANO-LAVADERA, avocat au barreau de PARIS, toque : C205
INTIMÉE
Compagnie d'assurances ALLIANZ IARD
[Adresse 3]
[Adresse 4]
N° SIRET : 303 265 128 00015
Représentée et assistée par Me Ghislain DECHEZLEPRETRE de la SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1155
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Janvier 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Christian BYK, Conseiller, entendu en son rapport et de Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente de chambre
Monsieur Christian BYK, Conseiller
Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Madame Catherine LE FRANÇOIS, présidente, et par Madame Catherine BAJAZET, greffier présent lors du prononcé.
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Mlle [P], née le [Date naissance 3] 1990, a subi de graves séquelles et un important handicap psychomoteur suite à une opération de neurochirurgie.
Par jugement du 25 juin 2001, le Tribunal de grande instance de Paris a déclaré le docteur [J] responsable de ce préjudice et l'a condamné in solidum avec les ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE à payer aux époux [F] et [X] [P], en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure, les sommes de 1 000 000 de francs à titre de provision sur le préjudice de Mlle [P] et 50 000 francs à chacun à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice moral.
Par arrêt confirmatif du 22 mai 2003, la cour de céans a condamné le docteur [J] et les ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE à payer in solidum à chacun des époux [P] la somme de 60 000 euros à titre de liquidation définitive de leur préjudice personnel.
A la suite du rapport d'expertise du 19 avril 2006, un protocole transactionnel a été signé le 10 juillet 2007, qui a fixé le préjudice total de Mlle [P] à la somme de 840 000 euros.
Par acte du 1er août 2012, les époux [P], en qualité d'administrateurs légaux de leur fille, ont assigné la société ALLIANZ IARD, qui vient aux droits des AGF, en annulation de cette transaction devant le Tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 3 juillet 2014, les a déboutés et a déclaré irrecevable la demande tendant à obtenir la réévaluation de l'indemnisation conclue au titre de l'assistance d'une tierce personne.
Par déclaration du 10 juillet 2014, les époux [P] ont interjeté appel. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 24 septembre 2015, ils sollicitent l'infirmation du jugement, demandant à la cour d'annuler la transaction du 3 juillet 2007, de leur donner acte de ce qu'il n'y a lieu de remettre en cause que le poste « tierce personne », passée et future, de dire que la valeur de la tierce personne pour la période ayant couru jusqu'à juillet 2007 est de 3 360 000 €, demande qu'ils ramènent à 3 000 000 euros, que la rente sera de plein droit revalorisée à la demande de toute partie dès qu'il sera allégué une modification en plus ou en moins au moins égale à 25% de la valeur susvisée et, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer sur le décompte horaire et sur les sommes dues et renvoyer à la mise en état pour présentation d'un décompte horaire par chacune des parties. Si la nullité complète de la transaction n'était pas prononcée, il est demandé à la cour de dire que n'est pas couverte par l'autorité de la chose jugée le critère de révision en fonction du coût réel de l'heure de 'tierce personne', de fixer à 20 € /h la valeur pondérée, en 2013, de la tierce personne, de juger que la rente sera de plein droit revalorisée à la demande de toute partie dès qu'il sera allégué une modification en plus ou en moins au moins égale à 25% de la valeur susvisée. En tout état de cause, il est réclamé la condamnation de la société ALLIANZ à payer les sommes susvisées en deniers et quittances et à leur payer la somme de 8.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 27 novembre 2015, la société ALLIANZ IARD sollicite la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, demandant à la cour de condamner in solidum les époux [P] à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire ALLIANZ, rappelant que le protocole transactionnel a l'autorité de la chose jugée en dernier ressort, sollicite de débouter les époux [P] de leurs demandes et de les condamner in solidum à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 janvier 2016.
CE SUR QUOI LA COUR
Sur la nullité de la transaction:
-absence de concessions réciproques
Considérant qu'à l'appui de leur demande, les époux [P] avancent que le document signé ne contient aucune concession réciproque dès lors qu'il est difficile de voir une concession dans la prise en compte du tarif de l'association ADMR par l'assureur, qui n'avait lui-même avancé aucun chiffre, la proposition qui lui avait été faite indiquant bien, qu'à défaut d'accord, la réclamation se ferait sur la base des tarifs prestataire et non mandataire ;
Qu'en effet, des concessions réciproques supposent l'acceptation d'une demande récusée initialement en contre-partie du même geste du co-contractant et qu'accorder à autrui ce à quoi il aurait normalement eu droit devant le juge n'est pas concéder ;
Considérant que l'assureur répond que le montant des indemnités initialement proposées par la Société ALLIANZ IARD était bien inférieur à celui qui a été finalement retenu dans le protocole transactionnel ;
Qu'ALLIANZ ajoute que c'est sur la base du devis produit par le conseil des appelants qu'elle a procédé dans sa contre-proposition au chiffrage de la tierce personne viagère ;
Qu'en conséquence, elle a bien consenti à des concessions ;
Considérant que, dans le cadre des négociations entre les parties, l'assureur a proposé le 11 septembre 2006 aux époux [P] la somme de 311 831,25 euros au titre de la tierce personne passée et celle de 66 086,46 euros par an au titre de la tierce personne future ;
Que les négociations se poursuivant sur ces postes, l'assureur devait proposer le 24 octobre 2006 respectivement 489 933 euros et 70 479,75 euros (annuels) ;
Que le 16 mai 2007, l'assureur accordait la somme de 91 247 euros au titre de la tierce personne future et de 72 497,83 euros pour les années avec placement ;
Qu'enfin, la somme acceptée par les parties pour l'ensemble de la tierce personne était fixée à 840 000 euros dans la transaction ;
Qu'il résulte de cette chronologie que l'assureur a consenti sur ce seul chef de dommages des concessions substantielles aux époux [P] ;
-contrainte économique
Considérant que les appelants soutiennent que la transaction, lourdement lésionnaire quant à l'indemnisation de la tierce personne a été acceptée par les demandeurs sous la contrainte économique, assimilable à la violence ;
Que l'assureur, qui savait parfaitement que les parents ne pouvaient assurer le coût d'une tierce personne extérieure et n'a, à aucun moment, proposé une nouvelle provision de ce chef, était donc conscient du caractère de contrainte économique qui frappait ses interlocuteurs ;
Considérant que l'assureur réplique que la durée des négociations (13 mois) montre que les époux [P] n'ont pas été soumis à une contrainte économique ;
Qu'au demeurant, il allègue que les époux [P] n'ont jamais supporté une charge financière annuelle de 70 000 euros, la tierce personne temporaire ayant été effectuée bénévolement par Madame [X] [P] ;
Qu'ALLIANZ en conclut que les époux [P] sont mal fondés à prétendre qu'ils auraient été victimes d'une contrainte économique qui les auraient amenés à accepter une indemnisation indécente alors même qu'elle a accepté de retenir comme base de calcul le devis de l'ADMR sur lequel ils fondaient leur réclamation ;
Qu'en conséquence, la nullité de la transaction ne saurait être prononcée, l'erreur sur
l'importance du préjudice ne constituant pas une erreur sur l'objet de la transaction ;
Considérant que les époux [P], qui avaient dès 2001 obtenu des provisions du juge, auraient pu, la question de la responsabilité et celle de la garantie de l'assureur étant définitivement tranchée depuis 2003, obtenir devant le juge des référés, sur le fondement de l'expertise amiable, dont le rapport final date du 10 avril 2006 et dont les conclusions n'ont pas été contestées par ALLIANZ, et au regard de la réalité et de l'importance du préjudice en cause, l'octroi d'une provision complémentaire très substantielle permettant de subvenir aux besoins de leur fille ;
Qu'ils ne démontrent pas que l'assureur aurait fait pression sur eux pour les en empêcher, que, par ailleurs, ils ont bénéficié pendant toute la négociation menée avec celui-ci de l'assistance de leur conseil et qu'au demeurant, M [F] [P], qui est responsable des affaires juridiques d'AGF Banking, écrivait le 10 juillet 2007 en retournant signés les exemplaires de la transaction qu'il agissait 'en plein accord avec son conseil' ;
Qu'en conséquence, les époux [P] ne sauraient alléguer avoir subi une contrainte économique équivalente à la violence ;
Sur la demande subsidiaire des époux [P]:
Considérant que les époux [P] estiment que la révision du montant de la rente étant hors le champ de la transaction, cette réévaluation doit être faite par le juge à défaut d'accord entre les parties et que, la rente doit être fixée à la valeur de 21, 46 euros, ramenée à 20 € /h, et qu' il y a lieu de prévoir qu'elle sera de droit révisée à la demande de toute partie qui l'entendra dès que sera évoquée une modification égale ou supérieure à 25% de son montant ;
Considérant que l'assureur fait valoir l'autorité de la chose jugée, qui s'attache à la transaction au regard du fait que la seule modularité admise par les parties à l'article 4 du protocole transactionnel concerne l'ajustement du montant de la rente en fonction du placement ou non de Mademoiselle [P] dans un établissement spécialisé et que pour chacun des cas de figure, les parties ont d'ores et déjà fixé le montant de la rente annuelle ;
Considérant qu'il résulte des articles 1351 et 2052 du Code civil que l'autorité de la chose jugée attachée à une transaction réglant définitivement un préjudice est indissociable et opposable aux parties dans toutes ses dispositions, qu'il s'ensuit que le paiement de l'indemnité passée comme future pour tierce personne au profit de la victime, dont les représentants légaux ont conclu une transaction avec l'assureur du tiers responsable de l'accident médical, ne peut être remis en cause pour permettre de prévoir un mécanisme de révision de la rente au titre de la tierce personne future dans la mesure où celui-ci n'a pas été prévu par la transaction ;
Sur la demande de dommages et intérêts:
Considérant que l'assureur ne démontrant aucune faute des appelants dans leur droit d'ester et de se défendre en justice, il sera débouté de sa demande ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile:
Considérant que l'équité commande de condamner in solidum les époux [P] à payer à la société ALLIANZ la somme de 2 000 euros, qu'en revanche, il n' y a pas lieu de faire droit à leur demande ;
PAR CES MOTIFS
Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré et, y ajoutant ;
Déboute la société ALLIANZ IARD de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamne in solidum les époux [P] à payer à la société ALLIANZ la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Les déboute de leur demande à ce titre et les condamne in solidum aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE