RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6- Chambre 9
ARRÊT DU 28 Octobre 2015
(no, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/ 10314
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 26 septembre 2013 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL-section encadrement-RG no 12/ 02179
APPELANT
Monsieur Peter X...
...
92410 VILLE D AVRAY
né le 30 Avril 1961 à BUDAPEST
représenté par Me Véronique DUMOULIN PIOT, avocat au barreau de VERSAILLES, 507 substitué par Me Julie THIBAULT, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMEE
SA AIR LIQUIDE SANTE INTERNATIONAL
75 Quai d'orsay
75007 PARIS
Siret no 552 134 728
représentée par Me Cyprien PIALOUX, avocat au barreau de PARIS, P0461
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Agnès DENJOY, conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine SOMMÉ, président
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Madame Agnès DENJOY, conseiller
Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats
ARRET :
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. Peter X... a été engagé par la société Air Liquide Santé International suivant contrat à durée indéterminée en date du 23 septembre 1996 en qualité d'« International project manager », responsable des gaz médicaux, activité dépendant de la convention collective nationale des industries chimiques.
En 2008, M. X... a accédé aux fonctions de directeur business développement zone Europe centrale et de l'Est au sein de la même société.
Le salarié a été amené à signer par la suite, dans des conditions qui font l'objet du présent litige, un avenant à son contrat, daté du 31 janvier 2012 aux termes duquel il était chargé d'un nouveau poste défini comme étant « senior marketing manager ».
Alors qu'il devait occuper son poste à partir du début du mois d'avril 2012, M. X... a refusé ; la société lui a donné un délai jusqu'au 3 mai suivant et le salarié, ayant à nouveau refusé de prendre ses nouvelles fonctions, a été licencié pour cause réelle et sérieuse le 24 mai 2012 avec dispense d'exécuter son préavis de trois mois.
Contestant le caractère réel et sérieux du motif de son licenciement, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil pour solliciter l'indemnisation de son préjudice.
Par jugement rendu le 26 septembre 2013, le conseil de prud'hommes a débouté M. X... de ses demandes et l'a condamné à verser à la société Air Liquide Santé International la somme de 1 200 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens étant laissés à sa charge.
Par déclaration au greffe du 29 octobre 2013, M. X... a régulièrement relevé appel de cette décision.
À l'audience du 15 septembre 2015, M. X... a renouvelé les termes de ses conclusions écrites visées par le greffier aux termes desquelles il a demandé à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris ;
- de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en l'état de ce qu'il a accepté la modification de son contrat de travail sous l'empire de vices du consentement ;
- de condamner la société Air Liquide Santé International à lui verser 250 000 ¿ à titre de dommages et intérêts et 3000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de débouter la société Air Liquide Santé International de l'intégralité de ses demandes et de condamner cette dernière aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La société Air Liquide Santé International a renouvelé les termes de ses conclusions écrites visées par le greffier aux termes desquelles elle a demandé à la cour de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil le 26 septembre 2013 en toutes ses dispositions, de débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes, de le condamner à lui verser la somme de 5 000 ¿ pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1382 du code civil ainsi que la somme de 3 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
Sur l'avenant du 31 janvier 2012
Il est constant que M. X... exerçait jusqu'en début d'année 2012 les fonctions de « directeur business management » zones Europe Centrale et de l'Est au sein de la société Air Liquide Santé International au coefficient de rémunération 660 statut cadre ; aux termes de l'avenant du 31 janvier 2012 à son contrat, qu'il a signé, M. X... a été par la suite affecté à compter du 1er avril 2012 en qualité de « senior marketing manager » au sein du service marketing gaz thérapeutiques de la société. Le poste était basé à Paris et se situait également au coefficient 660 de la convention collective moyennant une rémunération annuelle brute fixe légèrement supérieure à celle qu'il percevait précédemment, outre une part variable en fonction de ses résultats pouvant se situer entre 0 % et 130 % de son salaire brut. Suivant cet avenant le bénéfice d'un véhicule de fonction n'était plus prévu mais le salarié était autorisé à titre exceptionnel à conserver celui dont il disposait dans ses fonctions précédentes jusqu'au 30 septembre 2012.
M. X... n'a pas rejoint son poste le 1er avril 2012 ni le 3 mai suivant, date à laquelle son employeur avait accepté de retarder sa prise de fonction. Il a été ensuite licencié pour cause réelle et sérieuse au motif de son refus d'occuper son poste.
M. Onody se prévaut de vices du consentement, soit l'erreur et le dol dont il soutient avoir été victime de la part de son employeur et qui l'auraient amené à accepter la modification de son contrat de travail suivant avenant du 31 janvier 2012.
L'appelant soutient :
1. que jusqu'en novembre 2011, la société Air Liquide Santé International lui a « laissé miroiter » selon les termes employés, une possibilité de promotion au poste de directeur de la filiale santé de la société en Hongrie.
L'employeur conteste cette allégation.
L'appelant ne rapporte pas la preuve de ce fait qui n'est pas en lien avec la signature de l'avenant contesté par l'appelant du 31 janvier 2012 relatif à un poste basé à Paris.
2. qu'il a émis des réserves lors de la signature de l'avenant litigieux et posé des conditions à sa signature dès le mois de décembre 2011.
Sur ce point, que l'employeur conteste en faisant remarquer que l'avenant au contrat de travail de M. X... signé par lui ne porte trace d'aucune réserve, il convient de constater que l'exemplaire de l'avenant au contrat de travail daté du 31 janvier 2012 signé des parties et produit par l'appelant ne porte mention d'aucune « réserve » ou clause assimilable à une condition qu'aurait émise l'appelant à son acceptation de son changement de poste.
3. que l'employeur lui a sciemment dissimulé qu'il allait abandonner son projet de développement en Europe centrale et de l'Est.
Sur ce point qui semble en contradiction avec l'allégation no 1, l'employeur conteste avoir une intention d'abandonner son projet de développement en Europe de l'Est et en tout état de cause, M. X... ne rapporte pas la preuve de la réalité de ce fait tel qu'allégué ni n'en tire de conséquence utile pour sa demande.
4. que l'employeur lui a sciemment caché qu'il y avait ou qu'il allait y avoir au sein de l'entreprise un ou plusieurs postes correspondant à ses aspirations, en l'espèce, en particulier un poste de « directeur stratégie médico-réglementaire » dont il a appris trop tard qu'il avait été créé début 2012.
Sur ce point, l'employeur conteste formellement qu'un tel poste ait été créé au sein de l'entreprise dont la réalité n'est pas démontrée par le salarié.
5. que son niveau de responsabilité et de rémunération ont été réduits dans la mesure où il a perdu l'usage d'un véhicule de fonction qui faisait partie de sa rémunération en nature ; que de « directeur » il a été appelé à devenir « manager » d'où une rétrogradation.
Comme il a déjà été relevé il ressort de l'avenant litigieux que le coefficient 660 prévu par cet avenant était identique à celui du poste précédemment occupé par M. X... et que son salaire fixe était légèrement supérieur à celui de de son précédent poste. Quoiqu'il en soit, le seul fait qu'un avenant ait pour effet une diminution des responsabilités d'un salarié ne peut conduire conduire ipso facto à reconnaître l'existence d'un vice ayant affecté le consentement du salarié ayant signé ledit avenant.
6. Que sa fiche de poste ne lui a été communiquée qu'après la signature de son contrat
Il est établi que la fiche de poste, établie le 1er février 2012, est postérieure à la date de signature de l'avenant ; toutefois il n'est pas justifié que cette communication postérieure à la signature de l'avenant soit constitutive de manoeuvres dolosives de la part de l'employeur ou ait conduit le salarié à se méprendre sur la portée de l'avenant.
7. que la personne qui a été engagée à sa place à la suite de son licenciement possède un cursus qui est bien en dessous de sa propre qualification ce qui montre que le poste qui lui a été proposé et qu'il refusait constituait pour lui une rétrogradation.
Ce point, au demeurant contesté par l'employeur, est sans portée quant à la démonstration d'un vice du consentement lors de la signature de l'avenant.
Dès lors l'appelant n'établit pas avoir été victime ni d'une erreur ni, de la part de son employeur, de manoeuvres dolosives l'ayant amené à accepter indûment le poste objet de l'avenant.
Sur le licenciement
Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
L'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
En l'espèce, l'appelant reconnaît avoir refusé de rejoindre le poste qu'il avait accepté.
Ce refus de prise de poste constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de l'intégralité de ses demandes.
Sur les autres demandes
L'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit. En l'espèce ne caractérise pas un abus de procédure le fait pour un salarié de contester son licenciement. La demande de l'employeur tendant au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive sera par conséquent rejetée.
M. X... sera condamné aux dépens. Il est équitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. Peter X... aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT