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30/06/2015 | FRANCE | N°14/13851

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 30 juin 2015, 14/13851


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5



ARRÊT DU 30 JUIN 2015

(n°2015/ , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/13851



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mai 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/02485





APPELANTE



SA AXA FRANCE VIE prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège.

[Adresse 1]

[LocalitÃ

© 2]



Représentée par Me François HASCOET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0577

Assistée par Me Julie VERDON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0577



INTIMÉES



Ma...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRÊT DU 30 JUIN 2015

(n°2015/ , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/13851

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mai 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/02485

APPELANTE

SA AXA FRANCE VIE prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me François HASCOET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0577

Assistée par Me Julie VERDON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0577

INTIMÉES

Madame [L] [X] épouse [V]

et

Mademoiselle [F] [V] représentée par sa mère Mme [L] [X] épouse [V]

et

Mademoiselle [J] [V] représentée par sa mère Mme [L] [X] épouse [V]

et

Mademoiselle [U] [V] représentée par sa mère Mme [L] [X] épouse [V]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentées par Me Maryline LUGOSI de la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI MICHE L, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073

Assistées par Me Céline LEROUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P246

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Patricia LEFEVRE, Conseillère, entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente de chambre

Monsieur Christian BYK, Conseiller

Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Aouali BENNABI

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente, et par Madame Aouali BENNABI, greffier présente lors de la mise à disposition.

Le 10 juin 2010, M [Q] [V] directeur général et administrateur de la société PARIS CONTENTIEUX a adhéré avec effet au 1er juin précédent, date de souscription des polices, aux contrats 'Prévoyance Entreprise' n° 2976325100000H et 2976325500000Q conclus entre sa société et la SA AXA FRANCE VIE. Les contrats couvraient les cadres dirigeants de l'entreprise pour les risques décès et perte totale et irrévocable d'autonomie et décès du conjoint et garantissait, en cas de décès, le service d'une rente au conjoint et aux enfants à charge. Le même jour, M [Q] [V] a complété et adressé à l'assureur, le questionnaire de santé, répondant par la négative à l'ensemble des questions posées dont celles portant d'une part, s'agissant des dix dernières années, sur les hospitalisations en milieu médical ou para-médical ainsi que sur les maladies, affections ou accident ayant entraîné une surveillance médicale et d'autre part, une éventuelle surveillance médicale, actuelle, la prise de médicaments prescrits par un médecin ainsi que sur les résultats anormaux de tests biologiques ou sérologiques.

Le 1er juillet 2010, il a été diagnostiqué que M [Q] [V] souffrait d'une sclérose latérale amyotrophique. Il est décédé le [Date décès 1] 2012.

La SA AXA FRANCE VIE était informée de ce décès le 30 novembre 2012, et après un premier courrier du 28 mars 2013 sollicitant de nouveaux documents, elle opposait, le 10 juillet 2013, à Mme [X]-[V], seconde épouse du défunt et mère de trois de ses enfants, un refus de garantie pour fausse déclaration du risque. Par un second courrier du 30 octobre 2013, elle explicitait les motifs de son refus, précisant que seule la communication de certaines pièces médicales (qu'elle précisait) pourrait lever ses doutes et proposait à Mme [X]-[V] l'organisation d'une expertise contradictoire.

Estimant que les pièces et attestations qu'elle avait communiquées suite à cette demande apportaient les précisions demandées, Mme [X]-[V] a, par acte du 27 janvier 2014, engagé, à jour fixe une procédure devant le tribunal de grande instance de Paris, tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, [F], [J] et [U].

Par jugement en date du 20 mai 2014, le tribunal de grande instance de Paris a débouté la SA AXA FRANCE VIE de sa demande en nullité du contrat d'assurance et de sa demande d'expertise médicale et l'a condamnée, avec exécution provisoire, à payer à Mme [X]-[V] en son nom personnel et ès-qualités, les sommes suivantes

- 401 337,72€ en sa qualité de bénéficiaire en usufruit,

- 14 221,67€ au titre de la garantie rente éducation souscrite au bénéfice de [F] [V] pour la période allant du 12 octobre 2012 au 31 décembre 2013,

- 14 221,67€ au titre de la garantie rente éducation souscrite au bénéfice de [J] [V] pour la période allant du 12 octobre 2012 au 31 décembre 2013,

- 9481,11€ au titre de la garantie rente éducation souscrite au bénéfice de [U] [V] pour la période allant du 12 octobre 2012 au 31 décembre 2013,

- 20 147,35€ au titre de la garantie rente viagère conjoint souscrite à son profit pour la période allant du 12 octobre 2012 au 31 décembre 2013

disant que ces sommes porteront intérêts au taux légal majoré de moitié du 11 novembre 2011 au 11 janvier 2013, avec anatocisme ;

- ainsi que 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le tribunal a également condamné la SA AXA FRANCE VIE à poursuivre le versement des sommes dues au titre des rentes éducation et conjoint survivant, pour les échéances à échoir.

Par déclaration du 1er juillet 2014, la SA AXA FRANCE VIE a interjeté appel. Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 15 mai 2015, elle demande à la cour, jugeant nul le jugement du 20 mai 2014 et recevable son appel, d'infirmer le jugement entrepris, de juger nul pour fausse déclaration intentionnelle et de débouter les intimées de l'intégralité de leurs demandes. A titre subsidiaire, elle prie la cour d'ordonner une mesure d'expertise confiée à un neurologue dont elle précise la mission. Plus subsidiairement, elle soutient la confirmation du jugement sur les montants alloués aux intimées et son infirmation quant à l'application de l'article L 132-23-1 du code des assurances, les demandes des intimées en ce sens devant être rejetées. En tout état de cause, elle sollicite l'allocation d'une somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation des intimées aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 11 mai 2015, Madame [X]-[V] à titre personnel et es-qualités, demande à la cour de confirmer le jugement déféré et, actualisant ses demandes au 31 décembre 2014, sollicite la condamnation de AXA FRANCE IARD au paiement des sommes suivantes :

- 401 337,72€ en sa qualité de bénéficiaire en usufruit,

- 25 928,83€ au titre de la garantie rente éducation souscrite au bénéfice de [F] [V],

- 25 928,83€ au titre de la garantie rente éducation souscrite au bénéfice de [J] [V],

- 17 363,93€ au titre de la garantie rente éducation souscrite au bénéfice de [U] [V],

- 36 732,50€ au titre de la garantie rente viagère conjointe souscrite à son profit,

ces sommes portant intérêts majorés conformément à l'article L 132-23-1 du code des assurances entre le 11 novembre 2011 et le 11 janvier 2013, avec anatocisme et la SA AXA FRANCE VIE devant poursuivre le versement des rentes éducation et conjoint pour les échéances à venir.

Elle réclame également pour elle-même et chacune de ses filles, une somme de 10 000€ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudice moral, une indemnité de procédure de 5000€ et la condamnation de l'appelante aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 18 mai 2015.

SUR CE, LA COUR

Considérant que la SA AXA FRANCE VIE soutient à titre liminaire, la nullité du jugement au visa des articles 455 alinéa 2 et 458 du code de procédure civile, relevant que le tribunal a écarté plusieurs de ses moyens (ceux relatifs à la prise d'un traitement médical sur la période du 28 mai au 15 juin 2010 et à l'absence de communication de la demande d'avis du neurologue rédigée par le docteur [D]) sans motiver sa décision ; qu'aucune argumentation n'est soutenue par l'intimée en réplique à cette demande ;

Considérant qu'au titre des deux moyens qui n'auraient appelé aucune réponse de la juridiction de première instance, la SA AXA FRANCE VIE discutait, en premier lieu, (en pages 12 et 13 de ses conclusions) de la portée de la question n°7 (êtes vous sous surveillance médicale (traitement, soins médicaux) et/ou prenez-vous des médicaments prescrits par un médecin suivi d'emplacements permettant de préciser les traitements, soins, et médicaments pris et les motifs de leur prescription) et de l'obligation pour M [Q] [V] de déclarer la prise (non contestée) de Mg ISOXAM et de TARDYFERON or si le tribunal cite la clause litigieuse, il n'en analyse pas la portée même sommairement et qui plus est, il se contente d'affirmer l'absence de prise d'un traitement médical, sans qu'il puisse être déterminé s'il fait sienne l'argumentation de Mme [X]-[V] qui soutenait que la surveillance médicale devant être déclarée était celle associée à un traitement ou des soins et que les deux spécialités citées étaient des compléments alimentaires et non des médicaments ou s'il fondait son affirmation sur d'autres considérations ;

Que l'absence de communication de l'avis du neurologue qui n'a été conservé ni par le médecin prescripteur, ni par le neurologue venait soutenir l'allégation d'une mauvaise foi des ayants droit de M [Q] [V] et d'un prétendu défaut de transparence de leur part ; que ce fait dès lors qu'il n'était pas contesté, n'appelait aucun développement de la juridiction saisie ;

Mais considérant que l'article 458 du code de procédure civile ne sanctionne par la nullité de la décision rendue que la violation de l'article 455 (alinéa 1er ) et non l'impérieuse obligation pour le juge de motiver sa décision, prévue à l'alinéa 2 du dit article et dès lors, la demande de d'annulation du jugement déféré ne peut pas prospérer ;

Considérant que pour soutenir la nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration du risque, la SA AXA FRANCE VIE prétend que M [Q] [V] ne pouvait répondre par la négative aux questions 4, 5, 7, 8 ainsi rédigées :

'4. Avez-vous, au cours des 10 dernières années, séjourné dans un hôpital, une

clinique, une maison de santé ou un établissement thermal ' »

5. Avez-vous été atteint, au cours des 10 dernières années, de maladies, affections ou

accidents ayant entraîné une surveillance médicale [traitements, soins médicaux,

médicaments] pendant plus de 30 jours '

Date(s)----------------------Nature----------------------------------

Traitements, soins médicaux : ------------------------------------------

7. Etes-vous sous surveillance médicale (traitements, soins médicaux) et/ou prenez-

vous des médicaments prescrits par un médecin (autre que contraceptif) '

Traitements, soins médicaux :

Médicaments (noms et doses) :

Raison(s) médicale(s) précise(s) :

8. Avez-vous subi, au cours des 5 dernières années, des tests biologiques et/ou

sérologiques qui se soient révélés anormaux '

Nature : Résultats :'

Qu'elle relate les circonstances qui ont entouré la communication des documents médicaux nécessaires à l'instruction de la demande de Mme [X]-[V], affirmant que celle-ci ne verse qu'une version tronquée du dossier médical de son époux décédé, celui-ci ne débutant qu'en mai 2010, moins d'un mois avant son adhésion, M [Q] [V] ayant très certainement consulté, alors qu'il présentait des symptômes alarmants, un médecin qui ignorait tout de son passé médical ; qu'elle évoque également la disparition de documents essentiels (la demande d'avis du neurologue ainsi que le document du laboratoire sur lequel figuraient les résultats de l'analyse biologique et les seuils pathologiques) selon elles en violation avec les obligations légales et déontologiques auxquelles sont tenus les médecins, qui prétendent ne pas les avoir conservés et en déduit que l'intimée cherche à écarter les éléments de preuve mettant une évidence une fausse déclaration ;

Qu'à la lecture des documents produits et au constat des indications qui y sont portées et s'appuyant sur de la littérature médicale, elle retient que M [Q] [V], qui a consommé pendant 15 années de l'héroïne, faisait l'objet d'une surveillance médicale pour cette addiction ainsi que pour le diagnostic de sa sclérose latérale amyotrophique, qu'il a pris des médicaments entre le 28 mai 2010 et le 15 juin 2010 et que ses examens biologiques présentaient des résultats qui ne pouvaient être considérés comme normaux ; qu'elle en déduit que M [Q] [V] était en phase de diagnostic d'une pathologie dont il avait conscience de la gravité et qu'il a fait en sorte que l'entreprise dont il était le dirigeant souscrive un contrat d'assurance groupe auquel il a immédiatement adhéré, son suivi dans le mois qui a précédé son adhésion, la dissimulation, au moins dans un premier temps, de la demande d'avis d'un spécialiste ne faisant que souligner le caractère intentionnel d'une fausse déclaration, alors qu'elle justifie que le risque correctement déclaré aurait été refusé, ainsi qu'elle en justifie par une note de son service médical ;

Considérant que Mme [X]-[V] en son nom et ès-qualités s'insurge contre les tentatives de l'appelante de la discréditer afin de convaincre la cour que des éléments lui sont dissimulés alors qu'elle justifie que les seuls documents sollicités qui n'ont pu être communiqués (les résultats de l'analyse sanguine et la copie de la demande d'avis) ont été détruits par les praticiens ; qu'elle analyse les questions posées et exclut toute obligation pour son époux de déclarer son passé de toxicomane, puisqu'il s'est sevré, sans assistance médicale d'aucune sorte, en 1994, ainsi qu'en attestent ses proches et amis ; qu'elle écarte également la nécessité de déclarer une surveillance médicale dès lors qu'elle n'est pas accompagnée de soins ou d'un traitement, l'interprétation que fait l'assureur de la notion de surveillance médicale démontrant son caractère intrinsèquement ambigu, qui l'avait amené à en préciser la teneur par la référence à des soins ou traitements ; qu'elle nie toute prescription se rapportant à la prise de deux produits qu'elle qualifie de compléments alimentaires évoquant une auto-médication, le médecin traitant de M [Q] [V] attestant dans ce sens ; qu'enfin, s'agissant des résultats biologiques, portés au dossier médical, elle affirme le caractère peu significatif d'un taux de CPK à 215 et relève que les praticiens ont attesté ne pas avoir alerté M [Q] [V] sur ce taux qualifié de légèrement élevé par le neurologue, ajoutant que c'est nullement à la lecture de ces résultats, le 19 mai 2010 que le praticien a adressé son époux à un neurologue mais le 15 juin suivant, dans la mesure où les symptômes persistaient ;

Considérant que, aux termes de l'article L.113-2-2° du code des assurances, l'assuré doit répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge ; que la violation de cette obligation de déclarer exactement le risque est sanctionné, en application de l'article l'article L.113-8 du même code, par la nullité du contrat à la condition qu'elle change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre ;

Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que la société PARIS CONTENTIEUX dont M [Q] [V] était l'un des deux fondateurs et le directeur général, a souscrit le 1er juin 2010 à deux contrats de prévoyance collective destinés à couvrir le risque décès de ses cadres dirigeants et à assurer à leur conjoint et enfants à charge une rente viagère ;

Que M [Q] [V] a adhéré au dit contrat le 10 juin 2010, soit à une date où il avait consulté le docteur [D], pour la première fois, le 7 mai puis les 19 et 28 mai 2010 ;

Que les motifs des consultations des 7 et 28 mai 2010 tels que relatés à la rubrique interrogatoire du patient étaient particulièrement alarmants ( 'une tendinite de la patte d'oie à droite, énergie difficile et douleurs +++lors du marathon, du mal à se lever d'un siège, pompes impossibles alors que d'habitude en fait 20, présence de fasciculations musculaires - marche lentement n'arrive à rien faire, fasciculations musculaires, début avant le marathon de [Localité 3]. ') ; que le docteur [S] neurologue qu'il a consulté le 17 juin 2010, décrit un patient qui 'a remarqué depuis avril des difficultés à marcher, avec une impression d'avoir des jambes de bois (et qui) signale également des problèmes d'équilibre ayant occasionnés plusieurs chutes, en particulier lors de l'appui mono-podal ou de la montées des escaliers (...) et relève que 'les efforts même de faible intensité pour ce patient sportif deviennent extrêmement difficiles' ;

Que ces doléances du patient et la réalité de la dégradation de son état de santé, alors même que jusqu'alors il était un sportif accompli, ayant participé ainsi qu'il est justifié au marathon de New-York de septembre 2009 et au marathon de [Localité 3] du 11 avril 2010, excluent que puisse être retenue l'allégation que ' l'âge venant, il aurait pris conscience qu'il convenait s'il souhaitait continuer à pratiquer le sport de façon intensive (et) qu'il soit suivi', la prescription d'un bilan biologique, dans ce cadre, apparaissant comme anodin (page 6 des conclusions de l'intimée) voire un état de grande fatigue (évoqué dans les écritures et dans les courriers du conseil de l'appelante communiqués en pièces 19 et 21) ; qu'en réalité, c'est dans un contexte de dégradation massive de son état de santé et d'une interrogation sur ses causes, que M [Q] [V] a consulté le docteur [D] en mai 2010 puis les 7 et 28 mai et qu'il a adhéré, le 10 juin 2010, aux polices d'assurances souscrites quelques jours auparavant par sa société ;

Considérant qu'à ces circonstances particulières entourant l'adhésion de M [Q] [V] au contrat de prévoyance collective, viennent s'ajouter les remarques légitimes de l'assureur, quant à l'absence aux débats de certains éléments tels que le document du laboratoire d'analyse sur lequel figurent les résultats de l'examen sanguin prescrits le 7 mai 2010 ainsi que le courrier de demande d'avis adressé par le docteur [D] à sa consoeur, le docteur [S], le premier médecin ayant attesté qu'il avait détruit le document adressé par le laboratoire et ne pas avoir conservé de double de sa demande d'avis et le second, avoir détruit la dite demande ;

Que la cour doit déduire du silence de l'appelante sur ce point, que M [Q] [V] n'aurait conservé ni l'exemplaire des résultats biologiques qui lui avait été adressé par le laboratoire d'analyse ni une copie de la lettre du docteur [D] à son patient ;

Qu'elle ne peut également, que s'interroger sur l'exhaustivité du dossier médical (dont la dernière mise à jour date du 13 février 2013, soit après le décès du patient)d'autant que le droit de communication des ayants droit du patient défunt est limité par l'article L1111-7 du code de la santé publique, ceux-ci n'ayant accès qu'aux éléments nécessaires pour faire valoir leurs droits ; qu'outre le fait que les mentions portées lors des trois premières consultations apparaissent particulièrement lacunaires dans la mesure où ni les rubriques 'conclusion et ordonnance'(qui apparaissent lors d'autres consultations) ne sont renseignées et qu'en particulier, ni figure nullement la date de la demande d'avis au docteur [S] ou la prescription d'un traitement (ou le choix de ne rien prescrire), l'absence de traitement, y compris symptomatique, paraissant surprenante face au tableau présenté par M [Q] [V] à la fois douloureux et invalidant et en contradiction avec l'intérêt porté par le praticien, lors de la consultation du 15 juin 2010, à l'efficacité (nulle) de la prise de Mg Isoxan et de tardyferon (ce dernier étant un médicament ainsi qu'il ressort de la pièce 9 de l'appelante), le docteur [D] ayant certes attesté qu'il ne les avait pas prescrits ;

Considérant que M [Q] [V] était, en premier lieu, interrogé sur ses antécédents dans les dix ans précédant son adhésion, par deux questions (4 et 5) portant sur la première sur des séjours dans un hôpital, une clinique, une maison de santé ou un établissement thermal et sur des maladies affections ou accidents ayant entraîné une surveillance médicale [traitements, soins médicaux, médicaments] pendant plus de 30 jours ;

Que si les affirmations de M [Q] [V] relayées par ses proches d'un sevrage d'une consommation d'héroïne sans aucune assistance médicale n'est pas crédible, eu égard à la durée de cette consommation (15 ans) et du produit utilisé, il n'en demeure pas moins, que l'ensemble des témoins attestent que cette consommation a cessé en 1994 et rien ne permet de remettre en cause cette date, la création par le défunt d'une entreprise en 1998 et son investissement dans une pratique sportive intensive confortant l'allégation de la cessation de toute consommation en 1994 et du changement radical de vie évoqués par son père et son beau-frère ; que l'affirmation de séquelles nécessitant un traitement médical, d'un traitement (de substitution) voire d'un simple suivi médical au titre de cette addiction après son arrêt en 1994 et perdurant en 2000 ne repose sur aucun élément probant et dès lors, aucune fausse déclaration n'est caractérisée au titre de l'interrogation de M [Q] [V] sur ses antécédents médicaux ;

Considérant que la question 7 porte sur l'éventualité d'une surveillance médicale lors de l'adhésion dans des termes [êtes-vous sous surveillance médicale (traitements, soins médicaux)]excluant que soit retenue l'interprétation qu'en fait l'assureur et qui obligerait le candidat à l'adhésion à y répondre positivement, même si ce suivi ne s'accompagne d'aucune prescription ou soins, ce qui rend inutile la discussion des parties sur la qualification qui devrait être donnée aux consultations multiples du docteur [D] comme d'ailleurs celle relative à la date exacte de la demande d'avis au neurologue ; qu'enfin, s'agissant du second membre de phrase (et/ou prenez-vous des médicaments prescrits par un médecin), les espaces qui suivent les termes figurant au-dessous [Traitements, soins médicaux, Médicaments (noms et doses) , Raison(s) médicale(s) précise(s)] ne doivent être complétés que si la question qui précède appelle une réponse positive ; qu'enfin, ainsi qu'il est dit ci-dessus, la prescription de tardyferon n'est pas formellement établie, le docteur [D] ayant attesté ne pas en être l'auteur et rien dans le dossier ne permet de départager les parties qui l'une évoque une automédication et l'autre, une prescription par un praticien (le docteur [D] ou un autre médecin) et dès lors, la SA AXA FRANCE VIE échoue dans la preuve qui lui incombe d'une fausse déclaration de M [Q] [V] lorsqu'il a répondu à cette question ;

Considérant que la question 8 est ainsi rédigée 'Avez-vous subi, au cours des 5 dernières années, des tests biologiques et/ou sérologiques qui se soient révélés anormaux '

Nature : Résultats : ' ;

Qu'il est acquis aux débats que lors de la consultation du 7 mai 2010, le docteur [D] a prescrit des examens biologiques, afin, ainsi qu'il est dit ci-dessus, de poser un diagnostic et non dans le cadre d'une surveillance de routine ; qu'il est tout aussi incontestable que les résultats d'une des analyses (la créatine kinases ou CPK) était non seulement élevé (215 Ul/L) ainsi qu'il est noté au dossier médical de M [Q] [V] mais au-dessus des normes, la documentation médicale (pièce 27 de l'intimée) précisant que 'les normes fournies sont généralement comprises pour les laboratoires entre 60 et 180 Ul/L' , ce dont il s'évince, les laboratoires dont celui consulté par M [Q] [V] devait se référer à cette norme et porter comme il est d'usage ces valeurs sur le document sur lequel figurait les résultats des analyses biologiques et remis au patient ;

Que M [Q] [V], dont il convient de rappeler qu'il était à la tête d'une société, était tout à fait à même de lire le document remis par le laboratoire, de constater l'écart du résultat de l'analyse litigieuse par rapport à la norme et donc son caractère anormal ; qu'il est donc indifférent que ce taux ne soit pas significatif (ce qui est d'ailleurs contredit par le courrier du docteur [S] du 17 juin 2010 qui retient ce symptôme) ou que le docteur [D] n'ait pas alerté son patient sur ce taux, qu'il qualifie d'élevé, étant relevé qu'il atteste uniquement de ce point et nullement de l'absence d'interrogation de son patient sur celui-ci ou qu'il aurait rassuré son patient ; que la démonstration à laquelle se livre l'intimée quant aux variations du taux de CPK chez un sportif ou au cours de la journée est tout aussi inopérante dès lors, qu'il n'était demandé à M [Q] [V] que de dénoncer les résultats de test qui se révèlent anormaux et non d'apprécier leur caractère significatif ;

Que M [Q] [V] ne pouvait pas méconnaître l'anormalité d'un des examens biologiques prescrits le 7 mai 2010 et il se devait de répondre positivement à l'interrogation de l'assureur et de préciser la nature du test et son résultat ; que dans le contexte particulier relevé ci-dessous, l'état de santé de M [Q] [V] s'étant rapidement et gravement dégradé dans les semaines précédant son adhésion, le caractère intentionnel de cette réponse négative ne fait aucun doute, M [Q] [V] voulant, à tout le moins, se prémunir de toute demande d'examen complémentaire du service médical de l'assureur ;

Considérant enfin, que l'assureur justifie par une attestation de son médecin conseil que la révélation de résultats anormaux aurait entraîné un ajournement de la décision du comité médical dans l'attente d'un réexamen du dossier après demande d'éléments complémentaires, ce qui en l'espèce, l'aurait nécessairement conduit à prendre connaissance des raisons de la prescription des tests biologiques et donc des symptômes présentés par M [Q] [V], dont les fasciculations, symptômes pouvant être associés à des affections neurologiques ; que dès lors la dissimulation des résultats des tests biologique a bien modifié son appréciation du risque ;

Considérant que dès lors, la nullité du contrat d'assurance doit être prononcée, la décision déférée devant être infirmée ;

Considérant que Mme [X]-[V] en son nom personnel et ès-qualités, partie perdante, sera condamnée aux dépens et en équité devra rembourser à la SA AXA FRANCE VIE les sommes qu'elle a exposés pour assurer sa défense ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris, le 20 mai 2014 ;

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité de l'adhésion de M [Q] [V] aux contrats n° 2976325100000H et 2976325500000Q Prévoyance Entreprise n° souscrit auprès de la SA AXA FRANCE VIE.

Déboute de leurs demandes, Mme [X]-[V] et [F] [V], [J] [V] et [U] [V] toutes trois représentées par Mme [X]-[V] représentante légale de ses enfants mineurs ;

Condamne Mme [X]-[V] et [F] [V], [J] [V] et [U] [V] toutes trois représentées par Mme [X]-[V] représentante légale de ses enfants mineurs, à payer à la SA AXA FRANCE VIE la somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 14/13851
Date de la décision : 30/06/2015

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°14/13851 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-30;14.13851 ?
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