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17/02/2016 | FRANCE | N°15/01639

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 17 février 2016, 15/01639


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 17 FÉVRIER 2016



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/01639



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2014 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/38709





APPELANT



Monsieur [W] [L], né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 1]



représenté et assisté par Me Michel FERRER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0573







INTIMÉE



Madame [V], [O], [X] [M], née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 3] (ALGERI...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 17 FÉVRIER 2016

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/01639

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2014 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/38709

APPELANT

Monsieur [W] [L], né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté et assisté par Me Michel FERRER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0573

INTIMÉE

Madame [V], [O], [X] [M], née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 3] (ALGERIE)

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque: B0653

assistée de Me Dominique BOUTIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0168

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Evelyne DELBÈS, Président de chambre

Madame Monique MAUMUS, Conseiller, chargée du rapport

Madame Nicolette GUILLAUME, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Evelyne DELBÈS, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier présent lors du prononcé.

M. [W] [L] et Mme [V] [M] se sont mariés le [Date mariage 1] 1971, sous le régime de la séparation de biens.

Par jugement du 14 décembre 1982, le tribunal de grande instance de Paris a prononcé leur divorce.

Par jugement du 16 décembre 2014, le tribunal de grande instance de Paris, saisi par M. [L] par acte du 19 juillet 2013, a :

- déclaré M. [L] recevable en son action,

- dit que les sommes versées au profit de Mme [M], le 15 mars 1979 et le 16 décembre 1982, ne constituent pas des libéralités consenties pendant le mariage,

- en conséquence dit qu'aucune révocation ne peut avoir lieu,

- en conséquence, dit que M. [L] ne peut se prévaloir d'aucune créance à l'encontre de Mme [M] du chef des sommes versées,

- en conséquence, dit qu'il n'y a pas lieu à restitution, ni condamnation de Mme [M] et débouté M. [L] de sa demande,

- en conséquence, renvoyé les parties, en tant que de besoin, devant Maître [D] pour établir l'état liquidatif en considération de ce qui vient d'être tranché, étant précisé qu'hormis les remises de fonds litigieuses, dont il a été démontré qu'elles ne constituent pas des donations, il n'est pas fait état d'un quelconque actif ou passif indivis, ni d'autres créances,

- condamné M. [L] aux dépens et au paiement de 4.000 € au titre des frais irrépétibles,

- rejeté le surplus des demandes.

M. [L] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 22 janvier 2015.

Dans ses dernières conclusions du 28 juillet 2015, il demande à la cour de :

Vu les donations consenties par lui les 15 mars 1979 et 16 décembre 1982,

Vu les dispositions des articles 267 et suivants de la loi du 23 juin 2006,

Vu les dispositions des articles 1096 et suivants du code civil,

Vu les dispositions de l'article 1099-1 du code civil,

Vu les articles 1136-1 et suivants du code de procédure civile,

Vu le procès-verbal de difficultés dressés par Me [D] le 11 avril 2013,

- confirmer les dispositions du jugement du 16 décembre 2014 en ce qu'il a déclaré recevable son action,

- déclarer irrecevable l'appel incident de Mme [M],

- infirmer toutes les autres dispositions,

- statuant à nouveau sur le bien fondé de sa demande,

- le recevoir en ses demandes et l'y dire bien fondé,

- y faisant droit,

- dire et juger que les sommes versées par lui le 15 mars 1979 et le 16 décembre 1982 sont des libéralités consenties à Mme [M] pendant la durée du mariage,

- dire et juger que ces libéralités consenties antérieurement à la date du 1er janvier 2005 sont librement révocables,

- dire et juger que la restitution des libéralités consenties sous la forme d'une donation de sommes d'argent s'effectue comme le remboursement d'une créance de l'époux disposant envers l'époux bénéficiaire,

- constater que ces créances entre les époux doivent être intégrées à la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre eux et qu'il y a donc lieu à liquidation du régime matrimonial entre les parties,

- en conséquence :

- à titre principal

- dire et juger que Mme [M] devra lui restituer un montant de 1.153.519,30 € sauf à parfaire en se fondant sur le produit des ventes des biens réalisées par Mme [M],

- condamner Mme [M] à lui payer un montant de 1.153.519,30 € sauf à parfaire,

- à titre subsidiaire,

- si par impossible la cour ne se fondait pas sur le produit de la vente de l'appartement sis [Adresse 4],

- dire et juger que Mme [M] devra lui restituer un montant de 1.139.451,87 € sauf à parfaire,

- condamner Mme [M] à lui payer un montant de 1.139.451,87 € sauf à parfaire,

- en tout état de cause,

- désigner tel notaire qu'il plaira au 'tribunal' et éventuellement Maître [U] [D], notaire à Paris, avec la mission d'établir l'état liquidatif du régime matrimonial des parties, après intégration de ses créances,

- débouter Mme [M] de toutes ses demandes fins et conclusions,

- la condamner à lui payer un montant de 15.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner en tous les dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions du 9 novembre 2015, Mme [M] demande à la cour de :

- dire M. [L] non fondé en son appel,

- confirmer la décision dont appel,

- débouter M. [L] de toutes ses demandes fins et conclusions contraires,

- recevoir son appel incident,

- y faire droit,

- condamner M. [L] à la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

sur la prescription

Considérant que Mme [M] soulève la prescription de l'action de M. [L] en soutenant que si, aux termes de l'article 260 du code civil, la décision qui prononce le divorce d'entre les époux dissout le mariage à la date à laquelle il prend force de chose jugée, l'article 261-1 du code civil (dans sa rédaction ancienne) indique que le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux en ce qui concerne leurs biens à la date de l'assignation, de sorte que l'action en liquidation de M. [L] introduite plus de trente ans à compter de l'acte introductif d'instance, c'est-à-dire le 12 juillet 1982, est prescrite ;

Considérant toutefois que le délai de prescription d'une créance entre époux commence à courir lorsque le jugement de divorce portant dissolution du mariage est passé en force de chose jugée en application de l'article 260 du code civil, soit le 11 avril 1983 puisque le jugement a été signifié le 11 mars 1983 ;

Considérant que le procès-verbal de difficultés du 11 avril 2013 a interrompu le délai de prescription, de sorte que l'action de M. [L] est recevable en application des dispositions de l'article 2262 ancien du code civil, de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 et de l'article 26 II de cette même loi ;

sur le fond

Considérant que Mme [M] ne conteste pas que le bien immobilier sis [Adresse 1] (lots 57, 29, 3 et 41) correspondant à un appartement avec parking et cave, une chambre de bonne, ainsi qu'une place de parking supplémentaire acquis par elle le 15 mars 1979 pour un prix de 1.013.000 francs (154.430 €) a été financé avec des fonds personnels de M. [L] ;

Considérant qu'aux termes de l'acte de la SCP [K] et [S], notaire à Paris, en date du 7 avril 1983, les époux ont expressément déclaré qu'outre la prestation compensatoire déjà prévue, M. [L] avait accepté de verser à Mme [M], le 16 décembre 1982, en application de l'article 270 du code civil, un capital de 771 373 francs et que c'est par erreur qu'ils ont omis de l'indiquer au juge aux affaires matrimoniales ;

Considérant, en ce qui concerne l'acquisition de l'appartement situé dans le 6ème arrondissement de [Localité 5], que le financement total et comptant d'un bien qui n'était ni le domicile conjugal, ni la résidence secondaire des époux, ne peut être considéré comme la contribution de l'époux qui a fourni les fonds aux charges du mariage, eu égard à l'importance du financement et au fait que cet époux s'acquittait par ailleurs normalement de sa participation aux charges du mariage ;

Considérant que la remise de la somme de 771.373 francs aux termes de l'acte notarié du 7 avril 1983 qualifiée de « prestation compensatoire complémentaire », consentie le 16 décembre 1982 à Mme [M] et qui lui a permis d'acquérir un appartement sis [Adresse 4] dans le 5ème arrondissement de [Localité 5], doit être considérée également comme une libéralité entre époux, contrairement à ce qu'invoque Mme [M] ;

Considérant que le financement du bien immobilier le 15 mars 1979 et la donation du 16 décembre 1982 sont des donations révocables eu égard à leur date, le caractère d'ordre public invoqué par Mme [M] de l'irrévocabilité des donations introduit par l'article 265 du code civil, ne pouvant faire échec aux dispositions relatives à l'application de la loi dans le temps, laquelle en l'espèce n'est pas rétroactive ;

Considérant, que s'il a été vu que l'action de M. [L] n'était pas prescrite, il n'en demeure pas moins que nombre de décisions judiciaires tenant compte tant du patrimoine des ex-époux que de leurs accords financiers sont intervenues depuis cette donation de 1979 ;

Considérant que dès le divorce de Mme [M] et de M. [L] prononcé sur le fondement de leur acceptation réciproque, le tribunal a homologué la prestation compensatoire fixée par l'accord des époux qui avaient pris en compte le sort de cette donation, dès lors que la propriété de Mme [M] sur le bien acquis en 1979 devait nécessairement être considérée pour parvenir à l'économie générale de leur accord sur les conséquences patrimoniales de leur séparation ;

Considérant que postérieurement au divorce, et donc non seulement après la première donation, mais également après la seconde du 16 décembre 1982, les ex-époux ont déposé une requête conjointe le 28 novembre 2005 ;

Que le juge aux affaires familiales de [Localité 5], par jugement du 9 mars 2006, a entériné leur protocole d'accord du 23 février 2006 qui portait la rente versée par M. [L] à Mme [M] à la somme mensuelle de 2 500 € avec indexation sur le SMIC ;

Considérant que cet accord et son homologation judiciaire subséquente ne pouvaient intervenir qu'en considération du patrimoine de chacun, et notamment, de la propriété de Mme [M] sur le bien immobilier sis [Adresse 1] et sur celui sis [Adresse 4] ;

Considérant, enfin, qu'à la suite d'un acte notarié établi par Maître [S] le 30 avril 2009, intitulé 'modification des conditions financières du divorce prononcé le 14 décembre 1982", les parties ont convenu de modifier les modalités de réévaluation de la rente versée à titre de prestation compensatoire, et que cet acte a été homologué par jugement en date du 2 juillet 2010 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris ;

Considérant, en conséquence, que l'autorité de chose jugée qui s'attache aux décisions d'homologation des accords des parties qui prenaient en compte les deux donations aujourd'hui litigieuses, empêche la révocation de ces deux actes par M. [L] lequel par l'élaboration de ces accords dont le dernier l'a été avec l'assistance d'un notaire, a, tacitement mais sans ambiguïté, renoncé à remettre en cause les deux donations précitées, lesquelles remontent à plus de trente ans, sous peine de déséquilibre de l'intégralité des accords pris entre les ex-époux pendant ces décennies ;

Considérant, en conséquence, qu'il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que les sommes versées au profit de Mme [M] le 15 mars 1979 et le 16 décembre 1982 ne constituent pas des libéralités consenties pendant le mariage, mais de le confirmer en ce qu'il a rejeté toute demande de restitution ou de condamnation de Mme [M] au profit de M. [L] ;

Qu'il y a lieu également de l'infirmer en ce qu'il a renvoyé les parties, en tant que de besoin, devant Maître [D] pour établir l'état liquidatif, dès lors qu'aucun état liquidatif ne doit être dressé ;

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement en ce qu'il a dit que les sommes versées au profit de Mme [M] le 15 mars 1979 et le 16 décembre 1982 ne constituent pas des libéralités consenties pendant le mariage, et renvoyé les parties, en tant que de besoin, devant Maître [D] pour établir l'état liquidatif,

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés,

Dit que les sommes versées au profit de Mme [M] le 15 mars 1979 et le 16 décembre 1982 constituent des libéralités consenties pendant le mariage,

Dit n'y avoir lieu à renvoi devant Me [D] pour établir un état liquidatif,

Confirme le jugement pour le surplus,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes,

Condamne M. [L] aux dépens,

Accorde à l'avocat de Mme [M] le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 15/01639
Date de la décision : 17/02/2016

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°15/01639 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-17;15.01639 ?
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