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11/12/2015 | FRANCE | N°14/16377

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 11 décembre 2015, 14/16377


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRET DU 11 DECEMBRE 2015



(n° 2015-332, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/16377



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juin 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/00982





APPELANTS



AXA FRANCE IARD agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]

[Loc

alité 5]



Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de Me Anne-Lise LERIOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P4...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRET DU 11 DECEMBRE 2015

(n° 2015-332, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/16377

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juin 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/00982

APPELANTS

AXA FRANCE IARD agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]

[Localité 5]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de Me Anne-Lise LERIOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P456

[Établissement 1] agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assisté de Me Anne-Lise LERIOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P456

INTIMES

Madame [I] [C]

Née le [Date naissance 1] 1972

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Géraldine AZOULAY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0666

Assistée de Me Pascale BILLING, avocat au barreau de PARIS, toque : E834 substituant Me Géraldine AZOULAY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0666

CRAMIF prise en la personne de son représentant légal

SIRET : 775 694 730 000

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Olivier JESSEL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0811

CPAM DE PARIS prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 3]

Défaillante. Régulièrement assignée.

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère, ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER

ARRET :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre et par Monsieur Guillaume LE FORESTIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

Par jugement du 10 avril 2012, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré le docteur [B] et le [Établissement 1] responsables des conséquences dommageables du retard de diagnostic du cancer du sein de Madame [I] [C] à hauteur de 50% chacun et les a condamnés in solidum à lui verser une indemnité provisionnelle de 85 700 € à valoir sur la réparation de ses préjudices. Le tribunal a également ordonné une mesure d'expertise et désigné le docteur France [A] pour y procéder. Le rapport d'expertise a été déposé le 25 février 2013.

Après appel du jugement par le docteur [F] [B], la cour d'appel de Paris, par arrêt du 5 juillet 2013, a infirmé le jugement déféré et statuant à nouveau a principalement mis hors de cause le docteur [B], dit que le Centre Médical Etoile était seul responsable des conséquences dommageables du retard de diagnostic, condamné in solidum le [Établissement 1] et la société Axa à verser à Madame [C] la somme de 50 000 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.

Statuant après dépôt du rapport d'expertise sur la liquidation des préjudices, le tribunal de grande instance de Paris a par jugement rendu le 16 juin 2014 :

- dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture ;

- condamné in solidum le [Établissement 1] et son assureur Axa à verser à Madame [C] les sommes de:

* 696.051,49€ au titre des préjudices patrimoniaux,

* 86 750€ au titre des préjudices extrapatrimoniaux,

sauf à déduire la provision déjà versée ;

- condamné in solidum le [Établissement 1] et la société Axa à verser à la CPAM de Paris la somme de 36 567,59 € avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2011 sur la somme de 12 443,33€ ;

- réservé les droits de la CPAM de Paris quant aux prestations non connues à ce jour ;

- condamné in solidum le [Établissement 1] et la société Axa à verser à la CPAM de Paris les frais futurs à compter de leur engagement avec intérêts au taux légal à compter de cette date ou si le [Établissement 1] et la société Axa optent pour un versement en capital, les condamne au paiement de la somme de 47 522,83 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- condamné in solidum le Centre Médical Etoile et son assureur, la société Axa, à rembourser à la CRAMIF 33% des arrérages de la pension de 2ème catégorie échus du 18/09/2009 au 31/01/2014, soit la somme de 14 035,05 € ainsi que 33% des arrérages à échoir de la pension de 2ème catégorie du 1er février 2014, au fur et à mesure de leur échéance, jusqu'à la date de substitution d'une pension retraite servie par la CNAV, à moins qu'ils ne préfèrent s'en libérer par le règlement du capital représentatif qui s'élève au 5 février 2014 à 50.988,85 € ;

- condamné in solidum le [Établissement 1] et son assureur, la société Axa, au paiement des intérêts légaux à compter de la signification de ses premières conclusions d'intervention volontaire par la CRAMIF devant la juridiction de céans pour les arrérages échus à cette date, soit le 27/07/2011 et à compter de chaque échéance pour les arrérages échus et à échoir postérieurement ;

- dit que la créance de la CRAMIF s'impute sur les postes de préjudices pertes de gains professionnels actuels et pertes de gains professionnels futurs ;

- condamné in solidum le [Établissement 1] et son assureur à régler à la CRAMIF l'indemnité de gestion fixée à 1 028 € prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- condamné in solidum le [Établissement 1] et Axa en sa qualité d'assureur à payer à la société Air France une somme de 4 487,49 € au titre de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- condamné in solidum le [Établissement 1] et son assureur Axa à payer à madame [I] [C] la somme de 7 000 €, à la CPAM de Paris, la CRAMIF et la société Air France la somme de 1500 € chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum le [Établissement 1] et son assureur Axa en tous les dépens, en ce compris la totalité des frais d'expertise, dont distraction au profit de Maître Olivier Jessel, Maître Billing, Maître Sandrine Milon et la SELARL Kato & Lefebvre Associés, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration au greffe le 29 juillet 2014, le [Établissement 1] et la société Axa ont fait appel partiel du jugement limité en ses dispositions concernant l'indemnisation de la perte de gains professionnels.

Selon conclusions n°2 signifiées le 23 février 2015, le [Établissement 1] et la société Axa font devant la cour les demandes suivantes :

- accueillir le centre médical Etoile et la société AXA en leurs écritures et les y déclarer bien-fondés ;

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la perte de gains professionnels futurs s'élevait à la somme de 485.740,39 € ;

- débouter à titre principal Madame [C] de sa demande d'indemnisation des pertes de gains futurs ;

- surseoir à statuer, à titre subsidiaire, sur le poste des pertes de gains futurs dans l'attente de connaître la situation professionnelle définitive de Madame [C] ;

- dire, à titre très subsidiaire, que la perte de gains professionnels futurs ne saurait excéder la somme de 241.856,33 € ;

- faire application du barème de capitalisation issu de l'arrêté du 29 janvier 2013 ;

- débouter la CRAMIF de son appel incident ;

- condamner Madame [C] à verser au [Établissement 1] et à la société Axa la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens de l'instance.

Les parties appelantes exposent en tout premier lieu que Madame [C] ne justifie pas être dans l'incapacité totale d'exercer toute activité professionnelle, qu'eu égard à son âge, elle retrouvera ou a déjà retrouvé un emploi compatible avec son état de santé ou encore devrait être reclassée au sein de la société Air France. Elles en déduisent que faute de verser aux débats les documents relatifs à sa situation professionnelle actuelle, Madame [C] doit être déboutée de ses demandes afférentes à une perte de revenus. Elles considèrent que les premiers juges ont commis une erreur en calculant la perte de revenus de Madame [C] comme si elle ne pouvait plus retravailler.

A titre subsidiaire, elles sollicitent de la cour qu'il soit pris en compte pour l'indemnisation de gains professionnels futurs de :

-la perte de revenus imputable au retard de diagnostic à partir de mi-septembre 2008, soit après un délai de 2 ans d'incapacité résultant des suites normales de la pathologie ;

-l'augmentation de salaire de 15% à laquelle elle pouvait prétendre ;

-le barème issu de l'arrêté du 29 janvier 2013 qui utilise la table officielle 2000-2002 TH-TF de l'INSEE doit être appliqué de préférence à celui édité par la Gazette du Palais 2013 qui utilise une table INSEE 2006-2008 qui n'a pas encore été officiellement publiée ;

-faute pour Mme [C] d'établir que l'arrêt de son activité professionnelle aura une incidence sur ses droits à la retraite, d'un taux de rente capitalisé pour la perte de revenus jusqu'à l'âge de la retraite, soit 65 ans.

S'agissant de l'appel incident formé par la CRAMIF, les appelants soutiennent que dans la mesure où celle-ci a obtenu l'intégralité de ses demandes en première instance, elle n'est pas fondée à réclamer infirmation du jugement.

Par conclusions signifiées le 23 décembre 2014, Mme [C] sollicite de la cour qu'elle :

- infirme le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à 485 740,39 euros l'indemnité lui revenant au titre de sa perte de gains professionnels futurs ;

- condamne in solidum le [Établissement 1] et son assureur Axa à lui verser la somme 890 976, 09 € au titre de la perte de gains futurs ;

- condamne in solidum le [Établissement 1] et son assureur Axa à lui verser la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 code de procédure civile ;

- condamne in solidum le centre médical Etoile et son assureur Axa aux entiers dépens de première instance et d'appel qui devront comprendre la totalité des frais d'expertise, dont distraction au profit de Me Billing, avocat.

Elle rappelle que la perte de gains professionnels futurs est totalement imputable au retard de diagnostic puisque selon l'expert, son déficit fonctionnel permanent fixé à 20% est dû au lymphoedème, conséquence du curetage axillaire qu'elle a du subir en raison du retard de diagnostic. et qu'un certificat du centre hospitalier de médecine aéronautique [Établissement 2] en date du 27 février 2014 la déclare inapte au regard des normes d'aptitude physique et mentale du personnel navigant commercial, qu'aucune proposition de reclassement ne lui a été faite par la société Air France, qu'elle a été placée en invalidité seconde catégorie, que cette perte de gains est indemnisable dès lors qu'il existe un lien de causalité entre la faute retenue (le retard de diagnostic) et le préjudice (perte de revenus). Aussi, Madame [C] demande à la cour de retenir le même mode de calcul que celui retenu par le tribunal de grande instance, sauf à appliquer le barème de capitalisation de la Gazette du palais 2013 au taux d'intérêt de 1,20%.

Selon conclusions signifiées le 25 septembre 2015, la CRAMIF demande à la cour de:

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné in solidum le [Établissement 1] et son assureur, la société Axa à lui payer, d'une part la somme de 14 035,05 € représentant des arrérages échus de la pension de 2 ème catégorie imputable à l'accident médical versés du 18/09/2009 au 31/01/2014 et d'autre part, la somme de 50 988,85 € correspondant à l'imputabilité à hauteur de 33% du capital représentatif des arrérages à échoir à compter du 1er février 2014 jusqu'à la date de substitution d'une pension de retraite servie par la CNAV.

Y ajoutant,

- actualiser la créance de la CRAMIF à la date du 18 septembre 2015 et condamner in solidum le [Établissement 1] et la société Axa à lui payer, d'une part la somme de 19 407,76 € représentant des arrérages échus de la pension de 2ème catégorie imputable à l'accident médical versés du 18/09/2009 au 31/08/2015 et d'autre part, la somme de 49 495,18 € correspondant à l'imputabilité à hauteur de 33% du capital représentatif des arrérages à échoir à compter du 1er septembre 2015 jusqu'à la date de substitution d'une pension de retraite servie par la CNAV,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit et jugé que la créance de la CRAMIF s'impute par priorité sur les postes de préjudices 'incidence professionnelle', 'pertes de gains professionnels futurs' et pour le reliquat, sur le poste 'déficit fonctionnel permanent',

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déduit des créances de la victime, 100% des arrérages échus et à échoir de la pension versée par la CRAMIF et n'a pas tenu compte du montant exact de la demande de remboursement de la CRAMIF, tel qu'il figure dans le présent dispositif,

- débouter le [Établissement 1] et la société Axa de leurs demandes tendant à voir réformer le jugement entrepris en ce qu'il a accueilli la demande de Madame [C] d'indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs et retenu que la perte de gains professionnels futurs s'élevait à la somme de 485 740,39 € ,

- débouter le [Établissement 1] et la société Axa de leurs demandes subsidiaires de voir fixer la perte de gains professionnels futurs à la somme maximale de 241 856,33 €,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné conjointement et solidairement le [Établissement 1] et son assureur au paiement des intérêts légaux à compter de l'intervention volontaire de la CRAMIF devant le tribunal de grande instance de Paris par la signification de ses premières conclusions pour les arrérages échus à cette date, et à compter de chaque échéance pour les arrérages à échoir postérieurement,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné le [Établissement 1] et son assureur à payer in solidum à la CRAMIF, l'indemnité forfaitaire de gestion,

- dire et juger que l'indemnité forfaitaire de gestion est fixée à 1037 € pour l'an 2015,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a accordé à la CRAMIF, une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant ;

- condamner in solidum le [Établissement 1] et la société Axa à payer à la CRAMIF, la somme supplémentaire de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné in solidum le [Établissement 1] et la société Axa aux dépens de première instance incluant notamment le coût de l'expertise judiciaire,

- condamner in solidum le [Établissement 1] et la société Axa en tous les dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Olivier Jessel, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La CRAMIF indique avoir versé des arrérages de pension du 18 septembre 2009 au 31 août 2015 pour une somme totale de 58 811,39 € et devoir verser pour l'avenir la somme de 149 985,38 € du 01/09/2015 jusqu'à la date de substitution d'une pension de retraite servie par la CNAV, ce capital étant évalué d'après le barème publié au JO du 31 janvier 2013. Elle sollicite donc le remboursement par le [Établissement 1] et son assureur de la part imputable à l'accident médical selon avis de son service médical départemental, soit 33% des sommes versées et à échoir. Elle estime que la pension d'invalidité est une prestation sociale de nature hybride qui répare le préjudice professionnel et le préjudice physiologique et/ou psychologique (article L341-3 du code de la sécurité sociale), qu'au regard de la nomenclature des préjudices de la victime visée par le rapport [Z], il est légitime que sa créance s'impute en priorité sur les indemnités réparant les pertes de gains professionnels futurs (préjudice patrimonial) et l'incidence professionnelle, puis sur l'indemnité réparant le déficit fonctionnel permanent (préjudice extra patrimonial). Elle fait observer que par erreur, le tribunal a déduit de l'indemnité accordée à Madame [C] au titre de ses gains professionnels futurs la créance totale de la caisse de pension, alors que le taux imputable à l'accident médical n'est que de 33%.

La caisse primaire d'assurance maladie de Paris, régulièrement citée selon les modalités applicables aux personne morales, n'a pas comparu.

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 23 septembre 2015.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Les pertes de gains professionnels futurs correspondent à la perte ou à la diminution des revenus consécutive à l'incapacité permanente à compter de la date de consolidation. Toutefois, en l'espèce, force est de constater qu'au vu du consensus entre les parties, les pertes de gains professionnels passés ont été calculées par le tribunal de grande instance jusqu'au 31 décembre 2012 englobant ainsi les revenus dus entre juin 2012, date de la consolidation retenue par l'expert judiciaire et cette date.

Il y a d'abord lieu de calculer la différence entre les revenus qui auraient dû être perçus entre le 31 décembre 2012 et la date de la liquidation, puis de déterminer le montant de la rente à servir ou du capital à verser au titre des pertes de gains à venir après la date de la liquidation.

Il ressort de l'expertise judiciaire, selon le rapport déposé le 25 avril 2013, les éléments suivants :

- à la date de l'examen par l'expert, soit le 13 juillet 2012, Madame [C] n'avait pas repris son travail; il lui a été reconnu une invalidité de 66% avec COTOREP 2 ;

- la durée des traitements que Madame [C] auraient dû subir même sans retard de diagnostic peut représenter, avec la convalescence, 18 mois voire 2 ans d'incapacité temporaire totale ; l'intervention mutilante suivie de la reconstruction et des nombreuses interventions qui ont été nécessaires a entraîné une durée d'invalidité supplémentaire de 4 ans qui doit être imputée au retard de diagnostic ;

- la date de consolidation se situe en juin 2012, 5 ans après la fin du traitement de radiothérapie et lorsque se termine le traitement d'hormonothérapie ;

- une tumeur maligne par traitement conservateur avec prélèvement de ganglion sentinelle n'entraîne pas de déficit fonctionnel; or, Madame [C] subit bien un déficit fonctionnel permanent de 20% au niveau du bras droit dominant, incluant outre les fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie, et les troubles ressentis avec perte de ses activités favorites ; ce taux de 20% a été fixé par l'expert judiciaire qui n'a pas retenu la mastectomie prophylactique contro-latérale comme conséquence du retard de diagnostic ;

- les gestes et mouvements rendus difficiles sont tous les gestes et mouvements du bras droit demandant un effort aigu ou soutenu, que ce soit dans le travail d'hôtesse de l'air exercé par Madame [C] (lever les bras et soulever des bagages et panneaux dans l'avion) ou dans les loisirs ;

- 'Il existe une certaine difficulté mais pas d'impossibilité à reprendre l'exercice de la profession d'hôtesse de l'air.' Lors de son entretien avec l'expert (13 juillet 2012), Madame [C] a indiqué qu'elle souhaitait récupérer sa licence de vol et obtenir un mi-temps thérapeutique.

Par ailleurs, la cour dispose d'une attestation de la société Air France en date du 3 décembre 2014 certifiant qu'à cette date, Madame [C] n'a pas repris le travail ainsi que d'un certificat médical du centre d'expertise de médecine aéronautique en date du 27 février 2014 la déclarant inapte sur le plan physique comme moral à la fonction de 'Personnel Navigant Commercial'.

Il en résulte en l'absence d'autres éléments que si Madame [C] a vu ses chances d'exercer à nouveau la profession d'hôtesse de l'air disparaître, elle n'est pas inapte à tout travail et ce depuis juin 2012.

A ce jour, Madame [C] indique être encore en arrêt maladie ; elle n'allègue pas avoir engagé des démarches à l'effet d'obtenir un poste au sein de la société Air France. En revanche, elle justifie avoir bénéficié jusqu'au 2 mars 2015 des arrêts de travail successifs signés du docteur [S] [Y], oncologue, en lien avec le cancer du sein.

Il résulte d'une attestation délivrée par Air France le 11 juin 2013 que Madame [C] aurait perçu en qualité d'hôtesse de l'air, à compter du 1er janvier 2011, un salaire mensuel de 3 648,11€ (augmentation de 28%).

Il s'ensuit que du 1er janvier 2013 au 2 mars 2015, Madame [C] qui nécessairement aurait vu sa carrière évoluer aurait perçu la somme de 94 850,86 € (3 648,11x 26).

La CPAM d'Ile de France lui a accordé à partir du 18 septembre 2009 un titre de pension d'invalidité en catégorie 2 estimant qu'elle présentait un état d'invalidité réduisant des 2/3 au moins sa capacité de travail ou de gain. Elle a ainsi perçu une pension d'invalidité servie par la CRAMIF à partir du 18 septembre 2009 à hauteur de 9 599,11 € par an puis à partir du 1er avril 2014 de 10 289,18 euros par an soit d'un montant de 20 630,70 € ( 11 198,96 € jusqu'au 1er avril 2014 puis 9 431,75 jusqu'au 2 mars 2015).

La perte réelle subie par Madame [C] pendant cette période est de 74 220,16 € (94 850,86 € -20 630,70€).

S'agissant de la période après le 2 mars 2015, force est de constater que Madame [C] affirme ne pas avoir repris d'activité salariée du fait de sa maladie mais n'en justifie pas en l'absence de production aux débats d'avis d'arrêts de travail postérieurs à cette date. De même, alors que l'expert judiciaire conclut de manière claire à sa capacité à reprendre une activité professionnelle, elle n'établit pas l'impossibilité qui serait la sienne de retrouver une activité professionnelle, y compris au sein de la société Air France qui la compte toujours dans ses effectifs et qui, compte-tenu de la taille de cette entreprise, peut certainement lui offrir un emploi prenant en considération son déficit fonctionnel permanent de 20%, au demeurant sans nécessaire perte de salaire.

Au surplus, Madame [C] qui réclame l'application d'un coefficient de rente viagère ne prouve pas que ses droits à la retraite ont été affectés par son long arrêt maladie, étant relevé que la loi garantit aux invalides le bénéfice d'une pension au taux plein et prévoit également que les périodes de perception des pensions d'invalidité donnent lieu à la validation gratuite de trimestres qui sont assimilés à des périodes d'assurance pour le calcul de la pension vieillesse, par dérogation au principe dit de 'contributivité'.

Dans ces conditions, rejetant la demande de sursis à statuer qui ne se justifie pas au regard des pièces du dossier, il y a lieu de déclarer satisfactoire la somme proposée par le [Établissement 1] et son assureur au titre de la perte de gains professionnels future subie depuis le 1er janvier 2013 jusqu'à sa retraite (à l'âge de 65 ans), soit la somme de 401 645,56 €.

La CRAMIF expose que : pour les séquelles de l'accident médical du 25/01/2005 dont Madame [C] est atteinte, elle lui a attribué une pension d'invalidité de 2ème catégorie qui a pris effet le 18 septembre 2009 ; que cette pension s'élevait initialement à 9 599,11 € par an, pension porté à un montant de 10 289,18 € à compter du 1er avril 2014 ; que toutefois, le service médical départemental a précisé que les prestations d'invalidité ne sont imputables à l'accident médical du 25/01/2005 que pour 33%.

Dès lors, la CRAMIF présente pour la période indemnisable du 18 septembre 2009 au 2 mars 2015 (5 ans, 5 mois et 12 jours) une créance dont le montant est justifié à hauteur de 52 943,31 € ( 43 511,57 € jusqu'au 1er avril 2014 puis 9 431,74 € jusqu'au 2 mars 2011) dont seulement un tiers, soit une somme de 17 647,77 €, est imputable au retard de diagnostic.

La demande formée par cet organisme de sécurité sociale s'agissant des conditions de l'imputabilité des créances des tiers payeurs n'est pas irrecevable dès lors qu'elle constitue un élément de la demande d'indemnisation laquelle doit être appréciée au jour où la cour rend son arrêt.

Dans ces conditions, il y a lieu de juger que le [Établissement 1] et la société Axa devront verser à Madame [C] la somme de 383 997,23 € (401 645,56 € - 17 647,77 €) et à la CRAMIF la somme de 17 647,77 €.

Ces créances indemnitaires produiront intérêt à compter du jugement, en application de l'article 1153-1 alinéa 2 du code civil.

La CRAMIF est bien fondée à solliciter la condamnation du tiers responsable et son assureur à lui payer l'indemnité de gestion prévue par l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale issue de l'ordonnance 96-51 du 24 janvier 1996 dont le montant au 1er janvier 2015 s'élève à 1 037 €.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles engagés pour la présente instance devant la cour. Les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Compte tenu du sens du présent arrêt, chacune des parties supportera ses dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Reçoit le [Établissement 1] et la société Axa en leur appel partiel du jugement rendu le 16 juin 2014 limité en ses dispositions concernant l'indemnisation de la perte de gains professionnels ;

Reçoit Madame [I] [C] et la CRAMIF en leurs appels incidents ;

Infirme le jugement sur le montant de l'indemnité versée à Madame [I] [C] au titre de la perte de gains professionnels futurs, sur le montant de la somme accordée à la CRAMIF en sa qualité de tiers payeur subrogé ainsi que sur le point de départ des intérêts légaux et sur le montant de l'indemnité de gestion ;

Statuant à nouveau,

Fixe le préjudice subi par Madame [I] [C] au titre des pertes de gains professionnels futures à la somme de 401 645,56 € ;

Condamne in solidum le [Établissement 1] et la société Axa à verser à Mme [I] [C] la somme de 383 997,23 € avec intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2014, date du jugement ;

Condamne in solidum le [Établissement 1] et la société Axa à verser à la CRAMIF la somme de 17 647,77 € avec intérêts au taux légal à compter du jour du 16 juin 2014, date du jugement;

Condamne in solidum le [Établissement 1] et la société Axa à verser à la CRAMIF la somme de 1 037 € au titre de l'indemnité de gestion prévue à l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 14/16377
Date de la décision : 11/12/2015

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°14/16377 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-11;14.16377 ?
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