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29/10/2015 | FRANCE | N°14/04341

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 29 octobre 2015, 14/04341


Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 29 Octobre 2015

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/04341
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Avril 2014 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de PARIS RG no 13/ 08849

APPELANTES Madame Christine X... ... 34920 LE CRES comparante en personne, assistée de Me Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053 substitué par Me Inès ANDREO, avocat au barreau de PARIS, toque : R147

Syndicat SNRT-CGT 7 esplanade Henri de France 75907 PARIS CEDEX 15 représentée par Me Joyce KTORZA,

avocat au barreau de PARIS, toque : B0053 substitué par Me Inès ANDREO, avocat au barr...

Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 29 Octobre 2015

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/04341
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Avril 2014 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de PARIS RG no 13/ 08849

APPELANTES Madame Christine X... ... 34920 LE CRES comparante en personne, assistée de Me Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053 substitué par Me Inès ANDREO, avocat au barreau de PARIS, toque : R147

Syndicat SNRT-CGT 7 esplanade Henri de France 75907 PARIS CEDEX 15 représentée par Me Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053 substitué par Me Inès ANDREO, avocat au barreau de PARIS, toque : R147, M. Christian Y... (Délégué syndical) en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE Société FRANCE TELEVISIONS 7 esplanade Henri de France 75907 PARIS CEDEX 15 représentée par Me Pascal SAINT GENIEST, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine MÉTADIEU, Présidente de chambre, chargé du rapport, et Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-présidente placée
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Catherine MÉTADIEU, Présidente de chambre Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-présidente placée Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère

qui en ont délibéré
Greffier : Madame Céline BRUN, lors des débats
ARRET :- CONTRADICTOIRE-prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile-signé par Madame Catherine MÉTADIEU, présidente et par Madame Céline BRUN, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

FAITS ET PROCÉDURE

Christine X... a été engagée à compter du 25 novembre 1996 en qualité de scripte par la société France 3 selon une succession de contrats de travail à durée déterminée reconduits jusqu'à ce jour pour divers motifs.
La relation de travail est régie par la convention collective de la communication et de production audiovisuelles-Cccpa.
Estimant que son contrat de travail devait être requalifié en contrat à durée indéterminée, Christine X... a, le 12 juin 2013, saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le syndicat Snrt-Cgt intervenant à l'instance.
Par jugement en date du 8 avril 2014, le conseil de prud'hommes a débouté Christine X... et le syndicat Snrt-Cgt de l'ensemble de leur demande.
Appelante de cette décision, Christine X... demande à la cour de l'infirmer et statuant à nouveau, de :- requalifier ses contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps plein depuis le 25 novembre 1996- juger que la relation de travail se poursuit en contrat à durée indéterminée à temps plein En conséquence, A titre principal,- fixer son salaire de base à la somme de 3 545 ¿- condamner la société France Télévisions à lui verser les sommes de : ¿ 134 314 ¿ de rappel salaire, ¿ 13 431 ¿ de congés payés afférents, A titre subsidiaire,- fixer son salaire de base à la somme de 3 300 ¿- condamner la société France Télévisions à lui verser les sommes de : ¿ 121 577 ¿ de rappel salaire, ¿ 12 157 ¿ de congés payés afférents, En tout état de cause,- condamner la société France Télévisions à lui payer les sommes suivantes : ¿ 20 000 ¿ d'indemnité de requalification, ¿ 19 690 ¿ de rappel de prime d'ancienneté, ¿ 1 969 ¿ de congés payés afférents, ¿ 9383 ¿ de rappel de prime de fin d'année, ¿ 1 560 ¿ au titre des mesures Ftv, ¿ 5 714 ¿ au titre du supplément familial, ¿ 5 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat Snrt-Cgt, intervenant volontaires, sollicite les sommes de : ¿ 10 000 ¿ à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail ¿ 1 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société France Télévisions conclut à la confirmation du jugement déféré ainsi qu'au débouté de Christine X.... A titre subsidiaire, elle demande à la cour de :- requalifier la relation de travail en une relation à temps partiel de 67 % En conséquence,- limiter à la somme de 2 223, 16 ¿ l'indemnité de requalification éventuellement due à Christine X...- dire que c'est sur la base d'un salaire mensuel brut de 2 223, 16 ¿ que serait susceptible de se poursuivre la relation contractuelle à durée indéterminée-débouter en toute hypothèse Christine X... du surplus de ses demandes-dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Christine X... et du syndicat Snrt-Cgt-débouter le syndicat Snrt-Cgt de l'ensemble de ses demandes.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.
MOTIVATION
Sur la requalification :
Christine X... se prévalant tout à la fois des dispositions de l'accord-cadre du 18 mars 1999, conclu entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale représentatives dans l'Union Européenne, des employeurs privés ou publics et des syndicats ouvriers, et des dispositions d'ordre public des articles L. 1221-2 et L. 1242-1 et suivants du code du travail estime illicite la succession de contrats de travail à durée déterminée conclus par les parties.
Outre le fait que la société France Télévisions ne démontre pas quelles circonstances précises et concrètes seraient susceptibles, s'agissant des fonctions de scripte exercées par la salariée, de caractériser des raisons objectives au sens de l'accord cadre ci-dessus mentionné, le recours à une succession de contrats de travail à durée déterminée pendant 18 ans, il ne peut qu'être constaté qu'elle n'établit pas plus :- que le contrat de travail était par nature temporaire, que son objet n'était notamment pas de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente l'entreprise, et qu'il était d'usage pour l'emploi de scripte de recourir à des contrats de travail à durée déterminée,- que les motifs allégués étaient sincères, la référence à un remplacement comme à un accroissement d'activité pour, comme en l'espèce, satisfaire à un besoin structurel étant dépourvue, étant inopérant au regard notamment de la durée de la relation de travail.

Il convient par conséquent, infirmant le jugement déféré, de requalifier la relation de travail entre Christine X... et la société France Télévisions en contrat à durée indéterminée.
Sur la demande de requalification en temps plein :
Selon l'article L. 3123-14 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne : 1o la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; 2o les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ; 3o les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ; 4o les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée du travail fixé par le contrat.

En l'absence d'un écrit constatant l'existence d'un contrat de travail à temps partiel, le contrat qui a lié les parties est présumé conclu pour en horaire à temps complet.
Si l'absence de contrat écrit fait présumer que l'emploi est à temps complet, l'employeur a toutefois la faculté d'apporter la preuve de l'existence d'un contrat à temps partiel.
Christine X... fait valoir qu'elle ne savait jamais quand et combien de fois par mois, l'employeur l'appellerait pour la faire travailler, que les plannings qui lui étaient remis n'avaient qu'une valeur indicative et étaient en permanence modifiés, qu'elle se consacrait exclusivement à l'activité de la société France Télévisions, son unique employeur, qu'elle était à sa disposition permanente.
La société France Télévisions expose que Christine X... conservait toute latitude pour prendre l'emploi de son choix quelle qu'en soit la nature et la durée, que ses revenus fiscaux même partiels montrent qu'elle avait d'autres sources de revenus que la rémunération versée par France Télévisions, ne serait-ce qu'un différentiel de salaire et les allocations de chômage.
Force est de constater que Christine X... était dès lors que ses plannings n'étaient validés qu'au dernier moment dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler. Elle est par conséquent fondée à solliciter la requalification de sa collaboration avec la société France Télévisions en contrat à durée indéterminée à temps complet.

Sur les demandes de Christine X... :
Il convient pour la fixation du salaire auquel Christine X... aurait pour prétendre de se référer au salaire de base qui aurait été le sien si elle avait bénéficié d'un contrat à durée indéterminée depuis le début de la relation contractuelle, le salaire journalier qui lui était versée dans le cadre des contrats de travail à durée déterminée étant majoré afin de tenir compte de la précarité résultant nécessairement de ce type de contrat. Son salaire sera fixé à la somme de 3 300 ¿ par référence à celui de deux scriptes ayant une ancienneté proche de celle de Christine X..., la première Madame C..., 18 ans d'ancienneté, groupe 6S niveau E12 percevant un salaire de base de 3236 ¿ et la seconde, 19 ans d'ancienneté, percevant 3 388 ¿.

Sur cette base Christine X... peut prétendre à :-3 300 ¿ d'indemnité de requalification,-121 577 ¿ de rappel de salaire,-12 157 ¿ de congés payés afférents, ainsi qu'aux primes et avantages dont bénéficient les salariés de la société France Télévisions à savoir :-19 690 ¿ de prime d'ancienneté,-1 969 ¿ de congés payés afférents,-9 383 ¿ de prime de fin d'année,-5 174 ¿ de supplément familial,-1 560 ¿ de mesures Ftv

Sur l'intervention du syndicat Snrt-Cgt :
L'emploi par la société France Télévisions sur des postes permanents de salariés selon des contrats de travail à durée déterminée, dont les conditions de recours sont strictement délimitées par la loi, met en cause les droits individuels de la salariée mais aussi ceux de l'intérêt collectif de la profession dont le syndicat Snrt-Cgt assure la représentation. Il convient de condamner la société France Télévisions à lui verser la somme de 2 000 ¿ à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à ce titre :- à Christine X... la somme de 2 000 ¿- au syndicat Snrt-Cgt la somme de 1 000 ¿.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement déféré

Statuant à nouveau,
Requalifie les contrats de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée à compter du 25 novembre 1996
Dit que la relation de travail se poursuit en un contrat à durée indéterminée
Fixe le salaire de base de Christine X... à la somme de 3 300 ¿
Condamne la société France Télévisions à lui verser les sommes de :-3 300 ¿ d'indemnité de requalification,-121 577 ¿ de rappel de salaire,-12 157 ¿ de congés payés afférents,-19 690 ¿ de prime d'ancienneté,-1 969 ¿ de congés payés afférents,-9 383 ¿ de prime de fin d'année,-5 174 ¿ de supplément familial,-1 560 ¿ de mesures Ftv

Condamne la société France Télévisions à verser au syndicat Snrt-Cgt la somme de 2 000 ¿ de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail
Condamne la société France Télévisions à verser les sommes suivantes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :-2 000 ¿ à Christine X...-1 000 ¿ au syndicat Snrt-Cgt la somme de 1 000 ¿.

Condamne la société France Télévisions aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 14/04341
Date de la décision : 29/10/2015
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2015-10-29;14.04341 ?
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