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08/01/2016 | FRANCE | N°14/10881

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 08 janvier 2016, 14/10881


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 08 JANVIER 2016



(n° 2015-355, 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/10881



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mai 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/17626





APPELANTE



AREAS DOMMAGES agissant en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 775 670 46

66

[Adresse 5]

[Adresse 5]



Représentée par Me Hélène FABRE de l'ASSOCIATION Hélène FABRE, Carole SAVARY, Patricia FABBRO, avocat au barreau de PARIS, toque : P 124

Assistée de Me Car...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 08 JANVIER 2016

(n° 2015-355, 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/10881

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mai 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/17626

APPELANTE

AREAS DOMMAGES agissant en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 775 670 4666

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Hélène FABRE de l'ASSOCIATION Hélène FABRE, Carole SAVARY, Patricia FABBRO, avocat au barreau de PARIS, toque : P 124

Assistée de Me Carole SAVARY, avocat au barreau de PARIS, toque : P 124

INTIMES

Mademoiselle [O] [J]

Née le [Date naissance 4] 1995 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée et assistée par Me Béatrice PEREZ de la SELARL NAKACHE - PEREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D1101

Monsieur [X] [J] agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs

Né le [Date naissance 9] 1968 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté et assisté par Me Béatrice PEREZ de la SELARL NAKACHE - PEREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D1101

Mademoiselle [L] [J]

Née le [Date naissance 8] 1998 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée et assistée par Me Béatrice PEREZ de la SELARL NAKACHE - PEREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D1101

Mademoiselle [F] [J]

Née le [Date naissance 6] 2000 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée et assistée par Me Béatrice PEREZ de la SELARL NAKACHE - PEREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D1101

Mademoiselle [K] [J]

Née le [Date naissance 2] 1990 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée et assistée par Me Béatrice PEREZ de la SELARL NAKACHE - PEREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D1101

Monsieur [N] [J]

Né le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté et assisté par Me Béatrice PEREZ de la SELARL NAKACHE - PEREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D1101

Mademoiselle [O] [J]

Née le [Date naissance 5] 1993 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée et assistée par Me Béatrice PEREZ de la SELARL NAKACHE - PEREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D1101

Madame [W] [Z] divorcée [C]

Née le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier LECLERE de l'ASSOCIATION LECLERE & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R075

Assistée de Me Stéphane GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R 75

Monsieur [I] [C]

Né le [Date naissance 7] 1996 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Olivier LECLERE de l'ASSOCIATION LECLERE & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R075

Assisté de Me Stéphane GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R 75

LA MACIF prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 440 475 309 00017

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Olivier LECLERE de l'ASSOCIATION LECLERE & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R075

Assistée de Me Stéphane GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R 75

ALLIANZ IARD prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 542 110 291

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentée par Me Dominique OLIVIER de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

Assistée de Me Rachel MAMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P 516

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 4]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par Me Chloé HUSSON-FORTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0668

PARTIE APPELÉE EN INTERVENTION FORCÉE :

Madame [P] [A]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Non constituée.

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Malika ARBOUCHE

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre et par Monsieur Guillaume LE FORESTIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

Le 20 novembre 2010, [O] [J] qui fêtait son quinzième anniversaire avec des amis dans la propriété de Madame [A] [A], mère d'une de ses amies, a été grièvement brûlée par l'inflammation de white-spirit, combustible de deux flambeaux allumés en fin de journée, qu'elle même et un ami [I] [C] avaient saisi pour mimer un duel à l'épée, du white-spirit s'étant écoulé sur ses vêtements ;

Par un jugement rendu le 9 mai 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :

- donné acte à la Macif, assureur de Madame [Z] divorcée [C] de son intervention volontaire ;

- déclaré Madame [P] [A] et Madame [W] [Z] responsables in solidum à hauteur de 85% de l'accident du 20 novembre 2010 dont ont été victimes [O] [J] ainsi que ses proches par ricochet ;

- condamné Madame [P] [A] et son assureur Areas Dommages à garantir Madame [W] [Z] et son assureur la Macif des condamnations prononcées à leur encontre en faveur des consorts [J] ;

- condamné Madame [P] [A] et son assureur Areas Dommages, Madame [W] [Z] et son assureur la Macif in solidum à verser à titre provisionnel les sommes suivantes :

- à [O] [J], 35.000 €

- à Monsieur [X] [J], 14.000 €

- à [K], [N], [O] [O], [L], [F] [J], 1 400 € chacun, les sommes étant à verser, pour [L] et [F] encore mineures à leur père [X] [J] ;

- les a condamné in solidum à verser à Monsieur [X] [J] la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- sursis à statuer sur les demandes de la CPAM de [Localité 4] et de la société Allianz ;

- avant-dire droit sur le préjudice corporel de [O] [J] désigné en qualité d'experts, le docteur [S] [V], Madame [R] [B], psychologue clinicienne service des Brûlés Hôpital [Établissement 1].

Les experts ont déposé un pré-rapport le 6 août 2014 qui retient pour date de consolidation le 15 juillet 2014 ainsi que :

- une ITT de 100% du 20 novembre 2010 au 9 septembre 2011, plus 30 jours en septembre-octobre 2013 ;

- un DFT de 35%,

- des soins futurs usage bi-quotidien de crème : 600 € par an et nécessité d'un suivi psychologique ;

- aide temporaire d'une tierce personne,

- perte d'une année d'études,

- perte de chance d'avoir une carrière dans le domaine sportif,

- souffrances : 5/7,

- préjudice esthétique 6/7,

- préjudice sexuel,

- préjudice d'agrément très important.

Par un acte du 21 mai 2010, la mutuelle Areas Dommages a interjeté appel de ce jugement. Par des dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 octobre 2014, la mutuelle Areas Dommages demande à la cour, au visa des articles 1383 et 1384 du code civil, de :

- dire et juger qu'il y a transfert de garde entre les mains de Mademoiselle [J] et de Monsieur [C] ;

Par conséquent,

- dire et juger que Madame [A] [A] n'a pas engagé sa responsabilité du fait de la responsabilité des choses ;

- dire et juger que Madame [A] [A] n'a commis aucune faute qui soit en relation de causalité certaine et directe avec l'accident ;

- dire et juger que l'accident trouve son origine dans le comportement fautif de Mademoiselle [O] [J] et de Monsieur [I] [C].

Par conséquent, réformer le jugement entrepris ;

- débouter purement et simplement les consorts [J], Madame [Z], Monsieur [C], la Macif, la SA Allianz IARD et la CPAM de [Localité 4] de toutes leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre d'Areas Dommages ;

- condamner Mademoiselle [O] [J], Monsieur [X] [J], ès noms et ès qualités de représentant légal de [L] [J] et [F] [J], Mademoiselle [K] [J], Monsieur [N] [J], Mademoiselle [O] [J], Madame [Z], la Macif et la SA Allianz aux entiers dépens ;

- condamner les mêmes à payer à Areas Dommages une indemnité de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de son recours, la mutuelle fait principalement valoir que sans avoir été contredite par aucune des parties, Madame [A] [A] a déclaré auprès des services de Police avoir interdit aux jeunes de toucher aux torches qu'elle serait venue elle-même éteindre et qu'aucun des témoins n'a été interrogé sur ce fait précis. Elle ajoute que la victime a été l'instigatrice de ce jeu dangereux et que c'est à tort que le tribunal retient, sans définir ce qui distinguait le white-spirit utilisé au lieu de l'huile de paraffine préconisée, un cumul d'imprudence à son encontre. Areas Dommages précise qu'au regard de l'article 1384 du code civil, il y a eu transfert de la garde des torches entre les mains de [O] et [I] par l'effet d'une dépossession involontaire, faute pour Madame [A] [A] de pouvoir exercer sur la chose les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle, les torches ayant été au surplus détournées de leur usage. S'agissant de l'application de l'article 1383 du code civil, la mutuelle fait valoir que ce n'est pas 'la nature du liquide utilisé' qui a provoqué l'accident, mais le fait que les flambeaux ont été détournés de leur usage par deux adolescents qui, au regard de leur âge, n'avaient nul besoin d'être surveillés de sorte qu'il ne peut être reproché à Madame [A] [A] une légèreté coupable. Elle précise encore qu'il n'y a pas de lien de causalité lié au type du produit inflammable puisque les torches étaient allumées signifiant ainsi que le liquide, quel qu'il soit, était donc enflammé de sorte que sans flamme, il n'y aurait pas eu de brûlures et que sans flamme, le produit utilisé, quel qu'il soit, n'aurait pas pris feu, le produit et son inflammabilité n'étant pas en cause, mais l'utilisation des torches déjà enflammées à usage d'éclairage. Elle précise enfin que l'accident est donc bien strictement en relation de causalité certaine et directe avec l'action volontaire inappropriée et fautive de Mademoiselle [J] et de Monsieur [C], chacun responsable dans les mêmes proportions.

Par des dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 novembre 2014, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] demande à la cour, au visa des articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale,1382, 1383 et 1384 du code civil et L. 124-3 du code des assurances, de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Madame [A] [A] et Madame [Z] responsables in solidum de l'accident du 20 novembre 2010 de Mademoiselle [O] [J] et les a condamnés avec leurs assureurs, Areas Dommages et la Macif à indemniser les conséquences dommageables de cet accident ;

- réformer le jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur les demandes de la C.P.A.M. de [Localité 4] ; et statuant à nouveau :

- condamner in solidum Madame [A] [A], la société Areas, Madame [Z] et la Macif à payer à la C.P.A.M. de [Localité 4], à titre provisionnel :

* la somme de 295 948,53 € au titre de ses débours provisoires, outre intérêts de droit à compter du jugement à intervenir ;

* le montant maximum de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale tel qu'il sera règlementairement fixé au jour du jugement à intervenir (1028 € au jour des présentes conclusions) ;

* la somme de 1800 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum Madame [A] [A], la société Areas, Madame [Z] et la Macif aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Chloé Husson Fortin, avocat aux offres de droit dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, la caisse fait principalement valoir que la responsabilité de Madame [A] [A] doit être engagée au titre de l'article 1383 du code civil, celle-ci ayant commis une faute d'imprudence en laissant à disposition des enfants des torches enflammées contenant du white-spirit, sans les avoir préalablement informés de la dangerosité du produit utilisé. Elle ajoute que ce liquide, qui n'a pas vocation à être utilisé en tant que combustible, est effectivement hautement inflammable, les accidents qui en découlent étant largement médiatisés, et les indications sur l'emballage claires à ce sujet. Elle précise que c'est bien le caractère liquide du produit qui est en cause, et qui fait la responsabilité de celle qui l'a utilisé, la viscosité d'une huile ou de la paraffine n'étant pas de nature à conduire [O] [J] à être aspergée comme elle l'a été par l'effet du white-spirit, produit hautement liquide et volatil. Elle précise encore que l'embrasement de la victime n'aurait pas été de cette ampleur si elle avait été accidentellement couverte d'huile ou de paraffine, plutôt que de white-spirit, ce dernier s'enflammant spontanément et instantanément, même à relative distance de la flamme du fait de la volatilité de ses vapeurs. La caisse ajoute que la responsabilité de Madame [Z] doit également être engagée, au titre de l'article 1384 alinéa 4 du code civil, la responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs étant mise en 'uvre par le seul fait causal de ceux-ci, même non fautif.

Par des dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 septembre 2014, la société Allianz Iard assureur complémentaire santé de Monsieur [X] [J] demande à la cour, au visa des articles 1383 et 1384 du code civil, L.124-3 du code des assurances, L.376-1 du code de la sécurité sociale, du contrat d'assurance santé AGF latitude evolution : complémentaire santé n°156141969 et le jugement en date du 9 mai 2014, de :

- recevoir la SA Allianz Iard en ses conclusions, les dire bien fondées et y faisant droit :

- dire et juger que Madame [A] [A] et Madame [Z] en qualité de représentant légal de son enfant mineur, Monsieur [I] [C], sont responsables des dommages causés à Mademoiselle [O] [J] suite à 1'accident survenu le 20 novembre 2010 ;

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Madame [A] [A] et Madame [Z] responsables in-solidum de l'accident du 20 novembre 2010 dont a été victime Mademoiselle [O] [J] et les a condamnées avec leurs assureurs, Areas Dommages et la Macif, à indemniser les conséquences dommageables de cet accident ;

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a sursis à statuer sur les demandes de la SA Allianz Iard ;

Statuant à nouveau,

- condamner in solidum Madame [A] [A], la société Aréas garantissant la responsabilité de Madame [A] [A], Madame [Z] et la société Macif garantissant la responsabilité de Madame [Z] en sa qualité de parent de Monsieur [I] [C], au paiement de la somme provisoire de 5.520 € au titre des remboursements de frais de santé effectués par la SA Allianz Iard ;

- donner acte à la SA Allianz Iard de ce qu'elle se réserve le droit de produire toute nouvelle créance dans le cadre de la présente instance ;

- réserver les frais futurs de santé ;

- condamner in solidum Madame [A] [A], la société Areas Dommages garantissant la responsabilité de Madame [A] [A], Madame [Z] en qualité de parent de Monsieur [I] [C] et la Macif garantissant la responsabilité de Madame [Z] au paiement de la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner in solidum aux entiers dépens qui seront recouvrés directement par Maître Olivier, avocat, selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, la société Allianz fait principalement valoir qu'elle présente une créance provisoire qui ne prend en compte que les premiers justificatifs de remboursement de frais de santé et que cette créance est amenée à évoluer de sorte, motif pour lequel les frais futurs de santé doivent être réservés. Elle ajoute avoir indemnisé Monsieur [X] [J] en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur, Mademoiselle [O] [J], au titre des frais de santé consécutifs à l'accident survenu le 20 novembre 2012, les frais médicaux pris en charge par la S.A. Allianz Iard étant la conséquence directe de l'accident dont a été victime Mademoiselle [O] [J] du fait de Madame [A] [A] et du jeune [I] [C].

Par des dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 septembre 2014, Madame [W] [Z], Monsieur [I] [C] et la Macif demandent à la cour, au visa des articles 1383 et 1384 du code civil, de :

- constatant que :

' les deux adolescents ont tous deux pris des torches pour mimer un combat d'épées,

' il n'est pas démontré que le liquide et la flamme ayant provoqué l'embrasement au niveau du visage de [O] [J] proviennent de la torche manipulée par [I] [C] et/ou des mouvements que ce dernier avait pu réaliser,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Madame [Z] responsable du dommage subi par Mademoiselle [J], du fait des actes commis par son fils mineur, [I] [C], sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du code civil ;

et statuant de nouveau :

- dire et juger que les conditions de la mise en jeu de la responsabilité de Madame [Z] ne sont pas remplies, aucune certitude n'existant quant au lien entre les actes commis par son fils, [I] [C], et le dommage subi par [O] [J] ;

- débouter l'ensemble des parties des demandes de condamnations formulées à l'encontre de Madame [Z] et de son assureur, la Macif.

à défaut :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions.

en tout état de cause :

- constatant que Mademoiselle [O] [J] a perçu dans le cadre de la première instance une provision d'un montant de 35 000 €,

- constatant que, d'une part, Mademoiselle [O] [J] ne justifie pas avoir eu à engager des frais restés à charge dans les suites de son accident, et que, d'autre part, les frais pris en charge par les tiers payeurs ont peut-être couvert certains frais dont justifie son père au titre des déplacements,

- débouter Mademoiselle [O] [J] de sa demande de provision complémentaire.

- condamner Madame [A] [A] et son assureur, AREAS, à verser à madame [Z] et son assureur, la Macif, une somme de 3500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner toute partie succombante aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Olivier Leclère, avocat à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

A l'appui de leurs prétentions, ils font principalement valoir que la preuve du lien de causalité entre le maniement de la torche par [I] [C] et le dommage subi par [O] [J] n'est pas apportée de sorte que le jugement entrepris devra être infirmé en ce qu'il a déclaré Madame [Z] et Madame [A] responsables in solidum de l'accident dont [O] [J] a été victime. Ils précisent qu'il n'est nullement établi que le dommage incombe à [I] [C] dans la mesure où il n'est pas démontré que le white-spirit enflammé qui a embrasé les cheveux et le visage de [O] [J] provenait de la torche manipulée par le jeune garçon et non celle que manipulait la jeune fille. Ils ajoutent qu'outre le fait qu'une présence adulte dans le jardin aurait prévenu l'accident par l'impossibilité dans laquelle [O] et [I] se seraient trouvés de jouer avec ces torches, c'est la nature même du liquide utilisé comme combustible qui a surtout provoqué un tel accident et que ce sont bien les caractéristiques volatil et liquide du produit utilisé qui sont à l'origine du dommage subi et non son caractère inflammable. S'agissant de la demande de provision complémentaire à hauteur de 100 000 €, ils font valoir que sans remettre en cause la gravité de ses blessures et les répercussions que les brûlures ont pu avoir sur le plan psychologique pour cette jeune fille, il apparaît que la demande formée à ce stade n'est pas justifiée. Ils ajoutent que le versement d'une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel n'a pas vocation à anticiper la liquidation des différents postes le composant et doit seulement permettre à la victime de faire face aux frais engagés dans les suites de l'accident et qui demeurent à sa charge et qu'en outre, il apparaît que la CPAM comme la mutuelle complémentaire ont pris en charge la plupart, sinon tous les frais de santé induits par cet accident, de sorte que Mademoiselle [J] ne justifie pas avoir eu des dépenses restées à charge à ce titre.

Par des dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 août 2014, les consorts [J] demandent à la cour, au visa des articles 1382, 1383 et 1384 du code civil, de :

- dire et juger que Madame [A] [A] et Madame [W] [Z] sont responsables des dommages causés à la jeune [O] [J] et ses proches par ricochet ; ou l'un à défaut de l'autre ;

- infirmer le jugement quant au partage de responsabilité,

- dire que la jeune [O] [J] n'a commis aucune faute ayant contribué à la réalisation de son dommage ;

En conséquence:

- condamner in solidum la compagnie Areas, garantissant la responsabilité civile de Madame [A] [A], ainsi que Madame [W] [Z] et la compagnie Macif garantissant sa responsabilité civile, à réparer l'entier préjudice subi par la jeune [O] [J] et ses proches ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a été alloué la somme de 35 000 € en première instance à titre d'indemnité provisionnelle,

Y ajoutant, au regard du pré rapport d'expertise produit,

- condamner in solidum la compagnie Areas, garantissant la responsabilité civile de Madame [A] [A] ainsi que Madame [W] [Z] et la compagnie Macif, garantissant sa responsabilité civile, à payer à Mademoiselle [O] [J] la somme de 100 000 € à titre d'indemnité provisionnelle complémentaire, à valoir sur son préjudice corporel ;

- confirmer le jugement en ce qui concerne le montant des indemnités provisionnelles allouées aux proches de la jeune [O] [J] ;

- confirmer le jugement en ce qui concerne les sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ;

Y ajoutant en cause d'appel,

- condamner in solidum la compagnie Areas garantissant sa responsabilité civile ainsi que Madame [W] [Z] et la compagnie Macif, garantissant sa responsabilité civile à payer à Mademoiselle [O] [J] et Monsieur [X] [J] la somme de 5 000 € à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sur lesdites sommes portant intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir :

- dire que les frais éventuels de signification et d'exécution seront à la charge de la compagnie Areas, de Madame [W] [Z] et de la compagnie Macif,

- dire opposable ledit arrêt à intervenir à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] ;

- condamner in solidum Madame [A] [A], la compagnie AREAS et Madame [W] [Z] en tous les dépens, y compris les frais d'expertise dont distraction au profit de la SELARL Nakache-Perez avocat aux offres de droit.

A l'appui de leurs prétentions, les consorts [J] font principalement valoir que les adolescents étaient placés sous la seule responsabilité de Madame [A] [A] et qu'il est incontestable que Madame [A] [A] a failli à son obligation de surveillance en laissant seuls dans son jardin les jeunes gens, à proximité de produits dangereux et qu'elle a commis une faute d'imprudence de même qu'une faute de négligence au sens de l'article 1383 du Code civil. Ils ajoutent que Madame [W] [Z], en sa qualité de représentant légal du jeune [I] [C], est responsable des dommages causés par son fils sans qu'il soit nécessaire de démontrer une faute, la torche que manipulait [I] ayant causé l'inflammation. Ils précisent qu'il ne saurait être reproché à la jeune [O] [J] d'avoir commis une faute compte-tenu de l'inconscience manifeste et commune dont font preuve les jeunes adolescents de son âge, étant précisé que la présence et l'autorité d'un adulte au moment des faits aurait dû permettre d'éviter la survenance de l'accident et rappelé que ce n'est pas la torche manipulée par la jeune [O] [J] qui l'a enflammée, mais la torche manipulée par [I] [C].

Madame [P] [A] a été assignée par acte d'huissier remis à sa personne le 18 septembre 2014. Elle n'a pas constitué avocat. Il a été dit à l'audience qu'elle était représentée par l'avocat de sa compagnie d'assurances AREAS sans toutefois que cela ne ressorte d'aucun écrit.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 octobre 2015 avant l'ouverture des débats le 17 novembre 2015.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

Considérant que l'article 1382 du code civil énonce : 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

Que selon l'article 1383 du même code : 'Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence'.

Qu'enfin l'article 1384 du code civil prévoit que : 'On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. (.....) Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux'.

Considérant qu'il est constant que Madame [A] [A] a reçu une douzaine d'adolescents âgés de 14 et 15 ans à son domicile pour y fêter les 15 ans de la victime [O] [J] ; qu'elle avait installé une tente dans le jardin et disposé de part et d'autre deux flambeaux d'une hauteur de 1 m 20 environ qui étaient plantés dans le sol ;

Qu'il ressort de la notice de ces flambeaux qu'ils devaient être alimentés avec de l'huile de paraffine, liquide inflammable mais visqueux ;

Que cependant Madame [A] [A] a alimenté les torches avec du white-spirit, liquide destiné à diluer la peinture, également inflammable, mais surtout hautement volatil ;

Considérant que Madame [A] [A] a quitté une première fois le jardin pour prendre sa douche puis est ressortie dire aux enfants de rentrer dîner ; que rapidement après, [O] [J] et son ami [I] [C] ont entrepris de se saisir chacun d'une torche pour mimer un combat à l'épée ;

Qu'il ressort des déclarations faites par les deux protagonistes lors de l'enquête de gendarmerie que [I] en déterrant le premier flambeau a involontairement aspergée [O] du liquide inflammable contenue dans la torche ; que la jeune fille s'est saisie à son tour de la deuxième torche et que très rapidement elle s'est enflammée à partir des cheveux ;

Que [I] a déclaré que lui aussi avait reçu des projections de white-spirit ; que les deux enfants s'accordent à dire que les deux torches ne se sont pas touchées ; qu'un des adolescents présents, [G] [Y], a déclaré : 'ils étaient face à face et s'amusaient à donner des coups dans les torches sans se toucher, je pense qu'il a eu une flamme qui est arrivée sur [O] et elle a pris feu' ;

Considérant qu'il n'est pas démontré que l'embrasement de la chevelure de [O] a démarré à partir d'une torche ou de l'autre ou simplement par l'embrasement des vapeurs de white-spirit ; que les déclarations selon lesquelles [I] aurait donné un coup un peu plus fort renversant alors du white-spirit sur les vêtements de [O] ne proviennent pas de témoins directs de l'accident ; que les appelants n'apportent pas la preuve qui leur incombe que l'action de [I] [C] ou celle de [O] [J] est à l'origine de l'accident ;

Considérant que même si les torches ont été détournées de leur utilisation par [O] et [I], pareil accident ne se serait pas produit si les torches avaient été alimentées avec de l'huile de paraffine ; que les cheveux ou les vêtement n'auraient pas pu être aspergés de la sorte, compte tenu du caractère visqueux de l'huile de paraffine ; qu'un embrasement sans contact n'aurait pas non plus pu se produire ; qu'en effet c'est le caractère volatil du white-spirit qui en fait son danger et non son caractère inflammable qu'il partage effectivement avec l'huile de paraffine ;

Qu'en remplissant les torches avec du white-spirit Madame [A] a détourné ce liquide de sa destination habituelle de dissolvant alors qu'il ne doit en aucun cas être utilisé comme combustible et ne doit même jamais être approché d'une flamme compte tenu de son caractère éminemment volatil ;

Qu'il ressort de la fiche toxicologique du white-spirit produite par la caisse primaire d'assurance maladie que les white-spirit sont des liquides inflammables de faible viscosité dont les vapeurs peuvent former des mélanges explosifs avec l'air, susceptibles de provoquer des incendies par accumulation de charges électrostatiques ;

Considérant qu'en déterrant les torches pour jouer avec, les enfants, qui n'avaient pas eu des informations utiles sur la dangerosité du produit utilisé, n'ont pas pu mesurer les risques qu'ils prenaient ;

Que Madame [A], qui a commis une faute majeure en alimentant les torches avec du white-spirit, ce qui rendaient le maniement des flambeaux significativement plus dangereux qu'usuellement, affirme dans ses écritures, sans toutefois le démontrer, avoir interdit aux enfants de toucher aux torches qu'elle reviendrait éteindre elle-même ; qu'elle avait dès lors conscience du danger qu'elle faisait courir aux enfants en les laissant jouer à proximité de ces flambeaux dont elle n'a jamais cessé d'être la gardienne ; qu'elle ne démontre pas non plus le caractère imprévisible du fait de la victime ; qu'il convient dès lors de retenir une faute exclusive de sa part dans la réalisation du dommage ;

Considérant que le jugement sera dès lors infirmé et Madame [A] déclarée seule responsable des conséquence dommageables de l'accident sans qu'il soit nécessaire de rechercher la responsabilité de Madame [Z] en sa qualité de représentante légale de son fils [I] [C] ;

Sur la demande de provision :

Considérant que [O] [J] a obtenu en première instance une provision de 35 000 € eu égard à la gravité de ses brûlures ; qu'elle demande à la cour une nouvelle provision de 100 000 € au regard des conclusions du pré-rapport d'expertise ; qu'Areas Dommages n'a pas conclu sur ce point particulier ;

Considérant qu'au vu l'importance des conséquences de cet accident tel qu'elles ressortent du pré-rapport plus haut évoqué, il convient d'accorder à [O] [J] une provision supplémentaire de 50 000 € à valoir sur la liquidation de son préjudice ;

Sur les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie produit un décompte du 31 juillet 2014 accompagné d'une attestation d'imputabilité signée par le docteur [M] [U], médecin conseil de l'assurance maladie, pour un montant de débours de 295 948,53€ ; que Madame [A] [A] et la société Areas Dommages seront condamnées in solidum à régler cette somme à la caisse primaire d'assurance maladie ainsi que la somme de 1 028 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur les autres demandes :

Considérant que la société Areas Dommages sera condamnée à payer aux consorts [A] une somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile  ;

Qu'elle sera également condamnée à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] la somme de 1 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens de l'appel ;

Qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux autres demandes concernant les frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu le 9 mai 2014 par le tribunal de grande instance de Paris ;

Statuant à nouveau :

Déclare Madame [P] [A] seule responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu dans sa propriété de [Localité 7], le 20 novembre 2010 ;

Condamne in solidum Madame [P] [A] et la société Areas Dommages à réparer l'entier préjudice subi par Mademoiselle [O] [J] ;

Confirme l'allocation d'une provision de 35 000€ au profit de [O] [J] ;

Dit que le paiement de cette provision sera assuré in solidum par Madame [P] [A] et la société Areas Dommages ;

Condamne in solidum Madame [P] [A] et la société Areas Dommages à payer à [O] [J] une provision complémentaire de 50 000 € à valoir sur la liquidation de son préjudice ;

Condamne in solidum Madame [P] [A] et la société Aréas Dommages à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4], à titre provisionnel la somme de 295 948,53 € au titre de ses débours provisoires arrêtés au 21 mai 2014, et ce avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et la somme de 1 028 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Condamne in solidum Madame [P] [A] et la société Areas Dommages à payer aux consorts [J] une somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Madame [P] [A] et la société Areas Dommages à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] uns somme de 1 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes des parties ;

Condamne in solidum Madame [P] [A] et la société Aréas Dommages au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel ;

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 14/10881
Date de la décision : 08/01/2016

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°14/10881 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-08;14.10881 ?
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