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09/02/2016 | FRANCE | N°15/02067

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 09 février 2016, 15/02067


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 09 FEVRIER 2016



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/02067



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Janvier 2015 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 14/16



APPELANTE :



Madame [N] [O] épouse [S]

[Adresse 3]

[Adresse 7]



Représentée par Me Francine H

AVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250

Ayant pour avocat plaidant Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE



INTIMES :



Maître [P] [X] ès qualités de liquidateur de Monsieur [F] [S],

[A...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 09 FEVRIER 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/02067

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Janvier 2015 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 14/16

APPELANTE :

Madame [N] [O] épouse [S]

[Adresse 3]

[Adresse 7]

Représentée par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250

Ayant pour avocat plaidant Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE

INTIMES :

Maître [P] [X] ès qualités de liquidateur de Monsieur [F] [S],

[Adresse 9]

[Adresse 1]

[Adresse 8]

[Adresse 6]

Représenté par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Ayant pour avocat plaidant Me Marie NEGREL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1097

Monsieur [F] [S]

né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 1] (93100)

de nationalité française

[Adresse 2]

[Adresse 7]

Représenté par Me Joëlle VALLET-PAMART, avocat au barreau de PARIS, toque : D1476

MINISTERE PUBLIC représenté par Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de PARIS élisant domicile en son Parquet au Palais de Justice

[Adresse 4]

[Adresse 5]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Décembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

M. Laurent BEDOUET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Pervenche HALDRIC

Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur Marc BRISSET FOUCAULT, Avocat Général, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente et par Madame Pervenche HALDRIC, greffière présente lors du prononcé.

Par jugement du 8 janvier 2014, le tribunal de grande instance d'Evry a ordonné l'extension à Mme [N] [O] épouse [S] de la liquidation judiciaire qui a été ouverte le 11 octobre 2013 à l'égard de M [F] [S], a rappelé que la date de cessation des paiements a été fixée au 13 avril 2012 et que les opérations de liquidation se poursuivront sous patrimoine commun.

Mme [S] a relevé appel de cette décision selon déclaration du 28 janvier 2015 et demande à la cour dans ses conclusions signifiées le 3 décembre 2015 de surseoir à statuer en l'attente de la décision du conseil des prud'hommes d'Evry à intervenir dans l'instance visant à voir reconnaître son statut de salariée, subsidiairement, d'infirmer le jugement, de dire qu'aucune relation financière n'est décrite dans l'assignation, qu'aucun état confusionnel des patrimoines n'est circonstancié, qu'il n'est pas démontré de préjudice des créanciers consécutif à des flux financiers anormaux, en conséquence, de rejeter toutes les prétentions de Maître [X], ès qualité, et de la condamner au paiement de 5.000  euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 8 décembre 2015, M [S] sollicite également un sursis à statuer en l'attente de la délivrance de la décision du conseil des prud'hommes d'Evry à intervenir le 19 janvier 2016, un renvoi de l'affaire pour permettre aux parties de conclure au vu de cette décision, l'infirmation du jugement entrepris, qu'il soit constaté la fausseté des affirmations de Maître [X] et qu'il soit ordonné au mandataire liquidateur de produire le grand livre journal du plan comptable pour les années 2007 à 2011 si la cour ne s'estimait pas suffisamment informée, le rejet de toutes les prétentions de Maître [X] et sa condamnation, ès qualités, à lui payer 5.000 euros au titre des frais irrépétibles, outre la prise en charge des entiers dépens.

Dans ses écritures signifiées le 9 décembre 2015, Maître [X], ès qualités de liquidateur de M [S], conclut au rejet du sursis à statuer, à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, au débouté de Mme [S] en toute demande additionnelle ou contraire et à sa condamnation au paiement de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Entendu M.l'avocat général en son avis s'opposant à la demande de sursis à statuer en raison de son caractère dilatoire, la qualité de salariée de Mme [S] étant sans incidence sur la procédure et sollicitant la confirmation du jugement entrepris.

SUR CE

M [S] exerçait en nom propre depuis 1998 une activité de conseil, en proposant à ses clients des programmes immobiliers éligibles à la défiscalisation. Différentes entités du groupe [S] intervenaient par ailleurs pour construire ou rénover, commercialiser et gérer les biens immobiliers support de ces opérations de défiscalisation.

Confronté à l'échec de certains projets, le cabinet de M [S] a subi les actions en dommages et intérêts de clients qui n'avaient pu bénéficier des avantages fiscaux prévus.

C'est dans ce contexte qu'une procédure de liquidation judiciaire à été ouverte le 11 octobre 2013 à l'égard de M [S].

- Sur la demande de sursis à statuer

Mme [S], revendiquant le statut de salariée du cabinet de son époux, en qualité de directrice administrative, qui lui est contesté par Maître [X], a engagé une procédure devant le conseil des prud'hommes d'Evry, dont la décision était en délibéré à la date des débats devant la cour.

Les époux [S] sollicitent un sursis à statuer auquel Maître [X] s'oppose en considérant que l'existence de flux anormaux est avérée indépendamment du statut de Mme [S].

Le sursis à statuer ne s'impose pas, dès lors que la décision définitive sur le statut salarié de Mme [S] au sein du cabinet de son conjoint, qui interviendra dans un délai à ce jour indéterminé, n'est pas indispensable pour se prononcer dans la présente instance sur la confusion des patrimoines, Maître [X] fondant sa demande d'extension sur d'autres mouvements de fonds que les salaires perçus par Mme [S].

En conséquence, la demande de sursis à statuer sera rejetée.

- Sur l'extension de la liquidation judiciaire

Selon l'article L 641-1, I du code du commerce renvoyant en matière de liquidation judiciaire à l'article L 621-2 du code du commerce, la procédure collective ouverte peut, à la demande notamment du mandataire judiciaire être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.

L'extension de la liquidation à l'épouse a été prononcée sur assignation de Maître [X], ès qualités de mandataire judiciaire de la liquidation judiciaire de

M [S], invoquant une confusion du patrimoine, le tribunal ayant relevé que Mme [S] exerçait une activité importante au sein du cabinet de son époux en tant que co-exploitante, son statut de salariée ayant été écarté, sa qualité de co-exploitante ressortant également de ses participations et fonctions de dirigeante dans plusieurs sociétés du groupe [S], qu'aucune comptabilité ne séparant les apports et les prélèvements respectifs des époux n'a été produite, que plus de 300.000 euros ont été prélevés dans l'intérêt du couple sur le cabinet [S], de sorte qu'il est impossible de séparer les deux patrimoines.

Comme en première instance, Maître [X] fonde en appel sa demande d'extension sur l'existence d'une confusion des patrimoines se caractérisant par des relations financières anormales, Mme [S] détenant une carte American Express du cabinet dont elle a fait usage pour des dépenses personnelles, par le règlement sur la trésorerie du cabinet de dépenses importantes dans l'intérêt des deux époux, par le montage de sociétés mis en place par M [S] avec son épouse et par la négation de la qualité de salariée de Mme [S].

Ces moyens, tous contestés par les époux [S], seront examinés successivement.

- sur le montage de sociétés au sein du groupe [S]

Maître [X] ne recherchant l'extension de la liquidation judiciaire qu'entre les patrimoines de Mme [S] et celui du cabinet de son époux, exerçant à titre individuel, le moyen pris de la situation des sociétés du groupe [S], de ce que l'épouse dirige les sociétés Snc Jcm Invest, Sci Grace 2, Snc Jcm Saint Martin et détient des participations dans différentes autres sociétés du groupe n'est pas opérant, en ce qu'il ne permet pas d'établir l'imbrication de patrimoines entre les époux [S].

Si, comme son époux, Mme [S] a été assignée en paiement de dommages et intérêts par des investisseurs n'ayant pu bénéficier de la défiscalisation escomptée, sa condamnation n'est recherchée que sur le fondement de l'article L 221-1 du code de commerce c'est à dire en sa qualité d'associée en nom collectif, notamment de la Snc Prestige Rénovation, de sorte que c'est encore vainement qu'il est fait état de ces procédures pour caractériser une confusion de patrimoines avec le cabinet [S].

- Sur les dépenses réglées par le cabinet

S'agissant des dépenses personnelles du couple prises en charge par le cabinet, selon Maître [X], à hauteur de 273.379,91 euros pour la période 2007/2011, les époux [S] ne discutent pas le fait qu'un certain nombre de frais personnels ont bien été réglés par le cabinet, mais considèrent que ces règlements sont réguliers au regard du plan comptable dès lors qu'ils ont été réintégrés dans le 'compte de l'exploitant'.

Maître [X] réplique qu'il est indifférent que ces dépenses personnelles aient pu être réintégrées, ce dont il n'est pas justifié, dès lors qu'aucun apport n'a jamais été effectué pour compenser ces prélèvements.

Cependant, M [S] exerçant à titre individuel soutient à juste titre que le plan comptable général ne lui interdisait pas de régler des dépenses personnelles depuis son compte professionnel, la seule exigence comptable et fiscale étant que ces dépenses soient ensuite réintégrées dans le 'compte de l'exploitant' (compte 108 du PCG), ce que M [S] affirme avoir fait.

Les époux [S] ne sont pas utilement contredits sur ce point par le liquidateur, dès lors qu'il n'est pas contesté que la comptabilité du cabinet était tenue par un expert-comptable et qu'il ressort par ailleurs des pièces au débat que le cabinet [S] a fait l'objet d'un contrôle fiscal pour l'exercice 2010 qui s'est conclu le 18 juin 2013 sans aucune rectification, ces éléments laissant présumer d'une comptabilité régulière à cette période, permettant d'isoler les dépenses respectives.

Quant à la détention, non contestée, par l'épouse d'une carte American Express attachée au cabinet [S] et à son utilisation pour un montant de 33.439,33 entre 2007 et 2011, elle n'est pas en elle-même suffisante pour caractériser des flux anormaux et une confusion des patrimoines, le simple fait pour un conjoint de payer des dépenses personnelles avec le compte professionnel pouvant, comme précédemment, consister en un prélèvement personnel devant fiscalement être ultérieurement pris en compte, étant souligné que la cour n'est saisie que d'une demande d'extension de la procédure collective.

L'utilisation de cette carte bancaire n'est pas davantage de nature à établir une co-exploitation du cabinet par Mme [S], compte tenu de sa qualité d'épouse et de l'exploitation du cabinet en nom propre par M [S], l'épouse affirmant sans être contredite qu'elle ne disposait pas de la signature sur le compte bancaire du cabinet.

Ainsi la seule démonstration du caractère personnel d'un certain nombre de dépenses réglées sur la trésorerie du cabinet, ne suffit pas à caractériser l'imbrication du patrimoine de Mme [S] dans celui du cabinet, étant observé qu'il n'est fait état d'aucun règlement effectué par celle-ci dans l'intérêt du cabinet de M [S] et qu'il ne peut être reproché à Mme [S] de ne pas avoir tenu une comptabilité personnelle, la loi n'instituant pas une telle obligation pour les particuliers.

En cet état, le mandataire liquidateur ne caractérise pas suffisamment l'impossibilité d'isoler le patrimoine du cabinet [S] de celui de Mme [S] et la confusion des patrimoines considérés.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'étendre la liquidation judiciaire du cabinet [S] à Mme [S], le jugement étant infirmé en ce sens.

- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS

Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu d'étendre à Mme [N] [O] épouse [S] la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de M [F] [S],

Déboute Maître [X] de toutes ses demandes,

Déboute M et Mme [S] de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective et dit qu'ils pourront être recouvrés directement par les avocats qui en font la demande conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 15/02067
Date de la décision : 09/02/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°15/02067 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-09;15.02067 ?
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