Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2015
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/04164
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Novembre 2013 -Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2009F00384
APPELANTE :
S.A. AGRISOL prise en la personne de son président en exercice et tous représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représentée par Me Thierry SERRA de l'AARPI SERRA ABOUZEID ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280
Ayant pour avocat plaidant Me Charles ABELASSIS, avocat au barreau de Nice
INTIMES :
Monsieur [N] [Y]
[Adresse 4]
[Adresse 3]
Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Ayant pour avocat plaidant Me Alain CORBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1467
Madame [T] [J] épouse [Y]
[Adresse 4]
[Adresse 3]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Ayant pour avocat plaidant Me Alain CORBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1467
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 01 Juin 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente de chambre
Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre
Monsieur Joël BOYER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Monsieur Xavier FLANDIN-BLETY
Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public.
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente et par Madame Pervenche HALDRIC, greffière présente lors du prononcé.
La société anonyme Agrisol et M. [I] [P], son président-directeur général, cédants, ont régularisé le 17 juin 2003 avec M. [N] [Y], cessionnaire, une promesse de cession des parts composant l'entier capital social de la société Capesterre-Blondinière.
Le prix de cession y était fixé, sur la base des comptes arrêtés au 31 décembre 2002, à la somme de 300 000 euros.
L'acte comportait en son paragraphe III une garantie d'actif et de passif par laquelle les vendeurs s'engageaient à dédommager l'acquéreur de tout amoindrissement ou diminution de la valeur de l'actif ou de tout accroissement du passif résultant, notamment 'd'une réclamation, revendication, obligation ou évaluation à l'encontre de la société n'ayant pas fait l'objet d'une provision ou insuffisamment provisionnée dans les comptes au 31 décembre 2002, tel le redressement d'un montant de 209 309 euros notifié par l'administration à la société, et qui n'a pas donné lieu à provision, dès lors que la contestation n'aboutirait pas à l'annulation dudit redressement'.
L'acte notarié de cession des parts sociales est intervenu le 20 juillet 2004. Il y était stipulé dans sa partie intitulée 'Garantie de passif' :
'Les cédants confirment expressément la totalité des déclarations faites par eux dans le protocole du 17 juin 2003 (sauf les modifications prévues aux présents), et notamment confirment la garantie d'actif et de passif donnée dans le document du 17 juin 2003 ci-annexé. En dehors des modifications apportées aux présentes les parties s'engagent expressément à l'exécution de toutes les conditions prévues dans le protocole du 17 juin 2003 ci-annexé. Le prix visé ci-dessus [554 208 euros] a été fixé en considération du bilan établi par la société émettrice des parts cédées à la date du 31 décembre 2002".
La réclamation fiscale relative au redressement de 209 309 euros a été définitivement rejetée par arrêt du Conseil d'Etat en date du 14 avril 2010.
C'est dans ces circonstances que, par acte du 22 avril 2009, les époux [Y] ont fait assigner la société Agrisol, laquelle était détentrice de 42 490 parts sur les 42 500 qui constituaient l'entier capital social de la société cédée, en exécution de son engagement de garantie et en paiement de la somme de 297 008,53 euros.
Par jugement du 18 novembre 2013, le tribunal de commerce de Créteil a condamné la société Agrisol à payer aux époux [Y] la somme de 288 155 euros, correspondant au principal de la créance fiscale augmenté des pénalités et intérêts attachés au redressement.
La société Agrisol a relevé appel de cette décision selon déclaration en date du 25 février 2014.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 12 mai 2014, elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de dire et juger que la dette fiscale est née antérieurement à la cession des parts et que les acquéreurs étaient informés de ladite dette, de constater la nullité de la garantie de passif visée dans l'acte réitéré, de dire et juger que le redressement fiscal n'entre pas dans le champ d'application de la garantie, de constater que M. [O] est seul signataire de l'acte sous seing privé du 17 juin 2003 comportant la garantie d'actif et de passif, de constater qu'il n'était pourvu d'aucune autorisation spéciale de la part du conseil d'administration de la société, en conséquence, de débouter les époux [Y] de toutes leurs demandes et de les condamner à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par ordonnance sur incident du 27 janvier 2015, le conseiller chargé de la mise en état a déclaré irrecevables, au visa des article 909 et 911-2 du code de procédure civile, les conclusions notifiées par les intimées.
SUR CE
Sur les conclusions de procédure
Par conclusions de procédure du 20 mai 2015, la société Agrisol demande à la cour de rejeter des débats les pièces communiquées par les intimés le 17 février 2015 tandis que ces derniers soutiennent que seules leurs conclusions ont été déclarées irrecevables de sorte que les pièces par eux communiquées échappent à l'irrecevabilité.
Mais l'irrecevabilité qui sanctionne les conclusions tardives par application des articles 909 et suivants du code de procédure civile rend irrecevables les pièces communiquées au soutien de ces conclusions, de sorte que les pièces numérotées 1 à 13, visées par le bordereau de communication de pièces joint aux conclusions déclarées irrecevables et que les intimés ont à nouveau communiquées le 15 février 2015, seront écartées des débats.
Au fond
Pour conclure à l'infirmation du jugement déféré, la société Agrisol soutient, en premier lieu, qu'une garantie d'actif et de passif ne peut couvrir que les dettes nées antérieurement à la cession mais inconnues des cessionnaires à la date de celle-ci, de sorte que le redressement fiscal en cause, parfaitement connu des candidats acquéreurs dès la promesse de cession, lesquels avaient en outre connaissance de l'absence de provision de ce chef, ne saurait en relever.
Mais les clauses de garantie d'actif et de passif sont librement convenues par les parties qui en déterminent le champ et la portée, de sorte qu'il leur était loisible, comme elle l'ont fait en l'espèce, de décider qu'un redressement fiscal antérieur à la cession, contesté et non provisionné, serait garanti par les cédants dans l'hypothèse d'un rejet de la contestation.
Et c'est par une stipulation expresse et sans équivoque qu'elles en ont ainsi décidé ('les vendeurs s'engagent à dédommager l'acquéreur [...] de tout accroissement du passif résultant, notamment d'une réclamation, revendication, obligation [...] à l'encontre de la société n'ayant pas fait l'objet d'une provision ou insuffisamment provisionnée dans les comptes au 31 décembre 2002, tel le redressement d'un montant de 209 309 euros notifié par l'administration à la société, et qui n'a pas donné lieu à provision, dès lors que la contestation n'aboutirait pas à l'annulation dudit redressement'), de sorte que le moyen sera rejeté.
La société Agrisol soutient encore que l'engagement de garantie stipulé par la promesse du 17 juin 2003 n'a pas été expressément repris dans l'acte notarié de cession du 20 juillet 2004 de sorte que ce dernier doit être regardé comme ayant emporté novation sur ce point, souligne que si les parties avaient eu la volonté non équivoque de reconduire la garantie du passif fiscal, elles l'auraient formalisée dans l'acte de cession lui-même, qu'en définitive cette dernière constituait une garantie autonome qui n'engageait que le seul signataire de la promesse, M. [O], et qui n'a pas été reprise dans l'acte notarié.
Ce moyen sera encore rejeté en l'état de la clause figurant dans l'acte notarié qui fait expressément référence aux engagements de garantie des cédants ('Les cédants confirment expressément la totalité des déclarations faites par eux dans le protocole du 17 juin 2003 ( sauf les modifications prévues aux présents), et notamment confirment la garantie d'actif et de passif donnée dans le document du 17 juin 2003 ci-annexé'), et ne comporte aucune modification du champ ou de la portée de la garantie précédemment souscrite, expressément visée et annexée à l'acte notarié.
La société Agrisol conteste enfin le pouvoir ou la qualité de M. [O], signataire de la promesse de cession du 17 juin 2003 et, selon elle, tiers à la société, pour conclure des actes de disposition en l'absence d'autorisation du conseil d'administration, requise par l'article L 225-35, alinéa 4, du code de commerce s'agissant des cautions, avals et garanties.
Mais le moyen est doublement inopérant en l'état de l'engagement réitéré des cédants dans l'acte notarié du 20 juillet 2004 de garantir les cessionnaires dans les termes de la promesse du 17 juin 2003 et au regard des dispositions de l'article L 225-35 du code de commerce qui ne sont applicables qu'aux actes sociaux qui garantissent les engagements de tiers et ne le sont pas aux garanties afférentes aux propres engagements de la société elle-même, étant sur ce point observé que M. [O] est intervenu à l'acte du 17 juin 2003 non pas en tant que tiers, comme il est suggéré, mais, comme cela résulte des qualités de l'acte lui-même, en vertu d'un pouvoir spécial qui lui avait été donné par M. [P], président-directeur de la société cessionnaire, pour agir en son nom et pour son compte ès qualités.
Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions et la société Agrisol déboutée de toutes ses demandes.
PAR CES MOTIFS
Rejette les pièces communiquées par les intimés, numérotées 1 à 13, au soutien de
leurs conclusions déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état,
Confirme le jugement déféré,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société Agrisol aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière, La Présidente,