Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRET DU 03 NOVEMBRE 2015
(n° 2015/ 370 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/03314
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Janvier 2014 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 12/02132
APPELANTE
SA LA BANQUE POSTALE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 421 100 645
Représentée et assistée par Me Sandrine DOREL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0661
INTIMÉES
Madame [S] [W] épouse [E]
née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1] (Algérie)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée et assistée par Me Emmanuel CONSTANT de la SELARL CB Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C0639
SA CNP ASSURANCES agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
N° SIRET : 341 737 062
Représentée par Me Thierry LACAMP, avocat au barreau de PARIS, toque : D0845
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Septembre 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Christian BYK, Conseiller et Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère entendue en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente de chambre
Monsieur Christian BYK, Conseiller
Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Madame Catherine LE FRANÇOIS, présidente et par Madame Catherine BAJAZET, greffier présent lors du prononcé.
'''''
Le 10 janvier 2003, Mme [S] [W] épouse [E] a adhéré au contrat Ascendo, contrat collectif d'assurance sur la vie souscrit par la Poste (devenue depuis lors La Banque Postale) auprès de la SA CNP ASSURANCES. Elle a effectué un versement de 154.800€ sur le support en euros du contrat dénommé Ascendo-Euros.
Le 2 février 2007, la SA CNP ASSURANCES a exécuté un arbitrage consistant à désinvestir la somme de 80000 € du support Ascendo-Euros pour la réinvestir (par moitié) sur deux supports en unités de compte : LBPAM Profil 80 à hauteur et LBPAM Actions Développement Durable.
Dans le courant du mois de février 2007, un somme complémentaire de 7500 € a été investie sur le support en unités de compte LBPAM Actions développement durable.
Mme [S] [E] a, par courriers de son conseil des 3 octobre 2009 et 25 mars 2010, contesté avoir signé la moindre demande d'arbitrage, puis par acte du 1er février 2012, elle a fait assigner la BANQUE POSTALE et la SA CNP ASSURANCES devant le tribunal de grande instance de Paris recherchant la responsabilité contractuelle de la première pour défaut de vigilance dans la vérification de l'arbitrage du 2 février 2007.
Par jugement en date du 30 juin 2014, le tribunal de grande instance de Paris a, rejetant les fins de non recevoir tirées de la prescription, condamné la BANQUE POSTALE à payer à Mme [S] [E] la somme de 22 689,69€ en réparation de son préjudice financier, l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, et a condamné la BANQUE POSTALE au paiement de la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration en date du 13 février 2014, la BANQUE POSTALE a relevé appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions signifiées le 5 août 2014, elle demande à la cour, de déclarer irrecevable comme nouvelle, la demande de Mme [S] [E] en paiement de dommages et intérêts complémentaires et infirmant le jugement déféré de constater que l'action de Mme [S] [E] est prescrite et donc irrecevable. Elle sollicite, à titre subsidiaire, que la cour confirme la décision déférée en ce qu'elle rejette la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et l'infirmant pour le surplus, de débouter Mme [S] [E] de ses demandes et de la condamner à restituer la somme de 24 689,69€ versée au titre de l'exécution provisoire, outre une indemnité de procédure de 4000€ et aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 8 juillet 2015, Mme [S] [E] soutient la confirmation du jugement entrepris, et sollicite une somme complémentaire de 6952€ au titre d'un manque à gagner complémentaire jusqu'au 6 août 2012, outre une indemnité de procédure de 4000€ et les dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières concluions signifiées le 27 août 2014, la SA CNP ASSURANCES soutient la réformation du jugement en ce qu'il a écarté la fin de non recevoir qu'elle a soulevée en première instance et a rejeté sa demande au titre des frais irrépétibles, demandant à la cour de déclarer irrecevable comme prescrite l'action exercée à son encontre par Mme [S] [E] et de la condamner au paiement de la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture est intervenue le 31 août 2015.
SUR CE, LA COUR
Considérant, s'agissant des fins de non-recevoir, que la BANQUE POSTALE et la SA CNP ASSURANCES prétendent que l'action engagée à l'encontre de chacune d'elles est atteinte par la prescription biennale de l'article L 114-1 du code des assurances, la BANQUE POSTALE revendiquant sa qualité de courtier ; que Mme [S] [E] objecte qu'elle recherche la responsabilité de la BANQUE POSTALE en tant qu'établissement financier;
Considérant qu'en application de l'article L114-1 du code des assurances, 'Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance' que Mme [S] [E] recherche la responsabilité contractuelle de la BANQUE POSTALE qui n'aurait pas été suffisamment vigilante lors de la signature de l'arbitrage du 2 février 2007 ; que cette société insiste sur son intervention en tant que courtier, soit comme mandataire de Mme [S] [E] et dès lors, l'action en responsabilité exercée à son encontre ne dérive pas du contrat d'assurance ;
Que la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle écarte la fin de non recevoir soulevée par la BANQUE POSTALE ;
Qu'en revanche, l'action de Mme [S] [E] à l'encontre de la SA CNP ASSURANCES, même en l'absence de demandes à son égard, ne peut avoir pour fondement que sa contestation de l'arbitrage du 2 février 2007, soit un événement lié à l'exécution du contrat d'assurance et datant de plus de deux ans avant l'introduction de l'instance ; que l'action de Mme [S] [E] à l'encontre de cette société sera déclarée irrecevable, la décision déférée devant être infirmée en ce qu'elle écarte cette fin de non recevoir ;
Considérant que la demande de dommages et intérêts complémentaires de Mme [S] [E] est recevable en application de l'article 566 du code de procédure civile, dès lors qu'elle n'est que l'accessoire et le complément de la demande principale, telle que présentée en première instance ;
Considérant au fond, que la BANQUE POSTALE nie toute faute lors de l'opération d'arbitrage du 2 février 2007, étayant son argumentation par le témoignage de sa chargée de clientèle ; qu'elle relève que la signature de Mme [S] [E] n'est pas constante et ajoute que l'arbitrage n'a pas été contesté avant 2009, malgré la réception de nombreux documents, le courrier de réclamation prétendument adressé par Mme [S] [E] étant, à l'évidence, antidaté ; que Mme [S] [E] relève la différence entre la signature figurant au contrat et celle de l'arbitrage, ce qui ne pouvait échapper à un employé de banque normalement diligent, écartant l'attestation produite par la BANQUE POSTALE établie pour les besoins de la cause, par une personne sous la subordination de l'intimée ;
Considérant en premier lieu, que l'argumentation de Mme [S] [E] repose exclusivement sur l'absence de conformité de sa signature à l'acte litigieux ; or, ainsi que le relève la BANQUE POSTALE, la signature qui figure sur l'acte de souscription de 2003 diffère, dans ses éléments caractéristiques (orientation, soulignement, caractère délié ou non de l'écriture) de celles apparaissant des pièces incontestables et non-contestées (carte d'identité, courrier daté du 14 mars 2007, arbitrage de 2012), aucune de ses signatures ne correspondant à celle de l'acte litigieux comme d'ailleurs à celle d'une autre opération réalisée en février 2007 (un versement de 7500€), ce dernier acte ne pouvant sérieusement être contesté par Mme [S] [E] dans la mesure où elle s'interrogeait en première instance, sur l'effectivité du versement ;
Qu'au surplus, Mme [A] conseillère clientèle de Mme [S] [E] a attesté dans ces termes : 'le 2 février 2007, j'ai reçu Mme [E] concernant son contrat ASCENDO souscrit en 2003, accompagnée de son époux M. [E]. Les époux [E] m'ont indiqué qu'ils trouvaient le rendement du contrat en euros insuffisant. Pour obtenir plus de rentabilité, je leur ai proposé de mettre une partie du contrat en OPCVM Actions en accord avec le conseiller spécialisé en patrimoine de La Banque Postale. Je leur ai expliqué de quoi il s'agissait et leur ai donné les documents correspondants. Mme [E] assisté de son époux a alors signé la demande d'opérations financières le 2/2/2007 afin d'effectuer un arbitrage de 80.000 €. Durant les 2 années suivantes, je n'ai pas eu de nouvelles de Mme [E] et son époux qui ont déménagé sans donner leur nouvelle adresse et leur numéro de téléphone. En février 2009, j'ai revu Mme [E], toujours accompagnée de son époux, à l'occasion de l'ouverture d'un compte pour leur fils. J'ai profité de cette occasion pour parler de la situation du contrat Ascendo de Mme [E]. Je leur ai expliqué que l'ampleur de la crise, que personne ne pouvait prévoir, avait entraîné une baisse de gains mais que le capital n'avait pas été touché et que la situation en 2011, à l'échéance fiscale du contrat, serait certainement redevenue meilleure, Mme [E] n'a pas accepté la situation et a décidé de prendre un avocat' ;
Que ce témoignage ne peut être écarté au seul motif qu'il émane d'une employée de la BANQUE POSTALE dès lors qu'il est circonstancié et que sa teneur est confortée non seulement par l'absence de réaction de Mme [S] [E], jusqu'en mars 2009, alors qu'elle avait reçu les 13 février et 30 juin 2007, les courriers qu'elle produit et qui se rapportent à l'opération litigieuse mais également par sa tentative maladroite de conforter son allégation de démarches à leur réception, sa pièce n°5 étant manifestement antidatée (du 14 mars 2007), puisqu'il y ait indiqué que le 'contrat est arrivé à échéance en 2011";
Que dès lors, l'arbitrage ayant été validé par Mme [S] [E] en présence de sa conseillère, celle-ci n'avait nullement à vérifier la conformité de la signature portée au document soumis à sa signature par rapport à celle figurant sur l'acte de souscription, la décision déférée devant être infirmée et Mme [S] [E] déboutée de l'intégralité de ses demandes ;
Qu'en revanche, il n'y a pas lieu de lui ordonner expressément de rembourser les sommes versées en exécution de la décision de première instance, tant une telle restitution est d'ores et déjà de plein droit acquise par le seul effet de l'infirmation du jugement entrepris, et ce, avec intérêts courant eux-mêmes de plein droit au taux légal à compter de la signification du présent arrêt infirmatif ;
Considérant que l'équité commande d'appliquer tant en première instance qu'en cause d'appel les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la SA CNP ASSURANCES à ce titre, Mme [S] [E] étant condamnée à versée à ses adversaires les sommes indiquées ci-dessous ;
Considérant que Mme [S] [E] partie perdante sera condamnée de dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 30 juin 2014 en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par la BANQUE POSTALE et l'infirme dans toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant ;
Déclare irrecevable l'action engagée par Mme [S] [E] à l'encontre de la SA CNP ASSURANCES ;
Déclare recevable la demande de dommages et intérêts complémentaires formée par Mme [S] [E] ;
Déboute Mme [S] [E] de ses demandes ;
Condamne Mme [S] [E] à payer à la BANQUE POSTALE et à la SA CNP ASSURANCES la somme de 1500 à chacune, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [S] [E] aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE