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11/02/2016 | FRANCE | N°14/10468

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 11 février 2016, 14/10468


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 11 Février 2016

(n° 85 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/10468



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Septembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/10999









APPELANTE

SA ECOFI INVESTISSEMENTS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Renaud DUFE

U, avocat au barreau de PARIS, toque : D1646







INTIME

Monsieur [C] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Stéphane GA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 11 Février 2016

(n° 85 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/10468

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Septembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/10999

APPELANTE

SA ECOFI INVESTISSEMENTS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Renaud DUFEU, avocat au barreau de PARIS, toque : D1646

INTIME

Monsieur [C] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Stéphane GAUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R233

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Catherine MÉTADIEU, Présidente de chambre

Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Céline BRUN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, Présidente et par Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, greffier présent lors du prononcé.

Exposé du litige

[C] [Y] a été engagé à compter du 1er février 2007 par la Sa Ecofi Investissements, en qualité de responsable logistique et marketing, selon un contrat de travail à durée indéterminée Il occupait en dernier lieu les fonctions de responsable service client.

La relation de travail est régie par la convention collective des sociétés financières.

Le 4 juin 2012, [C] [Y] a fait l'objet d'une mise à pied et a été convoqué le 4 juin 2012 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, reporté au 25 juin 2012.

La Sa Ecofi Investissements lui a reçu notifié son licenciement pour faute grave par lettre recommandée datée du 10 juillet 2012.

Invoquant des fats de harcèlement moral, entachant selon lui son licenciement de nullité, [C] [Y] a le 5 octobre 2012, saisi le conseil de prud'hommes de Paris.

Par jugement en date du 3 septembre 2014, le conseil de prud'hommes a :

- condamné la Sa Ecofi Investissements à verser à [C] [Y] les sommes de :

' 20 890,68 € d'indemnité compensatrice de préavis,

' 2 089,06 € de congés payés afférents,

' 19 245,18 € d'indemnité de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation

' 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté [C] [Y] du surplus de ses demandes et la Sa Ecofi Investissements de sa demande reconventionnelle.

[C] [Y] et la Sa Ecofi Investissements ont respectivement relevé appel de cette décision les 30 septembre et 14 octobre 2014.

[C] [Y] demande à la cour de :

- dire son licenciement nul pu à toute le moins dépourvue de cause réelle et sérieuse

- juger son licenciement irrégulier

- confirmer le jugement du chef des condamnations relatives à l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, l'indemnité de licenciement,

- l'infirmer en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes

Statuant à nouveau,

- condamner la Sa Ecofi Investissements à lui payer les sommes de :

' 41 510 € de rappel de prime au titre des années 2008, 2009, 2010 et 2011,

' 4 151 € de congés payés afférents,

' 100 000 € de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

' 6 963,56 € d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,

' 167 125 € d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

' 10 000 € de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de prévention prévue à l'article L.1152-4 du code du travail

' 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Sa Ecofi Investissements conclut au débouté de [C] [Y], à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur ce point,

- condamner [C] [Y] au paiement de la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.

Motivation

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la Sa Ecofi Investissements reproche notamment à [C] [Y] de :

- avoir accusé de mauvaise foi son supérieur hiérarchique de faits de harcèlement par des écrits,

- discrédité l'enquête menée de façon indépendante et impartiale par le responsable du contrôle et suivi de gestion assisté d'un délégué du personnel, portant atteinte à l'honneur et à la considération tant de la direction générale d'Ecofi que des collaborateurs, ses collègues en charge de l'enquête,

- avoir tenté d'influencer le résultat de l'enquête par un e-mail du 4 avril 2012,

- avoir adressé le 4 avril 2012 un e-mail faisant référence à des faits et accusations graves, à savoir avoir tenté d'obtenir de fausses attestations,

- avoir fait preuve de mauvaise foi en se prêtant à un chantage, puis en proférant, faute d'avoir obtenu satisfaction des accusations gratuites, mensongères et/ou en jetant le discrédit sur la direction générale, son supérieur hiérarchique immédiat, des collègues, les enquêteurs.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Sur le harcèlement moral :

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments de prouver, que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, [C] [Y] invoque les faits suivants :

- il s'est plaint d'une situation de souffrance auprès du médecin du travail dès le mois de mars 2009,

- cette situation a été médicalement constatée,

- il a fait l'objet à partir de 2008 de diverses mesures telles qu'une diminution de ses prérogatives, fonctions, et responsabilités managériales, il a notamment été exclu du comité de direction et d'autres réunions,

- il a été isolé sur un plateau non chauffé,

- il a fait l'objet de courriels à connotation antisémite,

- il n'avait jamais été mis en cause par quiconque, y compris son supérieur hiérarchique avant qu'il ne décide d'alerter formellement l'employeur qu'il estimait être victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral à l'occasion d'un entretien avec le directeur des ressources humaines,

- tous les griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont postérieurs à la dénonciation par lui de faits de harcèlement,

- bien qu'irrégulière, l'enquête ne conclut pas que les faits dénoncés sont mensongers.

Pour étayer ses affirmations, [C] [Y] produit notamment de multiples pièces (147) parmi lesquelles :

- divers échanges de courriers entre lui-même et M. [C],

- des courriels relatifs au déménagement des 3 et 9 décembre 2008 relatif au déménagement,

- des fiches médicales émanant de la médecine du travail, le déclarant apte avec toutefois des visites de surveillance régulières.

[C] [Y] établit l'existence de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

L'employeur fait valoir, aux termes de très longues conclusions, que :

- l'année 2010 s'est achevée dans de bonnes conditions, un bonus de 8 000 € ayant été alloué à [C] [Y],

- ce dernier a bénéficié d'une formation de l'Essec,

- le premier écrit de [C] [Y] dénonçant des faits de harcèlement est en date du 4 avril 2012 et il a aussitôt déclenché une mesure d'enquête, confiée au délégué du personnel et à l'un des contrôleurs de gestion de la société, ce choix garantissant leur indépendance,

- dès son embauche, [C] [Y] a manifesté de la rancoeur comme n'ayant pas obtenu le montant de rémunération qu'il espérait et n'ayant pas vocation a remplacer le directeur commercial comme il l'espérait,

- ses moyens ont été renforcés par des embauches et une mobilité interne,

- le déménagement du [Adresse 3] a été motivé par la décision de regrouper le service dont [C] [Y] était responsable dans les mêmes locaux que ceux occupés par ses propres équipes et la direction commerciale.

La Sa Ecofi Investissements produit :

- ses échanges avec l'intéressé

- le justificatif de l'intervention relative au problème ponctuel de climatisation de janvier 2009,

- l'enquête interne au cours de laquelle 19 salariés ont été entendus, pour certains à deux reprises, a mis en évidence le fait que [C] [Y] tenait des propos très critiques vis à vis de la société, dévalorisants à l'égard de tous les collaborateurs, durs et virulents à l'endroit de M. [C] et qu'il est à l'origine d'un malaise général ressenti par tous les collaborateurs commerciaux.

Les éléments ainsi versés permettent de constater que jusqu'à l'état 2011, [C] [Y] a bénéficié de conditions de travail favorables qui lui ont permis de bénéficier d'une formation reconnue, de percevoir en 2009 et 2010 un bonus.

La dégradation indéniable des relations entre les parties à compter de 2011 est née du refus du directeur commercial, M. [C] de le faire participer, comme [C] [Y] le souhaitait, aux réunions commerciales hebdomadaires, alors même qu'il occupait des fonctions de responsable logistique de marketing, et, ainsi que le souligne les premiers juges, qu'il espérait remplacer ce dernier, absent et dont il a expressément déploré le retour.

Le climat conflictuel qui en est résulté ne peut être imputé à l'employeur seul qui établit avoir mis en oeuvre une mesure d'enquête laquelle n'a pas permis de mettre en évidence des faits de harcèlement moral dont [C] [Y] aurait été la victime, la Sa Ecofi Investissements justifiant par ailleurs que le déménagement de ce dernier dans de nouveaux locaux ne lui a pas été spécifique mais s'inscrivait dans le cadre d'un regroupement de service relevant de son pouvoir de direction.

La Sa Ecofi Investissements établit également avoir tout mis en oeuvre pour mettre fin au dysfonctionnement du système de chauffage dont [C] [Y] se plaint, cet incident étant ponctuel.

L'employeur démontre ainsi que les faits matériellement établis par [C] [Y] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Les demandes relatives au harcèlement et au licenciement doivent par conséquent être rejetées.

[C] [Y] n'apporte pas la preuve que la Sa Ecofi Investissements dont il est établi qu'elle a pris en considération ses doléances concernant ses conditions de travail, a manque à son obligation de sécurité de résultat.

Sur le licenciement :

C'est par de juges motifs que la cour fait siens, que le conseil de prud'hommes a estimé que les accusations portées par [C] [Y] dont la réalité n'est pas établie si elle ne justifiait pas la cessation immédiate des relations contractuelles étaient toutefois constitutive d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il convient de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, les premiers juges ayant procédé à une exacte appréciation des indemnités de rupture auxquelles le salarié peut prétendre.

Vainement [C] [Y] sollicite une indemnité pour irrégularité de procédure au motif que l'employeur a indiqué au Chsct avoir pris la décision de le licencier dès le 17 mai 2012, s'agissant d'une maladresse d'expression, reprise ensuite par son auteur qui a précisé avoir pris la décision de le convoquer à un entretien préalable à son éventuel licenciement, la procédure de licenciement ayant été mise en oeuvre du licenciement le 4 juin 2010.

Sur la rémunération variable :

L'article 3 du contrat de travail prévoit qu''à la fin de l'année, au regard des résultats personnels, un montant fonction de l'atteinte des objectifs, du reflet des missions confiées, viennent s'ajouter au salaire sous forme de prime'.

Son montant est fixé à deux mois de salaire pour une année pleine, versé au mois de janvier suivant.

La Sa Ecofi Investissements ne justifie pas avoir assigné à [C] [Y] des objectifs, précis et détaillés.

En effet les objectifs dont elle se prévaut évoqués dans l'évaluation annuelle ne sont nullement chiffrés et concernent plus les attentes de l'employeur concernant le comportement professionnel attendu du salarié.

Elle indique lui avoir versé 25 000 € en 2008 au titre de 2007, 5 000 € en 2010 au titre de 2009, 8 000 € en 2011 au titre de 2010, et rien au titre de 2011

Vainement la Sa Ecofi Investissements invoque les insuffisances de [C] [Y] dès lors qu'elle n'a pas respecté son engagement contractuel, faute de lui avoir fixé des objectifs et de justifier de ses résultats personnels.

Il a donc perçu une somme totale de 38 000 € pour trois exercices.

Il convient donc sur cette base, de condamner la Sa Ecofi Investissements à lui verser la somme de 25 333 € au titre des années 2008 et 2011, outre 2 533 € de congés payés afférents, observation étant faite que les dispositions du contrat ne font pas obligation à l'employeur de verser deux mois de salaire, s'agissant d'un montant maximal.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement en ce qu'il a accordé à [C] [Y] la somme de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer 1 500 € sur le même fondement au titre des sommes qu'il a dû exposer en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté [C] [Y] de sa demande de rappel de primes

Statuant de nouveau sur ce point

Condamne la Sa Ecofi Investissements à payer à [C] [Y] les sommes de :

- 25 333 € au titre des années 2008 et 2011,

- 2 533 € de congés payés afférents,

Ajoutant au jugement

Condamne la Sa Ecofi Investissements à payer à [C] [Y] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute les parties du surplus de leurs demandes

Condamne la Sa Ecofi Investissements aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 14/10468
Date de la décision : 11/02/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°14/10468 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-11;14.10468 ?
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