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24/06/2015 | FRANCE | N°14/12859

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 24 juin 2015, 14/12859


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 24 JUIN 2015



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/12859



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mai 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/03690





APPELANT



Monsieur [P] [L] [U] [Z] [H]

né le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 2]

[Adresse 1

]

[Adresse 1]



Représenté par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029, postulant

assisté de Me Evelyne AVAKIAN de la SELARL F.K.R., avoca...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 24 JUIN 2015

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/12859

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mai 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/03690

APPELANT

Monsieur [P] [L] [U] [Z] [H]

né le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029, postulant

assisté de Me Evelyne AVAKIAN de la SELARL F.K.R., avocat au barreau de PARIS, toque : E0166, plaidant

INTIMÉS

1°) Madame [Y] [X] [R] [H]

née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

2°) Monsieur [D] [W] [H]

né le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

3°) Monsieur [M] [J] [Z] [H]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentés et assistés de Me Frédéric WEYL, avocat au barreau de PARIS, toque : R028

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 14 avril 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Evelyne DELBÈS, président,

Madame Monique MAUMUS, conseiller

Madame Nicolette GUILLAUME, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier :

lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Evelyne DELBÈS, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

A la suite du décès de [J] [H] le 7 juin 1974, sa veuve, [R] [K], est devenue usufruitière de la totalité d'un immeuble situé [Adresse 1], qui a fait l'objet d'une division et d'un règlement de copropriété du 30 mars 1978 , la nue-propriété des lots étant répartie entre les trois enfants du couple, [P] [H] (désigné ci-après [P] [H]), [Y] [H] (désignée ci-après [Y] [H]), et [W] [H] (désigné ci-après [W] [H]).

M. [O] [H], administrateur professionnel des biens de l'usufruitière a établi le 15 décembre 1981 un bail de six ans au profit de M. [P] [H], portant sur le lot n°[Cadastre 3] dont la nue-propriété appartenait à M. [W] [H] et une cave,

moyennant un loyer mensuel de 1 000 francs plus charges.

Avant le terme du bail, un nouveau bail était consenti portant sur le lot n°[Cadastre 1] et le lot n°[Cadastre 2], dont M. [P] [H] était nu-propriétaire, le 5 juin 1985 à effet du 15 juin 1985, moyennant un loyer trimestriel de 5 244 francs, outre les charges, soit 1 748 francs mensuels.

[R] [K] est décédée le [Date décès 1] 2008 laissant pour lui succéder :

- Mme [Y] [H], pour 1/3

- [P] [H], pour 1/3

- M. [D] [H] et M. [M] [H], chacun pour 1/6 ème à la suite de la renonciation de leur père, M. [W] [H], à ses droits dans la succession.

Par jugement du 22 mai 2014, le tribunal de grande instance de Paris saisi par Mme [Y] [H], MM. [D] et [M] [H] d'une action tendant au rapport des libéralités reçues directement ou indirectement par M. [P] [H] de la part de Mme [R] [K], a :

- constaté que M. [P] [H] a occupé successivement deux appartements appartenant à [R] [K] aux termes de baux réguliers,

- jugé que l'absence de réclamation par la défunte des loyers impayés de janvier 1982 à mars 2008 constitue une libéralité rapportable,

- ordonné une expertise,

- désigné M.[A] avec pour mission de visiter les biens immobiliers sis [Adresse 1] occupés successivement par M. [P] [H] au 2ème puis au 6ème étage de l'immeuble,

- d'évaluer lesdits biens et donner son avis sur leur valeur locative au 1er janvier 1982 pour le premier puis au 15 janvier 1986 pour l'autre,

- d'entendre les parties et tout sachant,

- fixé les modalités et la charge de la consignation à valoir sur la rémunération de l'expert,

- fixé les modalités de dépôt du rapport,

- rappelé que les copartageants peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l'amiable,

- ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage,

- dit qu'ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l'indivision.

M. [P] [H] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 18 juin 2014.

Dans ses dernières conclusions du 27 mars 2015, il demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel ,

- y faisant droit,

- infirmer ledit jugement en toutes ses dispositions,

- dire et juger que les demandeurs n'ont pas rapporté la preuve de l'intention libérale du donateur et que dans ces conditions, la donation invoquée ne peut être rapportable,

- constater que Mme [Y] [H], mandataire de sa mère, a d'ailleurs reconnu qu'aucune donation n'avait été consentie préalablement au décès de [R] [K], et que la déclaration de succession ne comportait aucune libéralité et aucune créance à recouvrer,

- vu les articles 815-10 et 2224 du code civil, compte tenu de l'existence des baux, l'action ne peut être engagée que sur le terrain du recouvrement des loyers et que la demande est prescrite à effet du 14 mars 2008, l'action ayant été engagée le 14 mars 2013, seul le loyer dû pour la période du 14 mars 2008 au 22 mars 2008 pourrait faire l'objet d'une condamnation,

- dire et juger que l'action engagée est abusive, ce solde de loyer aurait été payé sur simple demande,

- condamner les intimés au paiement de :

* 10 000 € sur le fondement de l'article 1382 du code civil,

* 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- infiniment subsidiairement, si le jugement était confirmé et si une expertise était ordonnée, il conviendra de l'étendre aux loyers versés par les autres héritiers pendant les mêmes périodes en les comparant à ceux appliqués aux autres locataires, afin de lui permettre également de solliciter le rapport des libéralités consenties aux autres héritiers,

- condamner les intimés en tous les dépens.

Dans leurs dernières conclusions du 30 mars 2015, Mme [Y] [H], MM. [D] et [M] [H] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement, sauf à considérer qu'il n'y a lieu à expertise,

- condamner M. [P] [H] à faire rapport à ses cohéritiers de la somme de 1 323 000 euros, sauf le cas échéant à parfaire aux dires de l'expert désigné, outre intérêts au taux légal calculé mois par mois depuis le 1er janvier 1982, outre anatocisme le 14 mars 2014 puis à chaque anniversaire ultérieur de l'assignation,

- subsidiairement, renvoyer les parties devant les premiers juges pour la liquidation du montant du rapport des libéralités consenties à M. [P] [H], au vu du rapport de l'expert désigné,

- confirmer le rejet des demandes reconventionnelles d'[P] [H],

- dire ses demandes en cause d'appel irrecevables et subsidiairement mal fondées,

- en outre, ordonner la suppression, dans les conclusions de l'appelant en date du 27 mars 2015, des membres de phrase page 12 :

- les intimés ont une hargne à l'égard du concluant ou une âpreté au gain sans limite

- dénués de toute affectivité

et page 13 :

- tirant une sorte de jouissance du mal qu'ils font

- condamner M. [P] [H] en tous les dépens d'appel, et en paiement d'une somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile,

- rejeter les demandes qu'il formule sur le même fondement,

- sous toutes réserves.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que [R] [K], usufruitière de l'immeuble situé [Adresse 1], a, par l'intermédiaire de M. [O] [H], administrateur de biens, établi le 15 décembre 1981 un bail de six ans au profit de M. [P] [H], portant sur le lot n°[Cadastre 3] dont la nue-propriété appartenait à [W] [H] moyennant un loyer mensuel de 1 000 francs plus charges ;

Que le 5 juin 1985, un nouveau bail était consenti portant sur le lot n°[Cadastre 1] et le lot n°[Cadastre 2], dont M. [P] [H] était nu-propriétaire, à effet du 15 juin 1985, moyennant un loyer trimestriel de 5 244 francs ;

Considérant que l'appelant fait plaider que ces contrats ne révèlent aucune intention libérale de sa mère, à son égard, et subsidiairement, que l'ensemble des enfants de [R] [H] ont bénéficié d'avantages de la part de cette dernière pour l'examen desquels il sollicite l'extension de la mission de l'expert désigné par le tribunal ;

Considérant que Mme [Y] [H], MM. [D] et [M] [H] soutiennent que leur frère et oncle n'ayant jamais réglé le loyer, au demeurant sous-évalué par rapport au prix du marché, ni les charges correspondant à ces baux, a ainsi bénéficié de donations dont il doit le rapport ;

Qu'ils produisent notamment à l'appui de leur argumentation une lettre intitulée 'attestation' de l'administrateur de biens du 10 octobre 2012 indiquant que l'appelant n'a réglé aucun loyer de son entrée dans les lieux jusqu'au décès de [R] [H] ;

Considérant que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession ;

Considérant que la seule absence de réclamation du loyer et des charges est insuffisante, en l'espèce, pour établir cette intention, dès lors que les éléments versés aux débats, révèlent une négligence certaine dans la gestion des biens sur lesquels portait l'usufruit de la défunte ;

Qu'en effet, le constat d'huissier du 14 mai 2008 portant sur un appartement dont [R] [K] était également usufruitière dans le même immeuble, situé [Adresse 1] au 5ème étage, montre que cet appartement composé d'un double living et de trois chambres est inhabité depuis 6 ans et qu'il est en très mauvais état général ;

Que cette situation révèle un désintérêt évident de [R] [K] pour les revenus que son usufruit sur l'intégralité de l'immeuble avait vocation à lui assurer, étant observé que l'immeuble dont elle était usufruitière est composé d'un bâtiment sur rue de 8 étages et d'un bâtiment sur cour de 6 étages, l'ensemble correspondant à plus de 30 appartements, négligence qui ne permet pas de dire que la seule absence de réclamation du loyer et des charges démontre une intention libérale et une volonté de gratifier son fils [P] ;

Que la lettre précitée du 10 octobre 2012 du cabinet [H], comme celle du 5 novembre 2014, aux termes de laquelle cet administrateur de biens indique que du vivant de [R] [H], il avait instruction de ne pas poursuivre M. [P] [H] pour non-paiement des loyers, doivent être situées dans le contexte conflictuel initié par la procédure engagée par l'appelant par assignation du 19 mai 2011, puis par acte du 6 septembre 2012, à l'encontre du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] représenté par son syndic, le cabinet [H] ;

Considérant que les intimés dont l'un des leurs, Mme [Y] [H], déclarait au notaire chargé du règlement de la succession de leur mère, le 11 octobre 2008, qu'à sa ' connaissance aucun héritier ne fera état de dons manuels antérieurs non déclarés', et qui n'exposent nullement comment cette connaissance leur serait parvenue cinq ans après le décès de leur mère, échouent dans la démonstration qui leur incombe de l'intention libérale de celle-ci à l'égard de M. [P] [H], intention également démentie par l'envoi de la mise en demeure adressée le 11 juillet 2014 par le cabinet Griès, qui réclame un arriéré de loyers de 153 283,68 € à l'appelant, cabinet [H] dont les intimés soutiennent qu'il n'est que le syndic et non leur mandataire, mais qui en tout état de cause les tenait informés des échanges avec l'appelant ainsi que cela résulte des termes de la lettre de l'administrateur de biens du 11 juillet 2014 ;

Considérant, en conséquence, que le jugement qui a dit que l'absence de réclamation par la défunte du loyer convenu ne peut s'expliquer que par une intention libérale, doit être infirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant en outre que les termes des conclusions de l'appelant selon lequel ' les intimés ont une hargne à l'égard du concluant ou une âpreté au gain sans limite', sont ' dénués de toute affectivité ' et tirent ' une sorte de jouissance du mal qu'ils font', s'ils sont excessifs et sans portée s'agissant du débat juridique, ne relèvent cependant nullement des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 qui imposeraient leur suppression ;

Considérant que l'action de Mme [Y] [H], MM. [D] et [M] [H] ne revêt pas les caractères d'une procédure abusive de sorte que la demande de dommages intérêts de l'appelant doit être rejetée ;

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [Y] [H], MM. [D] et [M] [H] de leur demande de rapport,

Dit n'y avoir lieu à suppression des termes des conclusions de l'appelant,

Déboute M. [P] [H] de sa demande de dommages intérêts,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes,

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 14/12859
Date de la décision : 24/06/2015

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°14/12859 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-24;14.12859 ?
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