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11/12/2015 | FRANCE | N°15/05062

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 11 décembre 2015, 15/05062


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 2









ARRET DU 11 DECEMBRE 2015



(n°206, 15 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 15/05062





Décision déférée à la Cour : jugement du 20 février 2008 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 3ème section - RG n°03/01644







APPELAN

TE





Société ARTUSTEE CARRIERES ET DEVELOPPEMENT, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 2]

SUISSE



Représentée par Me Anne-Marie OUDINOT,...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 11 DECEMBRE 2015

(n°206, 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/05062

Décision déférée à la Cour : jugement du 20 février 2008 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 3ème section - RG n°03/01644

APPELANTE

Société ARTUSTEE CARRIERES ET DEVELOPPEMENT, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 2]

SUISSE

Représentée par Me Anne-Marie OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque B 653

Assistée de Me Erick LANDON, avocat au barreau de PARIS, toque D 786

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE

Mme [E] [X]

[Adresse 3]

Flat n°2

[Adresse 4]

ROYAUME-UNI

Représentée par Me Anne-Marie OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque B 653

Assistée de Me Erick LANDON, avocat au barreau de PARIS, toque D 786

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE

Mme [A] [U] dite [Q]

Née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1] (Meurthe-et-Moselle)

De nationalité française

Exerçant la profession d'auteur, réalisateur et écrivain

Demeurant [Adresse 5]

Représentée par Me Jacques-Georges BITOUN de la SELARL CABINET BITOUN AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque P 189

INTIME AU PRINCIPAL et INTIME INCIDENT

OPERA NATIONAL DE FINLANDE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège situé

P-30 BOX 176 FIN

[Adresse 6]

FINLANDE

Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque K 111

Assisté de Me Marie-Hélène CHAUDONNERET, avocat au barreau de PARIS, toque D 707

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 28 octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente

Mme Sylvie NEROT, Conseillère

Mme Véronique RENARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,

Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris du 9 novembre 2005,

Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre 3ème section), en date du 20 février 2008,

Vu l'appel interjeté le 17 mars 2008 par [E] [X] et la Société ARTRUSTEE CARRIÈRES ET DÉVELOPPEMENT à l'encontre du jugement du 20 février 2008,

Vu l'ordonnance de radiation en date du 10 septembre 2008 sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile,

Vu l'ordonnance en date du 11 janvier 2011 refusant la réinscription de l'affaire au rôle,

Vu le réenrôlement de l'affaire le 24 novembre 2011,

Vu la radiation de l'affaire en date du 15 mars 2013 et sa réinscription au rôle le 10 mars 2015,

Vu les dernières conclusions de [E] [X] et de la société Artrustee Carrières et Développement, appelantes, en date du 7 octobre 2015,

Vu les dernières conclusions de l'Opéra National de Finlande en date du 1er octobre 2015,

Vu les dernières conclusions de [A] [U], intimée et incidemment appelante, en date du 13 octobre 2015,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 22 octobre 2015,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

[E] [X], danseuse étoile de grande notoriété, a souhaité procédé à une adaptation audiovisuelle du ballet Giselle créé le 28 juin 1841 sur le livret de [F] [G] et le librettiste [Z] qui fut dansé et chorégraphie au travers de 220 versions.

Madame [A] [U] a été sollicitée en juillet 1996 par elle pour participer à l'écriture de la version audiovisuelle de ce ballet,

La première version du scénario intitulée 'projet d'adaptation pour le cinéma ballet Gisèle' a été déposée le 25 juillet 1996 aux noms de [E] [X] et de madame [U] auprès de la Société des Gens de Lettres, l'attestation de dépôt ayant été co-signée par elles, et [E] [X] a remis à [A] [U] deux chèques : un de 20.000 francs à valoir sur sa rémunération en qualité d'auteur et l'autre de 241,20 francs en remboursement des frais de dépôt à la SGDL,

Madame [A] [U] a élaboré quatre versions du 'scénario' jusqu'en janvier 1997 tandis que se poursuivaient les discussions avec les producteurs, et le réalisateur pressenti,

Le 11 mai 1997 [E] [X] a accusé réception à [A] [U] de la dernière version du scénario, l'informant qu'elle était pour sa part, sollicitée par le ballet de Finlande pour réaliser une version scénique du ballet Giselle dont elle indiquait qu'elle n'avait pas pour vocation de remplacer la version cinématographique dont le projet avait été abandonné.

Madame [U] a procédé de sa propre initiative au renouvellement du dépôt du scénario du 27 juillet au 25 juillet 2004,

Madame [E] [X] a participé à la création d'une nouvelle version scénique de Giselle avec l'Opéra National de Finlande et à cet effet elle a eu à titre exclusif un assistant chorégraphe et répétiteur pendant toute la phase de création et de répétition et a collaboré avec un concepteur des costumes qui a également conçu la scénographie alors qu'un chef d'orchestre adaptait la partition de Giselle selon un nouveau découpage musical, et la première représentation de cette nouvelle version est intervenue le 16 octobre 1998 à Helsinski.

A l'occasion de la saison 2000-2001 le théâtre du châtelet a annoncé la création française d'une version inédite du ballet romantique Giselle par et avec [E] [X] qui apparaissait comme interprète du rôle titre et comme auteur de cette nouvelle version.

Faisant valoir que cette version scénique était la transposition du scénario dont elle était le co-auteur, [A] [U] a fait procéder le 21 janvier 2001 en vertu d'une autorisation présidentielle du 10 janvier 2001 à un constat d'huissier et a fait assigner en contrefaçon devant le tribunal de grande instance de Paris, [E] [X], la société Artrustee Carrières et Développement, l'Opéra National de Finlande, producteur du spectacle, la société IMG Artists, et le Théâtre du châtelet..

Suivant jugement du 9 novembre 2005, le tribunal a :

- dit qu'il statuera sur les 7 représentations au Théâtre du Châtelet,

- rejeté la demande de nullité du constat d'huissier des 11, 12, 15, 16 et 18 janvier 2001,

- mis hors de cause la société IMG Artists,

- rejeté la demande de mise hors de cause du Théâtre Musical de Paris Châtelet,

- rouvert les débats pour que les parties concluent sur 11 éléments du scénario et leur reproduction éventuelle dans les 7 représentations litigieuses relevés par le Tribunal,

- sursis à statuer pour le surplus,

Par jugement du 20 février 2008, assorti de l'exécution provisoire, dont appel, le tribunal a :

- dit que Mme [U] est le co-auteur avec Mme [X] d'un scénario original du ballet Giselle déposé à la société des gens de lettres le 25 juillet 1996,

- dit que les sept représentations données au Théâtre du Châtelet en 2000 et 2001 de la version scénique du ballet Giselle en reproduisant partiellement le scénario précité constituent des contrefaçon de celui-ci dont Mme [X], co-auteur et l'Opéra de Finlande, producteur du spectacle, sont responsables,

- interdit à l'Opéra de Finlande de mettre en ligne à destination du public français des informations sur le 'spectacle Giselle' contrefaisant, sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée passé le délai de 4 mois après la signification de la décision,

- condamné in solidum Mme [X], et l'Opéra de Finlande à payer à Mme [U] une indemnité de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- autorisé la publication du dispositif de la décision dans deux journaux ou revues aux frais de Mme [X] et de l'Opéra de Finlande tenus in solidum et au choix de Mme [U] et au choix de Mme [U] dans la limite de 6.000 euros HT par insertion,

- dit que Mme [X] garantira l'Opéra de Finlande à hauteur de 90% des condamnations mises à leur charge.

En cause d'appel, madame [E] [X] et la société Artrustee Carrières et Développement, appelantes, demandent dans leurs dernières écritures en date du 7 octobre 2015 de :

- dire et juger que [A] [U] irrecevable et à tout le moins mal fondée en son action en contrefaçon de droit d'auteur,

- à titre subsidiaire, fixer l'indemnité indemnitaire de [A] [U] à la somme maximum de 1.000 euros correspondant au 7ème des droits d'auteur perçus au titre de la création 'chorégraphique' arguée de contrefaçon,

- en tout état de cause, débouter l'intimée de ses demandes de publication, et de toute autre demande,

- condamner l'intimée à leur payer à chacune d'elles la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 12.000 euros sur le fondement de l'article 700du code de procédure civile.

- condamner l'intimée aux dépens de première instance et d'appel avec doit de recouvrement au profit de leur conseil.

Après avoir rappelé la carrière exceptionnelle de [E] [X], et sa notoriété et précisé la composition du ballet Giselle tel que créé en 1841, les appelantes exposent à cet effet que :

- le tribunal a méconnu l'objet du litige et les garanties de neutralité du juge car il s'est substitué aux parties pour invoquer les caractéristiques d'originalité alors que la définition de l'originalité est propre à l'auteur alors que depuis l'origine madame [U] n'a cessé de faire évoluer les caractéristiques d'originalité en fonction des arguments de défense qui lui étaient opposés,

- la chorégraphie et la musique sont les caractéristiques essentielles du ballet, considérer qu'un scénario permettrait de revendiquer la paternité d'un ballet relève d'une incompétence technique et artistique manifeste, [F] [G] soutenait que le librettiste était au service du chorégraphe,

- le ballet est un genre dramatique dont l'action est figurée par des pantomimes et des danses et l'apport des danseurs artistes interprètes, fait l'essentiel des représentations scéniques, par l'expression de leurs personnalités dans l'interprétation des rôles et les actions décrites dans les livrets ne servent qu'à relier des morceaux chorégraphiques, la chorégraphie et la musique étant les caractéristiques essentielles du ballet.

- dès les années 1980/90 [E] [X] a exprimé dans la presse son désir de créer une adaptation audiovisuelle d'un ballet et en 1995 elle s'est rapprochée de la réalisatrice [Z] [E] avec laquelle elle a déjà collaboré sur Arte, pour adapter Giselle l'ayant dansé dans 7 versions durant sa carrière,

- durant le premier semestre 1996 Mesdames [X] et [E] ont mis en forme leur projet, note d'intention, décors, découpage scénique, jusqu'au choix des costumes, en prenant contact avec le chef opérateur [M] [I], le décorateur [J], la costumière [B] [F], le conseiller production [D] [A], le chef d'orchestre [O] [W], le producteur [B] et M. [S] est approché comme éventuel diffuseur,

- un repérage des lieux est effectué à [Localité 2] et à l'abbaye de [Localité 3],

- différentes réunions de travail ont lieu chez [E] [X] avec différents intervenants de février à avril 1996,

- parallèlement [E] [X] écrit le manuscrit du découpage musical, établit une note d'intention le 15 avril 1996 accompagnée de photographies,

- [Z] [E] écrit une note d'intention,

- par fax du 22 mai 1996 [E] [X] confirme à la costumière la liste des personnages pour les costumes avec quelques directives,

- elles ont demandé pour faciliter l'obtention de financement, début juillet 1996 à [A] [U] qui ne connaît pas le monde de la danse et le ballet Giselle, de mettre en forme sous leur dictée, un document qualifié de scénario, et ce travail technique été fait par elle en quinze jours,

- pour ce faire, la réalisatrice a procuré à [A] [U] de nombreux documents et [A] [U] notamment un exemplaire de son manuscrit comportant un découpage scène par scène d'après la musique qui détermine la chorégraphie et a mise en scène et celel-ci a participé à 2/3 réunions avec la danseuse et la réalisatrice,

- lorsqu'il a été fait appel à [A] [U] le projet était construit,

- le scénario a été déposé à la SGDL le 25 juillet 1996 aux deux noms, le nom de madame [X] étant en tête de dépôt lui conférant à elle seule la faculté de son renouvellement ou de son retrait,

- le projet va échouer après des reports de tournage incompatibles avec le calendrier de [E] [X],

- les personnages principaux sont présents dans toutes les versions traditionnelles ou modernes de Giselle et les quelques personnages secondaires revendiqués par [A] [U] étaient déjà présents avant qu'elles ne prennent contact avec la réalisatrice,

- [E] [X] corrigeait les retranscriptions de madame [U] selon les notes prises au cours des rendez-vous, qui avait la seule capacité à en maîtriser tous les aspects,

- le renouvellement du dépôt a été effectué sans l'accord de [E] [X], tout comme le nouveau dépôt du 27 mai 1999 auprès de la SCALA

- il appartient à madame [U] de caractériser l'originalité de ses apports, or, elle a dès l'origine et de façon constante modifiée les caractéristiques originales revendiquées, et les 11 points relevés d'office par le jugement de 2005 devenu définitif sur ce point ne caractérisent pas l'originalité, d'ailleurs non repris dans le jugement de 2008 qui doit être réformé,

- une adaptation visuelle ne peut être reprise comme telle, sans modification significative, pour une représentation chorégraphique de ballet,

- il convient de prendre la version dans son ensemble pour déterminer son originalité alors que la notion de nouveauté est inopérante en droit d'auteur;

- [A] [U] ne démontre, ni ne justifie qu'en qualité d'adaptateur elle ait opéré des choix prouvant exprimer sa personnalité

- les appelantes dénient au ballet la nature d'oeuvre de collaboration, et critiquent en cal le jugement qui ne prend pas en compte la chronologie des faits, la compétence de [E] [X] en matière de chorégraphie, l'incompétence de [A] [U] en cette matière,

- l'apport original revendiqué est critiquable car des mois avant que [A] [U] soit contactée l'idée des lieux différents existait, elle n'a jamais proposé que la musique débute au moment où [K] quitte son château, les lavandières ont été inventées par [E] [X], le vol du cor existe dans toutes les versions, il ya toujours eu des gardes, utilisation du cor existe dans toutes les versions, les réactions de [N] sont très différentes d'une version à l'autre, la complexité des personnages est la même depuis l'origine, la circulation des personnages dans des décors différents est inhérente à toute adaptation audiovisuelle, et correspondent aux photographies de repérage et à la volonté d'origine de [E] [X] et de la réalisatrice,

- les modifications apportées ne modifient en rien le ressort de l'action principale,

- le 16 octobre 1998, l'Opéra de Finlande présente à Helsinski la première de la nouvelle adaptation chorégraphique de Giselle,

- les caractéristiques prétendument originales ne correspondent pas à celles arguées de contrefaçon : Mats EK dans sa version de Giselle en 1982 commence le premier acte également dans le silence, les éléments utilisés en matière cinématographique sont exclues dans l'interprétation scénique d'un balai comme Giselle, la représentation scénique vivante est continue, sans rupture, sur un seul plan, dans laquelle la danse est omniprésente accompagnée de la musique, toute notion de dialogue est exclue,

- pour la chorégraphie et son travail sur le ballet, [E] [X] a perçu la somme de 4.500 euros pour les 7 représentations au châtelet, outre des prestations d'artistes interprète,

- les faits commis à l'étranger échappent à la juridiction française, et [E] [X] et la société Artustree ne sont pas bénéficiaires des chiffres d'affaires annoncés par le théâtre de Finlande,

- l'absence de reprise de caractéristiques (l'idiot, la bigote, l'ivrogne) non invoqués au titre de l'originalité, confirme l'absence de contrefaçon

[A] [U], intimée, demande essentiellement, au visa des articles L 111-1, L 112-2 L.112-3, L 113-1 L 121-1, L. 121-2, L. 122-4, L 131-3, L 331-1-4, L 131-7, L 3335-2 et L. 335-3, L.112-3, du Code de la propriété intellectuelle, et 6 de la convention européenne des Droits de l'Homme dans ses dernières écritures en date du 13 octobre 2015 de :

- Constater la contrefaçon des scénario de Madame [U] relatifs à une adaptation audiovisuelle du ballet «Giselle» par la représentation sténographique présentée comme la chorégraphie et la mise en scène de Madame [E] [X] produite par l'Opéra de Finlande au Théâtre du Châtelet.

- Constater l'aggravation de l'atteinte aux droits de Madame [U],

En tout état de cause :

- Confirmer le jugement du 20 février 2008,

- Y ajouter :

- condamner in solidum Madame [E] [X], l'Opéra de Finlande, à verser à Madame [U] :

* la somme complémentaire de 50.000 Euros de dommages et intérêts tant au titre des sommes reçues indûment pour l'exploitation du ballet que pour la perte subie au moment des faits

* la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts au titre de la violation de ses prérogatives du droit moral,

- condamner in solidum Madame [X], l'Opéra National de Finlande, à verser à Madame [U] la somme complémentaire de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 CPC,

- ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1000 euros par jour par retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.

Madame [U] fait valoir à cet effet que :

- le ballet est un spectacle protégeable au titre du droit d'auteur en application de l'article L 112-2 3° et 4° du code de la propriété intellectuelle auquel participe notamment l'auteur du livret et l'adaptateur bénéficie de la protection de l'article L 112-3 du même code qui dispose les auteurs .;d'adaptation ou arrangement des oeuvres de l'esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l'auteur de l'oeuvre originale,

- elle a proposé de donner une expression entièrement nouvelle au ballet,

- elle a écrit et déposé loyalement aux deux noms la première version du scénario le 25 juillet 1996et a écrit quatre versions principales et successives de ce scénario jusqu'en janvier 1997, le 11 mai 1997 madame [E] [X] ayant accusé réception de la version définitive,

- elle ne s'est jamais présentée comme auteur d'une nouvelle chorégraphie mais comme auteur d'un scénario dont elle développe les caractéristiques originales,

L'Opéra National de Finlande demande dans ses dernières écritures du 1er octobre 2015 de :

- déclarer madame [U] et à tout le moins mal fondée en son action en contrefaçon de droits d'auteurs et la débouter de toutes ses demandes,

- condamner madame [U] à verser à l'Opéra National de Finlande une somme 30.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner madame [U] à verser à l'Opéra national de Finlande la somme de 12.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Lesdites sommes augmentées des intérêts au taux légal à compter de l'assignation avec application de l'anatocisme,

- condamner madame [U] aux dépens avec droit de recouvrement au profit de son conseil,

subsidiairement,

- mettre l'Opéra National de Finlande hors de cause,

- plus subsidiairement, condamner solidairement madame [E] [X] et la société Artrustee Carrières et Développement SA à garantir l'Opéra National de Finlande de toute condamnation,

- condamner solidairement madame [E] [X] et la société Artrustee Carrières et Développement SA en tous les dépens avec droit de recouvrement au profit de son conseil,

- condamner solidairement madame [E] [X] et la société Artrustee Carrières et Développement SA à verser à l'Opéra National de Finlande une somme de 8.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose notamment à cet effet que :

- l'oeuvre présentée à Paris n'était plus la même que celle présentée à Helsinski car des modifications sont apportées au gré des répétitions et des réactions du public alors que la scène du théâtre du Châtelet est plus petite que la grande scène de l'Opéra de Finlande et que de nouveaux costumes ont été dessinés pour Paris,

- le tribunal se substituant à madame [U] a relevé 11 points dans le scénario n°1 qui ne se retrouvent pas dans le livret de 1841 sans que ces éléments puissent être présumés originaux alors qu'ils ont pu être disséminés dans les innombrables versions de Gisèle dansées depuis,

- madame [U] avait conclu avec madame [X] un contrat d'auteur sur la base d'un prix fixe, forfaitaire et définitif de 100.000 euros, hors l'avance de 20.000 euros reçue, et que le travail qu'elle a réalisé est un exercice technique propre à la pratique cinématographique mais inopérant dans le cadre du ballet à Helsinski,

- l'Opéra National de Finlande n'a jamais été en contact de quelque façon que ce soit avec un autre des intervenants du projet cinématographique,

- madame [U] est de mauvaise foi comme cela ressort notamment du renouvellement du dépôt auprès de la société des Gens de lettres alors que le projet était abandonné et de son dépôt tardif et isolé auprès de la SACD sous son nom, ce qui affecte la validité de ces dépôts,

- la seule demande légitime de madame [U] était le solde de 80.000 euros que lui devait madame [X] au titre du contrat de 'script polishing', c'est à dire rédiger d'après les notes de madame [X] et le livret Giselle un 'scénario' techniquement acceptable pour servir de support au montage d'un dossier de financement d'oeuvre cinématographique, qu'elle n'avait jamais réclamé depuis 1997,

- madame [U] a compilé sous forme de scénario un ensemble d'éléments existants qui lui ont été préalablement fournis par madame [X], et n'a apporté aucun élément significatif original nouveau à cette nouvelle version du ballet, elle ne démontre aucun apport significatif original ou nouveau à cette oeuvre,

- le ballet dansé sur la scène de l'Opéra National de Finlande en 1998 puis sur celle du théâtre du Châtelet ne s'appuie en aucune façon sur le travail de madame [X], la nouvelle version scénique du ballet étant incompatible avec les contraintes scéniques pour en faire un film,

*************

Madame [A] [U], après s'être présentée dans son assignation comme la seule adaptatrice du ballet Gisèle, soutient présentement détenir des droits d'auteur en qualité de co-auteur d'un scénario cinématographique' qu'elle aurait créé avec madame [E] [X], en juillet 1996 dans le cadre d'un projet d'adaptation cinématographique du ballet Gisèle, abandonné en 1997 à la suite de la défaillance du producteur pressenti. Ce scénario aurait fait l'objet de quatre versions.

Elle fait valoir que madame [X] a incorporé ce scénario original à sa mise en scène du ballet.

L'adaptateur bénéficie de la protection de l'article L 112-3 du code de la propriété intellectuelle qui dispose les auteurs .;d'adaptation ou arrangement des oeuvres de l'esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l'auteur de l'oeuvre originale,

Il a été jugé définitivement par le tribunal dans son jugement du 9 novembre 2005 sur lequel aucun appel n'a été interjeté, que pour l'appréciation de la contrefaçon ne serait pris en compte comme oeuvre dont la paternité est revendiquée par [A] [U], que la version déposée à la SGDL le 25 juillet 2006.

L'originalité et la paternité de ce seul scénario doivent donc être examinées pour apprécier la réalité de la contrefaçon alléguée.

Les débats ayant été rouverts par ce même jugement pour que les parties s'expliquent sur les 11 éléments du scénario et leur reproduction, il ne peut être fait grief à madame [U] d'avoir déféré à cette demande.

Cependant, il lui appartient de justifier de ses apports originaux sur cette adaptation audiovisuelle qui a été déposée, le dépôt, à lui seul n'établit ni ne présume l'originalité du texte déposé, ni de la nature de cette contribution.

Or, l'examen de ses écritures fait apparaître que les caractéristiques originales revendiquées par madame [U] ont évolué de façon constante depuis la réouverture des débats par le jugement du 9 novembre 2005.

Or, si elle fait valoir avec raison que l'originalité du scénario, support du ballet, ne réside pas exclusivement dans celle de la chorégraphie et de la scénographie, l'originalité de ses apport doit être définie de façon précise et argumentée dès l'origine. Ses premières caractéristiques ont été écartées par le tribunal qui a retenu d'office dans son premier jugement 11 éléments alors qu'il ne lui appartenait de se substituer à la partie se présentant comme l'auteur, pas plus lors de la décision déférée.

Pour ce seul motif, le tribunal ayant statué au-delà de la demande, la décision mérite réformation, la nullité sollicitée étant sans objet en raison de l'effet dévolutif de l'appel.

Un spectacle de ballet est une oeuvre de collaboration au sens de l'article L 113-2 du code précité entre l'auteur du livret qui définit les personnages, les lieux, les lieux les actions et leur enchaînement, l'auteur de la chorégraphie, l'auteur de la musique, l'auteur des décors, l'auteur des costumes, auxquels peuvent se joindre d'autres contributeurs pour des prestations qui peuvent dans certains cas êtres qualifiées d'originales.

Le ballet Giselle fut créé le 28 juin 1841 en deux actes sur la scène de l'Opéra de Paris, selon le livret de [F] [G] et du librettiste [Z], une chorégraphie de [H] et [N] et une musique d'[I] [C] et a fait l'objet de plus de 220 représentations.

Il rassemble tous les symboles qui sont au coeur du romantisme : la paysannerie, la nature, l'amour, la folie, la mort prématurée de Gisèle à la fin du premier acte ; l'amour entre un mortel et un esprit dans le deuxième acte ; Gisèle, fantôme renaît à la danse et ouvre un bal nocturne avec ses amies et ondine, [V] ou [J] qui sont comme elle des jeunes filles mortes avant leurs noces.

En l'espèce, le scénario dont s'agit concentre l'ouverture sur les trois principaux protagonistes du drame : Albrecht/Loys, [Y] et Giselle et particulièrement sur les deux rivaux ce qui donne immédiatement des informations sur leur caractère, leur situation, l'état des rapports entre eux et organise des scènes originales d'introduction de ces personnages masculins principaux, et l' articulation de ces scènes présentant ces personnages dans des situations différentes, font paraître tant [Y] qu'Albrecht/Loys sous un jour nouveau avec des traits précis et différents, ainsi :

[K]/Loys est en seigneur qu'il est, au moment où il quitte son château, s'habillant à la hâte pendant qu'il descend l'escalier et non plus, déguisé en paysan jusqu'à la découverte de son véritable statut, la musique commençant sur cette séquence.

[Y] est présenté seul, cueillant des fleurs (scène 1 version 1 du scénario), puis il est présenté au village (scènes 6, 7,8 ; version 1 du scénario), puis dans la forêt (scène 11 ; version 1 du scénario) puisqu'il est garde-chasse et parce que cette forêt est le lieu où il va mourir au deuxième acte.

Le scénario organise une circulation des personnages dans des décors différents, dotant le premier acte d'une géographie, originale. Les personnages vont du château au village, en passant par un chemin de campagne, de la place du village à la maison de Giselle et à celle de Loys en passant par la forêt. Cette circulation dynamise le premier acte du ballet.

Cette nouvelle articulation des scènes et lieux produit un récit composé en vue d'une réalisation cinématographique qui donne une expression neuve à la substance de l'oeuvre première (Dans le livret d'origine : halte au village du prince avec sa fille et sa suite repart à la chasse et [Y] s'empare du cor pour faire alerter le prince lorsqu'il démasque le faux paysan).

Est ajouté une intrigue amoureuse entre les gardes du prince et deux jeunes paysannes.

Le scénario fait éclater d'un rire franc la princesse [N] quand elle découvre son fiancé déguisé en paysan transformant l'aspect de son caractère.

[Y] est présenté éploré près de la tombe de Giselle dans la forêt ce qui l'humanise et ne montre plus exclusivement sa jalousie.

Le scénario fait commencer l'action meurtrière des [J] beaucoup plus tôt que dans les versions traditionnelles du ballet, renforçant leur aspect cruel.

Il en ressort que ce scénario s'il reprend les éléments traditionnels du ballet Gisèle il revêt par ces apports originaux un caractère original, éligible à la protection du doit d'auteur.

Dans ses dernières écritures madame [U] revendique les apports originaux suivants :

'La première version du scénario, co-déposée le 25 juillet 1996 à la SGDL organise l'acte 1 du ballet en 36 séquences, alternant scènes d'intérieur et scènes d'extérieur, ajoutant des séquences inédites, entièrement écrites, qui remanient la forme et revivifient le fond de l'argument'.

Une séquence intermédiaire assure la transition entre les deux actes.

Madame [U] a supprimé la pantomime du ballet, langage gestuel dont le sens s'était perdu, et écrit des dialogues.

Le ballet romantique, lui, aimait remplir la scène d'une foule pour la splendeur du costume.

Dès le prologue de l'acte 1, Madame [U] adopte une forme narrative propre au cinéma qui n'aime pas multiplier les introductions sans que rien ne se passe.

Afin de ne pas retarder l'action, Madame [U] a supprimé toutes les scènes d'exposition du ballet où les personnages, même les figurants, venaient se présenter les uns après les autres : [Y], Albrecht/Loys, Giselle, [K], les vendangeurs et les paysans.

Madame [U] a concentré l'ouverture du scénario sur les trois principaux protagonistes du drame : Albrecht/Loys, [Y] et Giselle. Elle a écrit les scènes qui correspondaient à ce choix et les a mises en forme,

En resserrant ainsi l'ouverture, Madame [U] a mis en avant les deux personnages rivaux de [Y] et [K]/Loys. Donnant immédiatement des informations sur leur caractère, leur situation, l'état des rapports entre eux.

Selon une composition en séquences alternées totalement inédite, [H] et Albrecht/Loys sont introduits dans des scènes originales, des actions et des lieux qui sont leurs symboles :

- [Y] est présenté seul, cueillant des fleurs (scène 1 ; version 1 du scénario), puis il est présenté au village (scènes 6, 7,8), ensuite dans la forêt (scène 11), puisqu'il est garde-chasse et parce qu'il va mourir dans cette forêt au deuxième acte.

- Le scénario présente [K]/Loys en seigneur qu'il est, au moment où il quitte son château, s'habillant à la hâte pendant qu'il descend l'escalier (scène 3 ; version 1 du scénario), la musique commençant sur cette séquence. Prologue inédit dans l'histoire du ballet. Dans les versions antérieures du ballet, le jeune duc Albrecht/Loys, amoureux de Giselle, apparaissait sous son déguisement de paysan jusqu'au moment où il est démasqué.

Ces scènes originales et leur combinaison, dès l'introduction des personnages masculins

principaux, les présentant dans des situations variées et qui leur correspondent, font paraître tant [H] qu'Albrecht/Loys sous un jour nouveau, plus contrasté. Ce qui répond à la vérité d'un personnage aujourd'hui :

- [Y] n'est plus seulement le jaloux furieux de la tradition du ballet ; il est aussi un amoureux solitaire et mélancolique.

- Albrecht/Loys est présenté immédiatement sous sa double identité au moment où il quitte

sa demeure seigneuriale.

Dès le prologue, le scénario rend les personnages principaux plus complexes. Il redonne, avec des moyens neufs, du poids à ces personnages dont la silhouette s'était amenuisée derrière le rôle de Giselle qui avait, avec le temps, pris de plus en plus d'ampleur sur la base de la virtuosité technique.

Les indications précises du découpage scénaristique en autant de décors différents de la version 1 du scénario sont les suivantes : « Château du Duc Albrecht (escalier) » ; «Château du Duc Albrecht (cour) » ; « Route menant au village » ; « Village »; « Maison Loys » ; « Maison Giselle »(deux décors différents) ; « Entrée du village »; « Forêt »; « Chemin de campagne »; « Entrée du village » ; « Place du village ».

Le scénario organise une circulation des personnages dans ces décors, dotant le premier acte d'une géographie, vivante et originale étroitement liée aux actions. Ce qui enrichit le récit. Les personnages vont du château au village, en passant par un chemin de campagne, de la place du village à la maison de Giselle et à celle de Loys en passant par la forêt. Cette circulation dynamise le premier acte du ballet.

Le choix des lieux est un des éléments qui caractérisent le scénario autant que les événements ou les caractères : ces différents décors articulent de manière inédite des scènes et des séquences, définies, développées, totalement nouvelles pour certaines, produisant un récit composé en vue d'une réalisation cinématographique qui donne une expression neuve à la substance de l''uvre première.

Dans le livret d'origine, le dénouement du premier acte est le suivant : le prince de Courlande (avec sa fille [N] et sa suite), ayant fait une halte au village de Giselle, décide d'y rester tandis que sa suite repart à la chasse. Il est convenu qu'il sonnera du cor pour les rappeler. [H] s'empare du cor pendu à un arbre et en sonne avec force pour alerter le Prince, [N], et faire revenir la chasse afin de démasquer, devant tous, le faux paysan Loys.

La tradition a bien introduit quelques variantes dans ce dénouement, mais sans changer le fond du récit. Par exemple, après une halte au village, le Prince repart à la chasse tandis que sa fille [N] reste au village pour se reposer. Son père laisse auprès d'elle un ou desgarde(s) auxquels il donne un cor de chasse pour sonner l'alerte en cas de danger. [H] s'empare de ce cor et sonne pour faire accourir [N] et revenir le Prince et sa suite au moment où il va démasquer le faux paysan Loys.

La version 1 du scénario transforme considérablement cet épisode qui n'avait guère changé dans l'histoire du ballet. Episode central puisqu'il mène au dénouement du premier acte et à la mort de Giselle.

Sur cette trame de base, Madame [U] a tissé une intrigue amoureuse inédite entre les gardes du Prince et deux jeunes paysannes (scènes 31 et 35 de l'acte 1 ; version 1 du scénario : qui va permettre à [H] de dérober le cor de chasse qu'ils ont abandonné, accaparés qu'ils sont par leur flirt (scène 33) :

« (') les deux gardes parlent en observant deux jeunes paysannes au loin ; puis nous les voyons quitter leur poste et se diriger lentement vers elles. » (Scène 30) ; « [Y] qui rôdait autour de la maison, dérobe la corne de chasse qui est pendue à un clou près de la porte. [H] cache la corne dans sa chemise, et prend, lui aussi, le chemin du village » (scène 31) ; « on aperçoit au loin les deux gardes qui courtisent les deux jeunes paysannes. » (Scène 35)

Dans un scénario, la bonne progression du récit, surtout s'il aboutit à un drame, est emplie de péripéties.

Dans le ballet « Giselle », la « fête des vendanges » est le moment où se dénoue l'intrigue du ballet (par la révélation de l'identité de son amoureux à Giselle).

Madame [U] y a ajouté cette intrigue amoureuse, idée originale développée sur cinq séquences : dans le scénario, la distraction des gardes en raison de leur flirt devient la cause directe de la mort de Giselle. Le scénario a changé le support de l'action centrale.

Ce dénouement inédit du premier acte en renforce l'effet violent.

Dans l'épisode qui suit, selon le livret d'origine, [N], « bonne et généreuse » (scène 13, livret de 1841, dit [F] [G], ne fait que marquer sa surprise au moment où elle découvre son fiancé [K] déguisé en paysan, avant de lui demander en pantomime «l'explication du costume qu'il porte » (scène 12, livret de 1841. Dans certaines mises en scène postérieures, [N] se détourne devant une telle révélation.

Madame [U] fait éclater d'un rire franc la princesse [N] quand elle découvre son fiancé déguisé en paysan (scène 36, acte 1 ; version 1 du scénario).

Ce rire, outre le fait qu'il change le caractère du personnage de [N], s'oppose au rire nerveux de Giselle que cette révélation a fait basculer dans la folie (scène 13, acte 1, livret de 1841. Ce rire s'oppose tout autant au pauvre sourire que Giselle adressera à sa mère avant de mourir (scène 30).

Dans l'acte 2 de cette première version du scénario, [Y] est présenté éploré près de la tombe de Giselle dans la forêt. Là encore l'auteur a recherché un effet de symétrie car cette scène renvoie à celle de l'acte 1 où [H] cueillait des fleurs pour Giselle et apparaissait dans la forêt (scènes et 11, acte 1). Le personnage de [Y], (qui dans la tradition du ballet est uniquement jaloux), à deux reprises dans le scénario, montré seul avec ses sentiments, puis sa douleur, est ainsi humanisé.

La présentation du supplice d'[Y] en scène 7 de l'acte 2, version 1 du scénario : le scénario fait commencer l'action meurtrière des [J] beaucoup plus tôt que dans les versions traditionnelles du ballet, ce qui contribue à dynamiser ce second acte. C'est également le moyen de mettre l'accent sur la cruauté des [J], qui, dans la mythologie populaire germanique, sont de véritables vierges guerrières, ce que le romantisme français avait gommé.'

Si cette démonstration corrobore le caractère original du scénario par l'enchaînement original des scènes et des situations du ballet, l'ajout de scènes originales, une modification du caractère des personnages principaux, la création de nouveaux rôles qui s'écarte ainsi du livret d'origine, madame [U] ne peut soutenir être la seule contributrice à cette adaptation alors qu'elle n'est intervenue qu'en juillet 1996 alors que le projet d'adaptation cinématographique était déjà bien engagé : repérages, dossier de présentation qui résume le projet qui lui a été remis, manuscrit écrit par [E] [X] comportant un découpage scène par scène, notes d'intention du 15 avril 1996 de madame [X], , note d'intention de la réalisatrice, et que ce texte n'a été écrits par elle qu'en quinze jours, l'a été pour la plupart, sous la dictée de [E] [X] qui a eu l'initiative de cette adaptation qu'elle devait interpréter alors qu'elle disposait de toute faculté pour les amender.

Il convient en conséquence de dire et juger que mesdames [E] [X] et [A] [U] sont les co-auteurs du scénario déposé sous leur deux noms le 25 juillet 1996.

Sur la contrefaçon

L'examen de l'enregistrement du ballet représenté au théâtre du Châtelet, des photographies de ce spectacle fait apparaître que l'acte 1 débute par la scène où [K]/Loys dévale l'escalier du Château, accompagné de [T], la musique commençant sur cette scène comme pour la scène 3 du scénario, que des scènes originales du scénario sont reproduites avec notamment les personnages secondaires, avec le même enchaînement, les personnages vont du château au village, en passant par une route de campagne, de la place du village, à la maison de Giselle, à celle de Loys, le jet de cailloux à l'attention de Giselle et la reprise des indications de mise en scène le spectacle étant d'ailleurs présenté comme une 'construction d'inspiration cinématographique' impression d'ensemble reprise par la presse qui a évoqué l'idée du travelling de cinéma et des gros plans, de cadrage, avec un travail de comédien des personnages principaux et figurant ;

Cette représentation étant une transposition de ce travail cinématographique sur une scène qui allie dramaturgie, chorégraphie et scénographie.

Il en ressort que madame [E] [X] en exploitant ce scénario sans l'autorisation de madame [U] et sans la citer a commis des actes de contrefaçon de ses doits d'auteur et a porté atteinte à son droit moral.

Sur le préjudice

Concernant les représentations litigieuses il convient de relever que le travail d'adaptation cinématographique diffère : mise en scène, jeu de lumières, décors, de celui de la représentation d'un ballet sur une scène en raison de la prépondérance de la chorégraphie pour ce spectacle, de la scénographie et de sa représentation continue.

D'ailleurs cette version scénique constitue une autre oeuvre originale.

[E] [X] a perçu la somme de 4.500 euros pour les 7 représentations au Châtelet qui ont été définitivement retenues.

Ces reproductions illicites du scénario dont elle est co-auteur sans mention de son nom et sans rémunération ont porté atteinte à son droit moral et ses droits patrimoniaux.

Si le succès de ces représentations résulte d'une approche cinématographique innovante du ballet, il relève de l'apport prépondérant de madame [X] dans l'expression de son art et de ceux des autres contributeurs, scénariste, costumier, chef d'orchestre..de sorte qu'il convient de fixer à la somme de 50.000 euros l'atteinte portée à son droit moral et à celle de 50.000 euros celle portée à ses droits patrimonaiux.

Il convient de condamner in solidum [E] [X] auteur de la contrefaçon et l'Opéra national de Finlande, producteur des représentations contrefaisantes à qui il apaprtenait de vérifier la titularité des droits d'adaptation déposés de verser à madame [U] la somme de 50.000 euros en réparation de son droit moral et celle de 50.000 euros en réparation de ses droits patrimoniaux.

En regard de la nature des faits commis par chacune des parties il convient de dire que madame [E] [X] relèvera et garantira à proportion de 90 % l'Opéra National de Finlande de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre du chef de la présente décision.

Les sommes allouées étant suffisantes pour réparer les préjudices subis il n'y a pas lieu de faire droit à la mesure de publication sollicitée.

Sur les autres demandes

La demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts formée par l'Opéra National de Finlande est, en regard des dispositions de la présente décision, non fondée et doit être rejetée.

L'équité commande d'allouer à madame [U] la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par les appelantes.

Les dépens resteront à la charge in solidum des appelantes avec droit de recouvrement au profit des avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile avec les mêmes garanties que pour les condamnations principales.

PAR CES MOTIFS

Réforme le jugement déféré,

Rejette l'ensemble des demandes des appelants,

Dit que Mme [U] est le co-auteur avec Mme [X] d'un scénario original du ballet Giselle déposé à la Société des Gens de Lettres le 25 juillet 1996,

Dit que les sept représentations données au Théâtre du Châtelet en 2000 et 2001 de la version scénique du ballet Giselle en reproduisant partiellement le scénario précité constituent des contrefaçon de celui-ci dont Mme [X], co-auteur, et l'Opéra de Finlande, producteur du spectacle, sont responsables,

Interdit à l'Opéra de Finlande de mettre en ligne à destination du public français des informations sur le 'spectacle Giselle' contrefaisant, sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée passé le délai de 4 mois après la signification de la présente décision,

Condamne in solidum Mme [X] et l'Opéra de Finlande à payer à Mme [U] une indemnité de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et une indemnité de 50.000 euros en réparation de son préjudice patrimonial et celle de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes de madame [U],

Dit que Mme [X] garantira l'Opéra de Finlande à hauteur de 90% des condamnations mises à leur charge.

Condamne in solidum madame [E] [X] et l'Opéra National de Finlande aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile et qui seront garantis selon les mêmes modalités et dans les mêmes proportions que pour les condamnations principales.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 15/05062
Date de la décision : 11/12/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°15/05062 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-11;15.05062 ?
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