rosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2015
(n°124, 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/18575
Jonction avec le dossier 14/19275
Décision déférée à la Cour : jugement du 14 février 2014 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 3ème section - RG n°12/00598
APPELANTE et INTIMEE
S.A.S. [H] FRERES, agissant en la personne de son président, M. [H], domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Immatriculée au rcs de Bordeaux sous le numéro [H]
Représentée par Me Benoît DENIAU, avocat au barreau de PARIS, toque E 291
INTIMES et APPELANTS
M. [D] [U]
Né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1] (Chine)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
CHINE
Mme [T] [P]
Née le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 1] (Chine)
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentés par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque J 151
Assistés de Me Emmanuelle NEVO plaidant pour le Cabinet FIDAL et substituant Me Géraldine ARBANT, avocat au barreau de LYON, toque 708
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 10 juin 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente
Mme Sylvie NEROT, Conseillère
Mme Véronique RENARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,
Vu le jugement contradictoire du 14 février 2014 rendu par le tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre 3ème section),
Vu l'appel interjeté le 10 septembre 2014 par la SAS [H] Frères, et le 22 septembre 2014 par Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P],
Vu la jonction des deux procédures d'appel intervenue le 8 janvier 2015,
Vu les dernières conclusions de la SAS [H] Frères en date du 1 juin 2015,
Vu les dernières conclusions de Monsieur [D] [U] et de Madame [T] [P], en date du 4 juin 2015,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 4 juin 2015,
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,
Il sera simplement rappelé que :
La SAS [H] Frères est une société française de production et de négoce de vins, créée en 1949.
La dénomination [H] a fait l'objet de multiples dépôts de marques.
La SA [H] a été reprise en 2006 par la société des Vins de France SVF, elle-même reprise par la société Confrérie des Récoltants, dont la dénomination sociale a été transformée en [H] Frères SAS.
L'ensemble du portefeuille de marques a été cédé à cette occasion.
Elle appartient à un groupe international couvrant plus de 80 pays dont la Chine.
La langue chinoise est écrite avec des sinogrammes monosyllabiques. Dès lors, un mot de plusieurs syllabes sera généralement transcrit en différents caractères, associant des unités signifiantes.
Le même mot étranger peut avoir différentes translitérations (traduction phonétique), fondées par exemple sur différents dialectes chinois.
La langue chinoise comporte de très nombreux caractères homophones, d'autant plus nombreux que le ton n'est pas pertinent. Dès lors, il existe une multitude de possibilités écrites pour rendre de façon phonétique un mot.
Selon la société [H] Frères, la translitération la plus appropriée en chinois du terme [H] se dit KA SI TE.
La société [H] Frères est titulaire de plusieurs marques figuratives composées de caractère chinois se prononçant KA SI TE :
- une marque française n°3 458 398 enregistrée le 20 octobre 2006 en classe 33 pour les boissons alcooliques à l'exception des bières :
- une marque française n°3 551 386 enregistrée le 23 janvier 2008 en classe 33 pour les vins tranquilles :
- une marque communautaire n°006 785 109 déposée le 17 mars 2008 enregistrée le 8 janvier 2009 en classe 33 pour les vins tranquilles :
Sur le territoire chinois, la société [H] Frères s'est associée fin 2001 au groupe viticole chinois Changyu, côté en bourse, pour la création et la commercialisation du château [Établissement 1], association qui a fait l'objet d'une large communication.
Dans un premier temps, la marque [H] en caractères latins a été déposée le 2 août 2002 auprès du bureau des marques en Chine et a fait l'objet d'une longue procédure à la suite d'opposition introduite par deux étudiants chinois, lesquels ont été déboutés en première instance et en appel. Cette marque [H] déposée en latin est définitivement déposée en Chine.
Dans un second temps, la société [H] Frères a déposé le 8 juillet 2005 la demande d'enregistrement du signe KA SI TE en caractère chinois.
Ce dépôt n'a pu toutefois être enregistré car Monsieur [D] [U] était propriétaire depuis le 25 avril 2002 de la marque KA SI TE en caractère chinois, pour l'avoir acquise à une entreprise publique de quincaillerie, courant alternatif et chimique de la ville de [Localité 1]. La société [H] Frères a toutefois eu l'autorisation judiciaire d'utiliser la dénomination KA SI TE comme nom commercial en Chine.
Le 25 février 2009, Monsieur [I] [U] et Madame [P] ont déposé la marque figurative française n°09 3 305 KA SI TE en caractère chinois en France en classe 33 pour les boissons alcooliques (à l'exception des bières), cidres ; digestifs (alcools et liqueurs) ; vins ; spiritueux ; extraits ou essences alcooliques ; classe 35 pour les publicités ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) ; services d'abonnement à des journaux (pour des tiers) ; conseil en organisation et direction des affaires ; comptabilité ; reproduction de documents ; bureaux de placement ; gestion de fichiers informatiques ; organisations d'exposition à buts commerciaux ou de publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publication de textes publicitaires ; location d'espaces publicitaires ; diffusion d'annonces publicitaires ; relations publiques :
Selon acte d'huissier du 22 septembre 2010, la société [H] Frères a fait assigner Monsieur [I] [U] et Madame [T] [P] devant le tribunal de commerce de Nanterre en nullité du dépôt du 25 février 2009 et réparation en résultant.
Par ordonnance du 26 mai 2011, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre a déclaré cette juridiction incompétente au profit du tribunal de grande instance de Paris en sa qualité de tribunal des marques communautaires.
Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement :
- rejeté les fins de non recevoir soulevées par Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P],
- déclaré la société [H] Frères recevable en ses demandes relatives à ses marques françaises n°3 458 398 et n°3 551 386,
- débouté Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] de leur demande de transfert des marques françaises n°3 458 398 et n°3 551 386 et de la marque communautaire n°006 785 109,
- prononcé la nullité de la marque communautaire n°006 785 109 dont la société [H] Frères est titulaire pour l'ensemble des produits et services visés au dépôt,
- dit que le greffe transmettra la décision, une fois devenue définitive, à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur aux fins d'inscription en marge du registre des marques communautaires,
- prononcé la nullité de la marque française n°09 3 632 305 dont Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] sont titulaires pour l'ensemble des produits qu'elle vise en classe 33,
- débouté Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] de leur demande de nullité de la marque française n°09 3 632 305 pour l'ensemble des produits qu'elle vise en classe 35,
- dit que la décision une fois devenue définitive sera transmise à l'institut national de la propriété industrielle en vue de son inscription en marge de la marque sur le registre national des marques par la partie la plus diligente,
- débouté la société [H] Frères de sa demande de dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale formée à titre principal,
- dit qu'en déposant la marque française n°09 3 632 305, Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] ont contrefait les marques françaises n°3 458 398 et n°3 551 386 dont la société [H] Frères est titulaire,
En conséquence,
- a condamné in solidum Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] à verser à la société [H] frères la somme de 2 euros en réparation de son préjudice,
- débouté Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] au titre de leur procédure abusive,
- dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens par elle exposés,
- débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
En cause d'appel la SAS [H] Frères appelante demande essentiellement dans ses dernières écritures du 1er juin 2015 de :
- infirmer le jugement en ce qu'Il a prononcé la nullité de la marque communautaire n°006 785 109 dont la société [H] Frères est titulaire, et sur le montant de la condamnation,
- statuant à nouveau,
- débouter Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] à payer à la société [H] Frères la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] à payer à la société [H] Frères la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement pour le surplus,
- condamner Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] aux dépens.
Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P], intimés, s'opposent aux prétentions de l'appelante, et pour l'essentiel demandent dans leurs dernières conclusions en date du 4 juin 2015 portant appel incident de :
- infirmer partiellement le jugement,
- en conséquence,
- dire et juger que les marques françaises n°3 458 398 et n°3 551 386 ont été déposées par la société [H] Frères de mauvaise foi en fraude des droits de Monsieur [D] [U] et de Madame [T] [P],
- en conséquence,
- ordonner leur transfert au profit de Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P],
- à titre subsidiaire,
- prononcer la nullité des marques françaises n°3 458 398 et 3 551 386,
- en tout état de cause,
- ordonner la transmission de la décision à intervenir lorsqu'elle sera définitive par Madame le Greffier aux fins d'inscription au Registre national des marques de l'Institut National de la Propriété Industrielle et au Registre des marques Communautaires,
- autoriser Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] au besoin à faire signifier aux fins d'inscription la décision à ces organismes,
- dire et juger que la marque française n°3 632 305 déposée le 25 février 2009 en classes 33 et 35 par Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] est valable,
- dire et juger que les agissements reprochés à Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] ne sont pas constitutifs d'actes de contrefaçon,
- à titre subsidiaire,
- dire et juger que la société [H] Frères ne justifie d'aucun préjudice au regard de l'exploitation de leur signe par Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P],
- confirmer le jugement pour le surplus,
- en tout état de cause,
- débouter la société [H] Frères de l'ensemble de ses demandes,
- prononcer l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir (sic),
- condamner la société [H] Frères à payer à Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner la société [H] frères à payer à Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [H] Frères en tous les dépens avec droit de recouvrement au profit de son conseil.
*********
Sur la demande de transfert des marques françaises de la société [H] Frères au profit de Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] pour dépôt frauduleux
Aux termes de l'article 712-6 du code de la propriété intellectuelle si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale, ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. A moins que le déposant soit de mauvaise foi l'action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement.
Le caractère frauduleux du dépôt s'apprécie au moment du dépôt.
La société [H] qui a été créée en 1949 et reprise en 2006 par la société des Vins de France SVF, elle est titulaire des marques.
La société [H] a déposé en France la marque figurative KA SI TE en caractère chinois en classe 33 le 30 octobre 2006 pour les boissons alcooliques à l'exception des bières puis le 23 janvier 2008 pour les vins tranquilles sous les numéros 3 458 398 et 3 551 386.
Puis la société [H] a déposé le 17 mars 2008 la marque communautaire figurative KA SI TE en caractère chinois en classe 33 pour notamment les vins tranquilles.
Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] soutiennent que ces dépôts sont frauduleux car la société [H] Frères dispose d'une apparence de droit sur le signe KA SI TE car ces marques ont été déposées en connaissance des droits existants de Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P].
Ils précisent que Monsieur [D] [U] d'origine chinoise et de nationalité espagnole est titulaire des droits sur la marque KA SI TE n°1 372 099 depuis le 7 septembre 1998 date de son enregistrement en Chine. A cette date, antérieurement à l'adhésion de la Chine à l'OMC, il n'avait pas d'autre choix, d'effectuer un dépôt sous le nom de la personne morale dont il était le dirigeant à cette date et qu'il n'a pu régulariser la situation après l'adhésion de la Chine à l'OMC et la modification de la loi chinoise en se faisant céder la marque le 23 avril 2002.
Cette marque était exploitée par Monsieur [D] [U] en sa qualité de représentant légal de la société Shenzhzn BanatiTrade Corp qui bénéficiait d'une licence sur cette marque et importait des bouteilles de vin revêtues de ce signe. Ils ajoutent que cette marque était largement exploitée.
La société [H] Frères ne justifie pas de l'emploi de ce signe avant le 7 septembre 1998. Celle-ci connaissait les droits de Monsieur [D] [U] sur cette marque chinoise lorsqu'elle a effectué ses propres dépôts sur un signe identique dont le premier remonte au 20 octobre 2006.
Ils poursuivent en indiquant que par décision du 8 octobre 2007, confirmée par la Cour Populaire intermédiaire de Beijing, le comité d'Arbitrage des marques a jugé que la marque chinoise de Monsieur [D] [U] était exploitée et a débouté la société [H] Frères de sa demande en déchéance. La Cour supérieure de Pékin a confirmé cette décision le 30 novembre 2008.
Ils ajoutent que la demande de la société [H] Frère d'annuler cette marque pour risque de confusion a été rejetée le 20 décembre 2011 par la Cour Suprême populaire de Chine par confirmation des décisions précédemment intervenues et que par décision du Tribunal Populaire supérieur de la province du Zhejiang de la République populaire de Chine du 28 juin 2013 la société [H] Frères a été condamnée pour contrefaçon de cette marque dont Monsieur [D] [U] est titulaire.
La société [H] Frères qui avait connaissance de ses droits antérieurs sur ce signe a, selon eux, de mauvaise foi fait dépôt en France de celui-ci.
Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] font également valoir que cette marque composée de trois caractères chinois évoque le terme [H] par référence au château espagnol et qu'il existe plusieurs translitérations pour traduire en chinois le terme [H], la société [H] Frères ayant d'ailleurs utilisé plusieurs d'entre elles depuis 1999 et ce en quatre caractères, tout comme les documents qui l'identifient qui comportent quatre caractères. Selon l'expert judiciaire qu'ils ont missionné le mot [H] doit être translitéré en quatre idéogrammes et non en trois.
Ils soulignent que la société [H] Frères n'a jamais utilisé avant Monsieur [D] [U] le signe en trois caractères pour désigner du vin car elle pouvait utiliser d'autres translitérations.
Les dépôts effectués dans ces circonstances sont en conséquence selon Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] frauduleux.
La société [H] Frères fait valoir que l'achat par Monsieur [D] [U] de la marque KA SI TE en 2002 en Chine d'une société publique sans personnalité morale qui ne l'exploitait pas est frauduleux. Elle précise que le dépôt d'une marque par une personne physique étrangère était autorisée depuis 2001 et Monsieur [D] [U] ne démontre pas qu'il était propriétaire de cette marque par le biais de cette société publique avant son achat.
Elle ajoute qu'au moment de cet achat elle était déjà présente en Chine depuis quatre ans et avait entrepris une collaboration depuis le 3 septembre 2001 avec le premier groupe chinois dans le commerce de vins. Elle précise que Monsieur [D] [U] a également déposé de 2002 à 2011 de nombreuses marques notoires, en caractère chinois manifestant par cette appropriation sa mauvaise foi.
Elle maintient que cette marque n'a pas été exploitée pendant cinq ans car n'ont été produites comme preuve d'exploitation que 2 factures pour 95 bouteilles entre 2002 et 2005.
Ceci rappelé, il est acquis par chacune des parties, et il est établi tant par les rapports d'expertise versés respectivement par elle, que par les décisions chinoises communiquées et les développements des parties dans leurs écritures, que le même mot étranger peut avoir en langue chinoise plusieurs translitérations en trois ou quatre idéogrammes de sorte qu'il ne peut être reproché à la société [H] Frères de s'être appropriée la translitération qu'elle trouvait la plus appropriée pour transcrire son nom commercial et les marques [H] dont elle était déjà titulaire en France depuis plusieurs années, en Chine, puis de nouveau en France par le dépôt des marques litigieuses.
Il est par ailleurs justifié que la société [H] Frères s'est associée à une société chinoise afin de développer son activité de vente de vins en Chine dès septembre 2001, association qui a fait l'objet d'une très large communication dès 2003 et d'une exploitation, les vins vendus en Chine l'ayant été sous la dénomination 'Zhangyu Kasite Jiuzhuang.
Monsieur [D] [U] qui a acquis la marque similaire à ce signe en 2002 n'en a fait qu'une exploitation modérée et n'a procédé qu'à des investissements publicitaires restreints sur ce signe jusqu'en 2008. En 2005 la société [H] Frères a déposé en Chine la marque en idéogramme KA SI TE et a en parallèle introduit une action en déchéance de la marque acquise par Monsieur [I] [U] dont elle a été déboutée, et a introduit en 2008, une action en nullité de la marque de Monsieur [D] [U] en raison du risque de confusion avec l'usage renommé dont elle faisait de ce signe dont elle a également été déboutée mais la cohabitation avec son nom commercial similaire à la marque a été autorisée.
Sur une action introduite par Monsieur [D] [U] et sa société, la société [H] Frères a été condamnée le 28 juin 2013 pour contrefaçon de la marque de celui-ci dont le caractère de renommée a été reconnu par l'Office des marque chinois.
Il en ressort que lors de son dépôt en France de la marque KA SI TE, le 20 octobre 2006, la société [H] Frères avait connaissance de l'existence de cette marque mais qu'elle entendait à cette époque en obtenir la déchéance pour défaut d'exploitation par l'action qu'elle avait introduite et dont la première décision n'est intervenue sur cette action que le 8 octobre 2007.
A cette époque l'exploitation de la marque de Monsieur [D] [U] sur le territoire chinois était faible et peu promue de sorte que la société [H] Frères présente sur le marché de la vente du vins depuis de longues années qui connaissait une masse d'affaires importante et qui avait engagé un partenariat avec une société chinoise cotée en bourse pouvait légitimement croire à l'aboutissement favorable de son action en déchéance.
Il s'en suit que le dépôt en France de la marque KA SI TE en 2006 en vue de conforter son activité d'exportation de vins en Chine alors que l'apposition de la marque sur les produits ou leur conditionnement exportés vers ce pays correspondait à une pratique usuelle ne revêt dans de telles circonstances aucun caractère frauduleux et c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de transfert de cette marque française.
Le dépôt postérieur de la même marque le 23 janvier 2008 pour les 'vins tranquilles' qui sont quasi-similaires aux boissons alcooliques à l'exception des bières de la marque précédente valable ne peut également être considéré comme frauduleux et c'est également à bon droit que le tribunal a écarté la demande de transfert de cette marque.
Sur la validité de la marque communautaire KA SI TE en idéogrammes chinois n°6 785 109 dont est titulaire la société [H] frères
Aux termes de l'article 52 du règlement CE n° 207/2009 :
1 la nullité de la marque communautaire est déclarée, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :
(..)
b) lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.
En vertu de l'article 96-d) du même texte, les tribunaux des marques communautaires ont compétence exclusive pour les demandes reconventionnelles en nullité de la marque communautaire.
En l'espèce la marque communautaire a été déposée le 17 mars 2008 et enregistrée le 8 janvier 2009 alors que le comité d'arbitrage des marques avait jugé le 8 octobre 2007 que la marque chinoise de Monsieur [U] était exploitée, ce qu'ont confirmé les décisions ultérieures et la société [H] Frères était déboutée de sa demande en déchéance de sorte qu'à cette date elle avait connaissance des preuves d'usage et a toutefois maintenu son dépôt nonobstant les confirmations ultérieures de 2008, jusqu'à son enregistrement en 2009.
Cependant, Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] ne disposaient d'aucune antériorité sur ce signe en France et en Europe. L'usage de ce signe qui constitue la translitération de son nom commercial a été par ailleurs autorisé en Chine par les autorités judiciaires.
Il s'ensuit que c'est en toute légitimité que la société [H] Frères qui a des droits sur le terme [H] depuis 1949 a fait dépôt de cette marque communautaire qui ne porte aucune atteinte aux droits antérieurs de Monsieur [D] [U] et de Madame [T] [P] sur le territoire communautaire, alors que leur marque chinoise faisait l'objet de procédures de contestation, dépôt qui correspond à l'extension de son exploitation commerciale portant sur un réseau de vente de vins sur le territoire de la communauté à la différence de Monsieur [D] [U] et de Madame [T] [P], qu'elle sécurise ainsi, de sorte que c'est à tort que le tribunal a annulé ce dépôt. Il convient d'infirmer le jugement sur ce chef de disposition.
Sur la validité de la marque française n°09 3 632 305 dont Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] sont titulaires
Aux termes de l'article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle,
ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs notamment :
a) à une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la convention de [Localité 3] pour la protection de la propriété industrielle.
Selon l'article L 714-3 est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L 711-1 et L 711-4 du code de la propriété intellectuelle.
Le 25 février 2009, Monsieur [I] [U] et Madame [P] ont déposé la marque figurative française n°09 3 305 KA SI TE en caractère chinois en France en classe 33 pour les boissons alcooliques (à l'exception des bières) ; cidres ; digestifs (alcools et liqueurs) ; vins, spiritueux ; extraits ou essences alcooliques ; classe 35 pour les publicités ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) ; services d'abonnement à des journaux (pour des tiers) ; conseil en organisation et direction des affaires ; comptabilité ; reproduction de documents ; bureaux de placement ; gestion de fichiers informatiques ; organisations d'exposition à buts commerciaux ou de publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publication de textes publicitaires ; location d'espaces publicitaires ; diffusion d'annonces publicitaires ; relations publiques :
Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] font valoir que Monsieur [D] [U] a pour seule activité l'importation de vins et autre alcools vers la Chine et de distribuer ces produits au sein de ce pays et que le conditionnement des vins ainsi importés étant effectué en France, le signe litigieux y est apposé. Ainsi l'apposition de ce signe a pour seul but d'exercer légitimement son droit exclusif portant sur la première mise sur le marché chinois des produits importés par lui sur lequel Il dispose des droits de propriété intellectuelle correspondants.
Ce dépôt est postérieur à ceux de la société [H] frères qui sont valables et leur porte atteinte.
La prétendue nécessité d'apposer des étiquettes en vue de leur exportation vers la Chine n'est pas de nature à justifier l'atteinte portée à des droits antérieurs.
Il s'en suit que c'est à bon droit que le tribunal a annulé ledit dépôt.
Sur l'action en contrefaçon et les mesures réparatrices
Aux termes de l'article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle, sont interdits sauf autorisation du propriétaire :
a) la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que 'formule, façon, système, imitation, genre, méthode' ainsi que l'usage d'une marque reproduite pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement...
Selon l'article L 713-3 de ce même code, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire s'Il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :
a) la reproduction, l'usage, ou l'apposition d'une marque ainsi que l'usage d'une marque reproduite pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;
b) l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement.
Le dépôt de la marque contrefaisante est en soit un acte de contrefaçon.
Il est justifié par les propres attestations de Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] que plus d'un million de bouteilles sur lesquelles sont apposées la marque contrefaisante ont été commercialisées par la société qu'ils animent et qu'ils perçoivent à cet effet des royalties.
Le marché potentiel d'importation de vins chinois au profit de la communauté chinoise parisienne invoquée par la société [H] Frères, n'est pas établi.
Il convient en regard de l'ensemble de ces éléments de condamner in solidum Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] à payer à la société [H] Frères la somme de 30.000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses droits sur ses marques.
Sur les autres demandes
L'équité commande d'allouer à la société [H] Frères la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P].
La demande en paiement de dommages et intérêts formée par Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] pour procédure abusive, non fondée en regard des dispositions de la présente décision doit être rejetée.
Il convient de condamner in solidum Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] qui succombent aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Rejette l'ensemble des demandes de Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P],
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a annulé la marque communautaire n°006 785 109 et ordonné sa transmission à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur et sur le montant des condamnations au titre de la contrefaçon,
En conséquence,
Rejette la demande de nullité de la marque communautaire n°006 785 109 dont la société [H] Frères est titulaire,
Dit que la présente décision sera transmise à l'institut national de la propriété industrielle en vue de son inscription en marge de la marque sur le registre national des marques par la partie la plus diligente,
Condamne Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] à payer à la société [H] Frères la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la contrefaçon de ses marques,
Condamne in solidum Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] à payer à la société [H] Frères la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne Monsieur [D] [U] et Madame [T] [P] aux entiers dépens d'appel.
La Greffière La Présidente