Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 7
ARRÊT DU 24 JUIN 2015
(n° 22 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/22269
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Novembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/06595
APPELANTE
Association ASSOCIATION DE LA PRELATURE PERSONNELLE DITE 'PREL ATURE DE LA SAINTE CROIX ET OPUS DEI'
Dénomination sociale : Association de la Prélature personnelle dite 'Prélature de la SAINTE CROIX et OPUS DEI' - Prélature de l'Opus Dei représentée par son Président [T] [M]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me François MEYER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0085
INTIME
Monsieur [P] [V]
[Adresse 1]
[Localité 1]/France
Représenté par Me Olivier ITEANU de la SELARL ITEANU, avocat au barreau de PARIS, toque : D1380, substitué par Me Firas MAMOUN, de la SELARL ITEANU, avocat au barreau de PARIS, toque : D1380
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Mars 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Sophie PORTIER, Présidente de chambre
M. Pierre DILLANGE, Conseiller
Mme Sophie- Hélène CHATEAU, Conseillère
qui en ont délibéré sur le rapport de Pierre DILLANGE
Greffier, lors des débats : Mme Maria IBNOU TOUZI TAZI
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Sophie PORTIER, président et par M. Guillaume LE FORESTIER, greffier présent lors du prononcé.
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Rappel des faits et de la procédure,
Par acte du 29 avril 2013, l'association de la prélature Personnelle dite «Prélature de la Sainte Croix et de Opus Dei » (ci-après Opus dei), a fait citer devant la 17 eme chambre du tribunal de grande instance de Paris [P] [V], ès qualités d'éditeur et de directeur de publication du site « prevensectes.com », au visa des article 9, 1382 et 1384 du code civil, en vue de le faire condamner à retirer sous astreinte de ce site toute assertion tendant à la présenter comme une secte, notamment la phrase « L'Opus Dei répertorié comme secte en Belgique », à lui payer une somme de un euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile à titre de dommages et intérêts et celle de 3000 €, ce avec exécution provisoire. Cette action a pour origine la constatation par la demanderesse de l'existence du site et de l'affirmation litigieuse courant 2010.
Par jugement réputé contradictoire du 6 novembre 2013, le tribunal estimant que les éléments d'atteinte à la vie privée invoqués à l'appui de la demande ne se distinguaient pas d'un délit de presse, a requalifié l'action en diffamation, et l'a déclarée irrecevable comme prescrite. La demanderesse a été condamnée aux dépens.
L'Opus Dei a relevé appel de cette décision. Dans le dernier état de ses écritures elle conclut à la réformation du jugement et à ce qu'il soit fait droit à l'ensemble de ses demandes initiales.
Elle sollicite encore le débouté de l'intimé pour l'ensemble de ses demandes et sa condamnation aux entiers dépens.
L'intimé a conclu à la confirmation du jugement. Il demande encore que l'appelante soit condamnée à lui payer un euro à titre de dommages et intérêts pour appel abusif, ainsi qu'une somme de 5500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et enfin qu'elle soit condamnée aux entiers dépens.
SUR CE,
La demanderesse a reproché au tribunal de s'être substitué au défendeur, non représenté en première instance, en requalifiant l'action sans être saisi d'écritures en ce sens.
Au plan des faits, elle a rappelé qu'en découvrant la phrase à l'origine de son action, elle se préoccupait en premier de savoir si en Belgique les sectes étaient recensées et si elle comptait au nombre de celles-ci. La réponse était négative.
S'étant alors rapprochée de l'intimé pour l'inviter à retirer le propos de son site, celui-ci opposait qu'il considérait cette demande comme un droit de réponse exprimé hors les délais de la loi du 29 juillet 1881.
Elle contestait, par référence à l'appréciation de différentes autorités de l'église catholique, qu'elle puisse être qualifiée de secte.
Elle estimait recevable cette action de défense de son identité, rappelant qu'elle est une association déclarée. Cette recevabilité de principe n'a jamais été contestée.
Elle maintient une demande fondée sur l'article 9 du code civil, dans la mesure où les convictions philosophiques ou religieuses font partie des éléments de la vie privée protégés par ce texte. En l'espèce, qualifier de secte une association qui se rattache expressément à l'église catholique porte atteinte à la réputation de ladite association. Cette atteinte prenant la forme d'une information qu'elle considère comme inexacte, il est légitime qu'elle sollicite sa rectification. Elle rappelle encore les critères qui caractérisent une secte et ne sauraient lui correspondre.
Elle se réfère encore à des jurisprudences qui ont constaté l'autonomie d'actions fondées sur l'article 9 du code civil par rapport à la loi sur la presse. En l'espèce, elle conteste que le propos poursuivi ait un caractère diffamatoire, à défaut notamment d'articulation de faits précis à l'appui de l'affirmation de l'intimé.
Elle reproche encore au premier juge d'avoir soulevé d'office la fin de non recevoir tiré de la prescription de l'action en diffamation.
Elle plaide enfin l'absence de prescription de son action fondée sur l'atteinte à la vie privée, mais encore sur l'abus de la notion de liberté d'expression au sens de l'article 10 de la CEDH.
L'intimé rappelle, en premier lieu, que la nature, éventuellement sectaire, de l'Opus Dei est un objet de controverse ancienne, qui n'est pas de son fait. En deuxième lieu, il précise que le texte actuel de son site renvoi tant à des études belges sur les sectes, qu'au fait que l'appelante n'est pas classée comme secte par la commission parlementaire française. [P] [V] constate enfin que le premier juge a fondé sa décision sur le fait que que la qualification d'une action en justice ne saurait, pour celui qui s'en prévaut, avoir pour objet d'échapper aux contraintes procédurales de la loi du 29 juillet 1881.
Il considère que cette dernière observation s'applique à l'espèce, au titre de la diffamation et, éventuellement, à celui de l'injure.
La cour relèvera qu'indépendamment du fondement revendiqué par l'appelante, soit l'article 9 du code civil, il ressort de ses écritures, qu'elle fonde son préjudice sur des atteintes à sa « réputation » ou à son « honneur », de même que sur un « abus de la liberté d'expression ». Autant de termes qui renvoient à la loi sur la presse. Aussi est-ce à bon droit que le premier juge a requalifié l'action de l'appelante dont l'objet ne peut permettre de contourner les dispositions de la loi de 1881, notamment celles relatives à la prescription qui lui a été opposée. Peu importe que l'infraction à la loi sur la liberté de la presse soit ou non effectivement constituée.
Si une action autonome peut exister sur le fondement de l'article 9 du code civil, c'est à la condition que ses éléments ne soient pas susceptibles de se confondre avec les éléments constitutifs d'une infraction de presse.
Enfin, en ce qui concerne la prescription, l'appelante tout en rappelant que la jurisprudence admet que celle dont dispose l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 peut, par exception, être relevée d'office par le juge, s'agissant d'un texte qui participe de la liberté d'expression, fait valoir que cette jurisprudence n'aurait de portée que devant les juridiction pénales. Cette argumentation ne saurait prospérer, dans la mesure où il est acquis que l'ensemble des règles de procédure de la loi de 1881 s'appliquent de façon similaires devant les juridictions civiles ou répressives. La prescription de l'action de l'appelante étant acquise sur ce fondement, il n'y a pas lieu d'examiner les arguments échangés par les parties quant à l'application à l'espèce de la nouvelle prescription de droit commun en matière civile.
Les observations qui précèdent, non contraires aux motifs du premier juge, conduiront à confirmer sa décision.
L'intimé ne n'établissant pas, au delà d'affirmations, en quoi l'appel soumis à la cour serait abusif, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre. En revanche, l'équité commande qu'il soit fait droit à sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur de 3000 €. L'Opus Dei sera enfin condamné aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 6 novembre 2013,
Y ajoutant,
Déboute [P] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne l'Association de la Prélature personnelle dite « Prélature de la SAINTE CROIX et OPUS DEI » à payer à [P] [V] une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne encore aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT