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09/09/2015 | FRANCE | N°14/11214

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 09 septembre 2015, 14/11214


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2015



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/11214



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Avril 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/11759





APPELANTE



Madame [U] [S] veuve [B], née le [Date naissance 2]1933 à [Localité 8]

[Adresse 4]>
[Localité 2]



représentée par Me Guy PELISSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1449

assistée de Me Vianney FERAUD, avocat au barreau de PARIS, toque :C1456







INTIMÉS



Monsieur [C...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/11214

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Avril 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/11759

APPELANTE

Madame [U] [S] veuve [B], née le [Date naissance 2]1933 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Guy PELISSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1449

assistée de Me Vianney FERAUD, avocat au barreau de PARIS, toque :C1456

INTIMÉS

Monsieur [C] [K] [M] [M], né le [Date naissance 1]1946 [Localité 7] (ALGERIE)

[Adresse 3]

[Localité 4]

Madame [O] [X] épouse [K] [M] [M], née le [Date naissance 3]1948 à [Localité 6] (MAROC)

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentés par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

assistés de Me Béatrice DE VIGNERAL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1997

Monsieur [P] [V], né le [Date naissance 4]1948 à [Localité 5] (PORTUGAL)

[Adresse 6]

[Localité 1] (PORTUGAL)

représenté et assisté de Me Christine BASLE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0559

Maître [Y] [T]

ès qualités Administrateur Judiciaire de la succession de [Z] [Q]

[Adresse 2]

[Localité 3]

régulièrement assignée à personne physique, n'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 20 mai 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Evelyne DELBÈS, Président,

Madame Monique MAUMUS, Conseiller

Madame Nicolette GUILLAUME, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Marie-France MEGNIEN

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Evelyne DELBÈS, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier présent lors du prononcé.

***

Par testament en date du 2 mars 1992 déposé entre les mains de Me [A], notaire à [Localité 3], [Z] [Q] a désigné M. [K] [M] [M] et Mme [O] [X], son épouse, gardiens de l'immeuble dans lequel il a vécu et exercé la profession de médecin, comme légataires universels et Mme [W] [F], sa femme de ménage, comme légataire à titre particulier.

Aux termes d'un testament du 10 septembre 1999, il révoquait ce testament et instituait Mme [U] [S] épouse [B], légataire universelle.

A la suite de diverses plaintes, Mme [B] a été mise en examen le 22 mai 2000 pour abus de faiblesse et [Z] [Q] a été placé le 3 juillet 2000 sous sauvegarde de justice par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Paris 11 ème arrondissement qui a autorisé le mandataire spécial à se constituer partie civile.

[Z] [Q] est décédé le [Date décès 1] 2000, sans héritier réservataire.

Le 29 mars 2001, les époux [M] ont déposé plainte auprès du Procureur de la République pour établissement d'un testament dans le cadre d'un abus de faiblesse.

Le 25 juin 2001, Mme [U] [B] a été envoyée en possession par le président du tribunal de grande Instance de Paris.

Par ordonnance du 21 décembre 2001, Maître [J] a été désignée en qualité d'administrateur provisoire de la succession de [Z] [Q] puis a été remplacée par Maître [T] le 2 septembre 2005. Il a été mis fin à la mission de Maître [T] le 10 août 2010.

Par jugement du 17 juin 2002, la 12ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris a déclaré Mme [B] coupable d'abus de faiblesse sur la personne de [Z] [Q] et déclaré la constitution de partie civile des époux [M] et de Mme [F] irrecevable au motif que leurs demandes relevaient du tribunal civil s'agissant de questions de droit civil et non du préjudice découlant de l'infraction.

Le 13 septembre 2004, la cour d'appel de Paris a reconnu Mme [U] [B] coupable du délit d'abus de faiblesse au préjudice de [Z] [Q] pour la période du 1er août 1999 au 31 mai 2000.

Par arrêt du 15 novembre 2005, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par Mme [B].

En décembre 2002, les époux [M] ont assigné Mme [U] [B] et l'administrateur judiciaire en nullité du second testament.

Le 18 décembre 2003, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné le retrait du rôle dans l'attente de l'issue de la procédure pénale pendante devant la cour d'appel.

Le rétablissement a été sollicité le 20 janvier 2006 et le juge de la mise en état a déclaré le 14 décembre 2006 que l'instance n'était pas périmée.

Par arrêt en date du 28 juin 2007, Mme [B] a été déboutée de son appel, les ordonnances du juge de la mise en état ne pouvant être frappées d'appel qu'avec les jugements statuant au fond.

Par jugement du 4 septembre 2008, confirmé le 4 novembre 2009 par la cour d'appel de Paris, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré nul sur le fondement de l'article 901 du code civil le testament en date du 10 septembre 1999.

Par arrêt du 22 mars 2012, la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 4 novembre 2009 en constatant la péremption de l'instance, aucune diligence n'ayant été accomplie pendant plus de deux ans.

Les époux [K] avaient saisi à nouveau le tribunal de grande instance de Paris par actes des 5 juillet et 10 août 2010 à titre conservatoire dans l'attente de la décision de la Cour de cassation.

Par jugement du 25 avril 2014, le tribunal de grande instance de Paris, saisi par M et Mme [K] [M] [M], a :

- déclaré recevable la constitution de Maître Béatrice de Vigneral,

- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formée pour les époux [M],

- déclaré M. [P] [V] recevable en son intervention volontaire,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité du testament en date du 10 septembre 1999 sur le fondement de l'article 970 du code civil,

- déclaré nul le testament en date du 10 septembre 1999 sur le fondement de l'article 970 du code civil,

- constaté que M. [V] est matériellement en possession des legs particuliers mais en a ordonné la délivrance juridique,

- condamné Mme [B] à payer aux époux [M] tous les frais des administrateurs judiciaires successifs à concurrence de 69 000 euros,

- condamné Mme [B] à payer aux époux [M] la somme de 51.641,22 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2000,

- condamné Mme [B] à payer aux époux [M], d'une part, et à M. [V], d'autre part, chacun la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral,

- condamné Mme [B] à payer, d'une part, aux époux [M] et, d'autre part, à M. [V] chacun la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- rejeté toutes autres demandes.

Mme [B] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 26 mai 2014.

Dans ses conclusions du 4 mai 2015, elle demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement,

- statuant à nouveau,

- dire et juger que rien ne permet de déterminer que le testament de [Z] [Q] du 10 septembre 1999 aurait été rédigé ' à main guidée ' en méconnaissance des dispositions de l'article 970 du code civil,

- constater que le 10 septembre 1999, date de rédaction du testament dont la nullité est poursuivie et la date de l'exploit introductif de première instance, soit le 5 juillet 2010, plus de 5 ans se sont écoulés, (sic)

- dire en conséquence que l'action visant à l'annulation du testament de [Z] [Q] du 10 septembre 1999 fondée sur les dispositions de l'article 901 du code civil est irrecevable puisque prescrite,

- dire également prescrite l'action visant à l'annulation du testament de [Z] [Q] du 10 septembre 1999 fondée sur un prétendu vice de forme de ce testament, cette action ayant été engagée plus de 5 ans après la date où les époux [K] [M] [M] en ont eu connaissance,

- en toute hypothèse,

- dire mal fondée l'action visant à l'annulation du testament de [Z] [Q] du 10 septembre 1999 fondée sur un prétendu vice de forme de ce testament,

l'existence d'une rédaction à main guidée n'étant pas démontrée,

- dire qu'aucune cause n'a eu d'effet interruptif sur la prescription,

- dire irrecevable puisque prescrite l'action engagée, à titre subsidiaire, par M. et Mme [K] [M] [M] sur le fondement de l'article 1382 du code civil,

- en toute hypothèse,

- dire mal fondée cette demande ainsi fondée et constater en particulier que M. et Mme [K] [M] [M] et M. [V] ne justifient d'aucun préjudice,

- les dire mal fondés en leurs demandes de condamnation à leur payer une somme de 69.000 € au titre des frais d'administration judiciaire,

- dire irrecevable puisque prescrite la demande des époux [K] [M] [M] visant à sa condamnation à leur payer une somme de 51.641,22 € pour le remboursement des prétendues sommes détournées par elle,

- subsidiairement, dire cette même demande mal fondée et en débouter les époux [K] [M] [M] et M. [V],

- dire et constater qu'elle n'est pas responsable de la durée des procédures judiciaires qui l'ont opposée aux époux [K] [M] [M] et à M. [V],

- les débouter de leurs demandes en réparation de leur prétendu préjudice moral,

- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la délivrance juridique des legs particuliers à M. [V],

- condamner in solidum M. et Mme [K] [M] [M] et M. [V] à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans leurs conclusions du 3 février 2015, M. et Mme [K] [M] [M] demandent à la cour de :

- déclarer Mme [B] recevable en son appel mais l'y dire mal fondée,

- les déclarer recevables en leur appel incident et les y dire bien fondés,

Vu l'article 970 du code civil,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité du testament en date du 10 septembre 1999 sur le fondement de l'article 970 du code civil,

- déclaré nul le testament en date du 10 septembre 1999 sur le fondement de

l'article 970 du code civil,

- condamné Mme [B] à leur payer :

* tous les frais d'administrateurs judiciaires successifs à concurrence de 69.000 €,

* la somme de 51.641,22 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2000,

* la somme de 8.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral,

* la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [B] aux entiers dépens,

- y ajoutant,

- dire et juger que leur qualité de légataires universels doit produire son plein effet,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité la condamnation de Mme

[B] à la somme de 8.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par eux,

- statuant à nouveau sur ce chef,

- condamner Mme [B] à leur payer la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,

- subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour estimerait que la prescription

quinquennale s'appliquerait à l'action en nullité,

Vu l'article 901 du code civil,

Vu l'article 26.II et 26.III de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008,

Vu le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil,

- dire que le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité ne court qu'à

compter du 20 janvier 2006, date de la notification qui leur a été faite de l'arrêt de la

Cour de cassation en date du 15 novembre 2005,

- dire et juger qu'à la date du 5 juillet 2010, la prescription n'était pas acquise,

- et à titre infiniment subsidiaire, sur ce point :

Vu l'article 389 du code civil,

Vu les articles 2241, 2242 et 2231 du code civil,

- dire que la procédure pénale, débutée le 5 septembre 2001, a eu un effet interruptif

de prescription et ce jusqu'au 20 janvier 2006, date de la notification qui leur a été faite de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 15 novembre 2005,

- dire et juger qu'à la date du 5 juillet 2010, la prescription n'était pas acquise,

- dans l'hypothèse où la cour déclarerait irrecevable leur demande et ne ferait pas droit à leur demande en nullité du testament du 10 septembre 1999,

Vu l'article 1382 du code civil,

- condamner Mme [B] à leur payer les sommes suivantes :

- 779.120,00 € au titre de la perte de chance de devenir propriétaire,

- 820.195,24 € au titre de la perte de chance de recevoir les meubles ayant appartenu à [Z] [Q],

- 153.620,40 € au titre de la perte de chance de percevoir les revenus provenant

de l'appartement situé à [Adresse 5],

- 23.144,14 € au titre des dépens d'appel, dommages et intérêts remboursés à Mme [B] à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 22 mars 2012,

- 51.641,22 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2000 au titre

des sommes dérobées à [Z] [Q],

- 20.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi,

- 69.000 € au titre des frais des administrateurs judiciaires successifs,

En tout état de cause,

- condamner Mme [B] à leur payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés par Maître Frédérique Etevenard, avocat, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions du 15 décembre 2014, M. [V], fils de Mme [W] [F], demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré recevable son intervention volontaire,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité du testament en date du 10 septembre 1999 sur le fondement de l'article 970 du code civil,

- déclaré nul le testament en date du 10 septembre 1999 sur le fondement de l'article 970 du code civil,

- constaté qu'il était matériellement en possession des legs particuliers et en a ordonné la délivrance juridique,

- condamné Mme [B] à payer aux époux [M] tous les frais des administrateurs judiciaires successifs à concurrence de 69 000 euros,

- condamné Mme [B] à payer aux époux [M] la somme de 51.641,22 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2000,

- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses prétentions,

- le réformer en ce qu'il a limité la condamnation de Mme [B] à payer aux époux [M], d'une part, et à lui-même, d'autre part, chacun la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral,

- et statuant à nouveau,

- condamner Mme [B] à payer, d'une part, aux époux [M] et, d'autre part, à lui-même, chacun, la somme de 30.000 euros à titre d'indemnité en réparation de leur préjudice moral,

- condamner Mme [B] au remboursement de tous les frais d'administrateur judiciaire à hauteur de 70 000 euros (sauf à parfaire),

- condamner Mme [B] à verser à M. et Mme [K] [M] la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [B] aux entiers dépens conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- si, par impossible, le tribunal devait considérer que Mme [B] était légataire universelle du docteur [Q],

- constater que le deuxième testament n'est pas incompatible avec le legs particulier en sa faveur,

- en tout état de cause,

- ordonner au légataire universel de lui délivrer le legs particulier,

- le déclarer recevable, à titre subsidiaire, par application de l'article 329, alinéa 1er, du code de procédure civile, comme ayant intérêt et qualité pour agir,

- dire que la présente demande d'indemnisation de son préjudice en qualité de victime indirecte du délit commis par Mme [B] se rattache indiscutablement à l'objet de la demande initiale dont se trouve saisie la cour, à savoir la condamnation de Mme [B] à réparer l'intégralité du préjudice qu'elle a ainsi causé,

- le déclarer, par suite, recevable en son intervention volontaire principale, par application de l'article 325 du code de procédure civile,

- et statuant sur le fond de la présente demande, le déclarer bien fondé ;

- en conséquence,

Vu l'article 1382 du code civil,

- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses prétentions,

- condamner Mme [B] à lui verser une somme de 1.501.808 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice matériel comprenant :

*735.000 € concernant la captation des biens immobiliers dont il aurait dû

devenir propriétaire ;

* et 766.808 € au titre de la perte de perception des loyers provenant des appartements situés [Adresse 1], pendant 30 ans ;

- une somme de 30.000 € en réparation du préjudice moral qu'elle lui a fait endurer du fait de son comportement fautif,

- en tout état de cause,

- condamner Mme [B] à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Maître Basle, avocat conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que par arrêt du 22 mars 2012, la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 4 novembre 2009 de la cour d'appel de Paris et a constaté la péremption de l'instance diligentée par assignation du décembre 2002, aucune diligence n'ayant été accomplie pendant plus de deux ans ;

Considérant qu'en application de l'article 389 du code de procédure civile, 'la péremption n'éteint pas l'action ; elle emporte seulement extinction de l'instance sans qu'on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s'en prévaloir' ;

Considérant que les époux [M] ont à nouveau assigné Mme [B] par acte d'huissier du 5 juillet 2010 ;

Qu'ils exposent qu'ils fondent leur action en nullité du testament sur les dispositions de l'article 970 du code civil, action soumise à la prescription trentenaire, en soutenant que cet acte a été rédigé à main guidée et qu'il n'est pas l'expression de la volonté de [Z] [Q], Mme [B] ayant abusé de la faiblesse de ce dernier, ainsi que cela résulte de l'arrêt du 15 novembre 2005 de la Cour de cassation rejetant le pourvoi formé par Mme [B] à l'encontre de l'arrêt du 13 septembre 2004 de la cour d'appel de Paris qui a confirmé le jugement du 17 juin 2002 de la 12ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris la déclarant coupable du délit d'abus de faiblesse au préjudice de [Z] [Q] pour la période du 1er août 1999 au 31 mai 2000 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1001 du code civil, 'les formalités auxquelles les divers testaments sont assujettis par les dispositions de la présente section et de la section précédente doivent être observées à peine de nullité';

Considérant que selon l'article 2262 ancien du code civil, 'toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans';

Considérant qu'eu égard à la date d'établissement du testament du 10 septembre 1999, l'action le concernant était soumise à la prescription trentenaire ;

Que la loi du 17 juin 2008 a réduit ce délai à cinq ans aux termes de l'article 2224 du code civil ;

Que cependant en application de l'article 26 de la loi précitée, 'les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription, s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure';

Considérant que l'instance introduite par assignation du 5 juillet 2010, c'est à dire dans les cinq ans à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi précitée, n'est pas prescrite ;

Considérant que le testament du 10 septembre 1999 a été établi pendant la durée de la prévention de Mme [B] condamnée pour abus de faiblesse du testateur, du 1er août 1999 au 31 mai 2000, aux termes de l'arrêt confirmatif du 13 septembre 2004 de la cour d'appel de Paris, devenu irrévocable à la suite de l'arrêt du 15 novembre 2005 de la Cour de cassation rejetant le pourvoi de Mme [B] ;

Considérant que cette dernière a été condamnée par les juridictions pénales, aux motifs, s'agissant du jugement du 17 juin 2002 du tribunal correctionnel de Paris, qu'elle 'est allée jusqu'à modifier en sa faveur des testaments rédigés pour la gardienne et la femme de ménage', alors que 'la prévenue ne pouvait pas ne pas se rendre compte de l'état de la victime tel que décrit par l'expert à savoir un état de particulière vulnérabilité tout à fait apparent causé par une involution sénile de type cérébro-sclérose vasculaire cérébrale', la cour d'appel dans son arrêt du 13 septembre 2004, soulignant que la prévenue 'se trouvait dans une situation lui permettant d'apprécier l'évolution de l'état de dépendance de celui-ci ([Z] [Q]), et donc de faiblesse' ;

Considérant qu'il résulte de l'avis du 15 mars 2001, certes amiable mais régulièrement versé aux débats, et pouvant, en conséquence, faire l'objet d'analyse et de contestation de la part de Mme [B], qui s'est limitée à soutenir qu'il s'agissait d'un rapport amiable sans valeur juridique et scientifique, de Mme [E], graphologue-conseil, expert judiciaire honoraire, sur le testament du 10 septembre 1999 que 'le contraste entre les difficultés qu'éprouve l'auteur du testament à former ses lettres et l'aisance du texte autorise à se poser des questions afin de déterminer s'il n'y a pas eu une main guidée et/ou la copie d'un texte préparé à l'avance';

Considérant que si le testament est valable même si la main du testateur a été guidée, c'est à la condition que le testament soit bien l'oeuvre réfléchie de celui qui l'a écrit et que le tiers n'ait aucunement influencé la volonté du scripteur ;

Considérant que Mme [B] a avoué, notamment, avoir établi trois chèques de 50 000 francs à son profit à partir du compte BNP de [Z] [Q], et avoir ' vidé' en septembre 1999 le livret d'épargne à la Caisse d'Epargne de ce dernier sur lequel étaient déposés 100 000 francs ;

Considérant que pour ces faits parfaitement concomitants à l'établissement du testament, les procurations sur les comptes de [Z] [Q] ayant été établies le 10 septembre 1999, l'appelante a été condamnée par les juridictions pénales pour abus de faiblesse, sa victime n'étant pas en état d'avoir le moindre contrôle sur ses comptes ;

Considérant qu'il résulte de ce rappel chronologique, conforté par l'analyse de l'expert amiable, que le testament litigieux, bien qu'écrit de la main de [Z] [Q], n'était pas l'expression de sa volonté propre, mais était uniquement le fruit de l'influence de Mme [B] et de l'abus de la faiblesse du scripteur, de sorte que ce testament doit être annulé et le jugement confirmé de ce chef ;

Sur les autres demandes

les frais d'administrateurs judiciaires

Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le tribunal a jugé que les frais qui ont été engagés pour rémunérer l'administrateur judiciaire doivent être supportés par l'appelante ;

Qu'en effet, en se prévalant d'un testament nul, elle a rendu complexe le règlement de la succession de [Z] [Q] et imposé la nomination d'un administrateur judiciaire pendant le cours de la procédure, ce qui a généré les honoraires dont les légataires universels sont bien fondés à lui demander le paiement ;

Que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

les détournements opérés par Mme [B]

Considérant que les époux [M] demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné Mme [B] à leur payer la somme de 51.641,22 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2000, au titre des détournements effectués par l'appelante sur les comptes du défunt, soutenant qu'en leurs qualités de légataires universels, ils auraient dû percevoir toutes les sommes se trouvant sur les comptes de [Z] [Q] au jour de son décès, demande que cette dernière estime prescrite pour n'avoir été formulée pour la première fois que le 22 novembre 2012 ;

Considérant toutefois que si les époux [M] se sont portés partie civile soupçonnant un abus de faiblesse de la part de l'appelante à l'encontre de [Z] [Q] lors de la rédaction du testament, ce n'est qu'à la suite de la condamnation irrévocable de Mme [B] à la suite de l'arrêt de rejet de son pourvoi par la Cour de cassation du 15 novembre 2005, que l'existence de détournements et l'imputation de ceux-ci à l'appelante ont été établis et que les époux [M] étaient fondés à engager une action à l'encontre de l'auteur de ces faits ;

Considérant qu'à cette date, la prescription de l'action délictuelle était de dix ans aux termes de l'article 2270-1 du code civil ;

Qu'elle a été réduite à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 aux termes de l'article 2224 du code civil ;

Qu'en application de l'article 26 de la loi précitée, 'les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription, s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure';

Considérant, en conséquence, que les demandes introduites par les époux [M] le 22 novembre 2012, ne sont pas prescrites, dès lors qu'elles ont été formulées dans les cinq ans de l'entrée en vigueur de la loi précitée, et sans que le délai de dix ans antérieurement applicable ne soit dépassé ;

Considérant sur le fond, que Mme [B] se borne à soutenir que dans le cadre de la procédure pénale, un certain nombre de biens ont été placés sous scellés, notamment une somme de 40 000 francs et des lingots d'or, et ont été confisqués par les décisions pénales pour être confiés à l'administrateur provisoire de la succession de sorte qu'elle ne peut être condamnée à remettre à la succession des biens et valeurs qui ont déjà été restitués à celle-ci ;

Considérant toutefois que les légataires universels sont fondés à réclamer à l'appelante les biens dont ils auraient bénéficié si Mme [B] ne les avait pas détournés dès lors que la date des détournements, lors du dernier trimestre de 1999, est très proche du décès de [Z] [Q] qui avait par ailleurs des revenus confortables pour assurer sa vie quotidienne, de sorte que les fonds, s'ils n'avaient pas été prélevés par l'appelante, auraient figuré sur les comptes du défunt ;

Que Mme [B] n'apportant aucun élément de preuve sur la remise des scellés au profit des légataires universels, le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 51.641,22 € ;

Qu'en revanche, en l'absence de demande spécifique aux fins de voir appliquer le cours des intérêts au taux légal avant le jugement statuant sur la responsabilité de Mme [B], il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qui concerne le point de départ des intérêts fixé par cette décision au 5 décembre 2000 et de dire que la somme allouée portera intérêts à compter du 25 avril 2014 ;

le legs à titre particulier

Considérant que les légataires universels ne contestent nullement les dispositions du jugement qui a constaté que M. [V] est matériellement en possession des legs particuliers mais en a ordonné la délivrance juridique, que le jugement doit être confirmé de ce chef, Mme [B] étant dépourvue de qualité pour solliciter l' infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la délivrance juridique de ces legs à M. [V] ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné Mme [B] à payer aux époux [M] [M] la somme de 51.641,22 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2000,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne Mme [B] à payer aux époux [M] [M] la somme de 51.641,22 € avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2014,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [B], la condamne à payer aux époux [M] [M] la somme de 3 000 € et à M. [V], celle de 2 000 €,

Condamne Mme [B] aux dépens,

Accorde aux avocats des époux [M] et de M. [V] le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 14/11214
Date de la décision : 09/09/2015

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°14/11214 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-09;14.11214 ?
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