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06/11/2015 | FRANCE | N°14/03677

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 06 novembre 2015, 14/03677


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2015



(n° 2015- 285 , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/03677



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Janvier 2014 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 09/04374



APPELANTE



SNC SANOFI PASTEUR MSD SANOFI PASTEUR MSD venant aux droits de la société PASTEUR VACCINS MSD,

A

gissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avoc...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2015

(n° 2015- 285 , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/03677

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Janvier 2014 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 09/04374

APPELANTE

SNC SANOFI PASTEUR MSD SANOFI PASTEUR MSD venant aux droits de la société PASTEUR VACCINS MSD,

Agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée de Me Florence MONTERET- AMAR, avocat au barreau de PARIS, toque : P 184

INTIMES

Monsieur [C] [M]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Martine LAUTREDOU, avocat au barreau de PARIS, toque : C2565

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/027509 du 27/06/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

Assisté de Me Gisèle MOR du cabinet MOR, avocat au barreau du VAL D'OISE

CRAMIF

Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée et assistée par Me Olivier JESSEL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0811

CPAM DE L'ESSONNE

Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée et assistée par Me Françoise BRUNET-LEVINE de la SELARL BRUNET-LEVINE & LE BRAS, avocat au barreau d'ESSONNE

INTERVENANT FORCE

ONIAM : OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MÉDICAUX

Pris en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assisté de Me Sylvie WELSCH de la SCP UGGC Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque P 261

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère, ayant été entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Malika ARBOUCHE

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente et par Monsieur Guillaume LE FORESTIER, greffier.

*******

Monsieur [C] [M], né le [Date naissance 1] 1957 et travaillant dans un institut médico-professionnel pour non-voyants, a été vacciné à la demande du médecin du travail contre le virus de l'hépatite B les 7 juin, 12 juillet et 30 août 1994, l'injection de rappel étant pratiquée le 10 juillet 1995. Le vaccin administré était le GenHévac B distribué par la société Pasteur Vaccins aux droits de laquelle vient désormais la société Sanofi Pasteur MSD.

Monsieur [M] a développé une sclérose en plaques qui a été finalement diagnostiquée lors de son hospitalisation au service de neurologie du [Établissement 1] de I'Hôpital [Établissement 2] du 27 octobre au 1er novembre 1997.

Suspectant que la vaccination contre l'hépatite avait déclenché cette pathologie dont il soutenait avoir développé les premiers symptômes peu de temps après les injections, Monsieur [M] a, par assignation des 22 et 25 octobre 1999, sollicité du juge des référés du tribunal de grande instance d'Evry l'organisation d'une expertise; il a été fait droit à sa demande par ordonnance du 5 novembre 1999, la mesure d'instruction étant confiée à un collège d'experts composé des docteurs [W], [I] et [U].

Concomitamment au dépôt du pré-rapport le 5 mai 2000, la société Pasteur Vaccins saisissait le juge chargé du contrôle des expertises d'une demande tendant à la récusation du docteur [U] ce qui était refusé par ordonnance du 25 mai 2000 confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 octobre 2000 lequel faisait toutefois l'objet d'un arrêt de cassation le 5 décembre 2002, avant d'être confirmé par la cour de renvoi le 17 décembre 2004 ; le nouveau pourvoi intenté contre cette décision était rejeté par un arrêt du 4 janvier 2006.

Le rapport définitif était déposé entre-temps soit le 20 juin 2000.

Par actes en date des 31 octobre et 10 novembre 2000, Monsieur [C] [M] a fait assigner la société Pasteur Vaccins aux droits de laquelle vient désormais la société Sanofi Pasteur MSD ainsi que la CPAM de l'Essonne devant le tribunal de grande instance d'Evry afin qu'il déclare, sur le fondement de l'article L 221-1 du code de la consommation, la société Pasteur Vaccins entièrement responsable de la survenue chez lui d'une sclérose en plaques et la condamne en conséquence à réparer son préjudice.

Par jugement du 7 décembre 2001, le tribunal de grande instance d'Evry a:

- débouté la société Pasteur Vaccins de sa demande visant au sursis à statuer et de sa demande en nullité d'expertise,

- ordonné une nouvelle expertise confiée à un collège de trois experts, les docteurs [X] [K], [I] [V] et [Q] [Z], mettant les frais d'expertise fixés à la somme de 15.000 francs à la charge de Monsieur [M].

Celui-ci n'a pas consigné dans les délais impartis et le juge de la mise en état a par ordonnance du 23 septembre 2003 constaté la caducité de la désignation de ces 3 experts.

Après interrogation des parties sur les suites à donner à ce dossier, le juge de la mise en état, par ordonnance du 20 janvier 2006, a notamment constaté la péremption de I'instance, décision que la cour d'appel de Paris a infirmée, par arrêt du 23 mars 2007, au motif que la péremption d'instance n'avait pas été soulevée par la société Sanofi Pasteur MSD in limine litis et a ordonné la poursuite de l'instance au fond.

Monsieur [M] a le 27 mars 2008 fait signifier des conclusions de reprise d'instance visant cette procédure initiale enregistrée sous le numéro de rôle 00-09720.

Par actes des 9 mars et 28 mai 2009, Monsieur [M] a fait assigner les mêmes parties devant le tribunal de grande instance d'Evry, procédure qui a été enrôlée sous le numéro de RG 09-04374.

La CRAMIF est intervenue volontairement par conclusions signifiées le 4 novembre 2009 réclamant le remboursement par Sanofi Pasteur MSD des pensions d'invalidité versées par ses soins à Monsieur [M].

Par ordonnance du 4 novembre 2010 rendue dans le cadre de l'instance RG 09-04374, le juge de la mise en état a rejeté la demande de Monsieur [M] tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Sanofi Pasteur de communiquer, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance, les notices destinées aux patients du produit Genhevac pour les années 1994, 1995 et 1996 avec les bons à tirer, les numéros de lots concernés par ces notices et leur date de libération ainsi que les listes de lots et leur date de libération.

La 3ème chambre du tribunal de grande instance d'Evry était donc saisie par Monsieur [M] de deux procédures distinctes enregistrées sous les numéros RG 00/09720 et RG 09/04374.

Parallèlement, Monsieur [M] saisissait l'ONIAM d'une demande d'indemnisation de ses préjudices. Après avoir fait diligenter une expertise confiée au docteur [E] lequel a déposé son rapport le 17 octobre 2012, l'ONIAM a proposé une indemnisation à Monsieur [M] qui l'a refusée et a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers aux fins de versement d'une provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, obtenant par ordonnance du 9 juillet 2014 la somme provisionnelle de 120 000 € (soit 10 000 € au titre des préjudices patrimoniaux et 110 000 € au titre des préjudices extra-patrimoniaux).

Monsieur et Madame [M] ont saisi le tribunal administratif de Poitiers par requête en plein contentieux enregistrée le 17 janvier 2014 aux fins de voir dire que l'ONIAM devra indemniser Monsieur [M] de l'intégralité des préjudices subis, ordonner une mesure d'expertise avant-dire droit et condamner l'ONIAM à verser à Monsieur [M] à titre provisionnel la somme de 1 600 000 €.

Les parties indiquent à l'audience de plaidoiries qu'à ce jour, le tribunal administratif de Paris n'a pas encore statué sur cette demande.

Les procédures judiciaire et administrative ont ainsi suivi leurs propres parcours de manière indépendante.

S'agissant de la procédure judiciaire, l'affaire a été plaidée le 26 avril 2013 devant le tribunal de grande instance d'Evry qui, par jugement du 10 janvier 2014, a :

-rejeté l'exception de litispendance,

-prononcé la jonction des procédures n° RG 00-09720 et 09-04374,

-donné acte à la CRAMIF de son intervention volontaire et l'a déclarée recevable ;

-dit que les demandes de Monsieur [M] ne se heurtent à aucune autorité de la chose jugée attachée au jugement du 7 décembre 2001et sont recevables comme non prescrites,

-dit que la Société Pasteur Vaccins aux droits de laquelle vient la Société Sanofi Pasteur MSD est entièrement responsable de la survenue, chez Monsieur [M] d'une sclérose en plaques et tenue de l'indemniser de son entier préjudice,

Au visa du décompte de la CPAM et de la CRAMIF a:

-fixé ainsi qu'il suit le préjudice de Monsieur [M] et rappelé que les recours des caisses s'exercent poste par poste :

nature du préjudice

montant du préjudice

ventilation de ce préjudice

M. [M]

CPAM

CRAMIF

PRÉJUDICES PATRIMONIAUX:

TEMPORAIRES

frais médicaux

tierce personne

perte de gains professionnels actuels

PERMANENTS

dépenses de santé futures

tierce personne

pertes de gains futurs

incidence professionnelle

Frais aménagement de logement adapté

PRÉJUDICES EXTRA PATRIMONIAUX:

TEMPORAIRES

déficits fonctionnels temporaires

souffrances endurées

préjudice esthétique temporaire

PERMANENTS

déficit fonctionnel permanent 40 %

Préjudice esthétique définitif de 3/7

Préjudice sexuel

70.371,31 €

216.000,00 €

206.824,84 €

22.777,10 €

676.044,00 €

147.161,13 €

20.000,00 €

Réservé

24.000,00 €

40.000,00 €

7.000,00 €

86.000,00 €

15.000,00 €

15.000,00 €

216.000,00 €

48.301,01 €

676.044,00 €

76.254,57 €

20.000,00 €

24.000,00 €

40.000,00 €

7.000,00 €

86.000,00 €

15.000,00 €

15.000,00 €

70.371,31 €

27.484,84 €

22.777,10 €

131.038,99 €

70.906,56 €

TOTAL

1.546.178,38 €

1.223.599,58€

120.633,25 €

201.945,55 €

-condamné la société Sanofi Pasteur MSD à payer à :

' M. [M] la somme de 1.223.599,58 € ,

' la CPAM de l'ESSONNE la somme de 120.633,25 €,

'la CRAMIF la somme de 201.945,55€ ,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

-condamné la société Sanofi Pasteur MSD à payer au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion en application de l'article L 376-1 du code de la Sécurité sociale à:

' la CPAM de l'ESSONNE la somme de 1.015 EUROS

'la CRAMIF la somme de 1.015 EUROS,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

-condamné la société Sanofi Pasteur MSD à payer sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à:

' la CPAM de l'ESSONNE la somme de 1.000 euros

'la CRAMIF la somme de 1.000 euros,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

-condamné la société Sanofi Pasteur MSD à payer sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991sur l'aide juridique une somme de 15.000 € au conseil de M. [M] bénéficiaire de l'aide juridictionnelle,

-condamné la société Sanofi Pasteur MSD aux dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire, -rejeté toute demande plus ample ou contraire.

La société Sanofi Pasteur MSD a fait appel de ce jugement par déclaration faite au greffe le 18 février 2014. Dans ce dossier ouvert à la cour sous le numéro RG 14/03677 et sur incident initié par la société Sanofi Pasteur MSD, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 6 novembre 2014 rendue au visa des articles 909 du code de procédure civile et 38-1 du décret du 19 décembre 1991 modifié, déclaré irrecevables les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne en date du 2 septembre 2014 à défaut de signification dans le délai de deux mois de la notification des écritures de l'appelante.

Sur requête déposée par Monsieur [M], le tribunal de grande instance d'Evry a, selon jugement du 28 novembre 2014, procédé à la rectification sur la première page du jugement du 14 janvier 2014 de la désignation de la composition du tribunal ayant délibéré.

Par ailleurs, par déclaration du 16 décembre 2014, la société Sanofi Pasteur MSD a interjeté appel du jugement rectificatif n° 14/05011 rendu le 28 novembre 2014 par le tribunal de grande instance d'Evry, 3ème chambre rectifiant 'un jugement rendu le 10 janvier 2014 par le tribunal de grande instance d'Evry (RG09/4374) (....) tendant à obtenir l'annulation ou la réformation de la décision entreprise selon les moyens qui seront développés dans les conclusions.' Cette déclaration a donné lieu à l'ouverture d'un dossier n°14/25421.

Une seconde déclaration d'appel régularisée le lendemain (17 décembre 2014) dans des termes identiques a entraîné l'ouverture d'un dossier n°14/25527.

Les procédures 14/25421et 14/25527 ont été jointes sous le numéro 14/25421 par ordonnance du conseiller de la mise en état.

Par conclusions n°3 signifiées le 22 juillet 2015, la Sanofi Pasteur MSD demande à la cour de :

Vu ensemble, les articles 458 et 477 du code de procédure civile,

-déclarer nuls les jugements du tribunal de grande instance d' Evry du 10 janvier 2014 et 28 novembre 2014;

Vu l'article 480 du code de procédure civile,

- constater l'autorité de la chose jugée attachée aux termes du jugement du 7 décembre 2001,

- dire et juger que l'ensemble des exceptions et irrecevabilités de procédure soulevées par la société Sanofi Pasteur MSD sont opposables tant à Monsieur [M] qu'à l'ONIAM subrogé dans ses droits,

En conséquence, dire Monsieur [M] et l'ONIAM irrecevables en leurs demandes ;

Vu ensemble, les articles 10 et 11 de la directive CEE 85/374 du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux et les article 1386-16 et 1386-17 du code civil,

-dire Monsieur [M] et l'ONIAM prescrits en leurs demandes,

en conséquence et de plus fort, les dire irrecevables et les débouter de leurs demandes,

Subsidiairement,

-dire mal fondés et débouter Monsieur [M] et l'ONIAM de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société Sanofi Pasteur MSD, nouvelle dénomination d'Aventis Pasteur MSD, venant aux droits de la société Pasteur Vaccins.

Très subsidiairement,

- ordonner une nouvelle mesure d'expertise dans les conditions de la mission développée au dispositif,

- condamner Monsieur [M] à payer à la société Sanofi Pasteur MSD la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner Monsieur [M] aux entiers dépens dont le montant sera directement recouvré par la SCP Grappotte Benetreau conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Avant tout débat au fond, la société Sanofi Pasteur MSD soutient que :

' le jugement rendu le 10 janvier 2014 est nul en raison de la désignation erronée des magistrats ayant délibéré ; ce vice de fond ne pouvait être rectifié au visa de l'article 462 du code de procédure civile ainsi que l'a fait d'office le tribunal de grande instance d'Evry ; le jugement du 28 novembre 2014 est aussi nul et de nul effet de sorte qu'il appartiendra à la cour d'évoquer l'affaire au fond en application de l'article 562 du code de procédure civile, seul le jugement définitif du 7 décembre 2001 ayant alors force de chose jugée ;

' les demandes formées par Monsieur [M] sont irrecevables dès lors que le tribunal a, dans son jugement du 7 décembre 2001, motivé avec précision sa décision de désigner un nouveau collège d'experts, estimant que « les conclusions de l'expertise visant spécifiquement le cas de Monsieur [C] [M], apparaissaient sur le fond fort insatisfaisantes » et que les éléments qui lui étaient soumis par Monsieur [M] ainsi que l'expertise ordonnée en référé étaient insuffisamment contributifs ; ces motifs décisifs participent de l'autorité qui s'attache au dispositif en ce qu'ils en constituent le soutien nécessaire ; Monsieur [M], qui n'a pas interjeté appel de ce jugement et n'a pas consigné les frais d'expertise mis à sa charge, est maintenant irrecevable en ces demandes qui se heurtent à l'autorité de la chose jugée ;

' Monsieur [M] est prescrit en ses demandes fondées sur les dispositions de la directive 856374 du 25 juillet 1985 qui doit directement recevoir application et ce compris dans ses règles de prescription extinctive et ce quelle que soit la date de vaccination de Monsieur [M] et la date de transposition de la directive dans le droit français ; en conséquence, l'intimé devait agir dans les trois ans de la date à laquelle il a eu (ou aurait dû) avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur et en tout état de cause, dans un délai de 10 ans à compter de la mise en circulation du vaccin ; Monsieur [M], qui a été vacciné en 1994 et 1995, était prescrit en ses demandes à la date du 1er juillet 2005, soit 10 ans après une mise en circulation fixée de manière favorable au 1er juillet 1995 ( rappel de la vaccination le 10 juillet 1995) ; toutefois, la délivrance de l'assignation en référé expertise du 22 octobre 1999 a pu interrompre la prescription décennale de sorte qu'il y a lieu de retenir la date de dépôt du rapport d'expertise, date à laquelle il a confirmation du dommage, soit le 20 juin 2000 pour constater que le demandeur n'a pas agi dans le délai de 3 ans, son assignation au fond ayant été délivrée le 9 mars 2009.

Sur le fond, la société Sanofi Pasteur MSD, constatant que Monsieur [M] agit à son encontre sur le fondement de la responsabilité du fait d'un produit défectueux, indique que l'état actuel du corpus législatif et de la jurisprudence dégage les éléments suivants :

- il appartient au demandeur d'apporter la démonstration d'un lien de causalité entre la vaccination qu'il a reçue et la pathologie qu'il a développée,

- cette démonstration, qui ne saurait reposer sur de simples hypothèses, peut néanmoins être apportée par tous moyens, au besoin par la production d'indices graves, précis et concordants,

- les juges du fond se doivent d'apprécier la valeur de tous les indices qui leur sont soumis, - il appartient au surplus au demandeur d'apporter la démonstration d'un défaut du vaccin,

- l'appréciation du défaut doit s'effectuer strictement au regard des critères posés par la directive européenne n°85-374 du 25 juillet 1985, et il n'est en particulier pas possible d'y substituer un critère selon lequel l'absence de certitude scientifique sur l'innocuité du vaccin emporterait présomption de défaut,

- il est nécessaire enfin que le demandeur prouve outre le défaut, l'existence d'un lien de causalité entre le défaut et le dommage,

- le défaut de sécurité ne peut se déduire d'un défaut d'information qu'en présence d'un risque avéré dont le fabricant omet, en toute connaissance de cause, d'informer le consommateur.

Poursuivant le débouté de Monsieur [M], la société Sanofi Pasteur MSD fait valoir l'argumentaire suivant :

' Monsieur [M] ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre la vaccination qu'il a reçue et la sclérose en plaques qu'il a développée :

* en effet, l'étiologie de cette maladie est actuellement inconnue de sorte que la recherche d'une relation causale passe nécessairement par les étapes de l'étude épidémiologique et de l'étude physiopathologique lesquelles n'ont pas permis d'établir un tel lien de causalité ; l'état des connaissances scientifiques et les avis des autorités sanitaires confirment, à l'heure actuelle, que l'on dispose d'un indice grave, précis et concordant en faveur de l'absence de lien de causalité ;

* les conclusions du rapport d'expertise des docteurs [U], [W] et [I] doivent être écartées du fait de la partialité notoire du docteur [U] ; la production de l'avis d'autres experts judiciaires dans des dossiers différents n'est d'aucune aide puisque la réserve scientifique qu'ils énoncent, à savoir que l'existence d'un risque très faible d'association entre la vaccination et la maladie ne peut être formellement écartée, ne signifie pas que l'existence d'un tel risque, y compris à très faible échelle, serait démontrée ;

* la coïncidence chronologique ne saurait à elle seule constituer un critère de preuve déterminant ;

* contrairement à ses affirmations, Monsieur [M] avait un état de santé antérieur à la vaccination (vertiges matinaux, nausées et asthénie en 1989, douleurs au pouce gauche nécessitant la prise d'anti-inflammatoires en 1992) qui constitue un second indice allant dans le sens d'une absence de lien de causalité ;

' Monsieur [M] ne rapporte pas la preuve d'un défaut du vaccin Genhevac B. au regard des conditions posées par la directive du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux ;

' en l'état des connaissances scientifiques à la date des vaccinations et rappel (1994 et 1995), il a été délivré à Monsieur [M] une information parfaitement loyale quant à l'existence d'hypothétiques effets indésirables du vaccin ;

' à titre subsidiaire, si la cour admettait le défaut du vaccin, le société Sanofi Pasteur MSD peut se prévaloir de l'exonération de sa responsabilité pour risque de développement prévue par la directive du 25 juillet 1985 et intégrée dans le droit positif par la loi de 1998 puisqu'à la date des vaccinations et encore à ce jour, elle n'avait pas connaissance de la défectuosité du produit.

A titre infiniment subsidiaire, la société Sanofi Pasteur MSD discute les indemnisations sollicitées par M. [M].

Aux termes de ses conclusions signifiées le 8 septembre 2014, Monsieur [M] sollicite de la cour qu'elle :

- confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

vu les dispositions de l'article 1147 du code civil interprété à la lumière de la directive 85-374 du 25 juillet 1985,

- dise la société Sanofi Pasteur MSD, venant aux droits de la société Pasteur Vaccins entièrement responsable des dommages résultant de la survenue d'une sclérose en plaques,

-lui donne acte de ce qu'il a appelé en intervention forcée l'ONIAM subrogé dans ses droits sur le fondement de l'article L 3111-9 du code de la santé publique à hauteur de 120 000 € sauf à parfaire,

-condamne la société Sanofi Pasteur MSD à lui payer la somme de 1 223 599,58 € à titre d'indemnité provisionnelle,

-avant-dire droit sur l'évaluation définitive des préjudices, ordonne une mesure d'expertise médicale,

-condamne la société Sanofi Pasteur MSD aux entiers dépens dont distraction ainsi qu'à la somme de 15 000€ et 10 000 € sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991.

Monsieur [M] fait valoir les arguments suivants :

' l'appelante ne rapporte pas la preuve que la composition du tribunal était différente lors des plaidoiries et lors du délibéré; la sanction de la nullité du jugement ne peut donc être appliquée;

' l'autorité de la chose jugée n'est attachée qu'au dispositif du jugement rendu le 7 décembre 2001 qui déboute la société Pasteur Vaccins de sa demande de sursis à statuer et de sa demande de nullité de l'expertise et qui ordonne une nouvelle expertise ; au terme de ce jugement, la validité de l'expertise est désormais acquise de manière irrévocable mais il n'a pas été statué sur la responsabilité du fabriquant du vaccin ;

' sa demande est fondée sur les dispositions de l'article 1147 du code civil qu'il convient de lire à la lumière des directives à la condition qu'il n'y ait pas contrariété entre le droit interne et le droit communautaire ; en l'espèce, la directive du 25 juillet 1985 prévoit des règles de prescription qui n'étaient pas compatibles avec celle du droit civil interne ; par suite, le vaccin inoculé à Monsieur [M] ayant été mis en circulation avant la loi n°98-389 du 19 mai 1998 transposant la circulaire communautaire en droit interne et le dommage étant survenu entre l'expiration du délai de transposition de la directive et l'entrée en vigueur de la ladite loi de transposition, il y a lieu d'appliquer le droit commun de la prescription civile (délai de 10 ans) de sorte que ses demandes d'indemnisation ne sont pas prescrites; au demeurant, en supposant que l'on se réfère aux dispositions de la directive, les délais de prescription (10 et 3 ans) ont été interrompus par les différents actes de procédure introduits postérieurement devant les juridictions judiciaires.

Sur le fond, Monsieur [M] soutient les éléments suivants :

' le droit positif permet de dire que :

* tant pour l'appréciation du défaut que pour établir la relation de causalité entre défaut et dommage, le juge peut se fonder sur un faisceau de présomptions grave précis et concordant et "cette approche probabilistique ne peut être déduite exclusivement de l'absence de lien scientifique et statistique entre vaccination et développement de la maladie' (Civ 1ère 22 mai 2008 ) ;

* la preuve du défaut résulte du défaut d'information au motif d'une discordance entre la notice patient et la notice Vidal (Civ. 9 juil. 2009) ;

* la relation de causalité résulte de présomptions graves précises et concordantes tirées d'une relation chronologique, de l'absence d'antécédents tant personnels que familiaux, de l'absence d'autre cause expliquant la maladie (même arrêt) ;

* s'il est établi sur la base d'un faisceau d'éléments « qu'il existait des présomptions graves, précises et concordantes permettant de dire que le lien causal entre la maladie et la prise du produit était suffisamment établi », il convient de rechercher si les circonstances particulières ['] ainsi retenues constituent des présomptions graves, précises et concordantes de nature à établir le caractère défectueux des doses administrées à l'intéressé. (Civ. 1 ère 26 septembre 2012 5 ) ;

' la preuve du manquement dans l'information en raison de la discordance entre la notice accompagnant le vaccin et l'article du Vidal suffit à prouver le défaut du vaccin qui lui a été administré ; il a déjà été jugé en ce sens pour le même vaccin par la cour d'appel de Lyon confirmée par la Cour de cassation ; jusqu'en 1996, date à laquelle la notice a été modifiée, la société Sanofi Pasteur MSD a dissimulé en toute connaissance de cause un risque neurologique avéré ; le degré d'information devant s'apprécier en fonction du bénéfice attendu, il doit être relevé que l'intéressé n'était pas exposé à un risque particulier de contamination par l'hépatite B; ' s'agissant de la causalité, le rapport d'expertise a été signé par les trois experts ; il ne comporte aucune mention d'un désaccord entre eux et les soupçons de partialité entourant le docteur [U] interviennent dans un climat général de suspiscion à l'égard d'autres médecins ; conformément à l'analyse du jugement déféré, la démonstration du lien de causalité est faite grâce à une chronologie particulièrement évocatrice jointe à l'absence de tout état antérieur.

Concernant l'indemnisation de ses préjudices, Monsieur [M] fait valoir que la maladie étant évolutive, son état n'est pas encore consolidé de sorte qu'il y a lieu d'ordonner une nouvelle expertise médicale et de lui octroyer une indemnité provisionnelle de 1 223 599,58 €.

Par conclusions signifiées le 13 janvier 2015, l'ONIAM expose que par ordonnance du 9 juillet 2014, il a été condamné à payer à Monsieur [M] la somme provisionnelle de 120 000 € et qu'il est donc subrogé dans les droits de ce dernier à l'encontre du responsable des dommages en application de l'article L 3111-9 du code de la santé publique.

Il conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité pleine et entière de la société Sanofi Pasteur MSD, la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 120 000 € ainsi qu'aux entiers dépens d'appel et à la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 3 juillet 2014, la CRAMIF demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 10 janvier 2014 en ce qu'il a notamment déclaré la CRAMIF recevable en son intervention volontaire, dit que la SNC Sanofi Pasteur MSD est entièrement responsable de la survenue chez Monsieur [M] d'une sclérose en plaques, condamné la SNC Sanofi Pasteur MSD à payer à la CRAMIF, la somme de 201 945,55 € au titre de sa créance, la somme de 1 015 € au titre de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale et celle de

1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Y ajoutant,

- actualiser la créance de la CRAMIF à la date du 9 juin 2014 à la somme de 209 998,46 €,

- condamner la SNC Sanofi Pasteur MSD, à rembourser à la CRAMIF les arrérages échus du 27 octobre 2000 au 31 mai 2014, soit la somme de 146 977,87 €, ainsi que les arrérages à échoir à compter du 1er juin 2014, au fur et à mesure de leur échéance, jusqu'à la date de substitution d'une pension retraite servie par la CNAV, à moins qu'elle ne préfère s'en libérer par le règlement du capital représentatif qui s'élève à 63 020,59 €,

- condamner la SNC Sanofi Pasteur MSD au paiement des intérêts légaux à compter de la date de signification des conclusions d'intervention volontaire de la CRAMIF devant le tribunal de grande instance d'Evry, soit le 4 novembre 2009, pour les arrérages échus à cette date, et à compter de chaque échéance pour les arrérages échus ensuite et ceux à échoir postérieurement,

- condamner la SNC Sanofi Pasteur MSD à régler à la CRAMIF l'indemnité de gestion prévue par l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale, issue de l'ordonnance n° 76-51 du 24 janvier 1996, qui s'élève à 1 028 € au 1er janvier 2014,

- condamner la SNC Sanofi Pasteur MSD à payer à la CRAMIF la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SNC Sanofi Pasteur MSD en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Olivier Jessel, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La CRAMIF déclare s'en rapporter à justice sur les mérites de la demande de nullité du jugement et actualise sa créance au 1er juin 2014, rappelant le principe du recours subrogatoire des caisses tel qu'énoncé à l'article 376-1 du code de la sécurité sociale modifié par la loi de financement de la sécurité sociale de 2007.

Dans le dossier enregistré sous le numéro RG 14/03677, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du 2 septembre 2014 ont été déclarées irrecevables par ordonnance conseiller de la mise en état en date du 6 novembre 2014.

Dans le dossier enregistré sous le numéro RG 14/2542, la CPAM de l'Essonne a conclu le 10 avril 2015. Elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 10 janvier 2014 rectifié par jugement du 28 novembre 2014 en ce qu'il a notamment dit que la société Sanofi Pasteur MSD est entièrement responsable de la survenue chez Monsieur [M] d'une sclérose en plaques et condamné la société Sanofi Pasteur MSD à lui payer la somme de 120.633,25 € au titre de sa créance provisoire (prestations versées pour 97 856,15 €, frais futurs capitalisés pour 22 777,10 €), la somme de 1 015 € au titre de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale et celle de 1 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

Y ajoutant,

- lui donner acte des réserves qu'elle formule en ce qui concerne les prestations non connues à ce jour, et pour celles qui pourraient être versées ultérieurement en vertu des lois en vigueur ou futures,

- condamner la société Sanofi Pasteur MSD à lui verser les sommes de 1 026 € (pour un paiement avant le 31 décembre 2014) au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner la société Sanofi Pasteur MSD en tous les dépens et autoriser la SELARL Brunet-Levine et Le Bras à recouvrer directement contre eux, ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

L'ordonnance clôturant l'instruction de l'affaire n° 14/03677 a été rendue le 10 septembre 2009. Dans le dossier n°14/25421, la clôture a été prononcée à l'audience du 1er octobre 2015.

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, les dossiers n° 14/03677 et n°14/25421 ont été joints par ordonnance du 1er octobre 2015, l'instance se poursuivant sous le numéro RG 14/03677.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la nullité des jugements déférés :

Selon les indications figurant sur la première page du jugement en date du 10 janvier 2014, le tribunal ayant rendu la décision est ainsi composé :

'Magistrats ayant délibéré :

Président : [J] [A], 1ère Vice-Présidente Adjointe

Assesseur : [Y] [Y], Vice-Président

Assesseur : Hoc Pheng CHHAY, Vice-Président

Greffier lors des débats : Colette HOTTIN, Greffière

Greffier lors du prononcé : Amandine CAGNION, Greffière en préaffectation sur poste lors des débats.'

A défaut d'indication contraire de la décision, les magistrats ayant délibéré sont présumés être ceux-là même qui ont assisté aux débats.

Or, il résulte de la copie de la mire informatique du registre d'audience du tribunal de grande instance d'Evry du 26 avril 2013 que l'affaire a été plaidée devant une collégialité composée de [J] [A], [Y] [Y] et [Z] [F]. La composition du tribunal telle qu'indiquée dans le jugement est donc erronée, l'article 447 du code de procédure civile prévoyant qu''Il appartient aux juges devant lesquels l'affaire a été débattue d'en délibérer.'

Dans ces conditions, en application de l'article 458 du code de procédure civile, le jugement déféré du 10 janvier 2014 est nul dès lors qu'il n'indique pas avec exactitude le nom des juges qui ont assisté aux débats et qui ont délibéré. Cette nullité entraîne nécessairement celle du jugement rectificatif rendu le 28 novembre 2014. Au demeurant, en statuant d'office au visa de l'article 462 du code de procédure civile alors que le jugement à rectifier faisait déjà l'objet d'un appel interjeté par déclaration en date du 18 février 2014, le tribunal de grande instance d'Evry avait outrepassé ses pouvoirs.

En l'état de la nullité des jugements rendus les 10 janvier 2014 et 28 novembre 2014, la cour se trouve saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel interjeté par la société Sanofi Pasteur MSD, étant vérifié qu'en cause d'appel, les parties ont conclu à titre principal sur le fond du litige.

Sur la prescription :

L'action en responsabilité extra-contractuelle dirigée par un patient contre le fabricant d'un produit défectueux mis en circulation avant la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant la directive n° 85/374/CEE du 24 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, en raison d'un dommage survenu entre l'expiration du délai de transposition de cette directive soit le 30 juillet 1988 et avant l'entrée en vigueur de ladite loi de transposition, était soumise selon les dispositions de droit interne interprétées à la lumière de la directive, à la prescription de dix ans à compter de la manifestation du dommage.

Il s'ensuit que les premiers juges ont à bon droit dit que l'action dirigée par Monsieur [C] [M] à l'encontre de la société Sanofi Pasteur MSD du fait d'injections administrées en 1994 et 1995 du vaccin GenHévac B distribué par cette dernière n'est pas prescrite dès lors que Monsieur [M] a eu connaissance du dommage lors d'une hospitalisation du 27 octobre au 1er novembre 1997 qui a permis de poser le diagnostic d'une sclérose en plaques et qu'après avoir sollicité en référé par assignations des 22 et 25 octobre 2009 la désignation d'un expert, il n'a jamais laissé s'écouler plus de 10 ans entre chacun des actes interruptifs.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action doit être rejetée.

Sur l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 7 décembre 2001 :

Les premiers juges qui ont rappelé qu'aux termes de l'article 480 du code de procédure civile, l'autorité de la chose jugée n'est attachée qu'au dispositif du jugement et ne porte en aucun cas sur ses motifs c'est à dire sur les moyens débattus et retenus par la juridiction pour motiver sa décision ont à bon droit dit que les demandes formées par Monsieur [M] en cause d'appel tendant à voir déclarer la société Sanofi Pasteur MSD responsable des dommages résultant de la survenue d'une sclérose en plaques et à la voir condamnée à réparation ne se heurtent pas à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 7 décembre 2001, cette autorité ne portant que sur le rejet des demandes de sursis à statuer et de nullité de l'expertise ordonnée en référé et ayant donné lieu au dépôt d'un rapport le 20 juin 2000.

La motivation utilisée par le tribunal dans son jugement du 7 décembre 2001 sur la qualité probatoire des opérations d'expertise ordonnées en référé sert de support à sa décision d'ordonner une seconde expertise judiciaire, décision qui deviendra caduque en l'absence de consignation par M. [C] [M], et n'a aucune valeur décisoire.

La fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée doit être rejetée.

Sur la responsabilité de la société Sanofi Pasteur MSD :

Monsieur [M] recherche la responsabilité pleine et entière de la société Sanofi Pasteur MSD en qualité de producteur, à raison du défaut du produit.

En l'absence de lien contractuel entre le fabricant du vaccin et le patient, la société Sanofi Pasteur MSD ne peut fonder son action que sur les dispositions de l'article 1382 du code civil, interprétées à la lumière de la directive communautaire n°85/374 du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité des produits défectueux, dès lors que la vaccination incriminée a été administrée avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998 transposant en droit français la directive mais que la mise en circulation des produits est postérieure à la date fixée pour la transposition de cette directive, soit le 30 juillet 1988 ;

La mise en jeu de la responsabilité du producteur suppose que le demandeur prouve, d'une part l'administration du produit, l'existence du dommage et le lien de causalité entre celles-ci, d'autre part le défaut du produit défini comme n'offrant pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage du produit qui peut être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation, ainsi que le lien de causalité entre ce défaut et le dommage ;

Les preuves mises à la charge du demandeur peuvent être apportées par présomptions, à la condition que celles-ci soient graves, précises et concordantes, le défaut du vaccin et l'imputabilité du dommage ne pouvant se déduire de l'absence de certitude scientifique sur l'innocuité du produit ;

La Cour de cassation retient que si la responsabilité du fait des produits défectueux requiert que le demandeur prouve le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage, la participation du produit à la survenance du dommage est un préalable implicite, nécessaire à l'exclusion éventuelle d'autres causes possibles de la maladie, pour la recherche de la défectuosité du produit et du rôle causal de cette défectuosité, sans pour autant que sa simple implication dans la réalisation du dommage suffise à établir son défaut au sens de l'article 1386-4 du code civil ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage ;

Dès lors, il appartient à Monsieur [M] de démontrer dans un premier temps, dans les conditions sus-définies, l'imputabilité du dommage, au moins pour partie, à la vaccination.

Les vaccinations de Monsieur [M] par GenHevac B les 7 juin, 12 juillet et 30 août 1994 puis à titre de rappel le 10 juillet 1995 ne sont pas discutées et le diagnostic de sclérose en plaques mis en évidence lors d'une hospitalisation du 27 octobre au 1er novembre 1997 ne fait pas de doute.

La littérature médicale analysée et exposée par le collège d'experts judiciaires permet de retenir que :

- sur la base des observations individuelles nombreuses telles qu'elles sont publiées, il est indubitable que la vaccination anti-hépatite B peut occasionner des tableaux cliniques comparables à celui dont souffre Monsieur [M] ;

- en l'état des études scientifiques, si le risque peut être affirmé, il ne peut être quantifié ; à l'échelle individuelle, un lien de causalité ne peut être affirmé ; il ne peut être exclu non plus ;

- il est impossible de prédire l'évolution d'une sclérose en plaques, maladie essentiellement fluctuante ; aucune chronologie d'apparition 'normale' d'une sclérose en plaques n'a pu être dégagé ; le délai d'apparition peut aller de quelques jours à plusieurs années ;

- dans la mesure où l'on ne connaît aucune étiologie de la sclérose en plaques, il est rigoureusement impossible de procéder à un diagnostic d'exclusion.

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que la cour, sans méconnaître les critiques dont il fait l'objet, retient comme élément de preuve au même titre que les autres pièces régulièrement produites aux débats que la chronologie des symptômes observés chez Monsieur [M] ne peut être relatée avec précision du fait de l'ancienneté des troubles et de leur apparition insidieuse ne nécessitant pas dans un premier temps de suivi médical régulier.

Au vu de ce rapport d'expertise et des pièces médicales du dossier (certificat médical établi le 18 septembre 1998 par le docteur [G] [O] médecin généraliste, fiche de suivi de Monsieur [M] par le docteur [O], compte-rendu d'hospitalisation dans le service de neurologie du C.E.S.A., courrier adressé le 24 août 1999 par le docteur [H] [R], neurologue, au professeur [S] du service de neurologie de la Pitié Salpétrière), la cour ne peut suivre Monsieur [M] lorsqu'il affirme que l'apparition des symptômes se situe en 1994 à la suite de la vaccination obtenue par trois injections.

En effet, il n'existe aucune certitude quant à la date même approximative des premiers signes pouvant faire penser à une atteinte neurologique. Si le docteur [O] affirme dans son certificat corroboré par la fiche de suivi, qu'il a vu Monsieur [M] en consultation le 19 octobre 1994 et a constaté l'état de santé suivant : ' asthénie +++, cuisses jambes depuis 2 mois, jambes engourdies en position assise, fasciculation', il doit aussi être observé que Monsieur [M] avait déjà consulté le 16 juin 1989 pour asthénie, les 14 août et 5 octobre 1989 pour nausées matinales et que par la suite, après la consultation du 19 octobre 1994, il n'a plus sollicité son médecin, ni aucun autre praticien, jusqu'au 1er octobre 1997, date à laquelle il présentait des symptômes d'atteintes neurologiques et a été adressé à un spécialiste. Par ailleurs, les termes du courrier en date du 24 août 1999 écrit par le docteur [H] [R] ( '...M. [M] [C], âgé de 42 ans, qui présente depuis 1995 environ une paraparésie spastique progessive. (...) Ce patient a été vacciné pour l'hépatite B en 1994 et aurait ressenti quelques semaines plus tard des paresthésies des mains.') ainsi que ceux du compte-rendu d'hospitalisation en novembre 1997 ('Depuis environ 4 ans, l'entourage a remarqué des difficultés à la marche avec une fatigabilité, une difficulté de coordination des membres supérieurs associés quelque fois à un dérobement des membres inférieurs sans chute.') ne sont pas suffisamment circonstanciés, outre qu'ils sont contraires et que leurs auteurs ne font que rapporter des propos tenus par le patient ou son entourage, pour permettre la datation des premières apparitions de la maladie.

Ainsi, il ne peut être ni exclu ni affirmé que les premiers symptômes de la sclérose en plaques sont apparus à la suite de la vaccination. Cette incertitude n'est pas formellement démentie par le rapport du docteur [W] [E], neurologue désigné par l'ONIAM aux fins d'expertise, dès lors que l'expert a relevé et analysé strictement les mêmes faits et que lorsqu'il conclut à une 'coïncidence temporelle manifeste' entre le vaccin et la maladie, cette affirmation constitue de la part de l'expert une appréciation personnelle ne liant pas la cour.

Par ailleurs, s'il est constant que Monsieur [M] n'appartient pas a priori à une population à risque, qu'il ne présente aucun antécédent familial d'atteinte par cette maladie et qu'hormis les épisodes d'asthénie et de nausées relevés sur la feuille de soins ainsi qu'une opération pour strabisme à l'âge de 9 ans, il n'existe aucun état antérieur susceptible d'interférer avec la maladie démyélinisante, ces éléments d'exclusion ne peuvent à eux seuls et en présence d'une chronologie incertaine constituer des présomptions graves, précises et concordantes permettant d'établir un lien de causalité entre la vaccination de Monsieur [M] au moyen du vaccin fabriqué par la société Sanofi Pasteur MSD et la sclérose en plaques dont il est atteint.

Dans ces conditions, les demandes formées par M. [C] [M] à l'encontre de la société Sanofi Pasteur MSD seront rejetées.

La responsabilité de la société Sanofi Pasteur MSD n'étant pas retenue, l'ONIAM, la CPAM de l'Essonne et la CRAMIF qui demandent la condamnation de celle-ci à leur rembourser les sommes qu'ils ont déjà versées à Monsieur [M] du fait de la sclérose en plaques seront déboutés.

Sur les autres demandes :

Monsieur [M] qui succombe à titre principal supportera la charge des dépens avec application au profit des avocats qui l'ont demandé des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au vu des circonstances de la cause et de la situation économique de chacune des parties, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune les frais irrépétibles qu'elles ont été contraintes d'exposer dans la présente instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Dit nuls et de nul effet les jugements rendus par le tribunal de grande instance d'Evry les 10 janvier 2014 et 28 novembre 2014 dans l'affaire opposant Monsieur [C] [M] à la société Sanofi Pasteur MSD et la CPAM de l'Essonne ;

Vu l'article 562 du code de procédure civile ;

Constate que la cour est saisie de l'instance suite à l'appel total formées par la société Sanofi Pasteur MSD et le dit recevable ;

Dit recevable l'intervention volontaire de la CRAMIF ;

Dit recevable l'intervention forcée de l'ONIAM ;

Rejette les fins de non-recevoir soulevées par la société Sanofi Pasteur MSD au titre de la prescription de l'action et de l'autorité de la chose jugée ;

Rejette les demandes formées par Monsieur [C] [M] à l'encontre de la société Sanofi Pasteur MSD ;

Rejette les demandes formées par l'ONIAM, la CPAM de l'Essonne et la CRAMIF à l'encontre de la société Sanofi Pasteur MSD ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [C] [M] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le montant sera directement recouvré par la SCP Grappotte Benetreau, Maître Olivier Jessel et la SELARL Brunet-Levine et Le Bras, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 14/03677
Date de la décision : 06/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°14/03677 : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-06;14.03677 ?
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