Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRET DU 12 JUIN 2015
(n° 2015-164, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/17027
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juin 2014 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 12/07363
APPELANTE
Madame [E] [T]
Née le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 4]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée et assistée par Me Olivier OHAYON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0004
INTIMÉES
SARL JAMES AUTO prise en la personne de son représentant légal
RCS 409 954 690
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée et assistée par Me Elvire PANET, avocat au barreau du VAL DE MARNE substituant Me Marie CORNELIE-WEIL de la SELARL CABINET CORNELIE-WEIL NULL, avocat au barreau du VAL DE MARNE
COVEA RISKS prise en la personne de son représentant légal
RCS 378 716 419
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée et assistée par Me Elvire PANET, avocat au barreau du VAL DE MARNE substituant Me Marie CORNELIE-WEIL de la SELARL CABINET CORNELIE-WEIL NULL, avocat au barreau du VAL DE MARNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mai 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère, chargée d'instruire le dossier.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Anne VIDAL, présidente de chambre
Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère
Madame Isabelle CHESNOT, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne VIDAL, présidente de chambre et par Monsieur Guillaume LE FORESTIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Le 20 juin 2007, Mme [T] a acquis au prix de 48 000 euros un véhicule de marque BMW de type X3 mis en circulation le 3 octobre 2006. Une panne étant survenue le 10 juin 2010, le remplacement intégral du moteur a été préconisé au prix de 22 781,23 euros TTC. Une expertise amiable confiée à M. [N] a eu lieu le 1er février 2011 en présence de la société James auto, concluant que l'origine du sinistre la plus probable était un défaut d'entretien du véhicule.
Sur la base de ce rapport, Mme [T] a assigné la société James auto le 30 juillet 2012 devant le tribunal de grande instance de Créteil, entendant rechercher la responsabilité du garagiste désigné comme étant chargé de l'entretien de son véhicule. La société Covea risks est intervenue volontairement à l'instance en qualité d'assureur de la responsabilité civile professionnelle de la société James auto. Par jugement du 16 juin 2014, le tribunal de grande instance de Créteil a débouté Mme [T] de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer à la société James auto la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Le tribunal a écarté la responsabilité de la société James auto, en retenant que la preuve n'était pas rapportée d'un lien entre la panne et ses interventions des 24 mars et 4 juin 2010, seules prestations réalisées par le garagiste dont Mme [T] justifiait.
Mme [T] a relevé appel de ce jugement et, dans ses dernières conclusions notifiées le 3 février 2015, elle entend faire juger que la responsabilité de la société James auto est engagée pour avoir manqué à ses obligations contractuelles, notamment à son obligation de résultat liée aux prestations effectuées, ainsi qu'à son obligation de conseil. En conséquence, elle demande la condamnation solidaire de la société James auto et de son assureur la société Covea risks à lui verser la somme de 22 781,23 euros au titre des frais de remise en état du véhicule, celle de 14 000 euros au titre de la décote du véhicule, et celle de 60 000 euros au titre du préjudice de jouissance correspondant à la location d'un véhicule de gamme équivalente à raison de 2 500 euros par mois sur une période de 24 mois, ainsi qu'à payer les frais de gardiennage de la société JPV. Elle sollicite également leur condamnation solidaire à payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Elle fait valoir que le tribunal a inversé la charge de la preuve en considérant qu'il n'était pas établi que les interventions de la société James auto étaient à l'origine de la panne, alors qu'une obligation de résultat pèse sur le garagiste qui s'est vu confier l'entretien du véhicule et qui est en outre directement intervenu sur le moteur les 24 mars et 4 juin 2010, et subsidiairement que le garagiste, auquel il appartenait en qualité de professionnel de mettre sa cliente en garde sur l'état d'entretien du moteur et de préconiser le cas échéant les travaux à réaliser pour éviter la panne du moteur, a manqué à son obligation de conseil.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 15 décembre 2014, les sociétés James auto et Covea risks demandent de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, et en conséquence de dire que la société James auto n'est pas responsable du désordre survenu le 14 juin 2010 sur le véhicule appartenant à Mme [T] et de débouter celle-ci de l'ensemble de ses demandes. A titre infiniment subsidiaire, elles offrent d'allouer à Mme [T] une somme de 22 000 euros au titre des réparations nécessaires à effectuer et une somme de 9 000 euros au titre des frais de gardiennage en relevant que leur inflation est imputable à l'appelante qui a attendu onze mois avant d'assigner la société James auto après le dépôt en août 2011 du rapport d'expertise amiable. En tout état de cause, elles sollicitent la condamnation de Mme [T] à leur verser la somme de 3 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Elles font valoir qu'une simple intervention du garagiste ne suffit pas à le rendre débiteur d'une obligation de résultat, la preuve devant être rapportée d'un lien causal entre l'intervention et le préjudice allégué, qu'en l'espèce Mme [T] ne démontre pas en quoi la panne survenue sur son véhicule le 14 juin 2010 a un lien avec l'intervention de la société James auto, qu'elle se borne à rappeler que la société James auto procédait à l'entretien régulier du véhicule sans en apporter la moindre preuve puisqu'elle n'est pas en mesure de faire état du carnet d'entretien, que le garagiste ne conteste pas être intervenu sur le véhicule les 24 mars et 4 juin 2010 mais a seulement procédé à une vidange et au remplacement des plaquettes de freins puis au changement des quatre pneumatiques et au contrôle des niveaux, que les analyses effectuées lors de l'expertise n'ont révélé aucune anomalie du lubrifiant de sorte qu'aucun lien entre la prestation de la concluante et la panne actuelle ne peut être établi, que l'expert précise en page 6 de son rapport que le conducteur avait ajouté plusieurs fois de l'huile juste avant la panne, et, sur le devoir de conseil, que c'est l'ordre de réparation qui fixe le périmètre de l'intervention du réparateur et donc celui de la responsabilité encourue à ce titre, et que lors de son intervention, la société James auto n'a constaté aucune anomalie laissant présager un futur désordre sur lequel elle eût été en mesure d'alerter sa cliente.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La responsabilité de plein droit qui pèse sur le garagiste ne s'étend qu'aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat du chef de la réparation qu'il effectue, et il appartient à celui qui recherche cette responsabilité de rapporter la preuve que les dysfonctionnements qui surviennent sont en lien avec son intervention.
En l'espèce, les seules interventions de la société James auto démontrées par Mme [T] sur le véhicule acquis le 20 juin 2007 consistent, le 24 mars 2010 à 79 491 kms, en une vidange du moteur avec filtre à huile et le remplacement des plaquettes et, le 4 juin 2010 à 82 362 kms, en un remplacement des quatre pneus et un contrôle des niveaux. L'expert mandaté par Mme [T] a attribué l'origine «la plus probable» de la panne de moteur survenue à 83 482 kms le 10 juin 2010 à un défaut d'entretien «vu la calamine retrouvée dans les turbocompresseurs». Une «expertise turbocompresseur» annexée au rapport confirme un encrassement général dû soit à une huile polluée, soit à un reniflard cassé, soit à une pression dans le bas moteur trop importante qui empêche les descentes d'huile de turbo dans le carter. L'analyse de l'huile également annexée ne témoigne pour sa part d'aucune anomalie «tant au niveau de la pollution que de l'usure».
En l'état de ces constatations, l'expert n'exprime aucune certitude sur l'origine de la panne, et ne prend pas position sur les circonstances dans lesquelles le dépôt observé s'est produit. Il précise seulement : «l'analyse d'huile ne révèle aucune information. Cela est normal puisque le propriétaire a rajouté plusieurs fois de l'huile avant la panne ; elle était donc trop récente pour que l'on détecte quoi que ce soit». Il n'établit en tout cas aucune relation avec l'une ou l'autre des interventions de la société James auto, et déplore au contraire l'absence d'historique d'un entretien antérieur au 24 mars 2010. Les attestations de M. [F] et de M. [V] produites par Mme [T], relatant avoir vu le véhicule à «maintes reprises» au garage James auto qui en assurait l'entretien et la révision, s'appliquent à une période de «quelques semaines» où ils exécutaient un chantier dans les locaux, dont ils ne précisent pas la date. Elles sont donc inopérantes pour démontrer la réalité et la nature d'interventions de la société James auto autres que celles facturées les 24 mars et 4 juin 2010. Dès lors, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la responsabilité du garagiste ne pouvait être engagée au titre d'un manquement à son obligation de résultat du chef des réparations confiées.
La responsabilité de la société James auto ne peut elle-même être recherchée au titre d'un manquement à l'obligation d'information à laquelle elle est tenue que si les désordres mécaniques sur lesquels elle devait attirer l'attention étaient décelables à l'occasion des interventions qu'elle a pratiquées. Or, il ne résulte des éléments du dossier aucune certitude quant à l'existence même de ces désordres lorsqu'elle est intervenue sur le véhicule, en particulier au moment de la vidange du moteur réalisée le 24 mars 2010, et alors que le véhicule a encore parcouru 4 000 kms avant la panne survenue le 10 juin 2010.
Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.
Il est équitable de compenser à hauteur de 1 500 euros les frais non compris dans les dépens que les sociétés intimées ont été contraintes d'exposer.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne Mme [T] aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, et à verser aux sociétés James auto et Covea risks, ensemble, la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du même code.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT