Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2015
(n°141, 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/19078
Décision déférée à la Cour : jugement du 14 octobre 2010 - Tribunal de commerce de PARIS - 8ème chambre - RG n°2007078448
APPELANTS AU PRINCIPAL et INTIMES INCIDENTS
S.A. ACTION FILMS, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Immatriculée au rcs d'Evreux sous le numéro 300 500 253
M. [P] [O] [I] [J], agissant en sa qualité de liquidateur amiable de la S.A. ACTION FILMS
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentés par Me Benjamin SARFATI de la SELARL INTERVISTA, avocat au barreau de PARIS, toque E 1227
INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE
S.A. JUPITER COMMUNICATIONS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 340 310 655
Représentée par Me Philippe GALLAND de l'AARPI GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L 10
Assistée de Me Fabrice MARCHISIO plaidant pour la SELAS COTTY - VIVANT - MARCHISIO & LAUZERAL, avocat au barreau de PARIS, toque R 59
INTIMEE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE
S.A. GAUMONT, prise en la personne de son directeur général domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque L 18
Assistée de Me Lorenzo VALENTIN plaidant pour la SCP KIEJMAN - MAREMBERT et substituant Me KIEJMAN, avocat au barreau de PARIS, toque P 200
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 1er juillet 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente
Mme Sylvie NEROT, Conseillère
Mme Véronique RENARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,
Vu le jugement contradictoire du 14 octobre 2010 rendu par le tribunal de Commerce de Paris,
Vu l'appel interjeté le 8 novembre 2010 par la société Actions Films et monsieur [P] [J] es qualités de liquidateur amiable de la société Action Films,
Vu le retrait du rôle de l'affaire en date du 15 décembre 2011 et son réenrôlement le 15 juillet 2013,
Vu la radiation de l'affaire le 10 octobre 2013 et sa réinscription au rôle le 19 septembre 2014,
Vu les dernières conclusions de la société Actions Films et de monsieur [P] [J] es qualités de liquidateur de la société Action Films, appelants, en date du 23 juin 2015,
Vu les dernières conclusions de la société Jupiter Communications, intimée et incidemment appelante, en date du 6 février 2015,
Vu les dernières conclusions de la société Gaumont, intimée, en date du 1er décembre 2011,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 25 juin 2015,
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,
Il sera simplement rappelé que :
La société Gaumont est un des plus grands groupe français de production, distribution et exploitation cinématographique.
La société Action Films est une société de production cinématographique qui, à ce titre, détient également des droits sur divers films. Elle s'est déclarée en liquidation amiable le 12 février 1993 et a été placée le 1er septembre 1994 en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Paris.
La société Jupiter Communications a pour activité la production et la distribution de films cinématographiques français et européens dans le monde et le négoce des droits audiovisuels qui y sont attachés.
A l'issue d'un contrat de production du 3 mai 1977, et d'un contrat de distribution du 22 mars 1978 la répartition des parts entre les coproducteurs du film 'Un papillon sur l'épaule' était de 30% pour Gaumont, 53, 6% pour Action Films et 16, 4% pour Citel Films,
A l'issue d'un contrat de production du 3 mai 1977, modifié par avenants des 14 mars 1978, et 20 mars 1978, la répartition des parts entre les coproducteurs du film 'Va voir maman, papa travaille'était de 27 % pour Gaumont, 55 % pour Action Films et 18 % pour Citel Films,
A l'issue de trois contrats successifs de production des 19 juin, 6 juillet et 19 juillet 1978, la répartition des parts entre les coproducteurs du film 'Les soeurs Bronté' était de 35 % pour Gaumont, 38 % pour Action Films, 13% pour CFPC, 14% pour France Régions.
Il était convenu dans les contrats relatifs aux films 'Un papillon sur l'épaule' et 'va voir maman, papa travaille', qu'aucun des co-producteurs ne pourrait se substituer, partiellement ou en totalité, un tiers sans l'accord de l'autre partie. Ces contrats contenaient une clause de garantie au profit du cessionnaire lui garantissant notamment que les droits cédés étaient libres et ne faisaient l'objet d'aucun droit de préemption.
La société Actions Films représentée par madame [N] a cédé par trois contrats du 11 septembre 1992 ses quotes-parts qu'elle détenait sur ces trois films au profit de la société Jupiter Communications, dans le cadre d'une cession portant sur un lot de 12 films moyennant le prix de 8.429.450 francs TTC. Elle garantissait la cessionnaire que les droits cédés étaient libres de tous droits, y compris de préemption.
Le 28 août 1992, la société Action Films a acquis de la société Jupiter Communications la licence d'exploitation télévisuelle pour une durée de sept ans en France et dans les pays francophones de quatre films américains pour un prix de 6.990.000 francs HT.
Cette cession du 11 septembre 1992 a fait l'objet d'une forme abrégée qui a été enregistrée au Registre Public de la Cinématographie et de l'Audiovisuel (RPCA) le 25 février 1993.
Par contrat du 15 décembre 1992 portant avenant aux contrats des 28 août et 11 septembre 1992 précités les sociétés Actions Films et Jupiter Communications ont fixé la créance de la société Jupiter Communication à la somme de 7.374.450 francs TTC, celle de la société Action Films à la somme de 8.429.450 francs TTC et ont procédé à une compensation, le solde restant à la charge de la société Jupiter Communications étant partiellement réglé à hauteur de 111.160 francs HT par des avoirs et factures pour prestations exécutées, le solde final à sa charge étant de 943.843 francs TTC.
Le 12 juillet 1993, la société Action Films a fait l'objet d'une dissolution anticipée, et monsieur [Y] a été désigné liquidateur amiable.
Le 12 juillet 1993, la société Action Films notifiait par l'intermédiaire de son liquidateur amiable, à la société Gaumont la copie intégrale du contrat de cession du 11 septembre 1992 relatif aux trois films et lui offrait d'exercer son droit de préemption aux clauses et conditions exprimées dans les contrats de cession. Ces droits étaient valorisés à hauteur de 1.600. 000 francs HT pour 'va voir maman, papa travaille', 2.000.000 francs HT pour 'un papillon sur l'épaule' et 1.000.000 francs HT pour 'les soeurs Bronté' outre une part variable sous la forme d'un droit à recettes s'élevant à 25% des recettes nettes de chaque film.
Le 1er septembre 1994, le Tribunal de commerce de Paris plaçait la société Action Communications en liquidation judiciaire, et Maître [Q] [X] était nommé liquidateur judiciaire.
Le 6 février 1995, l'avenant du 15 décembre 1992 relatif aux modalités de règlement du prix de cession des films était notifié à la société Gaumont par le liquidateur judiciaire qui lui indiquait attendre son offre de rachat pour les autres films.
Dans le cadre de la liquidation, la société Gaumont a acquis le 28 juin 1995 un droit à recettes éventuelles sur les films et indiquait être parfaitement informée de la situation juridique, commerciale et technique de chacun des films en cause.
Par jugement du 26 juin 2000, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 juin 2001 sur l'action engagée par le liquidateur judiciaire, le tribunal de commerce de Paris prononçait la nullité de la cession du 11 septembre 1992 pour dol.
Le 26 mai 2003, la société Opening, représentée par monsieur [P] [J], concluait un protocole d'accord par lequel elle acquérait la quasi totalité des actions de la société Action Films pour un prix de 609.796 euros permettant d'apurer le passif.
Le 23 décembre 2003, le tribunal de commerce de Paris constatait l'extinction du passif et prononçait la clôture de la liquidation judiciaire.
Le 19 novembre 2004, la société Action Films a cédé ses droits sur ces trois films au profit de la société Gaumont moyennant le prix de 200.000 euros, hors droits à recettes acquis en 1995 au prix de 30.000 euros HT.
Par arrêt du 7 décembre 2004 la Cour de Cassation cassait l'arrêt du 26 juin 2001 ayant annulé la cession du 11 septembre 1992 et renvoyait la cause et les parties devant la Cour d'appel de Versailles qui, par arrêt du 16 janvier 2006, infirmait le jugement du 26 juin 2000 en raison de la prescription de l'action en nullité et jugeait que la société Jupiter Communications était propriétaire des films du catalogue de la société Action Films depuis le 11 septembre 1992.
Par arrêt devenu irrévocable du 17 janvier 2006 la cour d'appel de Versailles a reconnu la validité de la cession du 11 septembre 1992.
C'est dans ces circonstances que, selon acte d'huissier du 19 novembre 2007, la société Gaumont a fait assigner la SA Action Films et monsieur [P] [J] es qualités de liquidateur amiable de la société Action Films et la société Jupiter Communication aux fins de voir annuler les cessions du 11 septembre 1992, voir dire que la convention du 19 novembre 2004 est régulière et doit produire effets, donner acte à la société Jupiter Communications de sa confirmation de la validité de cette cession du 19 novembre 2004, et tirer toutes conséquences de droit liées aux agissements des sociétés Action Films et Jupiter Communications et aux obstacles que celles-ci lui ont opposer afin de l'empêcher d'exercer les droits et/ou d'acquérir les parts de coproduction litigieuses afférentes à trois films de long métrage.
Par arrêt du 27 mars 2008 la cour d'appel de Versailles a condamné la société Action Films a restituer à la société Jupiter Communications le prix de 200.000 euros versé par la société Gaumont au titre de la cession du 19 novembre 2004.
Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement :
- constaté que le contrat de cession du 19 novembre 2004 est nul,
- condamné in solidum monsieur [P] [J] liquidateur d'Action Films et la SA Action films à payer à la SA Gaumont la somme de 200.000 euros en restitution de la somme versée le 16 décembre 2004,
- condamné in solidum Maître [P] [J] es qualités de liquidateur amiable de la société Action Films et la société Action Films à payer à la société Gaumont la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Gaumont à payer à la société Jupiter Communication la somme de 13.120,98 euros en restitution des droits perçus par la SA Gaumont sur les films depuis le 19 novembre 2004,
- condamné la SA Gaumont à payer à la SA Jupiter Communications la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes autres plus amples et contraires,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné in solidum Maître [P] [J] es qualités de liquidateur amiable de la société Action Films et la SA Action Films aux dépens.
En cause d'appel la société Action Films et monsieur [P] [J] es qualités de liquidateur amiable de la société Action Films, appelants, demandent essentiellement dans leurs dernières écritures du 23 juin 2015 de :
- à titre principal,
- constater que la société Jupiter Communications est propriétaire des droits cédés par la société Action Films à la société Gaumont depuis le 11 septembre 1992,
- constater que la société Gaumont a volontairement exécuté le contrat de cession du 19 novembre 2004 en s'acquittant de l'entier prix de cession auprès de la société Action Films, par chèque en date du 16 décembre 2004,
- en conséquence,
- dire et juger que la société Gaumont a confirmé la prétendue nullité pour absence de cause du contrat de cession du 19 novembre 2004 et donc définitivement renoncé à s'en prévaloir,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a annulé pour défaut de cause le contrat de cession du 19 novembre 2004 et condamné solidairement la société Action Films et Monsieur [J] ès qualité à restituer à la société Gaumont le prix de cession de 200.000 euros,
- à titre subsidiaire,
- constater qu'aucune garantie d'éviction n'est due par la société Action Films à la société Gaumont, dans l'hypothèse où la Cour annulerait le contrat de cession du 19 novembre 2004,
- constater que l'éviction de la société Gaumont de la jouissance des droits acquis auprès de la société Action Films le 19 novembre 2004 a pour cause l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 17 janvier 2006,
- constater que l'éviction de la société Gaumont de la jouissance des droits acquis auprès de la société Action Films a donc une cause postérieure au 19 novembre 2004,
- en conséquence,
- dire et juger que la société Gaumont n'est pas fondée à invoquer la garantie d'éviction à l'encontre de la société Action Films,
- reformer le jugement dont appel, en ce qu'il a condamné solidairement la société Action Films et Monsieur [J] ès qualités, à payer à la société Gaumont la somme de 20.000 euros, à titre de dommages et intérêts,
- en tout état de cause,
- constater que Monsieur [J] ès qualités ignorait cette procédure en cassation lorsqu'il a conclu la cession litigieuse,
- en conséquence,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé qu'aucune réticence ou man'uvre
dolosive ne pouvait être imputée à Action Films, prise en la personne de Monsieur [J] ès qualités,
- condamner la société Gaumont à leur payer la somme de 10.000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Gaumont aux entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement au profit de leur conseil.
