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15/01/2016 | FRANCE | N°13/16468

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 15 janvier 2016, 13/16468


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 15 JANVIER 2016



(n° 2016-10, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/16468



Sur renvoi après un arrêt de la Cour de Cassation en date du 13 juin 2013 (N° 978 F-D) emportant cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de PARIS en date du 10 avril 2012 (RG : 09/19799) sur appel d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS en d

ate du 25 juin 2009 (RG : 08/05831)





DEMANDEURS



Monsieur [U] [G]

Né le [Date naissance 4] 1944 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 15 JANVIER 2016

(n° 2016-10, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/16468

Sur renvoi après un arrêt de la Cour de Cassation en date du 13 juin 2013 (N° 978 F-D) emportant cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de PARIS en date du 10 avril 2012 (RG : 09/19799) sur appel d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS en date du 25 juin 2009 (RG : 08/05831)

DEMANDEURS

Monsieur [U] [G]

Né le [Date naissance 4] 1944 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assisté de Me Jérôme LETANG, avocat au barreau de LYON

Madame [V] [G]

Née le [Date naissance 3] 1944 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assistée de Me Jérôme LETANG, avocat au barreau de LYON

Monsieur [J] [G]

Né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assisté de Me Jérôme LETANG, avocat au barreau de LYON

Madame [Y] [G]

Née le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assistée de Me Jérôme LETANG, avocat au barreau de LYON

DEFENDERESSE

Société AVIVA VIE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Fabienne FAGES, avocat au barreau de PARIS, toque : T 09

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre, ayant été entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Malika ARBOUCHE

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre et par Monsieur Guillaume LE FORESTIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

Monsieur [U] [G] et son épouse Madame [V] [G] et leurs enfants [J] et [Y] [G] ci-après consorts [G], ont souscrit, le 25 juin 1997 auprès de la société Abeille vie, aux droits de laquelle vient la société Aviva Vie (l'assureur), des contrats d'assurance sur la vie intitulés 'Sélectivaleurs croissance'. Ces contrats à capital variable permettaient aux assurés de choisir les supports dans une liste préétablie et d'arbitrer ses choix en faveur de tel ou tel support à cours connu. En 1998, l'assureur a souhaité modifier les supports pour limiter ses pertes et a supprimé la clause d'arbitrage à cours connu.

Le 4 avril 2007, les consorts [G] ont assigné l'assureur en restitution des supports souscrits tels que fixés lors de la conclusion des contrats d'assurance sur la vie. Par arrêt confirmatif du 10 avril 2012, la cour d'appel de Paris a déclaré leurs actions prescrites, décision cassée et annulée en toutes ses dispositions par un arrêt de la Cour de cassation du 13 juin 2013.

Les consorts [G] ont repris l'instance devant la cour par acte du 7 août 2013. Parallèlement, la société Aviva vie a saisi la cour d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la prescription, qui a fait l'objet d'un arrêt de rejet le 30 juin 2015.

Par conclusions notifiées le 9 octobre 2015, ils demandent à la cour au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, de :

- ordonner à la compagnie Aviva vie, autrefois dénommée Abeille vie de rétablir l'ensemble des supports éligibles au titre du contrat 'Sélectivaleurs croissance' lors de la souscription de leurs contrats par les consorts [G] le 25 juin 1997, à savoir :

Option équilibre,

Option performance,

Option sécurité,

Aviva garantie,

Victoire retraite,

Aviva performance,

Aviva multigestion,

Victoire interoblig,

Victoire progression 1,

Victoire progression 2,

Finabeille,

Victoire immo 1,

Aviva valeurs françaises,

Victoire épargne,

Aviva investors american equity fund b,

Aviva investors emerging markets equity income fund,

Goldsharefund,

dans un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 50 000 € par jour de retard,

- désigner tel expert qu'il plaira à la Cour avec pour mission de :

*entendre les parties et tous sachants,

*se faire remettre l'ensemble des pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

*donner à la cour tous éléments permettant de déterminer le préjudice subi par les consorts [G] depuis le refus opposé le 5 avril 2006 de rétablir les supports litigieux,

- dire et juger que l'avance des frais d'expertise incombera à la compagnie Aviva vie,

- dire et juger que l'expert déposera son rapport au greffe de la cour d'appel dans un délai de trois mois à compter de sa nomination ;

- condamner la compagnie Aviva vie à payer à Monsieur [U] [G], Madame [V] [G], Monsieur [J] [G] et Mademoiselle [Y] [G] une somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Michel GUIZARD, avocat postulant, y compris ceux découlant des articles 10 à 12 du décret du 12 décembre 1996 en cas d'exécution forcée.

Au soutien de leurs demandes, les consorts [G] font valoir que le contrat d'assurance vie 'Sélectivaleurs croissance' qu'ils ont souscrit est un contrat multisupports permettant au souscripteur d'arbitrer le choix de ses supports cotées en bourse à cours connu ; que ce contrat a été souscrit pour une durée illimitée avec des versements libres ou programmés ; qu'en 1997 ces supports étaient composés de supports dit :

- classiques (Option équilibre, Option performance,Option sécurité),

- en francs à taux garantis (Victoire retraite, Victoire garantie, Victoire épargne),

- de diverses valeurs françaises et étrangères (Victoriel),

- de FCP obligataires et monétaires (Finabeille, Victoire progression 1, Victoire progression 2, Victoire interoblig, Victoire performance, Victoire France),

- immobilier (Victoireimmo1)

- et des fonds divers : fonds de croissance américain (actions américaines et canadiennes) fonds pays émergents, fonds or);

que dans ce cadre, ils ont investi une somme totale de 430 000 francs et chacun des enfants 10 000 francs. Ils expliquent qu'ils ont refusé la proposition d'avenant de la société Abeille vie faite le 19 juin 1998, l'assureur estimant que les arbitrages à cours connu pratiqués dans le cadre de ce contrat lui occasionnaient une charge financière trop lourde et qu'ils ne leur a été proposé suite à leur refus qu'une gamme de support limités dénués de tout intérêt en terme de rentabilité.

Pour justifier leurs demandes, ils soutiennent que la faute commise par l'assureur à leur égard consiste à avoir unilatéralement modifié la liste des supports éligibles à l'arbitrage dans le cadre de leur contrat 'Sélectivaleurs' en le dénaturant et en portant atteinte à la loyauté de son engagement qu'elle n'a pas exécuté de bonne foi. Enfin, il sollicite la désignation d'un expert afin d'évaluer la préjudice subi par les consorts [G] du fait de la faute commise par l'assureur à leur égard.

La société Aviva vie, par conclusions notifiées par RPVA le 16 octobre 2015 conclut au visa des articles 2224, 1131, 1134 et 1150 du code civil, de l'article L. 114-1 du code des assurances, de l'article L. 110-4 du code de commerce, et des contrats d'assurance sur la vie 'Sélectivaleurs Croissance' souscrits respectivement par [U] [G], [V] [G], [J] [G] et [Y] [G] le 27 juin 1997, en ce compris les dispositions générales valant note d'information et la fiche des mouvements sur contrat, et demande à la cour

1) à titre principal de :

- juger prescrite l'action des consorts [G] et, à tout le moins, leur demande indemnitaire introduite en 2013 et dont l'objet est distinct de la demande initiale tendant à la restitution des supports ;

2) à titre subsidiaire de :

- débouter les consorts [G] de l'ensemble de leurs demandes (en ce compris notamment leur demande d'astreinte et leur demande de substitution de supports) faute pour eux de rapporter la preuve de leurs allégations ;

3) à titre infiniment subsidiaire :

- dire et juger qu'Aviva vie disposait du droit de modifier les supports proposés aux consorts [G] dans le cadre du contrat 'Sélectivaleurs Croissance';

- dire et juger qu'Aviva vie n'a commis aucune faute en faisant évoluer la liste des supports en juillet 1998 ;

- par conséquent, débouter les consorts [G] de l'ensemble de leurs demandes (en ce compris notamment leur demande d'astreinte et leur demande de substitution de supports) ;

- subsidiairement, ordonner une expertise et commettre tel expert qu'il lui plaira avec pour mission de déterminer si le mécanisme du cours connu a conservé son utilité au regard de la liste de supports disponibles au 1er juillet 1998 ;

4) à titre encore plus subsidiaire :

- dire et juger que le préjudice subi par les consorts [G] s'analyse en une perte de chance ;

- dire et juger que la liste des supports disponibles à la date de souscription des contrats par les consorts [G] était constituée des treize supports suivants :

1. Option équilibre

2. Option performance

3. Option sécurité

4. Victoire garantie

5. Victoire retraite

6. Victoire performance

7. Victoriel

8. Victoire interoblig

9. Victoire progression 1 et 2

10. Finabeille court terme (étant précisé que ce support n'est éligible qu'aux versements et aux arbitrages en sortie après versements, mais pas aux arbitrages en entrée)

11. Victoire immo 1 (étant précisé que ce support n'est éligible à l'arbitrage qu'une fois par an, à la date anniversaire du contrat)

12. Victoire France

13. Victoire épargne

- ordonner, si la cour devait par impossible envisager l'existence d'un préjudice, une expertise et commettre tel expert qu'il lui plaira avec pour mission de :

* déterminer la liste maximum des supports à réintégrer à l'aune des treize supports susvisés et ce, dans l'objectif de rétablir l'économie générale d'origine du contrat et de tenir compte de la faculté contractuelle de faire évoluer la liste des supports ;

* déterminer si les consorts [G] ont subi une perte de chance à compter du 5 avril 2006 ;

* dans l'affirmative, déterminer le montant des gains théoriques auxquels auraient pu prétendre les consorts [G] de la date du 5 avril 2006 jusqu'à la date de l'arrêt statuant après ouverture de rapport et ce, en prenant en compte les éléments suivants :

- les frais d'arbitrage prévus par le contrat (lesquels s'élèvent à 1% du montant transféré) et les contraintes de passage des ordres prévues contractuellement ;

- au maximum les treize supports éligibles à la date de souscription des contrats ;

- les habitudes d'arbitrage des appelants en termes de fréquence et d'efficacité au regard des gains optimaux auxquels ils auraient pu prétendre pour la période comprise entre leur souscription et le 5 avril 2006 ;

- la clause dite des 5% (laquelle prévoit que « si au cours d'un mois, les demandes d'arbitrage portant sur les parts ou actions d'un support excédaient 5% de son capital, la date d'arbitrage de ce support et des fonds composites comprenant des parts de ce support, pourrait être différée pour une durée maximum de 6 mois, afin de préserver les intérêts de nos assurés ») et ce, en tenant compte, pour déterminer le dépassement du seuil de 5%, dans l'hypothèse où les supports n'auraient pas été rendus inéligibles à partir de juillet 1998 ;

-l'impact qu'auraient eu les arbitrages qu'aurait pu solliciter l'ensemble des souscripteurs des contrats à cours connu en l'absence des retraits de supports intervenus en juillet 1998 et de la part relative qu'auraient représenté les demandes d'arbitrage des appelants dans cet ensemble, et ce, eu égard à l'actif des supports concernés ;

- la valeur réellement atteinte par les contrats des appelants au jour de l'arrêt à intervenir, ainsi que les éventuels versements et retraits intervenus ;

- dire que les frais d'expertise seront à la charge avancée des consorts [G] ;

5) en tout état de cause :

- condamner les consorts [G] à payer chacun à Aviva vie la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les consorts [G] aux entiers dépens, en ce compris les dépens de première instance.

La société Aviva vie, nonobstant le prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation rendue le 13 juin 2013, fait valoir à titre principal la prescription biennale de l'action introduite par les consorts [G] en raison de l'inopposabilité des articles R 112-1 et R321-1 du code des assurances, ni dans la version des applicables au moment de la souscription en 1997 ni dans sa version actuelle, décision qui se heurte aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime résultant de l'interprétation extensive de la Cour de cassation. A titre subsidiaire, elle estime avoir disposé d'une prérogative lui permettant de faire unilatéralement évoluer la liste des supports éligibles et qu'elle en a fait un usage sans abus, dans le respect de l'équilibre contractuel .

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 octobre 2015.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

Ceci étant exposé, la Cour:

Sur la prescription biennale

Considérant que la Cour de cassation, statuant sur la prescription biennale invoquée par la société Aviva vie dans le litige l'opposant aux consorts [G] a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 avril 2012 confirmant le jugement du tribunal de grande instance de Paris qui avait constaté l'irrecevabilité de l'action des souscripteurs au contrat et celle des bénéficiaires au regard de la prescription biennale, au visa des articles L.114-1,L.114-2 et R.112-1 du code des assurances aux motifs 'qu'il ressortait de ses propres constatations que la police d'assurance ne rappelait que partiellement les dispositions légales et réglementaires relatives au point de départ et aux causes d'interruption de la prescription biennale';

Considérant que par application des dispositions des articles L.114-1 et L.310-1 du code des assurances, la prescription biennale ne peut être invoquée à l'encontre des bénéficiaire et non du souscripteur d'un contrat d'assurance vie ; qu'en outre les dispositions générales du contrat 'Sélectivaleurs Croissance' mentionne que lorsque le bénéficiaire n'est pas le souscripteur, le délai de prescription est porté à 10 ans. La prescription est notamment interrompue par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'une des parties à l'autre ;

Considérant qu'il n'est pas établi à quelle date précise, la société Abeille vie a proposé à chacun des consorts [G] de modifier les termes de leurs contrats d'assurance vie souscrits le 25 juin 1997, la proposition de modification produite en pièce 9 ne concernant pas les parties ;

Considérant que la lettre du conseil des consorts [G] en date du 3 avril 2006 à la société Aviva Vie venant aux droits de la société Abeille vie a valablement interrompue la prescription ;

Considérant que cette prescription a également été interrompue à l'égard de Monsieur [U] [G] et de son épouse [V] [G], le contrat d'assurance vie souscrit ne mentionnant aucune disposition au regard de la prescription biennale et de ses causes interruptives ; que seule une mention 'synthétique' intitulée clause de prescription est mentionnée dans la notice comprenant les dispositions générales valant note d'information du support 'Sélectivaleurs croissance' dont il n'est pas établi qu'il ait été remis et expliqué aux souscripteurs ;

Qu'en conséquence nonobstant le fait que si l'article R112-1 du code des assurances ne prévoit pas expressément de sanction, l'inobservation des dispositions en découlant doit être sanctionnée par l'inopposabilité aux époux [G] du délai de prescription édicté par l'article L114-1 du code des assurances, dont ils n'ont pas été informés, sans que l'assureur puisse utilement se prévaloir des exigences de sécurité juridique, l'évolution de la jurisprudence relevant de l'office du juge dans l'application de la loi et nul ne pouvant se prévaloir d'un droit acquis à une jurisprudence figée, l'application immédiate d'une solution nouvelle ne contrevenant pas au droit à un procès équitable dès lors que la partie qui s'en prévaut n'est pas privée du droit d'accès au juge ;

Que dès lors, les demandes des époux [G] seront déclarées recevables ;

Sur le fond

Considérant que la réduction unilatérale par l'assureur de la liste des supports et de la clause d'arbitrage à cours connu constitue une modification substantielle du contrat 'Sélectivaleurs croissance';

Que force est de constater que si la liste des supports est susceptible d'être modifiée selon les dispositions générales valant note d'informations concernant ce produit d'investissement, l'assureur est toutefois tenu de maintenir une diversité équivalente à celle qui existait lors de la souscription du contrat ;

Que la clause d'arbitrage du contrat constituait une des spécificités principales du contrat dès lors qu'elle permettait à l'assuré d'arbitrer en toute liberté et tout connaissance de cause, sans encourir le risque boursier ; que la modification unilatérale imposée aux consorts [G] a fortement réduit les possibilités de ces derniers de gérer leurs placements de manière optimum et leur a fait perdre une grande partie de l'intérêt de la souscription du contrat à caractère spéculatif ;

Que dès lors, il convient de constater que la société Aviva vie a commis une faute en dénaturant unilatéralement les contrats souscrits le 25 juin 1997 par les consorts [G] et de désigner un expert avec mission, notamment de fournir les éléments permettant de déterminer le nombre minimum et la liste des supports devant être rétablis par l'assureur ainsi que la perte de chance subie par les consorts [G] depuis le 5 avril 2006 de n'avoir pu arbitrer leurs supports en tenant compte de leur pratique antérieure ;

Considérant que l'équité justifie que la société Aviva vie soit condamnée dès à présent au paiement d'une somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déclare recevables les actions de Monsieur [U] [G] et son épouse Madame [V] [G] et de Monsieur [J] [G] et de Madame [Y] [G] comme non prescrites ;

Dit que la société Aviva vie a de manière fautive supprimé les supports tels qu'ils figuraient sur la liste des supports annexés aux contrats du 25 juin 1997 ;

Dit que le préjudice des consorts [G] résultant de la modification de la liste des supports de leurs contrats correspond à une perte de chance de réaliser des plus-values à compter du 5 avril 2006 ;

Ordonne avant dire-droit une expertise et commet pour y procéder Monsieur [H] [O], [Adresse 2] tel: XXXXXXXXXX avec pour mission :

- de convoquer et entendre les parties, assistées le cas échéant de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise,

- se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

- fournir tous éléments techniques permettant de déterminer le nombre et la liste des supports que la société Aviva vie devra rétablir par équivalence avec ceux figurant initialement au contrat et retirés par elle,

- donner tous éléments permettant de déterminer le préjudice des consorts [G] depuis le 5 avril 2006 après avoir réintégré les supports litigieux,

- mettre, en temps utiles, au terme des opérations d'expertise, les parties en mesure de faire valoir leurs observations, qui seront annexés au rapport, et auxquelles il répondra,

- dit que l'expert, en concertation avec les parties, définira un calendrier prévisionnel de ses opérations à l'issue de la première réunion d'expertise,

- dit qu'au plus tard un mois après la première réunion d'expertise, l'expert actualisera ce calendrier en informant les parties de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse,

- dit que l'expert adressera aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s'expliquera dans son rapport, et arrêtera le calendrier de la phase conclusive de ses opérations,

* fixant, sauf circonstances particulières, la date limite de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse,

* rappelant aux parties qu'il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmise au-delà de ce délai,

* rappelant la date qui lui est impartie pour déposer son rapport,

- fixe à 10 000 € le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert que les consorts [G] devront verser dans un délai de six semaines à compter de la présente décision entre les mains du régisseur d'avances sur recettes de la cour d'appel de Paris,

- désigne le président de la chambre pour suivre les opérations d'expertise,

- dit que le rapport d'expertise devra être déposé en version papier et en version électronique au greffe de la cour avant le 30 juin 2016,

Réserve à statuer sur le surplus,

Condamne la société Aviva vie de payer aux consorts [G] la somme 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du 21 septembre 2016.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 13/16468
Date de la décision : 15/01/2016

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°13/16468 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-15;13.16468 ?
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