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01/12/2015 | FRANCE | N°14/22951

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 01 décembre 2015, 14/22951


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 01 DECEMBRE 2015



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/22951



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Septembre 2014 -Tribunal de Commerce de MEAUX - RG n° 2013003905



APPELANTE :



Madame [L] [K] divorcée [O]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 2]

de nationalité

française

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Patrick BROGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0999



INTIMEE :



SCP [B] prise en la personne de Maître [M] [B], ès qualité...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 01 DECEMBRE 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/22951

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Septembre 2014 -Tribunal de Commerce de MEAUX - RG n° 2013003905

APPELANTE :

Madame [L] [K] divorcée [O]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 2]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Patrick BROGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0999

INTIMEE :

SCP [B] prise en la personne de Maître [M] [B], ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL MARNE LA VALLEE VOYAGES,

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me François LA BURTHE, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

M. Laurent BEDOUET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Pervenche HALDRIC

Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur Marc BRISSET-FOUCAULT, Avocat Général, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente et par Madame Pervenche HALDRIC, greffière présente lors du prononcé.

La Sarl Marne laVallée Voyages a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Meaux le 1er avril 1988, elle exerçait une activité d'agence de voyages.

Le tribunal de commerce de Meaux a prononcé la liquidation judiciaire de la société suivant jugement en date du 6 septembre 2010, désigné la SCP [B] en qualité de liquidateur et fixé provisoirement au 5 août 2010 la date de cessation des paiements.

Mme [L] [K], divorcée [O], sa gérante, était également associée majoritaire de la holding Sarl MLV investissement et de la Sarl Wasquehal Voyages également en liquidation judiciaire.

Par ordonnance du 28 mars 2011 le juge commissaire a désigné le cabinet d'expertise comptable Exafi en vue d'établir un audit des comptes de la société et donner son avis sur d'éventuelles fautes de gestion.

Par acte d'huissier en date du 2 avril 2013 le liquidateur de la société Marne la Vallée Voyages a assigné Mme [K] devant le tribunal de commerce de Meaux aux fins de voir celui-ci dire qu'elle a commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif et la condamner de ce chef à la somme de 800 000 euros, ainsi qu'à 10 ans de faillite personnelle.

Par jugement en date du 22 septembre 2014 le tribunal de commerce de Meaux a condamné Mme [K] à contribuer à l'insuffisance d'actif à hauteur de 100 000 euros et prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de gérer pour une durée de 7 ans, avec exécution provisoire, il l'a en outre condamné à payer 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [K] a relevé appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 17 novembre 2014.

Par conclusions signifiées le 20 août 2015 elle demande à la cour de dire que sa convocation devant le tribunal de commerce en vue de l'audience ayant abouti au jugement attaqué est irrégulière ce qui rend inexistante la demande en justice et irrecevable l'action de la SCP [B], es qualité de liquidateur de la société Marne la Vallée Voyages, de dire en outre que l'action est prescrite, de dire que la procédure menée devant le tribunal de Meaux est irrégulière faute d'avoir respecté le principe du contradictoire et des droits de la défense, de dire que la faute de gestion qui lui est reprochée n'est pas établie ainsi que le lien de causalité entre la prétendue faute et l'insuffisance d'actif, de juger que le rapport d'expertise Exafi est non contradictoire, partial et erroné, de réformer le jugement et renvoyer l'intimée à mieux se pourvoir, de la débouter de toutes ses prétentions et de la condamner à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 3 Avril 2015 la Scp [B] es qualité de liquidateur de la Sarl Marne la Vallée Voyages demande à la cour de débouter Madame [K] de l'ensemble de ses demandes en nullité, constatant qu'elles sont soulevées pour la première fois en cause d'appel après qu'une défense au fond a été produite en première instance, subsidiairement de la débouter de l'ensemble de ses demandes en nullité, de constater la validité de l'acte introductif d'instance, de dire que la prescription a été valablement interrompue, de dire et juger que l'appelante a commis de nombreuses fautes de gestion alors qu'elle était gérante de la Sarl Marne la Vallée Voyages, en conséquence de la condamner à contribuer à l'insuffisance d'actif à hauteur de 800 000 euros, de la condamner à 10 années de faillite personnelle, de la condamner en outre à la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

A l'audience, M l'avocat général a conclu à la confirmation du jugement.

SUR CE,

-Sur la régularité de la procédure devant le tribunal

L'appelante soutient qu'elle n'a pas été régulièrement convoquée devant le tribunal de commerce à l'audience des sanctions, l'assignation qui lui a été délivrée ayant été notifiée selon procès verbal de l'article 659 du code de procédure civile, qu'à raison de cette irrégularité, la décision du tribunal a été rendue en violation du principe du contradictoire, des droits de la défense et du droit au procès équitable.

L'intimée fait valoir pour sa part que les moyens tirés de la nullité des actes de procédures invoquée par l'appelante sont irrecevables.

Il résulte de la lecture du jugement dont appel, dont les énonciations font foi jusqu'à inscription de faux, qu'à l'audience du 24 mars 2014 au cours de laquelle ont eu lieu les débats après trois renvois, Mme [K] était comparante en personne et assistée de Maître [D], avocat au barreau de Meaux (page 1 de la décision).

Il est par ailleurs fait mention en page 3 du jugement, de ce que Mme [K] a produit diverses pièces et soulevé un certain nombres de moyens pour contester les griefs formulés à son encontre, et en page 4 de ce que les premiers juges ont pris appui sur certaines de ses affirmations pour motiver leur décision.

Dès lors, s'il est démontré que Mme [K] a pu, au cours de la procédure ayant abouti au jugement dont appel, prendre connaissance et discuter contradictoirement des griefs formulés à son encontre dans l'acte de saisine du tribunal, fût-il signifié selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, il n'apparaît en revanche nullement établi qu'elle ait invoqué devant les premiers juges, avant toute défense au fond, le moyen tiré de la nullité de l'assignation devant le tribunal de sorte qu'il doit être déclaré irrecevable devant la cour.

-Sur la prescription

L'action diligentée par l'intimée, ayant abouti au jugement dont appel, ne saurait par ailleurs être déclarée prescrite, puisque le délai de l'article L 651-2 du code de commerce, dont le point de départ est le 6 septembre 2010, date du jugement de liquidation judiciaire a été valablement interrompu par l'assignation du 2 avril 2013.

-Au fond

*Sur les fautes de gestion

En application de l'article L. 651-2 du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ayant contribué à la faute de gestion (...)

Les opérations de liquidation ont mis en évidence une insuffisance d'actif évaluée à 1 100 000 euros minimum.

La Scp [B], es qualité reproche à Madame [K] d'avoir tenu une comptabilité incomplète ou irrégulière (art L 653-5 du code de commerce), d'avoir poursuivi l'activité a son profit malgré un état caractérisé de cessation de paiement, d'avoir effectué des détournements d'actifs pendant la période de poursuite d'activité par des moyens ruineux.

Madame [K] conteste l'ensemble de ces griefs. Elle fait valoir que le tribunal ne pouvait fonder exclusivement sa décision sur un rapport d'expertise, ordonné par le juge commissaire mais non contradictoire, le greffe du tribunal ne l'ayant jamais invitée à en prendre connaissance, que son contenu, très à charge, est partial et ne tient aucunement compte de la spécificité de l'activité d'agent de voyage, de sorte que le tribunal a violé l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme.

Toutefois, outre le fait que le rapport, qui ne saurait être considéré comme une expertise judiciaire, a pu être librement et contradictoirement discuté tant devant les premiers juges que devant la cour, il ne constitue qu'une pièce parmi l'ensemble des éléments soumis au débat sur lesquels la juridiction saisie s'appuie pour fonder sa conviction.

S'agissant du grief relatif à la comptabilité, Mme [K] ne conteste pas que les registres légaux n'ont jamais été remis, que les comptes annuels n'ont été déposés au greffe que jusqu'au 31 mars 2009, que certaines charges, accumulées hors comptabilité depuis 2003 sont apparues brutalement sur 2010 ce qui a précipité la liquidation de la société et n'a pas permis aux fournisseurs et aux banques de connaître l'état réel de la société pendant plusieurs années, que certaines écritures comptables ne traduisaient pas la réalité de la situation de l'entreprise, s'agissant notamment de la comptabilisation de frais fictifs pour compenser les comptes courants d'associés.

Il est enfin établi, s'agissant de ce grief que la comptabilisation d'avances de trésorerie avec annulation des écritures lors des exercices suivants, était de nature à tromper les tiers sur l'état de la société.

Ces divers procédés constituent une faute de gestion qui engage la responsabilité de la gérante de la société.

Par ailleurs et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges et les parties dans leurs écritures, la date de cessation des paiements retenue par le tribunal, dans son jugement ayant prononcé la liquidation de la société Marne la Vallée Voyages, fixée au 5 août 2010 en l'absence de jugement de report, s'impose tant en matière de sanction pécuniaire que dans l'instance en sanctions personnelles.

Il apparaît toutefois que la société Marne la Vallée a commencé à connaître de très grosses difficultés financières dès l'année 2008 puisqu'elle était assignée par HSBC le 11 août 2008 après mise en demeure intervenue dès le 23 octobre 2007, devant le tribunal de commerce de Meaux en paiement de la somme de 180 697,64 correspondant au solde débiteur de son compte bancaire, somme à laquelle elle a finalement été condamnée par jugement en date du 2 octobre 2012. Il est établi par ailleurs qu'elle a cessé de régler la TVA en août 2009 et que les concours qui lui étaient apportés par la société Chenevière Voyages ont été stoppés puis ont fait l'objet d'une mise en demeure dès janvier 2010, alors que l'URSSAF enregistrait des impayés fin 2009.

Il est ainsi justifié qu'au cours des mois qui ont précédé la déclaration de cessation de paiement, la situation financière de la société était très gravement obérée de sorte que Mme [K] a poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation de paiement, ce qui constitue le grief de l'article L 653-3 du code de commerce, ainsi qu'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif.

Il est établi enfin que la société Xtrem voyages a été créée le 23 juillet 2010, soit quelques semaines seulement avant la liquidation judiciaire de la société Marne la Vallée Voyages. Le dirigeant de cette société dont le siège social est à [Localité 2] et qui possède un établissement dans le département du [Localité 3], (ville de [Localité 1]) apparaît comme étant M [P] [O], membre de la famille de Mme [K] divorcée [O] alors que le nom de [L] [O] apparaît de manière explicite, sous l'enseigne Havas Voyages/ Xtreme voyages dans les publicités diffusées.

La création d'une nouvelle société dans les conditions qui viennent être décrites, en concomitance à la liquidation de la société Marne la Vallée Voyages, s'analyse en un détournement de clientèle, élément essentiel du fonds de commerce de son ancienne société.

Contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, ce détournement de clientèle, qui constitue un détournement d'actif, sanctionné par l'article L 653-3 du code de commerce mais également une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif en accélérant, par la perte progressive de sa clientèle au profil de la société Xtrem Voyages, la détérioration de la situation très obérée de la société Marne la Vallée Voyages.

Au vu de ces éléments et du montant du passif exigible, la cour considère que c'est de manière pertinente que le tribunal a dit que les fautes de gestion commises par Mme [K] ont contribué à l'insuffisance d'actif à hauteur de 100 000 euros.

La cour confirmera par conséquent, à ces motifs, le jugement attaqué.

*Sur la sanction personnelle

Les fautes de gestion caractérisées à l'encontre de Mme [K] constituent des griefs sanctionnés par la faillite personnelle conformément aux articles L 653-3 et suivants du code de commerce.

Pour la détermination de la sanction, la cour tiendra compte de l'importance de l'insuffisance d'actif, supérieure à 1 000 000 d'euros, de la gravité des faits reprochés à Mme [K], mais également de sa situation personnelle, marquée par de graves problèmes de santé dont il est justifié, pour considérer que la mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 7 ans prononcée par les premiers juges, laquelle peut toujours selon l'article L 653-8 du code de commerce être prononcée à la place de la faillite personnelle, doit être confirmée.

Madame [K] sera condamnée aux dépens d'appel.

Elle sera en outre condamnée à payer à la SCP [B] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable la demande de nullité de l'assignation

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne Mme [K] aux dépens,

La condamne à payer à la Scp [B], es qualité, la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 14/22951
Date de la décision : 01/12/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°14/22951 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-01;14.22951 ?
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