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05/11/2015 | FRANCE | N°15/04024

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6- chambre 8, 05 novembre 2015, 15/04024


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6- Chambre 8

ARRÊT DU 05 Novembre 2015
(no 536, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/ 04024

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Mars 2015 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'EVRY-RG no 14/ 00763

APPELANTE
Madame Amelle X...
...
91380 CHILLY MAZARIN
née le 11 Mars 1988 à FLERS (61100)
représentée par Me Valérie LANES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185 substitué par Me Lesli

e LANDRIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185

INTIMEE
SAS CEZZAM
Zac de la Couture
80260 POULAINVILLE
No SI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6- Chambre 8

ARRÊT DU 05 Novembre 2015
(no 536, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/ 04024

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Mars 2015 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'EVRY-RG no 14/ 00763

APPELANTE
Madame Amelle X...
...
91380 CHILLY MAZARIN
née le 11 Mars 1988 à FLERS (61100)
représentée par Me Valérie LANES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185 substitué par Me Leslie LANDRIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185

INTIMEE
SAS CEZZAM
Zac de la Couture
80260 POULAINVILLE
No SIRET : 322 707 712
représentée par Me Hervé PROUST, avocat au barreau D'AMIENS

PARTIE INTERVENANTE :
Association AVFT (Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail)
51 bd Auguste Blanqui
75013 PARIS
représentée par Laetitia Bernard, munie d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine MÉTADIEU, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine METADIEU, Présidente
M. Mourad CHENAF, Conseiller
Mme Camille-Julia GUILLERMET, Conseillère

Greffier : Madame Céline BRUN, lors des débats

ARRET :
- CONTRADICTOIRE
-prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, présidente et par Madame Céline BRUN, greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

Amelle X...a été engagée à compter du 27 septembre 2010 par la Sas Cezzam, en qualité de secrétaire standardiste, selon un contrat de travail à durée indéterminée.
La Sas Cezzam dont le siège social et la direction sont situés à Amiens, emploie une cinquantaine de salariés répartis sur sept sites.
Amelle X...était affectée au sein de l'agence de Viry Chatillon.
Elle exerçait en dernier lieu les fonctions d'assistante de gestion

Amelle X...expose avoir été victime le 10 décembre 2013 d'une agression sexuelle de la part du directeur de l'agence, avoir déposé plainte le 12 décembre suivant, et avoir avisé l'employeur par lettre recommandée du 14 janvier 2012.
Elle a fait l'objet d'un arrêt de travail pour cause de maladie du 4 au 7 février 2014 puis du 7 au 14 février 2014 et enfin du 15 mars au 28 avril 2014.
Le médecin du travail l'a déclaré inapte définitive et totale à tous postes dans l'entreprise.

Après avoir été convoquée à un entretien préalable fixé au 2 juin 2014, Amelle X...a reçu notification de son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée datée du 10 juin 2014.

Par jugement en date du 28 janvier 2015, le tribunal correctionnel d'Evry a condamné M. Y..., directeur de l'agence de Viry Chatillon à une peine de 15 mois d'emprisonnement avec sursis et au paiement de la somme de 4 000 ¿ de dommages-intérêts outre 1 500 e au titre de l'article 475-1 du code de procédure civile.

Contestant son licenciement et estimant que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité de résultat, Amelle X...a, le 30 mars 2015, saisi le conseil de prud'hommes d'Evry.

Par jugement en date du 30 mars 2015, le conseil de prud'hommes a :
- condamné la Sas Cezzam à verser à Amelle X...les sommes de :
¿ 5 000 ¿ à titre de dommages-intérêts en réparation du harcèlement sexuel subi,
¿ 1 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
avec intérêt au taux légal à compter du jugement
-ordonné la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du code civil
-ordonné l'exécution provisoire
-débouté Amelle X...du surplus de ses demandes
-débouté la Sas Cezzam de l'intégralité de ses demandes.

Appelante de cette décision, Amelle X...demande à la cour de :

- juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse
-condamner la Sas Cezzam à lui payer les sommes de :
¿ 40 000 ¿ d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
¿ 15 000 ¿ de dommages-intérêts pour préjudice moral,
¿ 11 000 ¿ en réparation d u préjudice lié au manquement de l'employeur à son obligation de prévention,
¿ 3 000 ¿ en réparation du préjudice lié au non-respect des visites médicales obligatoires,
¿ 3 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile
et d'ordonner la remise des bulletins de paye, d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à l'assedic conformes.

La Sas Cezzam sollicite la réformation du jugement déféré et la limitation de sa condamnation à l'euro symbolique.

L'Avft, association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, intervient volontairement à l'instance et sollicite les sommes de :
¿ 2 000 ¿ de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral,
¿ 1 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.

MOTIVATION

Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, Amelle X...a été licenciée pour inaptitude définitive et totale à tous postes de l'entreprise et, après consultation des délégués du personnel du 14 mai 2015, en l'absence de possibilité de reclassement.

Amelle X...conteste ce licenciement qu'elle estime nul en raison du harcèlement sexuel dont elle a été victime.

Aux termes de l'article L. 1153-1 du code du travail, les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits.

Selon l'article L. 1153-2 du code du travail, aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel.

L'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié ou le candidat concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La Sas Cezzam qui indique ne pas discuter de la réalité des agissements de M. Y...vis à vis de la salariée, fait valoir qu'elle n'avait pas d'autre choix dès lors qu'elle n'a pas entendu contester la décision d'inaptitude physique prise par l'employeur que de licencier Amelle X...en l'absence de possibilité de reclassement existantes.
Elle conteste être tenue, en matière d'agression sexuelle sur le lieu de travail, s'agissant d'un délit pénal à une obligation de sécurité de résultat.

Force est de constater que l'inaptitude physique pour laquelle Amelle X...a été licenciée est en lien direct avec le harcèlement, non remis en cause par l'employeur, dont elle a été victime, son médecin traitant faisant état à plusieurs reprises lors de ses différents arrêts de travail, d'" un syndrome psychosomatique ".

Il importe de rappeler que selon l'article L. 1153-5 du code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel.
Même s'il a pris les mesures propres à mettre fin au harcèlement sexuel dont Amelle X...a été victime, à compter de la réception de la lettre recommandée que lui a adressée cette dernière le 14 janvier 2014, en procédant au licenciement de l'auteur des faits, il n'en demeure pas moins qu'il a failli à son obligation de sécurité de résultat à l'égard de celle-ci comme des autres salariées, en ne justifiant pas avoir mis en oeuvre les mesures propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement sexuel, et notamment avoir respecté les dispositions de l'aliéna 2 de l'article précité, ce d'autant plus que le personnel est réparti dans différentes agences, éloignées du siège social pour la majorité.
La Sas Cezzam ne peut arguer de son ignorance des faits, la situation propre à cette agence témoignant d'une faille dans l'organisation de la prévention.
Il incombe à l'employeur de favoriser les moyens et outils (charte, désignation d'un référent...) lui permettant d'être informé dans les meilleurs délais de tout comportement susceptible de recevoir une telle qualification.
Dès lors Amelle X...est fondée à se prévaloir de la nullité de son licenciement.

Il convient, au vu des pièces versées aux débats, de condamner la Sas Cezzam à verser à cette dernière la somme de 19 500 ¿ d'indemnité pour licenciement nul, le jugement étant confirmé en ce que les dommages-intérêts accordés au titre du harcèlement sexuel, dont le montant a été exactement apprécié par les premiers juges.

Amelle X...sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts faute pour elle d'établir la réalité du préjudice qu'elle invoque..
En revanche, la carence de l'employeur dans l'organisations des visites médicales prévues par la code du travail a nécessairement occasionné à la salariée un préjudice qu'il convient de réparer par l'allocation de la somme de 500 ¿.

Sur l'intervention volontaire de la l'Avft :

L'Avft dont l'objet est de soutenir et défendre par tous moyens légaux les personnes victimes de violences dans le travail et notamment le harcèlement sexuel est recevable en son intervention dès lors qu'elle agit une cause conforme à son objet qui dépasse l'intérêt propre de Amelle X...et concourt à prévenir de nouvelles violences.
Elle est par conséquent fondée en sa demande de dommages-intérêts.
Il lui sera alloué la somme de 1 000 ¿ à ce titre.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à Amelle X...la somme de 1 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui accorder 1 800 ¿ sur le même fondement.

Il convient en outre, ajoutant au jugement de condamner la Sas Cezzam à verser à l'Apvt la somme de 500 ¿ à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la Sas Cezzam à verser à Amelle X...la somme de 5 000 ¿ à titre de dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral et 1 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la Sas Cezzam à payer à Amelle X...les sommes de :
-19 500 ¿ d'indemnité pour licenciement nul
-500 ¿ de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'absence de visites médicales
-1 800 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la Sas Cezzam à payer à l'Avft les sommes de :
-1 000 ¿ de dommages-intérêts
-500 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute les parties du surplus de leurs demandes

Condamne la Sas Cezzam aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6- chambre 8
Numéro d'arrêt : 15/04024
Date de la décision : 05/11/2015
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2015-11-05;15.04024 ?
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