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26/01/2016 | FRANCE | N°15/00518

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 26 janvier 2016, 15/00518


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 26 JANVIER 2016



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/00518



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Novembre 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2014030379



APPELANTES :



SAS FINANCIERE AMPLEGEST agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité

audit siège

immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 522 670 579

[Adresse 1]

[Localité 1]



SARL INVEST SECURITIES HOLDING agissant en la personne de ses représentants léga...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 26 JANVIER 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/00518

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Novembre 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2014030379

APPELANTES :

SAS FINANCIERE AMPLEGEST agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 522 670 579

[Adresse 1]

[Localité 1]

SARL INVEST SECURITIES HOLDING agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 437 960 073

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentées par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Ayant pour avocat plaidant Me Pascal WILHELM de la SELAS WILHELM & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0024 et Me Philippe SCHMIDT, toque L183

INTIME :

Monsieur [F] [P]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-François PAQUE, avocat au barreau de PARIS, toque : K35

PARTIES INTERVENANTES :

Monsieur [S] [O]

né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 3]

[Adresse 3]

[Localité 4] (Colombie)

Madame [O] [O]

né le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 2]

[Adresse 3]

[Localité 4] (Colombie)

Monsieur [U] [D]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentés par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-François PAQUE, avocat au barreau de PARIS, toque : K35

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

M. Laurent BEDOUET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Pervenche HALDRIC

Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente et par Madame Pervenche HALDRIC, greffière présente lors du prononcé.

La SA Amplegest, société agréée par l'Autorité des marchés financiers (AMF), ayant pour activité la gestion de portefeuilles pour le compte de tiers, était détenue au 30 avril 2010 par la société Invest Securities Holding à hauteur de 35% et le capital restant par ses fondateurs MM [A], [J], [C] et [P].

En mai 2010, dans le cadre d'une opération dite 'owner buy out' la Sas Financière Amplegest, créée à cet effet, détenue à hauteur de 44,17% par la société Invest Securities Holding et pour le surplus par les dirigeants et les salariés d'Amplegest, a racheté l'intégralité du capital social d'Amplegest, M. [P] étant devenu propriétaire de 90.831 actions de la nouvelle société sur un total de 903.856 et par ailleurs salarié d'Amplegest en qualité de gestionnaire de portefeuilles.

Le 23 juillet 2010, un pacte a été conclu entre les associés de Financière Amplegest, dont M [P], en présence des sociétés Financière Amplegest, présidée par Invest Securities Holding, et Amplegest, prévoyant notamment les conditions de cession des actions ainsi qu'une promesse de vente de leurs titres par les managers aux autres associés à certaines conditions.

En décembre 2013, M [P] a fait part à la direction d'Amplegest de son souhait de céder une partie de sa participation, projet qui n'a intéressé aucun des autres associés.

Le 16 janvier 2014, il a notifié au président et aux associés de Financière Amplegest, qui disposent aux termes du pacte d'un droit de préemption, un projet de cession de l'intégralité de ses actions à des tiers, M et Mme [O] et M [D] et a sollicité auprès du président de Financière Amplegest l'agrément de ces cessionnaires en application de l'article 11 des statuts de la société, qui lui a répondu les 28 janvier et 14 février 2014, n'avoir lieu de statuer sur cette demande dès lors qu'il ne pouvait en vertu de l'article 10.6 du pacte procéder à la cession des actions pendant la durée de validité de la promesse, sauf à obtenir l'accord préalable de tous les autres associés, et l'invitait dans son second courrier a réitéré sa demande d'agrément après avoir obtenu cet accord.

Aucun des associés n'a exercé son droit de préemption.

Le 23 avril 2014, M [P] a signé les actes de cession de ses titres au profit de M et Mme [O] et de M [D], et a signifié ces cessions à Financière Amplegest par acte d'huissier du 23 avril 2014, ainsi que les actes d'adhésion des cessionnaires au pacte du 23 juillet 2010.

Le président de Financière Amplegest ayant informé M [P], le 30 avril 2014, de son refus d'enregistrer les trois ordres de mouvement, au motif que les cessions étaient nulles, M [P] a fait assigner Financière Amplegest et Invest Securities Holding devant le tribunal de commerce de Paris pour voir condamner la société Financière Amplegest à signer les ordres de mouvements des titres ainsi qu'au paiement de 100.000 euros de dommages et intérêts et pour voir annuler toute assemblée générale irrégulière des actionnaires s'étant tenue sans les cessionnaires.

Par jugement du 28 novembre 2014, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a ordonné à Financière Amplegest de signer les ordres de mouvement des titres, de les reporter sur les registres de la société sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la justification de la notification par

M [P] de cette cession à l'AMF, a dit irrecevable la demande d'annulation des assemblées générales, a débouté M. [P] de sa demande de dommages et intérêts et a condamné solidairement Financière Amplegest et Invest Securities Holding à payer 20.000 euros à M [P] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et in solidum aux dépens.

Financière Amplegest et Invest Securities Holding ont relevé appel de cette décision selon déclaration du 6 janvier 2015 et ont assigné en intervention forcée en cause d'appel M et Mme [O] ainsi que M [D] par actes d'huissier du 13 août 2015.

Dans leurs dernières écritures signifiées le 31 août 2015, Financière Amplegest et Invest Securities Holding demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit M [P] irrecevable en sa demande d'annulation des assemblées générales et en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts, de l'infirmer en ce qu'il a ordonné à Financière Amplegest de signer les ordres de mouvement des titres et de les reporter dans ses registres et les a condamnées solidairement au paiement de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles, statuant à nouveau, de constater à titre principal la violation par

M. [P] de l'article 10 du pacte d'associés et de l'article 11 des statuts de Financière Amplegest et, à titre subsidiaire, la violation de l'article 4 du pacte d'associés et de l'article 11 des statuts de Financière Amplegest, en conséquence de prononcer la nullité des cessions d'actions en date du 23 avril 2014 au profit de M et Mme [O] et de M [D], vu les agissements fautifs de M [P] de le condamner à leur verser à chacune 50.000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil et 20.000 euros chacune au titre des frais irrépétibles, en tout état de cause de débouter M [P] de l'ensemble de ses prétentions, de dire recevable l'intervention forcée des cessionnaires, de leur rendre opposable la procédure et commun l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de juger d'office sur le fondement de l'article 552 alinéa 3 du code de procédure civile leur mise en cause nécessaire au nom d'une bonne administration de la justice, en tout état de cause de débouter intégralement M et Mme [O] et M [D] de toutes leurs prétentions et de les condamner à 5.000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses écritures signifiées le 31 juillet 2015, M [P] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné Financière Amplegest et son président Invest Securities Holding à signer les ordres de mouvement de titres conclus avec

M et Mme [O] et M [D], puis à les reporter et les retranscrire dans les registres de la société, en ce qu'il les a condamnées solidairement au paiement de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles, pour le surplus statuant à nouveau de condamner solidairement Financière Amplegest et Invest Securities Holding à lui payer 150.000 euros de dommages et intérêts, une somme complémentaire de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et en tout état de cause de débouter les sociétés appelantes de toutes leurs demandes.

Par conclusions signifiées le 26 août 2015, M et Mme [O] et M [D] soulèvent l'irrecevabilité et le mal fondé de l'assignation en intervention forcée et sollicitent le rejet de toutes les prétentions des sociétés appelantes, la confirmation du jugement et la condamnation solidaire de Financière Amplegest et d'Invest Securities Holding à leur payer à chacun 15.000 euros de dommages et intérêts, outre 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que la prise en charge des entiers dépens.

SUR CE

Liminairement, il sera relevé que M [P] ne reprend pas en cause d'appel la demande d'annulation des assemblées générales dont il a été débouté en première instance, de sorte que le jugement qui n'est pas critiqué à cet égard sera confirmé de ce chef.

- Sur l'intervention forcée des cessionnaires

Les trois cessionnaires qui n'étaient pas parties en première instance ont été appelés en intervention forcée devant la cour par Financière Amplegest et Invest Securities Holding.

Ils soulèvent l'irrecevabilité de cette intervention forcée en ce que leur mise en cause tardive ne résulte pas d'une évolution du litige, les faits débattus devant la cour étant identiques à ceux soumis au tribunal et en ce qu'elle n'a pas été faite à un moment utile leur permettant de se défendre utilement, l'assignation ayant été délivrée le 13 août 2015 pour une clôture le 1er septembre 2015, faisant observer sur le fond qu'il n'existe aucune fraude, ayant acquis les titres de M [P] en toute bonne foi à l'issue d'un processus respectant le pacte d'actionnaires et les statuts.

Tandis que Financière Amplegest et Invest Securities Holding soutiennent que cette intervention forcée est justifiée en ce que le jugement du 28 novembre 2014 qui a autorisé les cessions litigieuses, devenues opposables à la société, a fait devenir actionnaires les trois cessionnaires, le jugement étant en conséquence intrinsèquement porteur d'une évolution du litige, que s'y ajoute une circonstance nouvelle, Mme [O] ayant notifié le 2 février 2015 un projet de cession de ses actions avant de se rétracter, soulignant que l'évolution du litige doit être appréciée plus libéralement lorsque l'intervention forcée tend seulement à une déclaration d'arrêt commun et non à une condamnation des tiers et que les cessionnaires ont intérêt à être appelés à la cause en leur qualité nouvellement reconnue. Subsidiairement, elles soutiennent que, s'agissant d'un litige indivisible, cette mise en cause est indispensable à une bonne administration de la justice, la cour ayant le pouvoir en vertu de l'article 552 du code de procédure civile d'ordonner d'office la mise en cause de tous les co-intéressés indépendamment de toute évolution du litige.

Selon l'article 555 du code de procédure civile peuvent être appelées devant la cour les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance, même aux fins de condamnation quand l'évolution du litige implique leur mise en cause. Seule cette évolution du litige, qui suppose l'existence d'un élément nouveau révélé par le jugement ou survenu postérieurement à celui-ci, permet d'appeler ainsi les tiers en cause d'appel par dérogation au principe du double degré de juridiction.

Si le transfert de la propriété des titres découle de la signature des actes de cession, il n'en demeure pas moins que la signature de ces actes n'a pas suffi à modifier formellement l'actionnariat, lequel résulte de l'enregistrement de ces mouvements sur les registres sociaux.

Aux termes de l'article 16.2 du pacte, Financière Amplegest a été mandatée par les parties signataires du pacte comme seule habilitée à traiter et, le cas échéant, exécuter les ordres de mouvement relatifs aux titres et tenue à cette occasion de vérifier la régularité des demandes d'ordres de mouvement au regard des engagements convenus dans le pacte et ne devait procéder à l'enregistrement d'un ordre de mouvement qu'après d'être assurée du respect des procédures prévues au pacte.

Le président de Financière Amplegest ayant en vertu du pouvoir dont il était investi refusé de signer les ordres de mouvement et d'effectuer leur enregistrement, le jugement qui lui a ordonné d'y procéder est bien porteur d'une évolution du litige au sens de l'article 555 du code de procédure civile, la présence des cessionnaires dont les droits sont susceptibles d'être remis en cause par la demande d'annulation de cessions, étant en outre indispensable.

En conséquence, la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'évolution du litige sera rejetée, la cour dira l'intervention forcée des cessionnaires recevable, tout en relevant que le principe de la contradiction a été respecté, les cessionnaires ayant pu conclure et n'ayant pas sollicité le report de l'ordonnance de clôture.

- Sur les cessions et leur inscription sur les registres de la société

Sur la promesse unilatérale de vente aux associés :

Financière Amplegest et Invest Securities Holding opposent à la demande d'inscription des mouvements des titres sur les registres de la société, comme en première instance, la nullité des cessions, considérant que celles-ci sont intervenues en violation du droit commun des promesses de vente, de l'article 10 du pacte d'associés qui prévoit l'engagement irrévocable des managers pendant la durée du pacte de céder leurs titres au bénéfice des autres associés et en violation des statuts de Financière Amplegest.

Elles reprochent essentiellement au jugement d'avoir dénaturé les dispositions claires et précises de l'article 10 du pacte, qui n'exigeaient aucune interprétation, en considérant que la promesse ne pouvant être levée que sous condition de départ du promettant, les actions étaient librement cessibles tant que le promettant est salarié ou mandataire social, alors que la condition suspensive de départ n'affecte pas l'engagement irrévocable de céder figurant à l'article 10.6, mais uniquement la levée de l'option, que si la convention était jugée susceptible de deux sens, il conviendra d'écarter celle qui priverait de sens l'article 10.6 par lequel les parties au pacte ont entendu stipuler l'inaliénabilité des titres des managers pendant la durée du pacte afin de protéger les autres associés du départ des personnes clés pour la société, qu'une interprétation contraire, non conforme aux usages en droit des sociétés, validerait une fraude aux droits des bénéficiaires de la promesse, que l'interprétation donnée par le tribunal au courrier du président de Financière Amplegest en date du 19 septembre 2013 est erronée, cette proposition de modification du pacte visant seulement à étendre aux nouveaux associés et salariés les obligations des managers.

Tandis que M [P] soutient que la cession ayant été définitivement formée entre les parties et automatiquement agréée par la société à défaut de refus exprimé dans le délai de trois mois de la notification, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a ordonné l'inscription des mouvements sur les registres sociaux. Il réfute toute violation du pacte d'associés, soulignant que la procédure préalable à la cession instituée par le pacte et les statuts a été parfaitement respectée, que le pacte n'interdit pas la cession des titres à des tiers mais en organise au contraire la procédure, que l'interdiction de céder et la clause de rachat forcé qui résultent de l'article 10 ne trouvent pas à s'appliquer tant que l'actionnaire est salarié, que décider le contraire reviendrait à priver de sens les dispositions des articles 4 à 6 et 14 du pacte qui organisent la procédure de cession à des tiers, que ces dispositions sont claires, que si la cour estimait devoir les interpréter, le doute devrait profiter au promettant conformément à l'article 1162 du code civil et la clause litigieuse devrait s'interpréter au regard des autres dispositions, que l'interprétation que font les appelantes est contraire aux propres écrits du président de Financière Amplegest lors de sa tentative de modification du pacte en septembre 2013, tentative qui ne procédait nullement de la volonté d'étendre la clause à de nouveaux actionnaires non manager, dès lors que tout nouvel associé est lié par le pacte auquel il est tenu d'adhérer, qu'elle est également contraire à la pratique antérieure, la société ayant déjà eu à se prononcer sur des cessions de titre à des tiers. Il ajoute en tout état de cause qu'ayant dénoncé et résilié la promesse de vente figurant à l'article 10 du pacte avant la levée de l'option et avant les cessions le moyen pris de l'interdiction contractuelle est sans objet, cette résiliation ne pouvant en cas de faute qu'engager la responsabilité de son auteur et non remettre en cause les cessions définitivement formées.

Aux termes de l'article 10 du pacte d'associés intitulé 'Promesse de Vente des Titres par les Managers', chacun des managers, dont il est constant que M [P] fait partie, a consenti aux autres associés pendant la durée du pacte (10 ans) une promesse irrévocable de cession des titres qui seront détenus par chacun d'eux à la date d'exercice telle que définie par l'article 10.3.1, selon lequel les bénéficiaires pourront à tout moment jusqu'au terme du pacte lever l'option, cette levée de la promesse' étant subordonnée à la cessation des fonctions salariées et/ou du mandat social du promettant, deux hypothèses étant visées : 'départ fautif' ou ' départ non fautif'(10.3.1 et 10.3.2).

L'article 10.6 du pacte stipule que 'Pendant la durée de la promesse, le promettant s'interdit de céder les titres, objets de la promesse, de les transférer, de les donner en gage, en nantissement ou en garantie et plus généralement d'en disposer de quelque façon que ce soit.'

Suite au refus du président de Financière Amplegest de se prononcer sur sa demande d'agrément des cessionnaires, M [P] a, par courrier du 14 mars 2014 adressé aux actionnaires de Financière Amplegest, dont il n'est pas contesté qu'il a été reçu, dénoncé et résilié sa promesse de vente en ces termes :

' .... je constate que le Président refuse toujours de se prononcer sur ma demande d'agrément en persistant à se fonder sur la Promesse de vente figurant à l'article 10 du pacte d'actionnaires et sur l'article 10.6 ci-avant rappelé.

Dans ces conditions et afin de permettre au Président de dissiper ses réserves sur la réponse à apporter à ma demande d'agrément, je vous notifie par la présente ma dénonciation et ma résiliation de la Promesse de vente figurant à l'article 10 de notre pacte d'actionnaires.

Cette dénonciation et cette résiliation prennent effet immédiatement.

Tout problème d'interprétation de l'article 10.6 étant désormais sans objet, je remercie le Président de statuer enfin sur la demande d'agrément notifiée le 15 janvier 2014 (dans les délais statutaires).'

Cette résiliation constitue un fait juridique constant que la cour doit nécessairement prendre en compte, mais quant à ses seules conséquences sur le litige dont elle est saisie, les sociétés appelantes déniant tout effet à la résiliation de cet engagement irrévocable.

Cette résiliation avec effet immédiat est intervenue avant les cessions consenties aux époux [O] et à M [D], et avant toute levée d'option par les bénéficiaires, laquelle n'a pas été exercée et ne pouvait d'ailleurs l'être à cette date, les conditions de son exercice n'étant pas réunies, dès lors que M [P] était encore salarié de la société.

Force est de constater qu'aucune disposition du pacte ne prévoit la sanction applicable en cas de résiliation anticipée, à la supposer fautive. L'article 11.3 des statuts qui sanctionne de nullité les cessions contrevenant aux dispositions du pacte ne se prononce pas davantage sur la sanction prévue en cas de résiliation de cette promesse, de sorte qu'il n'est pas établi que les parties ont entendu déroger aux dispositions de l'article 1142 du code civil selon lequel toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur.

Il s'ensuit que la résiliation de la promesse est acquise, sans qu'il appartienne à la cour dans le présent litige d'en apprécier le caractère fautif, et que les dispositions résiliées ne peuvent plus fonder une demande d'annulation des cessions ultérieures, étant précisé que la clause 10.6 du pacte, intitulée' Obligations des Promettants', sous-paragraphe de l'article 10 qui traite de la promesse de vente de titres par les managers, ne constitue pas une disposition autonome, de sorte qu'elle est affectée comme l'ensemble de la promesse par la résiliation du 14 mars 2014.

Sur l'article 4.4 du pacte :

Financière Amplegest et Invest Securities Holding fondent subsidiairement leur demande de nullité des cessions sur la violation des dispositions relatives au droit de préemption, en ce que le délai de 30 jours pour passer les actes de cession prévu au paragraphe 4.4 du pacte n'a pas été respecté, cette disposition se cumulant avec la procédure d'agrément.

Tandis que M [P] soutient qu'il a parfaitement respecté la procédure prévue par les articles 4 et 6 du pacte, qu'il a notifié le projet de cession aux associés afin qu'ils puissent préempter ou exercer leur droit de sortie conjointe, qu'il a fait adhérer les cessionnaires au pacte, que les statuts prévalant sur le pacte, il ne pouvait en l'absence de réponse du président à la demande d'agrément, être procédé aux cessions qu'à l'issue du délai statutaire de trois mois, ajoutant qu'en tout état de cause le non respect du pacte n'est pas sanctionné par la nullité et ne pourrait être sanctionné que par des dommages et intérêts.

La résiliation du 14 mars 2014 étant limitée à la promesse de cession ne remet pas en cause l'adhésion de M [P] aux autres dispositions du pacte et donc à l'article 4 qui stipule que préalablement au transfert par un associé de tout ou partie des titres qu'il détient au bénéfice d'un tiers, le cédant devra notifier son projet de transfert aux autres associés afin de leur permettre d'exercer un droit de préemption, ce droit devant être exercé dans le délai de 45 jours à compter de la réception de la notification du projet. Le paragraphe 4.4 précise que ' Pour le cas où le droit de préemption n'aurait pas été exercé à l'occasion d'un projet de Transfert dûment notifié, le Cédant devra procéder au Transfert, dans le strict respect des termes du projet notifié et dans le délai prévu par celui-ci ou, à défaut dans le délai de trente (30) jours à compter de l'expiration du délai de préemption sans préjudice des autres dispositions statutaires et en particulier des dispositions de l'article 5 ci-après [relatif au droit de sortie conjointe]. Faute pour le Cédant de procéder ainsi, il devra à nouveau, préalablement à tout Transfert de ses Titres, se conformer aux dispositions du présent article.'

S'il n'est pas contesté que les actes de cessions ont été signés le 23 avril 2014, alors que le délai de trente jours suivant l'expiration du délai pour préempter était échu au 2 avril 2014, ce dépassement n'est cependant pas du fait de M [P], qui était aussi tenu en vertu de l'article 11.2 des statuts d'obtenir l'agrément du président avant de pouvoir régulariser les actes de cession. Le président, qui disposait à compter de la notification effectuée le 15 janvier 2014 d'un délai de 15 jours pour se prononcer sur cet agrément, a considéré n'y avoir lieu de statuer sur cette demande, de sorte que M [P] a dû attendre l'expiration du délai de carence de trois mois suivant la notification de la demande d'agrément à l'issue duquel l'agrément est réputé acquis, soit le 16 avril 2014 pour procéder aux cessions. Les actes de cession ont été signés dans les jours qui ont suivi la fin de la procédure d'agrément, le 23 avril.

Aucune disposition du pacte ne subordonnant la mise en oeuvre de la procédure de préemption à l'obtention préalable de l'agrément du président, Financière Amplegest et Invest Securities Holding sont mal fondées à reprocher à M [P] un manquement à la procédure prévue par l'article 4-4 du pacte, celle-ci , ne pouvant être dissociée de celle prévue par les statuts, se trouvait nécessairement suspendue, en son étape finale, à l'issue de la procédure d'agrément.

Le tribunal sera donc approuvé d'avoir rejeté ce moyen de nullité.

Sur la notification des cessions à l'AMF

Au visa de l'article 312-11 du règlement de l'AMF, Financière Amplegest et Invest Securities Holding font grief à M [P] de ne pas avoir procédé à une notification préalable des cessions à l'AMF.

Toutefois, ainsi que le soutient l'intimé, ce grief n'est pas opérant, dès lors que les sociétés appelantes n'établissent pas qu'il appartenait au cédant de procéder à cette notification, la recommandation AMF 2009-24 du 7 décembre 2009 préconisant la transmission des documents afférents à une cession de participation par la société de gestion de portefeuille concernée par le changement d'actionnariat, ni que l'absence de notification est sanctionnée par la nullité des cessions. En tout état de cause à la suite du jugement,

M [P] a notifié la cession à l'AMF, le 3 décembre 2014.

Ce moyen sera également rejeté.

Il s'ensuit, qu'à ces motifs substitués, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation des cessions et enjoint sous astreinte à Financière Amplegest représentée par son président, de signer les ordres de mouvement des titres cédés par M [P] à M et Mme [O] et à M [D], puis de les reporter dans ses livres et registres.

Sur les demandes de dommages et intérêts de M [P], de Financière Amplegest et d'Invest Securities Holding

M [P] reprend en appel la demande de dommages et intérêts dont il a été débouté qu'il fonde sur le manquement du président de Financière Amplegest à son devoir de loyauté, considérant que celui-ci a tout fait pour bloquer les cessions intervenues, pour le dénigrer et le déstabiliser, faisant circuler de fausses informations auprès du CIC, piratant son téléphone portable, puis après la cession, le mettant totalement à l'écart du fonctionnement de la société, cet ensemble d'éléments ayant entraîné un état dépressif.

Financière Amplegest et Invest Securities Holding réitérent également leur demande de dommages et intérêts, déniant toute réalité aux pressions alléguées et soulignant qu'ils n'ont jamais souhaité le départ de M [P] qui était un manager important pour la société, auquel ils ont accordé une rémunération de plus en plus attractive, l'augmentant notamment en septembre 2013, que c'est au contraire lui qui a agi en fraude des droits de la société cherchant à la quitter pour vraisemblablement rejoindre une entité concurrente créée par ses anciens collègues sans avoir omis préalablement de négocier ses actions au prix le plus élevé.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté toutes ces demandes, dès lors qu'aucune des parties ne caractérise suffisamment les fautes alléguées ou des agissements anormaux, la dégradation progressive des relations entre les parties étant liée au projet de retrait de M [P]. Le fait que M [P] obtienne au final gain de cause ne constituant pas rétroactivement en faute l'opposition de Financière Amplegest et de son président.

Sur les demandes de dommages et intérêts des cessionnaires

L'intervention forcée des cessionnaires était justifiée par l'évolution du litige de sorte qu'il n'est pas établi de faute des sociétés appelantes dans ces mises en cause.

En conséquence, les cessionnaires seront déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts.

- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Financière Amplegest et Invest Securities Holding, parties perdantes, seront condamnées in solidum aux entiers dépens et en équité à payer à M [O], à Mme [O], à M [D] 2.000 euros à chacun d'eux et à M [P] 5.000 euros s'ajoutant à l'indemnité allouée par le tribunal, en application de l'article 700 du code de procédure civile. L'issue du litige commande par ailleurs de débouter les sociétés appelantes de leur demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'intervention forcée en appel de M et Mme [O] et de

M [D] en leur qualité de cessionnaires,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M et Mme [O] et M [D] de leurs demandes de dommages et intérêts,

Déboute Financière Amplegest et Invest Securities Holding de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,

Condamne in solidum Financière Amplegest et Invest Securities Holding à payer à M [O], à Mme [O], à M [D] 2.000 euros à chacun d'eux et à M [P] 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Financière Amplegest et Invest Securities Holding aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 15/00518
Date de la décision : 26/01/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°15/00518 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-26;15.00518 ?
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