RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6- Chambre 9
ARRÊT DU 28 Octobre 2015
(no, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/ 02754
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 janvier 2013 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL-section activités diverses-RG no 11/ 02589
APPELANTE
L'AUTO ECOLE CHERET
117 rue Chéret
94000 CRETEIL
No SIRET : 338 21 2 2 51
représentée par Me Jean-philippe FELDMAN, avocat au barreau de PARIS, B0275
INTIMEE
Madame Delphine X...
...
94190 VILLENEUVE ST GEORGES
née le 25 Avril 1979 à VILLECRESNES (94)
comparant en personne, assistée de M. Charles Y... (Délégué syndical ouvrier)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine LETHIEC, conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine SOMMÉ, président
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Madame Christine LETHIEC, conseiller
Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
-prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A la suite d'un contrat de professionnalisation conclu 1er octobre 2007 entre M. Dino Z..., exploitant en nom propre l'entreprise Auto Ecole Cheret, et Mme Delphine X..., cette dernière a été engagée par M. Dino Z... dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 2008, pour y exercer les fonctions de secrétaire d'accueil, échelon II, en application de la convention collective des services de l'automobile et en contrepartie d'une rémunération horaire brute de 8. 44 ¿ pour 27 heures par semaine. Au dernier état de la relation contractuelle son salaire mensuel s'élevait à 1 310. 64 ¿.
Par lettre recommandée du 19 juillet 2011 M. Dino Z... a notifié à Mme Delphine X..., une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 19 juillet 2011 ainsi qu'une mise à pied à titre conservatoire.
Un licenciement pour faute grave a été notifié à l'intéressée par courrier recommandé du 16 juin 2011, rédigé en ces termes :
« Malgré une enveloppe égarée le 11 février 2011 contenant 1 600 ¿, nous avons constaté d'autres disparitions d'enveloppes. Le 10 avril 2011, il manquait 426 ¿ versés le 8 avril 2011. Le 4 mai 2011, nous constatons encore un manque de 230 ¿ versés le 10 mars 2011. Les explications que vous nous avez apportées ne nous ont pas semblé plausibles. Vous êtes seule responsable de la gestion des recettes espèces. Vous avez tenu des propos d'une extrême virulence envers votre supérieur hiérarchique le mercredi 4 mai 2011 au soir. Nous vous précisions que les deux dernières enveloppes disparues ne nous ont jamais été signalées par vous-même. Tous ces éléments ont entraîné une perte de confiance à votre égard ».
Estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme Delphine X... a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil, lequel, par jugement rendu le 17 janvier 2013, a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, en condamnant l'employeur au paiement des sommes suivantes :
¿ 11 795, 76 ¿ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail
¿ 2 621, 28 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis
¿ 830, 58 ¿ à titre d'indemnité légale de licenciement
¿ 1 900, 42 ¿ à titre de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire
¿ 950 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Le 19 mars 2013, l'employeur a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions visées par le greffe le 14 septembre 2015 et soutenues oralement, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de retenir la faute grave de la salariée et de rejeter l'intégralité de ses demandes indemnitaires et en rappel de salaires. Il sollicite le remboursement des sommes perçues au titre de l'exécution provisoire, soit 4 957. 77 ¿ et forme une demande accessoire de 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions visées par le greffe le 14 septembre 2015 et soutenues oralement, Mme Delphine X... sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la faute grave n'était pas caractérisée et débouté l'employeur de ses prétentions. Elle forme une demande reconventionnelle de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l'audience des débats.
MOTIFS
Sur la rupture du contrat de travail
L'article L1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.
Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement ; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de faits précis et matériellement vérifiables, à défaut de quoi le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.
Il convient d'analyser les griefs reprochés à Mme Delphine X... qui sont exposés dans la lettre de licenciement, notifiée le 16 juin 2011, qui fixe les limites du litige.
M. Dino Z..., reproche principalement à la salariée de ne pas avoir signalé la disparition d'enveloppes contenant des espèces alors même que l'intéressée avait la responsabilité de la gestion des recettes espèces.
Il précise avoir constaté des disparitions d'espèces, suite aux réclamations de clients ayant réglé des prestations et avoir porté plainte dès le 22 avril 2011, puis le 28 octobre 2011, après la découverte de nouvelles irrégularités.
Mme Delphine X... conteste être l'auteur de ces détournements. Elle indique avoir signalé à son employeur la disparition d'espèces et elle rappelle qu'en l'absence de coffre au sein des locaux, elle était conduite à déposer les espèces dans un tiroir de son bureau non fermé à clef ou sous une porte fermée à clef à laquelle elle n'avait pas accès, conformément aux recommandations de son employeur.
Ce dernier ne conteste pas l'absence d'endroit sécurisé pour déposer les versements en espèces et ce alors même que le bureau de la salariée recevant les clients se trouve contigu à la salle des cours de code fréquentée par ceux-ci.
Les attestations des deux autres salariés de l'entreprise, Mme Maud A... et M. Damien B..., précisant n'avoir aucun accès à la comptabilité et celles de clients de l'entreprise, M. C..., M. D..., Mme Ornella E..., indiquant que Mme Delphine X... recevait les clients et encaissait les règlement s ne permettent pas d'établir que les disparitions et détournements incriminés sont imputables à la salariée.
La lettre de licenciement fait état de propos d'une extrême violence tenus par la salariée envers son supérieur hiérarchique mais ce grief qui n'est étayé par aucune pièce ne peut être retenu.
L'employeur justifie, également, la mesure de licenciement par une perte de confiance, toutefois, celle-ci n'est pas, par elle-même, une cause réelle et sérieuse de rupture des relations contractuelles.
A cet égard, il convient de relever que Mme Delphine X..., initialement, recrutée dans le cadre d'un contrat de professionnalisation du 1er octobre 2007, a été engagée définitivement le 1er avril 2008 et qu'elle n'a fait l'objet d'aucun avertissement, sanctionnant une défaillance professionnelle.
M. Dino Z... reproche également à la salariée d'avoir omis de mettre à jour les fiches individuelles des clients ayant effectué des versements. Toutefois l'employeur ne peut fonder le licenciement sur ce grief, celui-ci n'étant pas invoqué dans la lettre de licenciement, qui lie les parties et le juge.
En conséquence l'employeur ne fournit aucun élément propre à étayer l'un quelconque des griefs énoncés dans la lettre de licenciement. Dès lors l'existence d'une cause réelle et sérieuse et à fortiori celle d'une cause grave doit être écartée.
Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail
Aux termes de l'article 1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme Delphine X..., de son ancienneté, du fait qu'elle n'a retrouvé un emploi qu'au mois de décembre 2011 et des conséquences du licenciement à son égard, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle adopte, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause en allouant à la salariée une indemnité de 11 795. 76 ¿ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.
Le licenciement de Mme Delphine X... étant privé de cause réelle et sérieuse, la salariée est fondée à réclamer la somme de 2 621. 28 ¿ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, celle de 830. 58 ¿ à titre d'indemnité légale de licenciement et un rappel de salaire à hauteur de 1 900. 42 ¿ correspondant à la période de mise à pied à titre conservatoire.
Le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
En vertu de l'article 700 du code de procédure civile, M. Dino Z..., qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel, et versera à l'intimée une indemnité de 1 500 ¿ au titre des frais irrépétibles exposés.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. Dino Z..., exploitant en nom propre l'entreprise Auto Ecole Cheret, à verser à Mme Delphine X... une indemnité de 1500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;
CONDAMNE M. Dino Z..., exploitant en nom propre l'entreprise Auto Ecole Cheret, aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT