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28/10/2015 | FRANCE | N°13/02917

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6- chambre 9, 28 octobre 2015, 13/02917


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6- Chambre 9

ARRÊT DU 28 Octobre 2015

(no, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/ 02917

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 15 janvier 2013 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL-section encadrement-RG no 08/ 02674

APPELANTE
SA HOUDAN MENUISERIES
Parc d'acitivités du Bois Rigault Nord
Rue Calmette
62880 VENDIN-LE-VIEIL
représentée par Me Patricia POUILLART, avocat au barreau de LILLE

INTI

ME
Monsieur Jérôme X...
...
94000 CRETEIL
né le 15 octobre 1977 à LOCHES
comparant en personne, assisté de Me Jean JUNIK, ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6- Chambre 9

ARRÊT DU 28 Octobre 2015

(no, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/ 02917

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 15 janvier 2013 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL-section encadrement-RG no 08/ 02674

APPELANTE
SA HOUDAN MENUISERIES
Parc d'acitivités du Bois Rigault Nord
Rue Calmette
62880 VENDIN-LE-VIEIL
représentée par Me Patricia POUILLART, avocat au barreau de LILLE

INTIME
Monsieur Jérôme X...
...
94000 CRETEIL
né le 15 octobre 1977 à LOCHES
comparant en personne, assisté de Me Jean JUNIK, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, PC 107

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine LETHIEC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine SOMMÉ, président
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Madame Christine LETHIEC, conseiller

Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire
-prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. Jérôme X... a été engagé par la SA Houdan Menuiserie, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 21 mai 2007, pour y exercer les fonctions de conseiller commercial, statut employé, groupe III, niveau I, en application de la convention collective du négoce de l'ameublement et en contrepartie d'une rémunération mensuelle brute de 1 800 ¿ euros pour 35 heures hebdomadaires réparties sur six jours.

Par avenant du 3 octobre 2007, le salarié a été promu responsable de magasin, statut cadre, groupe V, niveau 1.

Par lettre recommandée du 28 novembre 2008, la société Houdan Menuiserie a notifié à M. Jérôme X... une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 9 décembre 2008 ainsi qu'une mise à pied à titre conservatoire.

Un licenciement pour faute grave a été notifié à l'intéressé par courrier recommandé du 12 décembre 2008, libellé en ces termes :

«   Vous avez fait l'objet d'une lettre de recadrage le 7 octobre 2008 car vous n'aviez pas respecté les règles de non facturation applicables au client douteux JRDP (no client 30098l). Vous avez donné l'instruction à un de vos collaborateurs de contourner l'interdiction de facturer ce client dont le compte était bloqué pour cause de retard de paiement. Pour cela, vous avez demandé de passer commande sur le compte d ¿ une autre société «   saine » et de changer le réceptionnaire de la facture dans le système informatique.
Vous avez. par la suite, reconnu ces faits.

Nous avons ensuite découvert le 14 novembre 2008 que vous étiez associé au sein de la société JRDP. Il vous est donc reproché d'avoir privilégié de manière frauduleuse les intérêts de la société JRDP au détriment de ceux de la société Houdan Menuiseries, votre employeur.

Nous avons découvert également le 26 novembre 2008 dans la chaufferie de votre dépôt, des produits en bon état qui n'étaient pas destinés à votre dépôt mais à celui d'Aubervilliers (ceci était dû à une erreur de livraison). Il y avait des façades de cuisine modèle Athis rouge qui n'avaient pas été entrées en stock informatique et qui n'étaient pas rangées normalement dans le dépôt. Vous avez donné instruction de les mettre dans la chaufferie, en prenant soin de fermer la porte à clé. Ceci constitue un détournement volontaire des procédures apparenté à du vol.

Vous nous avez ensuite avoué que le client JRDP, dont vous êtes associé, a enlevé une cuisine Athis noire en juillet 2008 pour un montant de 8 951. 52 ¿ pour laquelle il n'a jamais été facturé. Ceci constitue une fois de plus un non respect des procédures, doublé d'une fraude pour servir les intérêts d'une société dans laquelle vous êtes associé.

Le client JRDP a par la suite rapporté la cuisine, dont la moitié était déballée et partiellement endommagée. Au lieu de la mettre au rebut, vous avez donné 1'instruction de remplacer dans le stock les éléments détériorés par des éléments puisés dans la palette cachée dans la chaufferie, ceci afin d'éviter d'impacter la marge de votre dépôt. En effet, les références Athis noir et Athis rouge sont différentes, mais les prix sont identiques. Ces faits constituent
un non respect des procédures afin d'augmenter artificiellement le résultat de votre dépôt, qui conditionne le montant des primes que vous percevez.

Tous ces manquements au respect des procédures, et ces fraudes au profit d'une société clients dans laquelle vous êtes associé m'amènent à prononcer votre licenciement pour faute.   »

Estimant ne pas être rempli de ses droits, M. Jérôme X... a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil, lequel, par jugement rendu le 15 janvier 2013, a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société Houdan Menuiseries à verser au salarié les sommes suivantes :
¿ 2 762, 00 ¿ à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire
¿ 276, 20 ¿ au titre des congés payés y afférents
¿ 16 134, 32 ¿ au titre de rappel d'heures supplémentaires
¿ 1 613, 43 ¿ au titre des congés payés y afférents
¿ 16 572, 00 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis
¿ 1 657, 20 ¿ au titre des congés payés y afférents
¿ 15 000, 00 ¿ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive
¿ 1 200, 00 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Le 22 mars 2013, la société Houdan Menuiseries, non comparante en première instance, a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées par le greffe le 14 septembre 2015 et soutenues oralement, la société Houdan Menuiseries demande, à titre principal, à la cour d'annuler le jugement de première instance pour violation des dispositions des articles 14 et 16 du code de procédure civile et 6-1 de la convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de prononcer la péremption de l'instance.

A titre subsidiaire, elle demande d'infirmer le jugement entrepris, de retenir la faute grave commise par M. Jérôme X..., justifiant le licenciement et de débouter le salarié de l'intégralité de ses prétentions, y compris celles relatives aux heures supplémentaires et congés payés afférents dont il ne rapporte pas la preuve.

L'appelante sollicite le remboursement de la somme de 33 701. 54 ¿ versée au titre de l'exécution provisoire et une indemnité de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffe le 14 septembre 2015 et soutenues oralement, M. Jérôme X... sollicite le rejet des exceptions et fins de non recevoir soulevées.

L'intimé demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et alloué les sommes précitées à l'exception des dommages et intérêts pour rupture abusive dont il fixe le montant à la somme de 33 144 ¿.

Il forme une demande reconventionnelle de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur la demande en nullité du jugement

Bien que régulièrement convoquée, la société Houdan Menuiseries n'a pas comparu en personne par son représentant légal à l'audience de plaidoiries du 30 octobre 2012, elle n'était pas davantage représentée par son conseil et, dans le cadre d'une procédure orale, elle ne peut se prévaloir d'une violation manifeste du principe du contradictoire dès lors qu'elle n'a pas soutenu, oralement à l'audience, sa demande de renvoi adressée par télécopie au conseil de prud'hommes.

Il convient de rejeter cette exception de nullité.

Sur la péremption de l'instance

Selon les dispositions de l'article R 1452-8, «   en matière prudhommale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.   »

En l'espèce, M. Jérôme X... a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil le 19 décembre 2008 et il n'a remis ses écritures à la société Houdan Menuiseries que le 23 octobre 2012.

Cependant, les indications relatives à la fixation des délais données aux parties par le bureau de conciliation en application de l'article R. 1454-18 du code du travail ne constituent pas des diligences au sens des dispositions susvisées.

Dans ces conditions, la préemption de l'instance n'est pas acquise et il convient de rejeter ce chef de demande.

Sur l'exécution du contrat de travail

La convention de forfait résulte d'un accord entre un employeur et un salarié prévoyant une rémunération incluant le salaire habituel et les heures supplémentaires ou d'autres éléments de salaire.

Il résulte de l'article L. 3121-39 du code du travail que toute convention de forfait en jours sur l'année doit être conclue en application d'un accord d'entreprise ou d'une convention collective. De surcroît, la validité de la convention de forfait suppose que les stipulations de l'accord applicable assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.

L'article 4 de la convention collective du négoce de l'ameublement dispose que :
«   ¿. L'horaire de travail peut comprendre des dépassements inhérents à la fonction dans le cadre d'un horaire forfaitaire mensuel inscrit au contrat de travail.
Dans ce cas, la rémunération mensuelle doit être au moins égale à celle qui résulterait de l'application du salaire minimum et des majorations pour heures supplémentaires, sans préjudice de l'application des repos compensateurs.
Lorsque les fonctions d'un cadre l'appellent exceptionnellement à des dépassements de l'horaire inhérent à ses fonctions (notamment travail du dimanche, travail de nuit, jours fériés, etc....), les modalités de rémunération devront être définies soit dans les accords d'entreprise, soit, à défaut, dans son contrat de travail.   »

En l'espèce, M. Jérôme X... a signé, le 3 octobre 2007, un avenant à son contrat de travail aux termes duquel : «  ... La gestion du temps de travail de monsieur X... sera effectuée en nombre de jours, ce nombre étant fixé à 218 jours par année complète d'activité. », la rémunération brute mensuelle du salarié étant fixée à 3 000 ¿.

Le salarié estime qu'il ne pouvait relever de ce dispositif de forfait jours, en l'absence d'un accord collectif d'entreprise pour compléter la convention collective applicable, incomplète au regard des dispositions de la loi du 19 janvier 2000.

A titre subsidiaire, il fait valoir qu'il ne disposait pas de l'autonomie indispensable pour bénéficier de ce forfait jours et il réclame le paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées, soit la somme de 16 134. 32 ¿, outre les congés payés y afférents pour 1 623. 43 ¿.

M. Jérôme X... précise que sa rémunération moyenne mensuelle était de 3 885 ¿ bruts pour 35 heures par semaine, outre une moyenne de 1 639 ¿ au titre des heures supplémentaires effectuées régulièrement et il demande à la cour de retenir une rémunération moyenne mensuelle brute de 5 524 ¿.

La société Houdan Menuiseries conteste le bien fondé de cette demande en soulignant que le salarié était le seul responsable hiérarchique au sein du dépôt d'Ivry Sur Seine et que la nature des fonctions exercées induisait une réelle autonomie.

Il n'est pas contesté que la convention collective applicable n'a pas été complétée par un accord de branche ou d'entreprise pour fixer les modalités de rémunération précitées et garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail du salarié afin de protéger la sécurité et de la santé de celui-ci..

En outre, aucun entretien annuel consacré au suivi du forfait en jours et de la charge de travail en résultant n'a jamais été organisé.

Dès lors, la convention de forfait en jours conclue entre les parties est nulle et M. Jérôme X... peut prétendre au paiement des heures supplémentaires qu'il a effectuées.

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié   ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

M. Jérôme X... produit, sous la forme d'un tableau, un décompte précis de chacune des semaines où il a effectué des heures supplémentaires, en tenant compte des horaires d'ouverture du dépôt, déduction faite des jours pris en RTT et des congés payés.
Il justifie de sa présence nécessaire en dehors des heures d'ouverture du magasin, par la réalisation de nombreuses tâches quotidiennes à effectuer, selon les instructions de sa hiérarchie, notamment :
- La mise en route du système informatique
-L'ouverture des caisses et le contrôle des fonds de caisse
-La saisie informatique de l'inventaire journalier du stock
-Le transfert des chiffres quotidiens au siège avec les prévisions du lendemain
-L'ouverture et la fermeture du magasin avec l'activation et la désactivation de l'alarme

Le salarié produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.

La société Houdan Menuiseries qui conteste le bien fondé de la demande en paiement d'heures supplémentaires, s'abstient de communiquer le moindre élément de nature à remettre en cause la durée de présence de son salarié sur le lieu de travail

Au vu des éléments produits, et sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'instruction, la cour a la conviction, au sens des dispositions précitées, que M. Jérôme X... a bien effectué les heures supplémentaires alléguées.

La cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle adopte, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en allouant au salarié la somme de 16 134. 32 ¿ au titre des heures supplémentaires, outre la somme de 1 613. 43 ¿ au titre des congés payés afférents et en fixant le salaire moyen mensuel de l'intéressé à la somme de 5 524 ¿, compte tenu des heures supplémentaires effectuées.

Le jugement déféré est confirmé à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

L'article L1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si un doute persiste, il profite au salarié.

Sur la faute grave alléguée

Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement ; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de faits précis et matériellement vérifiables, à défaut de quoi le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.

Il y a lieu d'analyser les griefs reprochés à M. Jérôme X... qui sont exposés dans la lettre de licenciement notifiée le 12 décembre 2008, qui lie les parties et le juge.

La société Houdan Menuiseries reproche en premier lieu à son ancien salarié de ne pas avoir respecté les règles de non facturation concernant la société JRDP Bâtiment dont le compte était bloqué, suite à des retards de paiement, en donnant instruction à un de ses collaborateurs de passer une commande sur le compte d'une autre société RB et Co ayant le même gérant que la société JRDP.

Cependant, l'attestation établie par le collaborateur de M. Jérôme X..., M. Jonathan Y... indique «   ¿. La manipulation entre le donneur d'ordre et le réceptionnaire ainsi que la décision de prendre un chèque a été à mon initiative personnelle...   »

De plus, la lettre de recadrage remise en mains propres le 7 octobre 2008 met en demeure M. Jérôme X... de respecter les règles de non facturation et de contrôler le travail de ses collaborateurs ; dès lors ce courrier qui sanctionne le comportement fautif du salarié constitue une sanction disciplinaire et, en l'absence de réitération de ces mêmes faits, ceux-ci ne peuvent justifier le licenciement, l'employeur ayant épuisé son pouvoir disciplinaire.

La société Houdan Menuiseries affirme en outre, qu'elle n'était pas informée que M. Jérôme X... était porteur de parts au sein de la société JRDP Bâtiment et elle lui reproche d'avoir privilégié cette société au détriment des intérêts commerciaux de son employeur.

Toutefois, il n'est pas justifié que le salarié, ayant seulement acquis 30 parts sociales, ait exercé la moindre activité personnelle au sein de la société JRDP Bâtiment et, de ce fait, manqué à son obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail.
Il résulte de l'attestation de M. Richard Z..., chef de dépôt, que l'entreprise était informée de la situation de M. Jérôme X... qui avait monté une société de pose en parallèle, ce qui générait un chiffre d'affaires au sein des dépôts avec des marges plus importantes.
A cet égard, il convient de relever que M. Pietro A..., signataire de la lettre de recadrage du 7 octobre 2008, avait également acquis 30 parts sociales de la société JRDP Bâtiment.

Par ailleurs, M. Jérôme X... justifie avoir cédé ses parts le 1er août 2008, en versant aux débats les deux actes de cession et le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire.
Le grief allégué ne peut être retenu.

La société Houdan Menuiseries reproche également au salarié d'avoir donné pour instruction de mettre des produits dans la chaufferie en prenant soin de fermer la porte à clef, ce qui constituerait un « détournement volontaire des procédures apparenté à du vol ».

Il résulte des attestations précises et concordantes de quatre salariés de l'entreprise, MM. Jonathan Y..., Vincent G..., Christophe H... et Benoît I... que le dépôt dont M. Jérôme X... avait la responsabilité, recevait fréquemment des produits sans les bons de livraison, des retours clients et des mises au rebut de sorte que la chaufferie servait, fréquemment, de lieu de stockage, ces matériels y étant déposés par les magasiniers, M. Lucas B... et Laurent C... qui fermaient le local à clef.

Cette procédure permettait d'isoler les produits, en attente de leur régularisation administrative, et ce d'autant que le système informatique SAP de l'entreprise ne permettait pas de pallier les erreurs de livraison de marchandises en provenance de la Grande Bretagne et les échanges clients et erreurs de services, mais d'effectuer uniquement des transferts d'article à article ainsi que l'atteste M. Richard Z..., chef de dépôt.

Cet usage constant et non sanctionné au sein de l'entreprise qui résulte des déficiences d'un système informatique de gestion des stocks, remplacé ultérieurement par un logiciel K8 plus performant, ne peut caractériser un quelconque «   détournement des procédures apparenté à du vol   ».
Le grief allégué n'est pas fondé.

L'employeur reproche également à M. Jérôme X... d'avoir laissé la société JRDP Bâtiment enlever une cuisine au mois de juillet 2008 pour un montant de 8 951, 52 ¿, sans que celle-ci n'ait été facturée, ce qui constituerait une fraude pour servir les intérêts d ¿ une société dans laquelle le salarié est associé.

Toutefois, les attestations précises et concordantes de M. Jonathan Y..., Michel de D..., et Daniel E... confirment que le gérant de la société JRDP Bâtiment, disposant d'un véhicule trop petit, n'a pu retirer que partiellement la commande bien que celle-ci ait été réglée en totalité.

Ces attestations rappellent également que le système de facturation de la société Houdan Menuiseries ne permet pas l'édition de la facture tant que la commande n'a pas été enlevée dans son intégralité et qu'en l'espèce, suite à une annulation du client final, la société JRDP Bâtiment a rapporté les caissons et a obtenu une chèque de remboursement par la société Houdan Menuiseries.

A l'appui de ses allégations, la société Houdan Menuiseries verse aux débats deux attestations dont celle de M Lucas F..., magasinier, mais les déclarations de ce dernier sont sujettes à caution dès lors qu'une main courante a été déposée par M. Jérôme X... pour le vol par M Lucas F... de la clef du local chaufferie.

L'appelante s'abstient, en outre, de communiquer les moindres documents comptables de nature à établir des irrégularités dans les opérations réalisées avec la société JRDP Bâtiment et de justifier de l'augmentation artificielle de la marge du dépôt qu'elle reproche à son salarié.

L'employeur ne démontre pas l'existence d'une quelconque fraude imputable au salarié ni d'un avantage octroyé à la société JRDP Bâtiment et le grief allégué n'est pas davantage justifié.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur ne fournit aucun élément propre à étayer l'un quelconque des griefs énoncés dans la lettre de licenciement. Cette défaillance dans la charge de la preuve doit conduire à écarter l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement et, à fortiori, celle d'une faute grave.

La cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle adopte, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en qualifiant le licenciement de M. Jérôme X... dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris est confirmé à ce titre.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail

Le licenciement du salarié étant privé de cause réelle et sérieuse, le salarié est en droit de prétendre à une indemnisation au titre de cette rupture abusive.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés

Conformément aux dispositions de l'article 7 de la convention collective du négoce de ameublement et de l'article L 3141-22 du code du travail, M. Jérôme X... est fondé en sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de 16 572 ¿, outre les congés payés y afférents d'un montant de 1 657, 20 ¿ et ce, sur la base d'un salaire mensuel brut de 5 524 ¿ incluant les heures supplémentaires effectuées.

Sur l'indemnité pour rupture abusive

Aux termes de l'article 1235-5 du code du travail, le salarié qui a moins de deux ans dans l'entreprise peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

En l'espèce, compte tenu des circonstances de la rupture et du fait que le salarié a retrouvé un emploi, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture doit être indemnisé par la somme de 25 000 ¿.

Sur le rappel de salaires et de congés payés afférents pour la période de mise à pied

Dans la mesure où la cour estime que la faute grave alléguée par l'employeur envers son salarié n'est pas caractérisée, M. Jérôme X... est fondé en sa demande en paiement de la somme de 2 762 ¿ au titre du rappel de salaires pendant la mise à pied conservatoire, outre la somme de 276. 20 ¿ au titre des congés payés afférents.

Le jugement déféré est confirmé en toutes ses dispositions.

Sur la demande au titre des frais irrépétibles et les dépens

La société Houdan Menuiseries qui succombe supportera la charge des dépens de la présente instance et versera à M. Jérôme X... une indemnité de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a alloué à M. Jérôme X... la somme de 15 000 ¿ à titre de dommages pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SA Houdan Menuiseries à verser à M. Jérôme X... la somme de 25 000 ¿ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SA Houdan Menuiseries à verser à M. Jérôme X... la somme 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA Houdan Menuiseries aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6- chambre 9
Numéro d'arrêt : 13/02917
Date de la décision : 28/10/2015
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2015-10-28;13.02917 ?
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