La société Jupiter Communications, intimée s'oppose aux prétentions des appelants, et pour l'essentiel, demande dans ses dernières écritures en date du 6 février 2015 de :
- à titre principal, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a confirmé la validité des conventions du 11 septembre 1992 entre les sociétés Action Films et Jupiter Communications, prononcé la nullité du contrat de cession conclu le 19 novembre 2004 entre les sociétés Action Films et Gaumont, condamné la société Gaumont à payer à la société Jupiter Communications la somme de 13.120,98 euros à titre de dommages et intérêts du fait de l'exploitation des Films par la société Gaumont depuis le 19 novembre 2004,
- à titre subsidiaire,
- dire et juger que la société Jupiter Communications est propriétaire des Films et que le contrat de cession conclu le 19 novembre 2004 entre les sociétés Action Films et Gaumont est inopposable à la société Jupiter Communications,
- dire et juger que les contrats de prorogation de cession de droit d'auteur conclus par la société Gaumont ayant pour objet les Films sont inopposables à la société Jupiter Communications
- en tout état de cause,
- condamner la société Action Films et [P] [J] à verser à la société Jupiter Communications la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,
- condamner la société Action Films et [P] [J] au paiement de la somme de 20.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Action Films et [P] [J] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction, pour ceux les concernant, au profit de la SCP GALLAND - VIGNES, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La société Gaumont, intimée, demande dans ses dernières conclusions en date du 1er décembre 2011 de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- statuant à nouveau,
- constater que les actes de cession datés de 1992 dont se prévaut la société Jupiter Communications sont dépourvus de date certaine et ne sont pas opposables à la société Gaumont faute d'inscription au RCPA,
- constater que ces conventions n'ont acquis date certaine qu'à compter du 28 mars 2007, date de publication au RPCA de l'arrêt de la cour de cassation rejetant le pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 17 janvier 2006,
- dire et juger que par ces actes de cession de droits litigieux, la société Action Films a fait obstacle au droit de préemption de la société Gaumont, en violation des dispositions des articles 815-14 et 815-16 du code civil,
- constater que l'action en nullité formée par la société Gaumont n'est pas prescrite,
- en conséquence,
- dire et juger que les cessions du 11 septembre 1992 et de tous les actes subséquents, notamment la convention du 15 décembre 2012 sont nuls de nuls effet,
- rejeter les demandes reconventionnelles de la société Jupiter Communications en ce qu'elles se fondent sur les actes de cession de 1992 nuls,
- dire et juger que la convention de cession du 19 novembre 2004 est parfaite et doit produire tous ses effets,
- à titre subsidiaire,
- dire et juger que la société Gaumont a acquis les droits litigieux sur la foi légitime d'une qualité apparente dont Action Films s'est expressément et contractuellement prévalue et que la validité de la convention du 19 novembre 2004 ne saurait être remise en cause,
- à titre très subsidiaire,
- vu l'article 1338 du code civil, dire et juger qu'en sollicitant auprès de la cour d'appel de Versailles et en obtenant par arrêt du 27 mars 2008, la restitution du prix de cession versé à Action Films par la société Gaumont, la société Jupiter Communications a confirmé la validité de cette cession;
- en tout état de cause,
- constater que la société Jupiter Communications n'est plus propriétaire des droits litigieux,
- débouter la société Jupiter Communications de ses demandes formées à titre reconventionnel,
- a titre infiniment subsidiaire,
- vu les articles 1109, 1134, 1599, 1626 du code civil, L 237-12 du code du commerce,
- constater que la société Action Films en disposant de ses droits au profit de la société Gaumont a vendu la chose d'autrui,
- constater que la société Action Films prise en la personne de monsieur [P] [J] a commis une faute en n'informant pas la société Gaumont du recours introduit par la société Jupiter Communication à l'encontre de l'arrêt du 26 juin 2001,
- constater qu'en s'abstenant de faire état de ce recours la société Action Films a manqué à la garantie d'éviction due au cédant,
- en conséquence,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société Gaumont à payer à la société Jupiter Communications la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les appelants et la société Jupiter Communications in solidum à lui payer la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec droit de recouvrement au profit de son conseil.
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Sur la demande en nullité de l'acte de cession du 11 septembre 1992 et de l'avenant du 15 décembre 1992
Aux termes de l'article 815-16 du code civil, 'Est nulle toute cession (...) opérée au mépris des dispositions des articles 815-14 et 815-15. L'action en nullité se prescrit par cinq ans. Elle ne peut être exercée que par ceux à qui les notifications devaient être faites ou par leurs héritiers'.
Selon acte du 11 septembre 1992 la société Actions Films a cédé ses quotes parts de droits sur les films coproduits avec notamment la société Gaumont, à la société Jupiter Communication.
Par arrêt du 17 janvier 2006 intervenu entre la société Action films et la société Jupiter Communications la Cour d'appel de Versailles a reconnu la validité de cette cession.
La société Gaumont fait valoir que son action en nullité de ces actes de cession n'est pas prescrite car ceux-ci sont dépourvus de date certaine et ne lui sont pas opposables faute d'inscription au RPCA.
Elle ajoute qu'ils n'ont acquis date certaine qu'à la date de publication de l'arrêt de la Cour de Cassation rejetant le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 17 janvier 2006, soit le 28 mars 2007.
Elle poursuit en indiquant qu'en toute hypothèse elle est recevable à opposer à titre reconventionnel la nullité de l'acte qui lui est opposé.
Elle ajoute que la société Action Films a fait obstacle à son droit de préemption prévu dans deux des contrats et qu'il convient de prononcer sur le fondement des articles 1873-1 et 815 et suivants du code civil, s'agissant de droits en indivision, la nullité des cessions du 11 septembre 1992 et de tous les actes subséquents.
Elle expose à cet effet que les sociétés intimées se sont livrées à des manoeuvres frauduleuses et dolosives destinées à paralyser l'exercice de ses droits en faisant publier au RPCA un acte abrégé ne faisant pas apparaître le prix de cession des droits litigieux puis en établissant un acte de cession intégral mentionnant un prix fictif surévalué, et en se livrant à une compensation par un avenant tenu secret et non publié comportant des factures de prestations émises dans des conditions douteuses.
Elle précise que la société Action Films ne lui a pas notifié la proposition que lui a faite la société Jupiter Communications en précisant les conditions financières de la cession envisagée et que cette dernière ne pouvait ignorer ses droits, les contrats de co-production ayant été publiés.
Elle fait également valoir que les nouveaux actionnaires de la société Action Films ont reçu le prix de cession sans indiquer que les droits cédés étaient litigieux et sans faire état de l'arrêt de la cour de cassation remettant en cause l'objet de cette cession.
Ceci exposé, il convient de relever que les actes de cession litigieux datés de 1992 ont été signés en 1993 comme l'a reconnu l'ancienne dirigeante de la société Action Films, cette cession n'ayant d'ailleurs donné lieu à aucune inscription dans les comptes de la société pour l'exercice 1992, l'avenant précisant les modalités du paiement du prix datant d'ailleurs du 15 décembre 1992.
Cependant, il est justifié que la société Action Films en la personne de son liquidateur, monsieur [Y], a communiqué le 30 juin 1993 à la société Gaumont l'acte de cession qui comportait le prix de cession des trois films dont s'agit, l'absence de notification des modalités du paiement du prix prévu avec la société Jupiter Communication ne l'empêchant pas d'exercer son droit de préemption. La société Gaumont a par la suite envoyé à la société Jupiter Communications les relevés de droits des films qu'elle exploitait sans avoir engagé à son encontre une action en nullité de la cession dont elle avait parfaitement connaissance alors qu'elle approuvait les ventes réalisées par la société Jupiter Communications avec la société Cinexport.
L'acte de cession abrégé publié auprès du RPCA en 1993 ne comportait pas de prix de cession, et ne portait pas sur l'avenant du 15 décembre 1992 relatif à celui-ci. Ce n'est que le 6 février 1995 que la société Gaumont à qui l'entier contrat a été communiqué a eu connaissance du mécanisme de la compensation.
Cependant, dès juin 1993 la société Gaumont avait connaissance de la cession des droits de la société Action Films et de son prix. Les modalités de paiement du prix étant sans incidence sur sa faculté d'exercer son droit de préemption. L'existence de la procédure initiée par le liquidateur judiciaire de la société Action Films à l'encontre de la société Jupiter Communications étant sans incidence sur l'écoulement de la prescription à l'égard de la société Gaumont qui n'était pas partie à cette procédure. Il s'en suit qu'en engageant, à titre principal, une action en nullité de ces actes de cession le 19 novembre 2007 passé le délai de prescription, la société Gaumont est irrecevable en cette demande. Si cette action présentée également à titre reconventionnel sur la demande de la société Jupiter Communications en remboursement des recettes d'exploitation, serait recevable, celle-ci se trouve cependant forclose en son action en nullité dès lors qu'elle a exécuté ce contrat en réglant les droits d'exploitation en résultant, alors qu'elle n'a pas, par ailleurs, exercé son droit de préemption après la notification du 12 juillet 1993 des contrats, ou, à tout le moins, contesté leur validité dans les délais requis.
Il s'en suit que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de nullité des actes de cession du 11 septembre 1992.
Sur la validité de l'acte de cession du 19 novembre 2004
La société Gaumont sollicite l'infirmation du jugement et demande de dire que l'acte du 19 novembre 1994 soit déclaré valide en faisant valoir que la société Opening et son dirigeant, [P] [J], ont été trompés par l'ancienne détentrice des parts sociales composant le capital de la société Action Films qui ne leur aurait pas fait part de l'existence d'un pourvoi interjeté à l'encontre de l'arrêt rendu le 26 mai 2001 par la cour d'appel de Versailles.
Elle fait valoir qu'elle est fondée à opposer l'exception de nullité des conventions de 1992 qui sont intervenues en violation de ses droits de préemption.
Elle soutient que ce contrat est valable car la société Action Films avait une apparence de droits car elle s'est présentée comme propriétaire définitif des droits cédés lui accordant à ce titre une garantie, le transfert des droits cédés étant selon l'acte, irrévocables, alors qu'elle ne lui a jamais fait état du recours formé par la société Jupiter Communications contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 juin 2001.
Elle ajoute que les prétendues manoeuvres dont la société Action Films prétend avoir été elle-même victime de la part de l'expert judiciaire [F] désigné dans la procédure collective et par ailleurs administrateur salarié de la société Action Films et par les anciens dirigeants de cette société, ne font que corroborer sa bonne foi qui n'avait pas de raison de ne pas s'en remettre aux indications et aux garanties de la société Action Films. Elle indique que l'erreur commise sur la qualité de propriétaire de la société Action Films affirmée à plusieurs reprises par celle-ci, était une erreur commune et invincible et précise qu'elle n'avait aucune raison et aucun moyen de vérifier la situation procédurale d'un litige auquel elle n'était pas partie.
La société Action Films et monsieur [P] [J] es qualités, font valoir qu'aux termes d'un protocole d'accord conclu le 26 mai 2003, madame [N] a cédé à la société Opening présidée par monsieur [J], les 9090 actions de la société Actions Films dont elle était propriétaire et que monsieur [P] [J] a été désigné en qualité de liquidateur amiable de la société Actions Films. Ils ajoutent que monsieur [J] était dans l'ignorance de l'existence d'un pourvoi en cassation susceptible de remettre en cause la propriété des films du catalogue au moment où il a engagé la cession litigieuse avec la société Gaumont. Ils indiquent que dans sa note du 5 novembre 2002, monsieur [F], expert judiciaire dans la procédure collective et actionnaire salarié de la société Action Films, rappelait le litige avec la société Jupiter Communications mais de manière partisane et tronquée de sorte que la société Opening était amenée à penser que l'annulation des cessions intervenues entre les sociétés Action Films et Jupiter Communications était justifiée et que la société Action Films avait retrouvé définitivement la propriété des douze films de son catalogue, car il n'était pas fait état du pourvoi en cassation.
Pour s'opposer à cette demande en nullité, la société Action Films et monsieur [J] es qualités, soutiennent que la société Gaumont qui avait connaissance de l'arrêt de cassation du 7 décembre 2004 aurait volontairement exécuté le contrat de cession du 19 novembre 2004 en procédant au prix convenu de sorte qu'elle a renoncé à se prévaloir de la nullité de la cession pour absence de cause.
A titre subsidiaire, ils indiquent que la société Gaumont ne peut solliciter la garantie contractuelle d'un contrat annulé et exposent que l'éviction dont se plaint la société Gaumont a une cause postérieure à la cession et qu'aucune garantie ne lui est due.
Ils font également valoir que la société Jupiter Communication qui n'a à aucun moment contesté la validité de la cession du 19 novembre 2004 mais au contraire a sollicité et obtenu la restitution des 200.000 euros réglés par la société Gaumont, a validé cette cession tout en privant la société Action Films du seul actif de son catalogue.
Ceci rappelé et comme cela a été indiqué ci-dessus, la société Gaumont a été informée en juin 1993 des cessions des droits de la société Action Films au profit de la société Jupiter Communications et n'a engagé aucune action en nullité de ces cessions avant le 17 novembre 2007 alors qu'elle avait exécuté ce contrat de cession en adressant les droits d'exploitation des films cédés à la société Jupiter Communication, de sorte qu'elle est, comme indiqué précédemment, forclose en son action en nullité par voie d'exception, ayant exécuté sans réserve le contrat qu'elle attaque.
Elle ne peut invoquer l'erreur commune invincible puisque dans sa lettre du 8 novembre 2004 adressée à l'Angola saisie par la société Jupiter Communications dans le cadre d'un conflit de répartition des recettes, elle indiquait qu'il existait un litige sur les films et il lui appartenait de faire toutes diligences pour connaître l'état des droits objets de la cession et notamment de s'adresser à sa cessionnaire pour s'informer si les décisions précédentes dont elle avait connaissance étaient irrévocables. Il ressort par ailleurs des pièces communiquées que son conseil était informé de l'existence du pourvoi et des droits litigieux de la société Action Films.
Par ailleurs, la société Action Films n'était pas à la date de la cession du 19 novembre 2004, propriétaire des droits cédés dès lors que la société Jupiter Communications l'était depuis le 11 septembre 1992 selon contrat inscrit au RPCA du 25 février 1993.
La société Gaumont fait valoir à titre très subsidiaire, qu'en sollicitant auprès de la cour d'appel de Versailles et en obtenant aux termes de l'arrêt du 27 mars 2008 la restitution du prix de cession versé à la société Action Films par elle, la société Jupiter Communications a confirmé la validité de la cession du 19 novembre 2004, cette demande ayant été formulée distinctement de sa demande indemnitaire en paiement de dommages et intérêts alors qu'elle n'a jamais agi à son encontre en revendication des droits litigieux.
A titre très subsidiaire, elle expose que la rétroactivité du rétablissement des droits de la société Jupiter Communications par l'effet de l'arrêt du 17 janvier 2006 qui a jugé qu'elle était propriétaire des films du catalogue de la société Action Films depuis le 11 septembre 1992 entraîne de plein droit l'anéantissement de la vente du 19 novembre 2004 qui est dépourvu de cause en application de l'article 1599 du code civil.
La société Action Films prétend que le paiement du prix de cession par la société Gaumont le 16 décembre 2004 vaut acte de confirmation.
Cependant, seule la société Jupiter Communications véritable propriétaire des droits cédés peut confirmer la cession litigieuse et non l'acquéreur trompé et ce d'autant qu'il n'est pas établi qu'au moment de ce règlement la société Gaumont avait connaissance que les droits acquis étaient anéantis, seulement qu'ils étaient litigieux. Par ailleurs c'est l'acte préalable de cession des mêmes droits qui constitue l'éviction et non l'arrêt de la cour de Versailles du 17 janvier 2006 qui a reconnu la validité de cette cession avec effet rétroactif.
La société Action Films était partie à la procédure devant la Cour de cassation et ne peut se retrancher derrière le comportement de ses administrateurs successifs pour prétendre avoir ignoré que les droits cédés été litigieux alors par ailleurs qu'elle adressait à la société Gaumont la facture de la cession bien qu'elle était informée à cette date de l'arrêt de la cour de cassation validant la cession préalable.
La clause 6-2 du protocole du 26 mai 2003 conclu par la société Opening représentée par monsieur [J] mentionnait que 'le cessionnaire se substituera à toute personne et notamment aux organes de la procédure dans la poursuite des actions ou dans l'introduction de nouvelles actions pouvant être engagées contre la société Jupiter communications.' Il lui appartenait donc de s'assurer du caractère irrévocable des décisions dont il était fait état dans ce protocole.
Si le 5 novembre 2004 monsieur [J] peut prétendre avoir ignoré l'existence du pourvoi en cassation compte tenu des documents qui lui avaient été communiqués par les anciens associés, il en était toutefois informé lorsqu'il a adressé à la société Gaumont la facture du prix de cession et en s'abstenant d'informer la cessionnaire à ce moment a commis une faute qui est à l'origine des procédures et éviction subies par la société Gaumont.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé le contrat du 19 novembre 2004 pour défaut de cause, sur le fondement de l'article 1131 du code civil et a condamné in solidum la société Action Films et monsieur [J], es qualités à rembourser à la société Gaumont la somme de 200.000 euros réglée au titre de l'acquisition et celle de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant de sa faute.
Il s'en suit que cette nullité emporte l'inopposabilité des contrats de renouvellement des droits d'auteur que la société Gaumont a conclu seule, leur nullité ne pouvant en être prononcée faute de la présence des co-contractants au présent litige.
Sur les demandes reconventionnelles de la société Jupiter Communications
La société Gaumont a poursuivi l'exploitation des films et a procédé au renouvellement des droits d'auteur y afférents venus à échéance, et fait publier ces actes au RPCA. L'exploitation indue de ces films a généré des recettes d'un montant de 13.120,98 euros depuis le 19 novembre 2004 jusqu'au 14 octobre 2010.
En raison de la nullité de l'acte du 19 novembre 2004 la société Gaumont a indûment perçu les droits d'exploitation sur les trois films dont s'agit. C'est donc à bon droit que le tribunal à titre de dommages et intérêts a condamné la société Gaumont à payer à la société Jupiter Communications la somme de 13.120, 98 euros pour le préjudice subi à ce titre résultant de sa perte de droit aux bénéfices.
Aux termes de l'article 559 du code de procédure civile en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3.000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui lui seraient réclamés. Cette amende, perçue séparément des droits d'enregistrement de la décision qui l'a prononcée, ne peut être réclamée aux intimés. Ceux-ci peuvent obtenir une expédition de la décision revêtue de la formule exécutoire sans que le non-paiement de l'amende puisse y faire obstacle.
La société Jupiter Communications sollicite sur le fondement de cet article la condamnation de la société Action Films et de [P] [J] à la somme de 50.000 euros au motif qu'ils ont interjeté appel en dépit de l'évidente nullité du contrat du 19 novembre 2004 du fait des manoeuvres malhonnêtes de la société Actions Films.
Cependant la présente procédure ne revêtant aucun caractère manifestement abusif mais ne constituant que l'exercice normal d'un droit il n'y a pas lieu de faire droit à la demande reconventionnelle de la société Jupiter Communications tendant à être indemnisée à ce titre.
Sur les autres demandes
L'équité commande de condamner in solidum la société Action Films et monsieur [P] [J] es qualités, à payer à la société Jupiter la somme de 10.000 euros et à la société Gaumont celle de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par la société Action Films et monsieur [P] [J].
Les dépens resteront à la charge in solidum de la société Action Films et de monsieur [P] [J] qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Les dépens resteront à la charge in solidum des appelants qui succombent et seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Rejette l'ensemble des demandes des appelants,
Rejette la demande reconventionnelle de la société Jupiter Communications fondée sur l'article 559 du code de procédure civile,
Rejette les demandes principales de la société Gaumont,
En conséquence,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant
Condamne in solidum la société Action Films et monsieur [P] [J], es qualités de liquidateur amiable de la société Action Films, à payer à la société Jupiter Communications la somme de 10.000 euros et à la société Gaumont celle de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la société Action Films et monsieur [P] [J], es qualités de liquidateur amiable de la société Action films, aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente