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05/11/2015 | FRANCE | N°14/12723

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 05 novembre 2015, 14/12723


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 05 Novembre 2015

(n° 532 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/12723



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Septembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° F12/11856









APPELANTE

SNC GEMO

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 712 008 0100<

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représentée par Me Julien GUILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R059, et par M.  [O] [L] (Employeur) en vertu d'un pouvoir général







INTIME

Monsieur [E] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 05 Novembre 2015

(n° 532 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/12723

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Septembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° F12/11856

APPELANTE

SNC GEMO

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 712 008 0100

représentée par Me Julien GUILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R059, et par M.  [O] [L] (Employeur) en vertu d'un pouvoir général

INTIME

Monsieur [E] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Emmanuel MAUGER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0706

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Catherine MÉTADIEU, Présidente de chambre

M. Mourad CHENAF, Conseiller

Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile

- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, présidente et par Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Monsieur [E] [Y] a été engagé par la société GEMO à compter du 22 octobre 1990, en qualité de Coordonnateur, catégorie cadre, niveau 3.1, coefficient 170 de la convention collective nationale SYNTEC pour une durée indéterminée.

En 2011, Monsieur [Y] a été promu Ingénieur, catégorie cadre, niveau 3.2, coefficient 210, poste qu'il occupe encore actuellement.

Monsieur [Y] perçoit une rémunération mensuelle brute de base de 5.100 euros, à laquelle s'ajoutait un treizième mois calculé au prorata de la période d'activité au sein de la société GEMO, moyennant 35 heures de travail hebdomadaires.

La société GEMO est une société spécialisée dans le conseil dans le domaine de la construction et propose les services suivants d'ordonnancement, pilotage et coordination des opérations de construction, assistance à maîtrise d'ouvrage, management de projet et maîtrise d''uvre d'exécution.

Le 29 octobre 2012, Monsieur [E] [Y] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail au motif d'une dégradation de ses conditions de travail et d'une inexécution par la société GEMO de ses obligations contractuelles.

Le 19 septembre 2014, le Conseil de Prud'hommes de Paris a, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [Y] et condamné la société GEMO à lui verser les sommes suivantes :

- 16.575 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 1.657,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

- 44.353,47 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 33.150 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Appelante, la société GEMO sollicite l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, le rejet de l'intégralité des demandes de Monsieur [Y] et à sa condamnation au paiement d'une indemnité de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Monsieur [E] [Y] conclut à la confirmation du jugement déféré, sauf à en réformer le quantum des sommes allouées et à faire droit aux demandes non satisfaites.

Il demande à la Cour de condamner la société GEMO au paiement des sommes suivantes

-44 353,47 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

-198 900 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour dégradation des conditions de travail

-41 814,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de journées de récupération, de jours de RTT et de congés payés

-2754 euros à titre de rappel de primes de vacances

-808,34 euros à titre de remboursement de frais professionnels

-2511,36 euros à titre de congé supplémentaire pour fractionnement de de congés

-2000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience

MOTIFS DE LA DÉCISION

Monsieur [Y] demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en alléguant de multiples manquements de son employeur rendant impossible le maintien du contrat de travail.

La résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ne peut être prononcée qu'à raison d'un manquement de l'employeur à une obligation contractuelle présentant une gravité certaine et rendant impossible la poursuite des relations de travail.

Il appartient aux juges du fond d'apprécier si les manquements de l'employeur sont d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts.

Sur les dégradations des conditions de travail :

Monsieur [Y] indique qu'il a fait l'objet d'une procédure de licenciement économique en septembre 1995 avant d'être réintégré en décembre 1995, que ses conditions de travail ont commencé à se dégrader à la suite d'une procédure de licenciement pour faute grave en 2005 qui a été abandonnée, puis en 2012 à la suite d'une mission de 6 ans effectuée auprès de la société AREP.

Il soutient qu'il a demandé la régularisation d'heures supplémentaires et de congés payés qui a été refusée et que par la suite, il a fait l'objet de reproches incessants et injustifiés et de propos vexatoires ; qu'il a été fortement déstabilisé par le comportement agressif et moqueur de la société, ce qui l'a conduit a être placé en arrêt maladie et d'engager une procédure de résiliation judiciaire de son contrat de travail, ne voyant plus d'autres issues possibles à la situation qu'il vivait.

Monsieur [Y] insiste à plusieurs reprises dans ses conclusions sur le fait qu'il a été licencié pour motif économique par courrier du 18 septembre 1995, puis en définitive réintégré au sein de la société en date du 4 décembre 1995.

Cependant, la Cour constate que cette procédure est couverte par la prescription et qu'elle ne peut donc pas être invoquée par Monsieur [Y] pour justifier sa demande actuelle de résiliation judiciaire pour dégradation de ses conditions de travail.

Monsieur [Y] ne peut davantage faire état d'une procédure disciplinaire engagée le 16 décembre 2005 à son encontre pour établir une dégradation de ses conditions de travail au sein de la société GEMO, cette procédure, non contestée en son temps est couverte par la prescription.

Par ailleurs, Monsieur [Y] estime que le comportement agressif et vexatoire à son égard de la part de la hiérarchie de la société GEMO traduit une volonté de lui signifier qu'elle ne veut plus d e lui et qu'elle veut se séparer d'un collaborateur ayant trop d'ancienneté et trop « âgé ».

Il remet en cause les appréciations portées par la société GEMO sur son comportement et son professionnalisme en citant de nombreux exemples de situations qui, selon lui, témoignent d'une dégradation de ses conditions de travail imputable à l'employeur et visant à obtenir son départ de la société GEMO ;

Cependant, il résulte des éléments de la procédure que la mission « [V] » a effectivement été retirée à la société GEMO du fait du comportement inadapté et de l'attitude générale de Monsieur [Y] qui est décrit dans un courrier du 6 novembre 2012 de Monsieur [H] Directeur d'exploitation de la société ALPHA INTERNATIONAL en ces termes « les interventions intempestives et répétés de Monsieur [Y], en présence du Maître de l'ouvrage'sans y être invité ont été de nature à mettre la maîtrise d''uvre gravement en porte à faux ».

Monsieur [Y] ne peut sérieusement pas soutenir que les reproches formulés à son encontre à la suite de la perte de ce marché sont infondés alors que la société GEMO établit par ailleurs, qu'il a tenu, devant le Maître de l'ouvrage des propos péjoratifs sur la prestation du client de la société GEMO, à savoir l'entreprise de construction.

Monsieur [Y] cite également l'opération « Hangar Air France » à propos de laquelle, il avait fait l'objet de la procédure disciplinaire de 2005. Comme dit précédent, les faits à l'origine de la procédure disciplinaire sont anciens, la procédure disciplinaire est prescrite et ne peut être invoquée au soutien d'une demande de résiliation judiciaire qui ne peut être justifiée que pour manquements actuels et d'une certaine gravité au point de rendre impossible la relation de travail.

S'agissant de la mission AREP SNCF, la société GEMO démontre que c'est bien le client qui a refusé, en juillet 2012, de « reprendre Monsieur [Y] pour une nouvelle intervention car Monsieur [Y] ne serait pas l'homme de la situation eut égard à son caractère ».

La société GEMO établit par ailleurs qu'au cours de la mission AREP SNCF, Monsieur [Y] s'est affranchi de règles hiérarchiques et pris l'habitude de gérer seul la relation professionnelle avec le client ce qui a aboutit à des situations de confusions et menacé le contrat avec la société GEMO.

Monsieur [Y] prétend qu'il a été « inondé de mails et d'appels téléphoniques pressants voire menaçants » durant une période de congés qu'il qualifie de congés forcés. Il estime avoir été harcelé par la société qui aurait cherché à lui imposer une nouvelle mission alors qu'il était en congé en exigeant une réponse immédiate.

Il apparaît à la lecture des pièces produites par les parties et notamment les mails échangés par les parties que Monsieur [Y] a eu une attitude changeante et contradictoire qui démontre qu'il a pu avoir une perception erronée des échanges avec la société GEMO durant cette période de congés.

En effet, à sa demande, la société GEMO lui a adressé un mail le 20 septembre 2012, pour lui apporter toute précision utile sur une nouvelle mission « EIFFAGE » concernant la construction d'une autoroute en [Localité 1] et pour laquelle, il y avait urgence à donner une réponse au client. Monsieur [Y], certainement mécontent d'avoir été mis en congé à cette période, va répondre qu'il donnera sa réponse à son retour de congé, ce qui est légitime en soi, mais en contradiction avec la marque d'intérêt qu'il avait exprimée pour cette mission.

Il s'ensuivra des échanges peu amènes où la société GEMO va reprocher à Monsieur [Y] une « attitude n'étant pas coopérative voire même comme un refus masqué par une attitude désinvolte ». Compte-tenu du contexte et de la personnalité de Monsieur [Y], la Cour estime que la société GEMO n'aurait pas dû proposer une nouvelle mission à Monsieur [Y] pendant cette période de congé qui était très mal vécu par son salarié et n'a fait qu'envenimer une situation de plus en plus conflictuelle.

Cependant, cette situation est insuffisante pour caractériser des manquements graves de l'employeur rendant impossible le maintien de la relation de travail.

Dans ce contexte de tensions persistantes entre les parties, Monsieur [Y] a été affecté à la mission « Entrepôts Mac Donald » qu'il considère comme un déclassement au motif qu'il aurait été contraint de travailler sous l'autorité d'un autre ingénieur.

La société GEMO démontre que cette analyse relève davantage d'une perception erronée de la réalité dans la mesure où Monsieur [Y] avait le même niveau de responsabilité que Monsieur [T]. Elle établit que Monsieur [Y] a mal vécu de travailler en binôme et que cette mission s'est à nouveau soldée par un échec pour Monsieur [Y].

En effet, le client a demandé le remplacement de celui-ci en raison de son irascibilité et son incapacité à communiquer avec les autres intervenants sur la mission.

La société GEMO produit un courrier de Monsieur [Z] qui a déploré dans un courrier du xxxp26 « le comportement polémique de Monsieur [Y] compliquait particulièrement l'exécution des prestations de la société GEMO dans le cadre des relations avec l'ensemble des maîtres d'ouvrages qui ont préféré ne pas faire participer leurs prestataires aux réunion que Monsieur [Y] animait'.. » et a « jugé préférable de demander le retrait de Monsieur [Y] ».

Dans ces conditions, la Cour estime que les reproches formulés par la société GEMO à l'encontre de Monsieur [Y] à l'occasion de la mission « Entrepôt MAC Donald» sont fondés et légitimes et qu'ils ne peuvent constituer des éléments en faveur d'une dégradation des conditions de travail imputable à l'employeur.

Il résulte de l'analyse de l'abondante correspondance entre les parties que Monsieur [Y] remet en cause chaque propos ou décision de la société GEMO. Il a ainsi adressé un nombre impressionnant de courriers recommandés avec accusé de réception qui sont une succession de contestations sans fondement créant un climat de polémique sans fin et portant atteinte au pouvoir de direction de la société GEMO.

En conséquence de quoi, la Cour constate que la société GEMO était fondée, en application de son pouvoir de direction, à formuler des reproches à Monsieur [Y] sur son comportement relationnel dans les situations examinées.

Dès lors, il convient de dire que Monsieur [Y] est défaillant à établir que la société GEMO a manqué gravement à ses obligations pour avoir dégrader ses conditions de travail au point de rendre impossible la relation de travail.

Sur les jours RTT :

Monsieur [Y] prétend que la société GEMO a refusé de lui régler les jours de récupération qu'elle lui devait au titre de la réduction du temps de travail et des week-ends et nuits travaillés.

Il expose qu'il a été en mission au sein de la société AREP de janvier 2006 à juin 2012 et qu'il a été contraint de travailler les vendredi après-midi, les week-ends et certaines heures de nuit ce qui a entrainé des dépassements d'horaires de travail.

Monsieur [Y] produit des tableaux qu'il a réalisé lui-même pour établir que la société ne lui a pas réglé des jours où il aurait travaillés.

Il prétend qu'en totalisant, sur la période 2006-2012, les jours de RTT à réintégrer, les journées de récupération au titre de repos compensateur, les congés payés à réintégrer et le reliquat des RTT figurant sur son récapitulatif, il lui reste dus 166,5 jours à indemniser ce qui est contesté par la société GEMO.

Il convient de souligner que les demandes antérieures au 29 octobre 2007 sont prescrites sur le fondement de l'article L. 3245-1 du Code du travail, Monsieur [Y] ayant saisi le Conseil de Prud'hommes le 29 octobre 2012.

Il ressort du tableau récapitulatif établi par la société GEMO que Monsieur [Y] a été intégralement rempli de ses droits au titre de la réduction du temps de travail et de ses repos compensateurs, qui sont décomptés dans un compteur commun par la société GEMO pour les années 2007-2012.

Ainsi, en confrontant le nombre de jours de RTT et de repos compensateurs « RC » réclamés par Monsieur [Y], tel qu'il résulte de ses propres tableaux récapitulatifs et le nombre de jours RTT/RC qu'il a effectivement pris, la Cour constate que Monsieur [Y] a bénéficié de la totalité des jours de RTT et RC auxquels avait droit sur les années 2007-2012.

Sur les jours de congé supplémentaire pour fractionnement :

Monsieur [Y] soutient que depuis 2006, la charge de travail imposée par la société GEMO a conduit à ce qu'il prenne des congé d'une durée minimale de 12 jours ouvrables et que la société GEMO ne lui a pas accordé de congé supplémentaire dû à ce fractionnement comme le prévoit l'article L3141-19 du code du travail.

Selon son décompte, il revendique 10 jours de congé supplémentaire pour fractionnement, soit la somme de 2511,36 euros.

La société GEMO justifie avoir recrédité 6 jours de congés payés sur son bulletin de paie d'octobre 2012.

En effet, il ressort des bulletins de paie de septembre 2012 à novembre 2012 inclus que le compteur de congés payés restants de Monsieur [Y] est resté inchangé sur ces trois mois du fait de la réintégration de ces 6 jours, et que ce n'est qu'en décembre 2012 que le compteur a diminué du fait de la prise normale de ses congés par Monsieur [Y]

Il ressort du bulletin de paie de juin 2014 que le compteur des congés payés restant dus à Monsieur [Y] s'élève à 117 jours, les congés manquants ayant été recrédités à Monsieur [Y] lors de la mise à jour annuelle des congés payés de l'ensemble des salariés, soit un total de 123 jours recrédités à Monsieur [Y] sur les 123 jours qu'il sollicitait.

La Cour constate que la société GEMO n'a commis aucun manquement grave concernant les congés payés de Monsieur [Y] qui dispose actuellement des 123 jours de congés payés qu'il réclamait.

Sur le remboursement des frais professionnels :

Monsieur [Y] expose que la société GEMO a refusé sans motif légitime de lui rembourser des frais professionnels qu'il évalue à 808,34 euros alors selon lui qu'il a toujours respecté les règles en vigueur au sein de l'entreprise.

Il estime qu'il s'agit d'une nouvelle preuve de la dégradation de ses conditions de travail qui caractérise un manquement de l'employeur à son obligation de bonne foi.

Il résulte des éléments du dossier et des débats que la société GEMO a mis en place une procédure de remboursement des frais professionnels depuis le 31 mars 2008, qui a été renforcée le 31 octobre 2009 après avoir « constaté quelques abus - voire des incohérences flagrantes dans certaines demandes de remboursassent des frais professionnels »

Aux termes d'une note d'information, la société GEMO indique que les salariés devront se conformer à la procédure de remboursement « à compter du 1er novembre 2009 (. . .) faute de quoi elle sera dans l'obligation de refuser purement et simplement, le paiement de certaines notes ».

Monsieur [Y] qui fait état d'une « vindicte personnelle » de Monsieur [W] [L] à son encontre notamment en ce qui concerne les notes de frais qu'il a émises en 2012.

Cependant, il ressort des éléments du dossier que Monsieur [W] [L] est chargé de vérifier les frais exposés et pièces justificatives au même titre que Messieurs [O] [L] et [R].

Il ne peut donc s'agir d'un acharnement à l'égard de Monsieur [Y], qui est traité comme tous les autres salariés de la société.

Dans son courrier du 3 janvier 2013, Monsieur [W] [L] ne fait que rappeler à Monsieur [Y] les termes de la note, qu'il joint pour mémoire audit courrier.

Monsieur [Y] était d'ailleurs parfaitement au courant de cette note d'information sur les nouvelles modalités de remboursement des frais professionnels qui a été adressée aux salariés à l'occasion de l'envoi des paies d'octobre 2009 et qu'il verse lui-même aux débats.

La Cour relève que la société GEMO était parfaitement fondée à refuser de rembourser les frais professionnels litigieux, en l'occurrence ceux du mois de novembre 2012.

En effet, comme l'explique Monsieur [W] [L] à Monsieur [Y] dans son courrier du 3 janvier 2013, aucun retard n'est à déplorer dans l'examen de ses notes de frais puisque Monsieur [Y] les a déposées après le 5 du mois suivant, ce qui repousse leur examen au mois suivant, comme le prévoit la circulaire.

De plus, Monsieur [Y] n'a pas respecté la note d'information relative au remboursement des frais professionnels puisqu'il a adressé à la société GEMO des notes vieilles de quatre mois, soit un mois de plus que le délai imparti au titre de la circulaire.

Monsieur [Y] ne respecte pas plus la procédure en vigueur au titre du remboursement des frais de restaurant car il sollicite le remboursement de repas qui n'ont pas été préalablement approuvés par la Direction.

La société GEMO était donc parfaitement en droit d'appliquer la sanction prévue par la note d'information qui exclut le remboursement des frais dans une telle situation.

En outre, Monsieur [Y] est mal fondé à revendiquer le remboursement de ses frais de transport puisqu'il n'a pas souscrit au contrat Navigo Annuel Entreprise.

La Cour constate que de janvier 2013 à octobre 2013, que Monsieur [Y] ne s'était toujours pas conformé à cette instruction et partant, à la procédure en vigueur au sein de la société puisqu'il a continué d'adresser au remboursement des tickets de transport à l'unité.

Enfin, la Cour relève que Monsieur [Y] n'a subi aucun préjudice, puisque les frais qui devaient être remboursés lui ont été réglés dans le cadre de la présente instance.

La Cour constate que la société GEMO a exécuté son obligation de remboursement des frais professionnels exposés par Monsieur [Y] en application de la procédure interne en vigueur et portée à la connaissance de l'ensemble des salariés.

Sur l'information relative à la prime d'intéressement et à la prime de participation

Monsieur [Y] expose que la société GEMO a informé les salariés par une note jointe au bulletin de paie de juillet 2013 qu'elle ne pourrait leur allouer de prime participation.

Il estime que la société GEMO a manqué à ses obligations de transparence et de bonne foi en ne communiquant à la délégation unique du personnel les éléments comptables sur les résultats de la société.

Il ajoute qu'il n'a pas reçu personnellement d'information sur la prime de participation et d'intéressement ce qu'il l'a mis dans l'impossibilité de connaître le montant des primes pour les dernières années.

Cependant, il ressort des emails adressés par Madame [R] à Madame [M] [B], secrétaire de la délégation unique du personnel, des 29 juillet 2010 et 26 juin 2012 que la société GEMO a délivré aux salariés et aux membres de la délégation unique du personnel les informations relatives aux primes de participation au titre des années 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011, les années 2010 et 2011 n'ayant pas permis de dégager une réserve de participation positive ;

La société GEMO verse aux débats les compte-rendu des réunions des représentants du personnel établis chaque année depuis 2006, qui démontrent que les représentants du personnel ont toujours été régulièrement informés du montant ou de l'absence, selon les années, des primes de participation et d'intéressement

La Cour constate que la société GEMO a régulièrement communiqué les informations relatives à la participation et à l'intéressement aux membres de la délégation unique du personnel pour les années litigieuses et que Monsieur [Y] verse lui-même aux débats son bulletin de salaire du mois de juillet 2013 auquel est annexée la note d'information individuelle relative aux primes de participation au titre des années 2006 à 2012 incluse

En conséquence, Monsieur [Y] ne peut sérieusement soutenir qu'il n'a pas reçu une information suffisante pour être en mesure de connaître le montant de la prime de participation et le montant de la prime d'intéressement pour les dernières années.

Sur la prime conventionnelle de vacances :

Monsieur [Y] sollicite le paiement de la prime conventionnelle de vacances depuis son embauche, soit depuis le 2 novembre 2009. Il estime que la régularisation intervenue depuis la saisine du Conseil de Prud'hommes confirme bien les manquements de la société qu'il dénonce.

Il est établi par les pièces de la procédure que les bulletins de salaire de Monsieur [Y], à l'exception de celui du mois de juin 2013, ne font état d'aucun règlement de la prime de vacances.

La société GEMO, à la demande de Monsieur [Y] a régularisé la situation en procédant à des règlements au mois de juin 2013 et de juin 2014 relatifs des règlements de la prime de vacances de 612 euros, correspondant aux périodes de juin 2012 à mai 2013 puis de juin 2013 à mai 2014, puis en versant le reliquat de prime de vacances 2009-2012 dû à Monsieur [Y] en juillet 2014.

La régularisation intervenue au jour de l'audience ne permet plus à Monsieur [Y] d'invoquer ce motif pour justifier une demande de résiliation judiciaire.

Sur les mises en congés forcés :

Monsieur [Y] prétend qu'en 2005 et 2012, il a fait l'objet d'une mise en congés forcés qui devraient s'analyser en sanctions disciplinaires illicites.

-Sur les congés du 26 au 31 décembre 2005 et du 2 au 7 janvier 2006

La Cour constate que cette période est couverte par la prescription et qu'elle ne peut donc pas être invoquée par Monsieur [Y] pour justifier sa demande actuelle de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

-Sur les congés du 10 septembre au 6 octobre 2012

En second lieu, Monsieur [Y] affirme qu'il a été mis en congés forcés du 10 septembre au 6 octobre 2012 inclus. Il invoque un courrier du 12 septembre 2012 dans lequel la société GEMO lui apprend qu'elle lui refuse une nouvelle mission et le contraint à prendre 4 semaines de congés ce qui démontre selon lui qu'il s'agit en fait d'une sanction disciplinaire déguisée.

Il ressort d'un courrier de la société GEMO adressé à Monsieur [Y] le 12 septembre 2012 que la société GEMO distingue clairement, sous forme de paragraphes titrés : les reproches qu'elle formule à l'égard de Monsieur [Y] : renvoi de l'opération [V]/[D] et point sur les RTT et CONGES PAYES.

Contrairement aux allégations de Monsieur [Y], la société GEMO lui rappelle qu'il a été renvoyé de la mission [V]/[D] par le client, que le client du marché « BON MARCHE » n'avait pas été satisfait de sa prestation, tout comme le client « Hangar AIR FRANCE » et le client « AREP » qui a refusé de reprendre Monsieur [Y] pour une nouvelle mission.

La société GEMO, loin d'avoir une quelconque velléité de rabaisser ou de vexer son salarié et encore moins de vouloir le sanctionner s'interroge sur l'évolution du trajet professionnel après 22 ans au sein de la société GEMO en ayant une attitude bienveillante tout en précisant qu'elle ne saurait être tributaire des sautes d'humeur ou d'accès de démotivation de Monsieur [Y] constatés par certains clients de la société.

La société GEMO indique dans ce courrier, après avoir constaté que Monsieur [Y] a pris à tort des jours de RTT « dans l'intérêt commun, vous devez vous reposer, prendre du recul et utiliser une partie des 67 jours ouvrables de congés payés vous restant acquis....et il apparaît opportun que vous liquidiez, dés à présent, 4 semaines de congés payés ».

D'où il suit que Monsieur [Y] est défaillant à établir que la société GEMO a prononcé à son encontre des sanctions disciplinaires déguisées sous la forme de mise en congés forcée.

Dès lors, la Cour constate que Monsieur [Y] ne rapporte pas la preuve de manquements graves et actuels de son employeur qui rendraient impossibles la relation de travail et justifieraient la résiliation de son contrat de travail aux torts de la société GEMO, étant précisé qu'au jour de l'audience, Monsieur [Y] était toujours en poste au sein de la société GEMO.

La Cour relève par ailleurs que les litiges portant sur le paiement des jours de RTT, des congés payés, de la prime de vacances et le remboursement des frais professionnels ont tous été régularisés au jour du bureau du jugement, soit le 11 juillet 2014 et ne peuvent dès lors être invoqués pour justifier la résiliation du contrat de travail pour manquements graves de l'employeur.

En conséquence de ce qui précède, la Cour infirme le jugement du Conseil de Prud'hommes rendu le 19 septembre 2014 en toutes ses dispositions et déboute Monsieur [Y] de l'intégralité de ses demandes.

Sur l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

Monsieur [Y] qui succombe sera tenu aux entiers dépens de l'instance.

Il serait inéquitable de laisser supporter à la société GEMO la charge des frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour faire valoir ses droits.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la Cour condamne Monsieur [Y] à payer, en cause d'appel, à la société GEMO la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et contradictoirement :

INFIRME le jugement rendu le 19 septembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes de Paris en toutes ses dispositions ;

DEBOUTE Monsieur [E] [Y] de l'intégralité de ses demandes ;

CONDAMNE Monsieur [E] [Y] à payer à la société GEMO la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE Monsieur [E] [Y] aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 14/12723
Date de la décision : 05/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°14/12723 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-05;14.12723 ?
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