Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRET DU 08 DECEMBRE 2015
(n° 2015/ 424 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/01168
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Novembre 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2011026675
APPELANTE
La STE DES CARRIERES DE VOUTRE prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège
[Adresse 1]'
[Adresse 1]
N° SIRET : B 331 192 25252
Représentée par Me Michel BELLAICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : R061 Assistée de Me Emmanuelle DEVIN de l'Association BELDEV, Association d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : R061
INTIMÉE
La société ALLIANZ I.A.R.D, prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : B 542 110 29191
Représentée et assistée par Me Carole SAVARY de l'Association Hélène FABRE, Carole SAVARY, Patricia FABBRO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0124
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre
Monsieur Christian BYK, Conseiller
Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère, entendue en son rapport
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, présidente et par Madame Catherine BAJAZET, greffier présent lors du prononcé.
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Pour les besoins de son exploitation, la société des CARRIERES DE VOUTRE a acquis, auprès de la société MATCO, un concasseur, celui-ci bénéficiant d'une garantie constructeur de dix huit mois à compter de sa mise en service, le 4 janvier 2010, en remplacement du matériel en place, acquis en 1991.
Le 22 avril 2010, le concasseur secondaire de ce matériel est tombé en panne suite à un bris de machine. La société MATCO a accepté de prendre en charge sa réparation au titre de sa garantie contractuelle, mais étant dans l'incapacité de fournir rapidement des pièces de rechange, elle a remplacé les pièces endommagées par celles du matériel jusqu'alors utilisé par sa cliente. Le concasseur a été remis en marche, le 29 avril 2010 et le 21 mai suivant, il s'est, à nouveau, brutalement arrêté. La société MATCO admettant devoir sa garantie contractuelle et étant toujours dans l'incapacité de se procurer des pièces, elle procédait à la pose de celles acquises par la société des CARRIERES DE VOUTRE auprès de la société METSO. Ces deux pannes ont eu pour conséquence, un arrêt de la production de la société des CARRIERES DE VOUTRE, dans l'attente des réparations.
Le 26 mai 2010, la société MATCO a procédé à une déclaration de sinistre auprès de son assureur responsabilité civile professionnelle, la SA ALLIANZ IARD qui a désigné un expert. Par courrier du 18 janvier 2011, le cabinet POLYEXPERT lui a indiqué que la remise en état du matériel n'était pas couverte par la police souscrite et qu'il contestait l'évaluation de sa perte d'exploitation.
Par jugement en date du 7 septembre 2010, le tribunal de commerce de Brest a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société MATCO.
C'est dans ce contexte, que par acte d'huissier du 24 mars 2011, la société des CARRIERES DE VOUTRE a fait assigner la SA ALLIANZ IARD devant le tribunal de commerce de Paris. Par jugement du 7 novembre 2013, cette juridiction, écartant l'exception de nullité de l'assignation soutenue par la SA ALLIANZ IARD, a débouté la société des CARRIERES DE VOUTRE de l'ensemble de ses demandes relatives à la réparation du matériel livré et, s'agissant de sa demande au titre des pertes d'exploitation, a ordonné à ses frais une mesure d'expertise confiée à M. [Y], réservant les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 16 janvier 2014, la société STE DES CARRIERES DE VOUTRE a interjeté appel. Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 16 octobre 2015, elle prie la cour, infirmant la décision déférée sauf en ce qu'elle a ordonné une expertise, de condamner la SA ALLIANZ IARD au paiement des sommes de 66 161,80€ au titre des pièces de rechange issues de son stock, de 89 613,85€ au titre des pièces acquises auprès de la société METSO et de 11 609€ au titre des frais annexes, sollicitant en tout état de cause, la condamnation de l'intimée au paiement d'une indemnité de procédure de 3000€ et aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 15 octobre 2015, la SA ALLIANZ IARD soutient la confirmation de la décision déférée, y compris en ce qu'elle a ordonné une expertise, disant que l'expert devra évaluer le préjudice économique de la société des CARRIERES DE VOUTRE conformément aux termes de sa police et demandant à la cour de juger qu'elle peut opposer ses plafond (150 000€) et franchise (entre 2000€ et 7500€). Subsidiairement, elle demande à la cour de limiter l'indemnisation de la société des CARRIERES DE VOUTRE à la somme de 129 957€ ht. Enfin, elle sollicite l'allocation d'une somme de 5000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'appelante aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 octobre 2015.
SUR CE, LA COUR,
Considérant en premier lieu, que la décision déférée doit, ainsi que le sollicitent l'une et l'autre des parties, être confirmée en ce qu'elle ordonne une mesure d'instruction, la mission du technicien commis ne devant nullement être restreinte, la qualification des différents chefs de préjudice au regard des conditions générales de la police souscrite par la société MATCO et notamment de la définition des préjudices immatériels garantis relevant de l'office du juge ;
Considérant en second lieu que, rappelant que la société MATCO a reconnu que les pannes successives du matériel causées par un mauvais serrage de boulons situés à l'intérieur du broyeur lors du montage du matériel dans son usine engageaient sa responsabilité civile, la société des CARRIERES DE VOUTRE soutient la garantie de la SA ALLIANZ IARD, assureur responsabilité civile de l'entreprise dès lors qu'elle recherche celle-ci sur le fondement de l'article 1641 du code civil mais également sur le fondement de l'article 1147 du même code puisqu'elle se plaint de la (mauvaise) qualité des réparations ; qu'elle conteste l'application faite par la juridiction consulaire des exclusions de garantie prévues aux articles 4.1 'et '4.3 des conditions générales qui doivent être interprétés strictement, faisant valoir qu'il ne s'agit pas en l'espèce, d'un dommage au produit livré mais par celui-ci du fait de sa défectuosité, puisque les pièces de remplacement étaient sa propriété ; que la SA ALLIANZ IARD objecte que les articles 4-1 10ème et 4-3 de sa police excluent de la garantie non seulement le coût de réparation de remboursement du produit mais également les frais exposés pour que le produit remplisse son usage or, les dommages subis sont intrinsèques au broyeur et, ainsi que l'a retenu le tribunal, il n'y a pas eu deux contrats successifs, mais un seul, et tous les frais engagés l'ont été pour réparer le matériel livré par la Société MATCO ;
Considérant que, aux termes de l'article 2 du chapitre 1 des conditions générales de la police 'responsabilité des entreprises industrielles et commerciales' souscrite par la société MATCO, celle-ci est garantie par la SA ALLIANZ IARD pour les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qu'elle peut encourir en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés à autrui, dont ses clients, quelle que soit la nature de la responsabilité civile engagée et pour toutes les causes, dommages et événements non expressément exclus aux articles 4 et 6 du dit chapitre ; que ces textes écartent notamment :
- pour 'l'ensemble des dommages (...) le prix de vos produits et/ou le coût de leurs remplacement, réparation, mise au point, parachèvement ainsi que les frais de dépose et repose correspondants à des prestations qui ont été à votre charge à l'occasion de la livraison ou de l'exécution de vos produits ou travaux' (article 4-1 10ème);
- pour 'les dommages survenus après livraison des produits et/ou achèvement des travaux, les frais de dépose et repose de vos produits ou travaux défectueux si la pose était initialement à votre charge lors de leur livraison ou exécution, même si le défaut ne concerne qu'une de leurs parties' (article 4-3) ;
Considérant qu'il s'évince de ces textes que la SA ALLIANZ IARD doit sa garantie au titre de la responsabilité civile de l'entreprise assurée, ce qui prive de toute pertinence l'invocation de l'article 1641 du code civil comme fondement de l'action de l'appelante à l'encontre de l'assurée, dès lors qu'il s'agit non d'une action en responsabilité mais de la revendication d'une garantie due par le vendeur, au surplus expressément exclue par les textes sus-visés ;
Que certes, la responsabilité civile de la société MATCO peut être engagée, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, au titre de son intervention sur le concasseur à l'issue de la première panne, mais il est acquis aux débats et non contesté que les dommages au concasseur livré sont tous consécutifs à un montage défectueux par la société MATCO, les boulons de fixation ayant été initialement mal serrés et dès lors, l'ensemble des frais dont la société des CARRIERES DE VOUTRE réclame le remboursement constitue la prestation que lui devait la société MATCO au titre de sa garantie contractuelle, ce qui ne peut fonder une réclamation à l'encontre de l'assureur au regard des dispositions conventionnelles susmentionnées ; que la société des CARRIERES DE VOUTRE ne peut, au motif qu'elle a pris en charge ses frais ou fourni des pièces et donc qu'elle est créancière de la société MATCO à ce titre, obtenir de son assureur, le paiement de cette dette, dont l'assurée aurait dû supporter la charge, si elle n'avait pas été placée en liquidation judiciaire ;
Que la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle déboute la société des CARRIERES DE VOUTRE de ses demandes relatives à la réparation du matériel livré ;
Considérant en troisième lieu, que la SA ALLIANZ IARD demande à la cour de préciser les limites de sa garantie ; qu'au regard de ce qui précède, la perte d'exploitation dont la société des CARRIERES DE VOUTRE poursuit la réparation constitue un dommage immatériel non consécutif (à un dommage matériel garanti) survenu après livraison de produits, la garantie due étant, aux termes des conditions particulières produites par la SA ALLIANZ IARD (page 5 de sa pièce 6) de 150 000€ avec une franchise par sinistre de 10% de l'indemnité dans la limite d'un minimum de 2000€ et d'un maximum de 7500€;
Considérant que, les premiers juges ayant réservés les dépens et les frais irrépétibles de première instance, la cour n'a pas à statuer sur la charge de ces frais, seuls les frais irrépétibles et dépens d'appel, devant être mis à la charge de la société des CARRIERES DE VOUTRE qui succombe, dans les termes du dispositif ci-dessous ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe ;
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris, le 7 septembre 2010 ;
Y ajoutant,
Dit que la SA ALLIANZ IARD doit sa garantie au titre des préjudices immatériels dans les limites du plafond conventionnel de 150 000€ avec une franchise par sinistre de 10% de l'indemnité dans la limite d'un minimum de 2000€ et d'un maximum de 7500€ ;
Condamne la société des CARRIERES DE VOUTRE à payer à la SA ALLIANZ IARD la somme de 2000€ au titre des frais irrépétibles exposés par celle-ci en cause d'appel ;
Condamne la société des CARRIERES DE VOUTRE aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE