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23/06/2015 | FRANCE | N°14/04870

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 23 juin 2015, 14/04870


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 23 JUIN 2015



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/04870



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Décembre 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006082625



APPELANT :



Monsieur [I] [W]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1]

[Adresse 3]

[Adresse 6]





Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Ayant pour avocat plaidant Me Philippe MEYLAN de la SCP TU...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 23 JUIN 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/04870

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Décembre 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006082625

APPELANT :

Monsieur [I] [W]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1]

[Adresse 3]

[Adresse 6]

Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Ayant pour avocat plaidant Me Philippe MEYLAN de la SCP TUFFAL- NERSON DOUARRE et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0505

INTIMES :

Monsieur [K] [H]

[Adresse 2]

[Adresse 6]

Représenté par Me Sylvie CHARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0079

Ayant pour avocat plaidant Me Louis GAUTHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1660

Madame [N] [H] née [B]

[Adresse 2]

[Adresse 6]

Représentée par Me Sylvie CHARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0079

Ayant pour avocat plaidant Me Louis GAUTHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1660

SA GESSI GROUPE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Adresse 5]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour avocat plaidant Me Maris MOAMED, avocat au barreau de LYON

SAS CHALUS CHEGARAY ET COMPAGNIE anciennement dénommée HOLDING CHEGARAY DE CHALUS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Adresse 7]

Représentée par Me Sylvie CHARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0079

Ayant pour avocat plaidant Me Louis GAUTHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1660

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Mai 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente de chambre, présidente

Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Pervenche HALDRIC

Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Madame Pervenche HALDRIC, greffière présente lors du prononcé.

La société Seamply, société anonyme à directoire et conseil de surveillance ayant pour activité la vente de services et d'équipements dédiés au nautisme a été créée en avril 2000 à l'initiative de M. [I] [W] avec le concours financier dans un premier temps de la Sa Gessi Groupe, M. [W] étant nommé président du directoire.

Des investisseurs sont par la suite entrés au capital de la société en souscrivant à diverses augmentations de capital. En 2003, le capital social, d'un montant de 805.309 euros, était réparti comme suit :

- Gessi Groupe 54,24 % :

- la holding Chegaray 23,36 %

- M. [H] et famille 4,11 %

- M. [W] et famille 8,43%

- Gip ( M. [G]) 2,73%

- autres investisseurs 7,13%

Le 5 janvier 2001, l'ensemble des actionnaires de Seamply a conclu un pacte d'actionnaires prévoyant notamment un droit de préemption sur la totalité des titres détenus par chacune des parties en cas de cession.

En juillet 2003, l'actionnaire majoritaire, Gessi Groupe, souhaitant sortir de façon anticipée de la société, a proposé à M. [W] de lui céder son bloc d'actions majoritaire (54%) moyennant le prix de 450.000 euros, offre à laquelle il n'a finalement pas été donné suite.

Le 25 août 2003, une assemblée générale extraordinaire a été convoquée pour le 10 septembre 2003 avec pour ordre du jour une augmentation de capital de 663.000 euros par l'émission de 1.300.000 nouvelles actions au prix unitaire de 0,75 euros incluant une prime d'émission de 0,24 euros.

Le 10 septembre 2003, l'assemblée générale a révoqué M. [W] de ses fonctions de président du directoire, ainsi que M. [Q] membre du directoire, a voté une augmentation de capital de 663.000 euros par l'émission de 1.300.000 actions nouvelles au prix de 0,51 euros sans prime d'émission, les souscriptions étant reçues jusqu'au 30 septembre 2003, délai qui a été prorogé au 16 octobre suivant.

Le même jour ont été signés :

- une promesse de cession d'actions entre Gessi Groupe et les époux [V], qui ne se sera pas en définitive suivie d'une vente,

- une convention réglementant les conditions de recapitalisation de Seamply entre Gessi Groupe, les époux [V] et la holding Chegaray, en vertu de laquelle cette dernière s'engageait notamment à garantir cette augmentation de capital et la suivante, la cour d'appel de Versailles ayant jugé, par arrêt du 12 mars 2009, que cet engagement avait été pris sous la condition suspensive de l'accord de son conseil d'administration, accord qui sera refusé.

M et Mme [V] ont été nommés par le conseil de surveillance respectivement président du directoire et membre du directoire

Une assemblée générale extraordinaire de Seamply, convoquée pour le 23 octobre 2003, en vue d'une seconde augmentation de capital de 663.000 euros, a été annulée, aucun actionnaire n'ayant souscrit à la précédente augmentation avant la date limite du 16 octobre 2003.

Sur déclaration de cessation des paiements du nouveau dirigeant de Seamply, le tribunal de commerce de Nanterre a, par jugement du 2 décembre 2003, ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société avec une période d'observation de six mois et a fixé la date de cessation des paiements au 27 juin 2003, date à laquelle M.[W] en était encore le dirigeant. Un plan de cession a été adopté le 22 janvier 2004.

Par arrêt du 23 février 2006, la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Nanterre ayant rejeté la demande de réintégration de M.[W] ainsi que sa demande d'indemnisation au titre de l'absence de justes motifs mais a fixé au passif de Seamply une créance de 10.000 euros au profit de M.[W] en réparation des circonstances vexatoires de sa révocation.

C'est dans ce contexte que M.[W] a fait assigner par actes des 23 et 24 novembre 2005, devant le tribunal de commerce de Paris, Gessi Groupe, la holding Chegaray et M.et Mme [H] pour être indemnisé de la perte en capital de ses actions Seamply et du manque à gagner résultant du fait qu'il n'a pu souscrire aux nouvelles actions de Seamply prévues lors de l'assemblée générale du 10 septembre 2003,

M. [G] et la société Mansyl venant aux droits de Gip, intervenant volontairement.

Par jugement du 20 décembre 2013, le tribunal de commerce de Paris a débouté M. [W], M. [G] et la société Mansyl venant aux droits de Gip de leurs demandes et a condamné à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive M. [W] à payer 10.000 euros à Gessi Groupe, 10.000 euros à la holding Chegaray et 16.000 euros à

M. [H], a condamné M. [G] à payer 8.000 euros de dommages et intérêts à Gessi Groupe, a condamné solidairement M. [G] et la société Mansyl venant aux droits de Gip, à payer à la holding Chegaray 8.000 euros, ainsi que 8.000 euros à M.[H], a débouté les défendeurs du surplus de leurs demandes et les parties de leurs plus amples demandes ou contraires et a condamné les demandeurs au paiement d' indemnités au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.

Selon déclarations des 4 et 6 mars 2014, qui ont fait l'objet d'une jonction, M.[W] a relevé appel de cette décision en intimant Gessi Groupe, la holding Chegaray de Chalus et M.et Mme[H].

Dans ses dernières conclusions signifiées le 28 avril 2014, M. [W] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau au visa des articles 1382 et 1149 du code civil :

- de constater l'existence d'une concertation frauduleuse entre les acteurs d'un groupe majoritaire composé de Gessi Groupe, de la holding Chegaray de Chalus et de

M. [H] à raison de actes et décisions pris en violation de la convention d'actionnaires,

- de constater que ces acteurs, abusant de leurs droits de vote, ont agi de manière déloyale contre les intérêts de Seamply pour favoriser leurs intérêts personnels,

- de juger que la procédure collective ouverte à l'égard de Seamply ayant abouti à la cession totale de Seamply résulte de cet abus de majorité,

- en conséquence de condamner solidairement Gessi Groupe, la holding Chegaray de Chalus et les époux [H] à lui payer :

1) en réparation du préjudice résultant de la perte en capital de ses 79.823 actions, en principal dans l'hypothèse d'une poursuite du développement, 443.815 euros, ou subsidiairement dans l'hypothèse d'une interruption du développement au 10 septembre 2003, 108.168 euros,

2) en réparation du gain manqué tenant au fait qu'il a été privé de mettre en place une solution de refinancement de Seamply, à titre principal 6.872.182 euros, à titre subsidiaire dans l'hypothèse d'une interruption du développement au 10 septembre 2003, 654.714 euros.

- les condamner a minima au paiement de la clause pénale de 457.347 euros prévue à la convention d'actionnaires (article 20),

- à titre infiniment subsidiaire sur l'évaluation du préjudice subi, de désigner tel expert qu'il plaira à la cour et en ce cas condamner solidairement Gessi Groupe, la holding Chegaray de Chalus et les époux [H] au paiement d'une provision de 457.347 euros, équivalant à la clause pénale,

- en tout état de cause de condamner Gessi Groupe, la holding Chegaray de Chalus et les époux [H] au paiement de 30.000 euros au titre des frais irrépétibles , ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 27 mars 2015, la Sa Gessi Groupe, contestant tout abus de majorité, sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, la condamnation de M. [W] au paiement de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens et le rejet de toutes demandes contraires.

Dans ses dernières écritures signifiées le 21 avril 2015, la société Chalus Chegaray et Compagnie (anciennement holding Chegaray de Chalus) demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M.[W] de toutes ses prétentions à l'égard de Chalus Chegaray et Compagnie, en ce qu'il a condamné M.[W] à des dommages et intérêts pour procédure abusive et à une indemnité au titre des frais irrépétibles, de l'infirmer partiellement sur le quantum et de condamner M.[W] à lui verser 40.000 euros de dommages et intérêts et 40.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Suivant conclusions du 2 avril 2015, M et Mme [H] demandent à la cour de dire nulle et de nul effet l'assignation délivrée à Mme [H] faute d'avoir été délivrée indépendamment de celle de son époux, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté

M. [W] de toutes ses prétentions et l'a condamné à des dommages et intérêts pour procédure abusive, mais de l'infirmer sur le quantum, statuant à nouveau de condamner M. [W] à payer à M et Mme [H] chacun 20.000 euros, de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M.[W] au paiement des frais irrépétibles mais l'infirmer sur le quantum et de le condamner à verser à M.[H] tant pour la première instance que l'appel 12.000 euros et à Mme [H], 6.000 euros, outre les entiers dépens.

SUR CE

- Sur la nullité de l'assignation délivrée à Mme [H]

Mme [H], qui n'avait pas comparu en première instance soulève en cause d'appel la nullité de l'assignation à comparaître devant le tribunal de commerce qui lui a été délivrée concomitamment à son époux au moyen d'un acte unique.

Il résulte de l'article 654 du code de procédure civile selon lequel la signification doit être faite à personne, que lorsque l'acte concerne plusieurs personnes, il doit être délivré séparément à chacune d'elles. Ces dispositions sont prescrites à peine de nullité, la nullité ne pouvant toutefois être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver l'existence d'un grief.

Mme [H] qui déclare le même domicile que son époux, lequel était représenté en première instance, et qui conclut en appel sous la même constitution d'avocat que son conjoint, n'établit pas avoir appris l'existence de la procédure initiée par M.[W] après la clôture des débats devant les premiers juges, de sorte que le moyen pris de ce que l'irrégularité de l'acte l'aurait privée d'un premier degré de juridiction n'est pas pertinent.

Aucun grief n'étant caractérisé, Mme [H] sera déboutée de sa demande de nullité de l'assignation.

- Sur l'abus de majorité

Le tribunal a retenu que l'article 7 des statuts de la société conférait aux actionnaires un droit de préférence, proportionnel au montant de leurs actions, pour souscrire aux actions nouvellement émises dans le cadre d'une augmentation de capital, que l'augmentation votée le 10 septembre 2003 n'avait été souscrite par aucun des actionnaires, en particulier par aucun des demandeurs, que M. [W] n'expliquant pas la corrélation pouvant exister entre un pacte d'associés majoritaires dont il ignorait alors l'existence et le fait qu'il aurait été empêché de souscrire à cette augmentation, les demandeurs ne rapportaient pas la preuve d'avoir été empêchés de souscrire librement aux différentes augmentations de capital et ne pouvaient prétendre avoir subi un préjudice de ce chef, la situation économique de la société étant par ailleurs gravement obérée.

Au soutien de son appel M.[W] invoque l'abus de majorité commis à l'occasion du projet de recapitalisation de Seamply en septembre 2003 par le groupe des actionnaires majoritaires, composé de Gessi Groupe, de la holding Chegaray de Chalus et de M.[H], faisant valoir que ceux-ci se sont concertés pour signer, le 10 septembre 2003, à l'insu des minoritaires, deux conventions consacrant, d'une part, une promesse de cession de ses actions par Gessi Groupe aux époux [V] en violation du droit de préemption des fondateurs, du droit de sortie conjointe garantis par le pacte d'actionnaires, d'autre part, un accord tri-partite sur les conditions de recapitalisation de Seamply, ayant pour objet de placer à la tête de la société les époux [V], anciens salariés de Seamply licenciés pour faute en 2002, après l'avoir brutalement révoqué, cette concertation ayant conduit à imposer à l'assemblée générale extraordinaire du 10 septembre 2003 une soudaine modification des opérations de recapitalisation, en fractionnant en deux temps ce financement, la holding Chegaray de Chalus ne respectant pas à cette occasion son engagement de souscrire à la première augmentation de capital ou à tout le moins ne précisant pas la nature conditionnelle de son engagement, puis à l'annulation de l'assemblée générale prévue le 23 octobre 2003 pour voter la seconde augmentation sans avertir les actionnaires minoritaires de l'absence de souscription dans les délais impartis, empêchant ainsi toute solution de financement alternative et la recapitalisation de Seamply. Il considére que l'exclusion des actionnaires minoritaires du débat sur la recapitalisation constitue une violation de l'obligation d'information et de loyauté régissant les rapports entre les associés et visait à préserver les intérêts personnels du groupe des actionnaires majoritaires au détriment de l'intérêt social qui était de recapitaliser au plus vite Seamply et de régler les dysfonctionnement du logiciel Datamag, le comportement du groupe majoritaire s'étant révélé fatal pour Seamply.

M.[W] ajoute qu'il avait bien pour projet de participer à cette recapitalisation et de prendre le contrôle de Seamply par l'intermédiaire de la holding HVR qu'il constituait avec M. [G], qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir souscrit à l'augmentation de capital votée le 10 septembre 2003 dès lors que cette augmentation avait été garantie par la holding Chegaray qui avait déjà apporté en compte courant 338.263 euros couvrant plus de la moitié de l' augmentation prévue, et qu'il ne pouvait donc souscrire utilement à titre réductible, sachant qu'il n'a connu la défaillance de la Holding Chegaray que postérieurement à l'expiration du délai de souscription.

Gessi Groupe conteste tout abus de majorité, faisant valoir que l'assemblée générale du 10 septembre 2003, convoquée par M. [W], a voté l'augmentation de capital en deux phases à l'unanimité, que M.[W] ne peut prétendre avoir été empêché de souscrire à la seconde augmentation du fait de l'annulation de la seconde tranche de recapitalisation, n'ayant pas participé à la première augmentation à laquelle il aurait pu souscrire à hauteur de 100% aucun des autres actionnaires n'ayant participé à cette augmentation de capital ni du fait de l'engagement de la Holding Chegaray dont il ignorait alors l'existence, qu'il n'avait en réalité aucune intention de souscrire aux nouvelles actions espérant que les autres actionnaires financent comme par le passé cette recapitalisation, qu'au demeurant la seconde augmentation de 663.000 euros à laquelle M.[W] prétend avoir entendu souscrire aurait été totalement insuffisante, l'état de la société exigeant une recapitalisation de l'ordre de 1.800.000 euros. Elle ajoute que l'abus de majorité ne peut davantage résulter de la révocation de M.[W], celle-ci étant parfaitement justifiée au regard des résultats catastrophiques de la société et ayant été jugée valable par le tribunal de commerce de Nanterre le 16 décembre 2003, ni de la désignation de M.et Mme [V] comme nouveaux membres du directoire, rien ne démontrant leur incompétence.

La Holding Chegaray conteste également tout abus de majorité, faisant valoir que M.[W] n'a pas donné suite à l'offre de cession que lui avait faite Gessi Groupe, que la résolution litigieuse votée à l'unanimité le 10 septembre 2003 reproduit quasiment à l'identique le projet de M.[W], la seule modification ayant porté sur la suppression de la prime d'émission pour les nouvelles actions, la prime qui avait été envisagée s'avérant irréaliste et dissuasive au regard des résultats catastrophiques de Seamply, que le projet de recapitalisation n'a pas été fractionné en deux phases, la décision de procéder à court terme à une seconde augmentation ayant été prise en complément de celle prévue par M.[W] qui était apparue insuffisante, de sorte qu'il s'agissait de créer un total de 2.600.000 actions pour générer des apports de 1.330.000 euros au lieu des 975.000 euros dans le projet de

M. [W], les prévisions de celui-ci ne correspondant pas aux besoins réels de la société évalués à 1.860.000 euros par le cabinet Mazars, cette appréciation erronée de la situation de l'entreprise et la dissimulation de l'état de cessation des paiements expliquant sa révocation.

Elle soutient que M.[W] n'a jamais été empêché de participer à l'augmentation de capital et de prendre le contrôle de la société, y ayant renoncé faute de fonds suffisants, son droit préférentiel de souscription l'autorisant statutairement à souscrire aux nouvelles actions à due concurrence de sa participation dans le capital (5%) et, dans les faits, à hauteur de 100% aucun actionnaire n'ayant souscrit à cette recapitalisation ainsi qu'il en avait été informé le 7 octobre 2003, sachant que les délais de la première tranche de recapitalisation ont été arrêtés par l'assemblée générale dans les termes du projet de résolution initialement proposé par M. [W], puis prolongé au 16 octobre 2003 faute d'acquéreur et que l'annulation de l'assemblée générale en vue de la seconde tranche de recapitalisation est une décision du directoire, en la personne de M.[V], et nullement des intimés, cette annulation se comprenant au demeurant parfaitement au vu de l'échec de la première augmentation.

Elle précise que l'accord tri-partite du 10 septembre 2003, signé au dernier moment, visait simplement à mettre en place un mécanisme de garantie au profit de

M. [V], actionnaire entrant ayant conditionné son acquisition à l'engagement de la Holding Chegaray de participer à la totalité de la recapitalisation, la souscription qui excéderait les droits propres de la holding étant réductible des actions éventuellement souscrites par d'autres actionnaires, que cet accord qui était subordonné à l'approbation de son conseil d'administration ne s'est jamais réalisé ce qui explique qu'il n'ait pas été porté à la connaissance des autres actionnaires.

Elle ajoute qu'en tout état de cause cet accord n'était pas opposable à M.[W] et ne viole pas le pacte, ne portant aucunement atteinte au droit de souscription des actionnaires et que la promesse de vente si elle avait été suivie d'effet aurait conduit les parties à mettre en oeuvre la clause de préemption.

M et MmeVallat reprennent également cette contestation, opposant à M.[W] le fait qu'il est inclus dans la majorité ayant voté la résolution litigieuse qu'il avait proposée aux actionnaires , que l'état de cessation des paiements de Seamply rendait cependant irréaliste la prime d'émission qu'il avait suggérée, qu'il n'a jamais été privé de son droit préférentiel de souscription et aurait parfaitement pu souscrire à l'augmentation de capital, que la décision d'annulation de la seconde assemblée générale incombe uniquement au nouveau président du directoire, que la révocation du dirigeant est un droit qui ne peut pas constituer un abus de majorité mais seulement donner lieu à des dommages et intérêts si elle intervient sans motif suffisant ou dans des conditions vexatoires, cette révocation étant en l'occurrence liée aux mauvais résultats de la société. Ils ajoutent ne pas être signataires de la convention tri-partite et de la promesse de vente des actions de Gessi Groupe, conventions auxquelles ils n'ont nullement été associés et être également étrangers au litige concernant le logiciel Datamag.

Il résulte des pièces au débat que le 10 septembre 2003, date à laquelle l'assemblée générale de Seamply a été convoquée et s'est réunie pour se prononcer sur une augmentation de capital de 663.000 euros par l'émission de 1.300.000 actions au prix nominal de 0,51 euros, sans prime d'émission, ont été signés :

- d'une part, une promesse synallagmatique d'achat et de vente entre Gessi Groupe et M et Mme [V], aux termes de laquelle Gessi Groupe s'engageait à céder 392.500 actions aux époux [V] qui s'obligeaient à procéder à cet achat pour un prix total de 400.350 euros, sous condition suspensive, devant être réalisée avant le 15 novembre 2003, que la Holding Chegaray souscrive la totalité restante après les ayants-droit, de l'augmentation de capital de 663.000 euros décidée par l'assemblée générale du 10 septembre 2003,

- d'autre part, entre la holding Chegaray, Gessi Groupe et les époux [V] une convention définissant les conditions de recapitalisation de Seamply, aux termes de laquelle la holding Chegaray et Gessi Groupe se sont engagées sur la répartition des postes et notamment à nommer M. [V] président du directoire, à convoquer une assemblée générale avant le 15 octobre 2003 et à voter en faveur des résolutions nécessaires à une augmentation de capital d'un montant de 663.000 euros par émission de 1.300.000 actions nouvelles au prix unitaire de 0,51 euros, la holding Chegaray s'engageant à souscrire à titre réductible et irréductible la totalité des actions de la société à émettre dans le cadre de la première et de la seconde augmentations de capital.

Il est constant que ces conventions n'étaient pas connues des autres actionnaires lors du vote de l'augmentation de capital, le 10 septembre 2003.

Il est également acquis au débat que la holding Chegaray n'a pas souscrit à l'augmentation de capital votée le 10 septembre 2003, son conseil d'administration ayant refusé, le 12 septembre suivant, d'autoriser cette opération, étant précisé que la cour d'appel de Versailles en son arrêt rendu le 12 mars 2009 dans l'instance ayant opposé Gessi Groupe à la holding Chegaray, a retenu que l'engagement de la holding avait bien été contracté sous condition suspensive de cet accord . Ensuite de cette défaillance, les époux [V] ont refusé d'acquérir les actions de Gessi Groupe.

Dans les faits, l'exécution de ces conventions s'est limitée à la désignation de

M et Mme [V] en qualité respectivement, de président du directoire en remplacement de M.[W], révoqué le 10 septembre 2003, et d'administrateur de Seamply.

La révocation de M.[W] et la nomination concomitante de M. [V] ne caractérisent pas un abus de majorité, dès lors qu'il est admis par tous que Seamply connaissait à cette période, sous la présidence de M.[W], d'importantes et récurrentes difficultés financières, sur l'origine desquelles les parties ne s'accordent pas, mais rendant indispensable sa recapitalisation et ayant même nécessité en urgence au cours de l'été 2003 le soutien de M. [D] de Gessi Groupe pour cautionner un engagement de 200.000 euros destiné à faire face aux échéances immédiates de Seamply. Dans un tel contexte, M.[W] n'établit pas que la volonté des actionnaires majoritaires de le remplacer aux fonctions de président du directoire était contraire à l'intérêt de Seamply et de nature à provoquer une rupture d'égalité entre les associés, étant observé que la cour d'appel de Versailles, saisie du contentieux de la révocation, a considéré que l'absence de justes motif n'était pas caractérisée, seules les circonstances de la révocation ayant été jugées vexatoires et discourtoises. En outre, le licenciement en 2002, par M.[W], de M. [V], directeur général de Discount Marine, société qu'il avait créée et que Seamply avait acquise en 2001, ne démontre pas l'incompétence de l'intéressé, ce licenciement reposant essentiellement sur des divergences de vues avec le président du directoire.

Les actionnaires ont été convoqués par M.[W] pour se prononcer le 10 septembre 2003 sur une augmentation de capital d'un montant de 663.000 euros par l'émission de 1.300.000 actions nouvelles au taux nominal de 0,51 euros majoré d'une prime d'émission de 0,24 euros. Cette résolution a été approuvée à l'unanimité, en ce compris M.[W], avec comme seule modification lors du vote la suppression de la prime d'émission. Il ne ressort pas du procès-verbal de l'assemblée générale que la suppression de la prime d'émission initialement envisagée par M.[W] ait fait l'objet de contestations particulières lors du vote à l'unanimité, cette suppression ne pouvant être attribuée à une concertation frauduleuse du groupe majoritaire, dans la mesure où les associés ont pu raisonnablement jugé cette prime inadaptée et dissuasive eu égard à la situation obérée de la société.

Le moyen tiré du non respect de la tenue de réunions et d'établissement des procès-verbaux n'est pas opérant, dès lors que M.[W] ne conteste pas que l'assemblée générale a bien voté à l'unanimité l'ensemble des résolutions soumises à l'assemblée générale le 10 septembre et, à la majorité, sa révocation.

Il n'est pas établi au vu des pièces du dossier que l'assemblée générale a été convoquée pour voter sur une augmentation de capital globale de 1.326.000 euros, ni que le groupe majoritaire a imposé une recapitalisation en deux tranches. Dans un courriel préparatoire du 21 août 2003, M.[W] n'évoquait d'ailleurs qu'une augmentation de 510.000 euros par l'émission d'actions au prix de 51 euros + 0,49 euros de prime, en soulignant que ces valeurs étaient indicatives car il n'y avait pas de souscripteurs déclarés. La seconde augmentation de capital envisagée procédait donc d'un complément de recapitalisation et non d'une division de l'augmentation initialement prévue.

Il est constant que M.[W] n'a pas souscrit à l'augmentation votée le 10 septembre 2003 dont le délai initial avait été prorogé au 16 octobre 2003 ainsi qu'il en avait été avisé, faute de souscripteur. Il soutient que les accords occultes passés par le groupe des majoritaires, suivis de l'annulation de l'assemblée générale appelée à voter sur la seconde augmentation l'ont, de fait, empêché de souscrire à ces augmentations.

Ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, l'abstention de M.[W] ne peut être directement imputée aux conventions conclues entre les actionnaires majoritaires, dont il ignorait l'existence le 10 septembre 2003.

M.[W] n'établit pas davantage a posteriori, en quoi les engagements internes au groupe des majoritaires l'ont empêché de souscrire librement à la recapitalisation de Seamply. En effet, la promesse de cession des actions de Gessi Groupe au profit des époux [V] n'avait aucune incidence sur le droit de souscrire que M.[W] tient des statuts, étant en outre observé qu'il était parfaitement avisé de ce que Gessi Groupe voulait céder son bloc d'actions, les titres de cette dernière lui ayant été proposés le 17 juillet 2003, des négociations s'étant déroulées à la suite et M.[W] ayant indiqué à Gessi Groupe dans un courrier du 22 juillet 2003, que son groupe ne pouvait se porter seul acquéreur et qu'il faisait ses meilleurs efforts pour en 'accélérer le reclassement', aucun accord n'intervenant cependant avant la date butoir fixée par Gessi Groupe.

Est également inopérant le moyen pris de ce que la promesse de cession constitue une violation du droit de préemption accordé aux fondateurs par l'article 6 du pacte d'actionnaires, dès lors que la notification 'du projet' de transfert des titres mentionnée au paragraphe 6.2.1 s'entend nécessairement d'un projet de vente certain, tel n'étant pas le cas en l'espèce, l'engagement des époux [V], dont les termes sont rapportés par l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, étant subordonné au propre engagement de la holding Chegaray de souscrire au capital, condition qui ne s'est pas réalisée et qui a mis un terme définitif à la promesse de vente. En l'absence de cession, la promesse conclue entre Gessi Groupe et les époux [V] ne porte pas davantage atteinte au droit de sortie conjointe prévu au profit des autres actionnaires par l'article 8 du pacte, ni à l'obligation faite au cessionnaire par l'article 19 d'adhérer au pacte, ni encore à l'engagement des actionnaires de conserver une fraction du capital pendant au moins trois ans, soit jusqu'en janvier 2004.

L'engagement pris par la Holding Chegaray de souscrire à l'intégralité des deux augmentations, visant à garantir aux époux [V] la recapitalisation de la société en contrepartie de leur engagement d'entrer au capital de Seamply par le rachat des titres de Gessi Groupe, n'a pas remis en cause le droit de souscription à titre irréductible qui appartient à chaque associé de souscrire aux nouvelles actions au prorata de sa participation au capital social, l'accord tri-partite rappelant expressément que cette souscription intégrale se ferait à charge de réduction si d'autres actionnaires entendaient souscrire à titre irréductible. La société Holding Chegaray n'ayant pas honoré son engagement et aucun autre souscripteur ne s'étant manifesté avant la date butoir, M.[W] avait incontestablement la possibilité de souscrire intégralement à l'augmentation votée le 10 septembre, sans s'exposer à une réduction de sa part réductible. Force est de constater que si M.[W] a envisagé la constitution d'une holding HVR avec M. [G], il n'établit aucunement s'être engagé à souscrire, ni avoir sollicité une prolongation ou une réouverture des délais de souscription à cette fin, ni avoir disposé des capacités financières nécessaires.

Dans ces conditions, la suppression par le nouveau président du directoire de l'assemblée générale du 23 octobre 2003 appelée à voter sur la seconde augmentation de capital ne caractérise pas une concertation frauduleuse du groupe majoritaire pour mettre en échec un projet alternatif de financement des actionnaires minoritaires, cette suppression procédant au contraire d'un constat d'échec, la Holding Chegaray n'ayant pas été autorisée par son conseil d'administration à participer à la recapitalisation et aucun autre souscripteur ne s'étant déclaré.

M.[W] ne peut sans se contredire reprocher à la Holding Chegaray de ne pas avoir honoré son engagement de souscription après avoir soutenu que cet engagement l'avait conduit à ne pas participer à cette recapitalisation, étant relevé en tout état de cause que l'appelant ne peut sa prévaloir de la violation d'un engagement qui n'a été pris que dans l'intérêt de M.Mme [V] et sous condition suspensive.

S'agissant du manque de transparence et d'information reproché au groupe des majoritaires, il sera relevé que M.[W] était en sa qualité de président du directoire jusqu'au 10 septembre 2003 particulièrement au fait de la situation difficile de Seamply, qu'il a été avisé comme les autres actionnaires de la prorogation du délai pour souscrire à l'augmentation de capital, qu'il ne pouvait donc ignorer les difficultés liées à cette souscription, qu'il ne s'est pas pour autant déclaré souscripteur, de sorte qu'il n'établit pas qu'un déficit d'information avant le 16 octobre est à l'origine de son abstention.

Il s'ensuit que les premiers juges ont à juste titre considéré que l'abus de majorité n'était pas caractérisé et ont débouté M.[W] de toutes ses demandes. Le jugement sera confirmé de ce chef, M.[W] étant en outre débouté de sa demande d'expertise visant à quantifier son préjudice et de sa demande en paiement de la clause pénale figurant au pacte d'actionnaires, aucune violation de cette convention n'ayant été retenue.

- Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

C'est par une juste motivation que la cour adopte que les premiers juges ont alloué des dommages et intérêts pour procédure abusive aux intimés, les appels incidents tendant à voir augmenter leur montant devant être rejetés. Le jugement sera confirmé de ce chef.

- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

M.[W], partie succombante supportera les entiers dépens et sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.

L'équité commande d'allouer à Gessi Groupe, à la Holding Chegaray chacun et aux époux [V] pris ensemble, une indemnité de 3.000 euros au titre des frais exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déboute Mme [H] de sa demande de nullité de l'assignation,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant déboute M.[W] de toutes ses demandes,

Condamne M.[W] à payer à Gessi Groupe, à la Holding Chegaray chacun et aux époux [V] pris ensemble, une indemnité de 3.000 euros au titre des frais exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M.[W] aux entiers dépens et dit que les dépens d'appel seront recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 14/04870
Date de la décision : 23/06/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°14/04870 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-23;14.04870 ?
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