Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRET DU 12 JUIN 2015
(n° 2015-157, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/23743
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Novembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/06735
APPELANTE
Madame [Y] [K] épouse [T]
Née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Edouard GOIRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0003
Assistée de Me Dominique BERTON-MARECHAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C 0838
INTIMÉES
Société FMC AUTOMOBILES - FORD FRANCE prise en la personne de son représentant légal
RCS B 425 127 362
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Jean-Loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1106
Assistée de Me Juliette BOCQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0153
Société VINCENNES AUTO NATION prise en la personne de son représentant légal
RCS 418 577 284
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Michel BELLAICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : R061
Assistée de Me Virginie OZIOL, avocat au barreau de PARIS, toque : R61
COMPOSITION DE LA COUR :
Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère faisant fonction de présidente, ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère faisant fonction de présidente
Madame Isabelle CHESNOT, conseillère
Madame Françoise JEANJAQUET, conseillère appelée pour compléter la composition de la cour en vertu de l'article R312-3 du code de l'organisation judiciaire.
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère faisant fonction de présidente et par Monsieur Guillaume LE FORESTIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Le 4 février 2011, Mme [T] a acquis auprès de la société Vincennes auto Nation un véhicule neuf de marque Ford, modèle Ka, au prix de 11 630 euros. Se plaignant d'un défaut de parallélisme, elle a confié le véhicule les 8 février et 7 et 9 mars 2011 à la société Vincennes auto Nation afin de réparation. Déplorant une panne provoquée par une fuite d'huile, elle l'a déposé le 18 mars 2011 au garage Lesnis, concessionnaire de la marque à [Localité 5]. Le même jour, elle a mis en demeure le vendeur de lui rembourser le prix du véhicule à défaut de remise d'un véhicule neuf dans un délai de huit jours. Le 11 avril 2011, elle l'a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris, entendant faire prononcer la résolution de la vente pour défaut manifeste de conformité au sens de l'article L. 211-5 du code de la consommation ou vice caché au sens de l'article 1641 du code civil. La société Vincennes auto Nation a elle-même appelé le 29 mars 2012 la société FMC automobiles Ford France, importateur en France des véhicules de la marque, à intervenir à la procédure.
Par jugement du 7 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré Mme [T] recevable en son action sur le fondement cumulé de l'article 1641 du code civil et des dispositions du code de la consommation conformément à l'article L. 211-13 de ce code, mais l'a déboutée de toutes ses demandes, l'a condamnée à payer à la société FMC automobiles Ford France et à la société Vincennes auto Nation la somme de 1 500 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens, et a rejeté toute autre demande. Le tribunal a retenu pour l'essentiel que Mme [T], à laquelle il appartenait de rapporter la preuve de ce qu'elle alléguait, se contentait de verser aux débats deux ordres de réparations des 8 février et 7 mars 2011 ne faisant que reprendre ses doléances sans opérer de constats techniques sur la réalité, la gravité ou l'origine des désordres, que les interventions qui avaient eu lieu sur le véhicule ne permettaient pas de caractériser un défaut de conformité ou l'existence d'un vice caché, et qu'aucune précision n'était davantage apportée sur les causes des dysfonctionnements ayant rendu nécessaire l'immobilisation du véhicule au garage de Pont l'Evêque.
Mme [T] a relevé appel de cette décision le 11 décembre 2013. Par conclusions d'incident du 20 octobre 2014, elle a sollicité la communication par les intimés de tous justificatifs concernant la panne du 18 mars 2011 et les réparations effectuées, ainsi que la désignation d'un expert chargé de donner son avis sur les conclusions d'un contrôle technique opéré le 9 mars 2011 et les causes des pannes survenues. Par ordonnance du 4 décembre 2014, le magistrat chargé de la mise en état a rejeté ses demandes. Par requête déposée le 16 décembre 2014, elle a sollicité la récusation du magistrat chargé de la mise en état. Sa requête a été rejetée par arrêt du 15 avril 2015 de la chambre 1 du pôle 2 de la cour.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 avril 2015, Mme [T] poursuit, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, 112-9, L.211-8, L.211-9, L.211-10 et L.211-13 du code de la consommation, 1147 et 1315 du code civil et L. 441-3 du code de commerce, l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré son action recevable. Elle demande de juger que pèse sur le garagiste une obligation de résultat emportant présomption de faute et de causalité entre la faute et le dommage et mettant à sa charge la preuve de ce que le véhicule n'était pas impropre à son usage, de juger recevable et fondée sa demande de cumul des fondements juridiques tirés de l'article 1641 du code civil et du code de la consommation comme le prévoient les articles L.211-13 et L.211-17 de ce code, de juger qu'en l'état de quatre interventions en moins de deux mois sur le véhicule neuf les intimés ont la charge de démontrer que le véhicule était conforme à l'usage normal auquel elle pouvait prétendre, de constater le défaut manifeste de conformité du véhicule acquis, de prononcer la résolution de la vente du véhicule, de juger que la résolution ne saurait entraîner l'obligation pour elle de restituer le véhicule dans la mesure où il n'est plus en sa possession depuis le 18 mars 2011, de juger que le véhicule est à la disposition de la société Vincennes auto Nation au garage Ford Lesnis de Pont l'Evêque auquel elle l'a confié, et de juger que tous les frais inhérents à l'immobilisation du véhicule dans ce garage resteront à la charge du vendeur. En conséquence, elle demande de condamner la société Vincennes auto Nation à lui payer les sommes de 11 630 euros avec intérêts de droit à compter du 18 mars 2011 en restitution du prix de vente du véhicule, 7 000 euros à titre de dommages et intérêts, 4 186 euros TTC par application de l'article 700 du code de procédure civile, et de débouter la société Vincennes auto Nation et la société Ford France de toutes leurs demandes.
Subsidiairement, elle demande au visa de l'article 232 du code de procédure civile de désigner un expert judiciaire avec mission de se faire remettre tous documents techniques concernant les quatre pannes survenues les 7 février, 7 mars, 9 mars et 18 mars 2011, de donner son avis sur les conclusions du contrôle technique volontaire du 9 mars 2011, ainsi que sur les causes et origines des pannes, et de dire si, à son avis, le véhicule était ou non impropre à l'usage normal que peut attendre un conducteur normal d'un véhicule automobile neuf. Elle sollicite la condamnation de la société Vincennes Auto Nation au paiement de la somme de 7 786 euros TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir que le tribunal a renversé la charge de la preuve en lui imputant l'obligation de démontrer l'origine et la cause des dysfonctionnements, alors qu'en application de l'article 1315 du code civil il incombait au garagiste tenu à une obligation de résultat d'expliquer les pannes à répétition du véhicule neuf et de démontrer sa conformité ; que les défectuosités récurrentes du véhicule sont démontrées par les pannes à chaque fois suivies d'une intervention du garagiste ; que les trois interventions de la société Vincennes auto Nation ne consistaient pas en simples réglages puisqu'un amortisseur a été remplacé le 7 février et que les pneus ont été permutés le 8 mars 2011 ; que ces interventions n'ont pas permis de remédier aux désordres ; qu'un contrôle technique réalisé le 9 mars 2011 sur le véhicule neuf montre d'évidentes anomalies ; que la panne du 18 mars 2011 a expressément été reconnue par Ford France qui a indiqué avoir effectué les réparations de remise en état dans un courrier du 7 avril 2011 ; que malgré une sommation de communiquer les éléments justificatifs concernant cette panne ne lui ont jamais été fournis par le garagiste sur lequel pèse pourtant une obligation de résultat ; que le garage Lesnis lui a confirmé par courrier du 12 mars 2015 que le véhicule, rapatrié à l'initiative de Mondial assistance, avait bien subi une fuite d'huile moteur puisque l'intervention avait consisté en un «remplacement d'un joint spi et d'une campagne à réaliser» ; que la facture avait été prise en charge dans le cadre de la garantie Ford et que l'existence d'une fuite d'huile moteur nécessitant le remplacement du joint spi entre la boîte de vitesse et le moteur est totalement anormale s'agissant d'un véhicule neuf ; que la facturation par le garage Lesnis, obligatoire en application de l'article L.441-3 du code de commerce, a nécessairement être adressée à l'une ou l'autre des sociétés intimées ; que ces éléments sont suffisants pour justifier une mesure d'instruction ; que les défectuosités, en germe au moment de la vente, rendent le véhicule impropre à son usage ; et qu'elle est en droit d'obtenir la résolution de la vente sur l'un ou l'autre fondement, sa demande de remplacement du véhicule étant demeurée sans effet.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 30 avril 2015, la société Vincennes auto Nation demande de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter Mme [T] de toutes ses prétentions, et de la condamner au paiement d'une somme de 3 000 euros pour appel abusif. A titre subsidiaire, en cas de réformation du jugement, elle demande de condamner la société Ford France à la garantir intégralement de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre. Elle sollicite la condamnation de Mme [T] à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Elle relève que Mme [T] n'opère pas le choix qu'elle doit faire entre les actions en garantie des vices cachés ou de conformité ; qu'en toute hypothèse elle ne démontre pas de désordres d'une nature telle qu'ils puissent remettre en cause l'usage habituellement attendu du bien au sens de l'article L. 211-5 du code de la consommation ou caractériser un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil ; que la concluante démontre au contraire que le véhicule est parfaitement conforme, fonctionne et répond aux normes du constructeur ; que la visite du véhicule déposé à trois reprises dans ses ateliers ne signifie pas qu'il était en panne ; qu'aucune information sur la panne prétendument subie le 18 mars 2011 n'est donnée par Mme [T] qui a tout pouvoir pour disposer du véhicule et recueillir les éléments nécessaires auprès du garage de Pont l'Evêque ; que, sur le fondement du manquement à l'obligation de résultat invoqué dans ses écritures les plus récentes, il appartient à l'appelante d'établir que la dernière panne est en lien avec l'intervention du garagiste, ce qu'elle ne démontre pas ; qu'un tel manquement ne saurait en outre entraîner pour conséquence la résolution de la vente ; que la demande d'expertise est tardive et ne saurait être ordonnée pour suppléer la carence de Mme [T] dans l'administration de la preuve ; qu'il s'agit au demeurant d'une demande nouvelle devant être jugée irrecevable ; que les préjudices dont la réparation est demandée ne sont aucunement justifiés ; et que, n'ayant servi que d'intermédiaire, elle est fondée à obtenir la garantie de son propre vendeur y compris pour la différence entre le prix de vente et celui auquel elle pourrait prétendre revendre le véhicule si un défaut de fabrication, dont elle n'est pas responsable, devait être reconnu.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 17 mars 2015, la société FMC automobiles Ford France poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Mme [T] de ses demandes et l'a condamnée aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle entend faire juger que les demandes de Mme [T] ne peuvent prospérer sur le fondement des articles L. 211-1 et suivants du code de la consommation faute de rapporter la preuve incontestable de l'existence d'un défaut de conformité présentant un caractère de gravité suffisant pour justifier une demande de résolution de la vente, de surcroît, à l'encontre de Ford France qui n'a jamais contracté avec elle, que par ailleurs Mme [T] ne rapporte pas la preuve incontestable de l'existence des prétendus vices cachés à l'origine des désordres allégués, qu'elle ne verse aucun document technique au soutien de ses allégations péremptoires, et demande en conséquence de débouter Mme [T] et partant la société Vincennes auto Nation de l'ensemble de leurs prétentions à son encontre. Elle demande également de rejeter la demande de Mme [T] visant à l'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire, faisant valoir qu'elle est manifestement tardive, le délai écoulé ayant nécessairement conduit à un dépérissement des preuves, le véhicule étant de surcroît réparé, de telle manière que la mesure d'instruction sollicitée ne présente aucun intérêt technique, qu'il n'appartient pas à la cour de pallier à la carence de Mme [T] dans l'administration de la preuve, et que celle-ci ne justifie d'aucun intérêt probatoire.
A titre subsidiaire, elle fait valoir que Mme [T] ne rapporte pas la preuve que les prétendus défauts présenteraient une particulière gravité, seraient de surcroît irréparables, et de nature à rendre le véhicule impropre à sa destination, que le véhicule est réparé et à sa disposition depuis plus de quatre ans. A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la résolution de la vente serait prononcée, elle demande de considérer, s'agissant des effets de la résolution attachés à la vente du véhicule, qu'il ne saurait être réclamé à Ford France le remboursement du véhicule sur la base du prix de vente, ne pouvant être tenue en sa qualité de vendeur originaire de restituer davantage que ce qu'elle a elle-même reçu de la société Vincennes auto Nation, soit la somme de 9 631,60 euros HT, de tenir compte des bénéfices retirés par l'acquéreur de l'usage du véhicule et de sa dépréciation due notamment au temps, dont la charge incombe à Mme [T], en déduisant la somme de 5 000 euros du prix de vente à restituer et en ordonnant la compensation entre les deux sommes, de dire que la société Vincennes auto Nation ne peut être relevée et garantie par Ford France d'une demande principale de résolution de la vente telle que formée à son encontre par Mme [T], de considérer que Mme [T] ne rapporte pas la preuve de la réalité des préjudices qu'elle invoque, et en conséquence de débouter Mme [T] et la société Vincennes auto Nation de l'ensemble de leurs prétentions à son encontre. En toute hypothèse, elle sollicite la condamnation de tout succombant à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.
A l'audience du 7 mai 2015 fixée pour la clôture et les plaidoiries, Mme [T] a sollicité le renvoi de la procédure dans l'attente de la décision à intervenir sur le pourvoi en cassation formé par elle à l'encontre de l'arrêt du 15 avril 2015 ayant rejeté sa requête en récusation, ainsi que le rejet des conclusions de la société Vincennes auto Nation du 30 avril 2015 pour cause de notification tardive, motivant de plus fort, à défaut de rejet, sa demande de renvoi. Elle fait état à ce titre d'une modification très sensible de l'argumentation précédemment développée et de l'absence de signe distinctif qui en permette l'appréhension rapide, la mettant dans l'impossibilité de répliquer en temps utile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les conclusions de procédure
Le pourvoi n'étant par suspensif d'exécution, le recours en cassation formé par Mme [T] à l'encontre de l'arrêt de rejet de sa requête en récusation prononcé le 15 avril 2015 ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure sur le fond, et ce d'autant que le magistrat ayant rendu l'ordonnance de mise en état ne siégeait pas à l'audience de fond.
D'autre part, les conclusions notifiées par la société Vincennes auto Nation le 30 avril 2015 ne sont pas de nature à porter atteinte à la loyauté des débats et au nécessaire respect de la contradiction dès lors que le conseil de l'appelante avait lui-même sollicité le 16 avril 2015 le report à ces fins de la clôture alors prévue à cette date, en indiquant conclure le jour même et communiquer de nouvelles pièces à ses confrères qui «désireront réagir». Le délai de quinze jours dans lequel la société intimée a répondu aux propres conclusions de l'appelante n'est pas un délai excessif. Il laissait à celle-ci un temps suffisant avant l'audience de plaidoiries du 7 mai pour prendre utilement connaissance du contenu des écritures adverses et y répliquer le cas échéant, étant observé que Mme [T] ne précise pas en quoi ces conclusions comporteraient une modification substantielle de l'argumentation précédemment développée.
La demande visant au renvoi de la procédure et à écarter les dernières conclusions de la société Vincennes auto Nation sera en conséquence rejetée.
Sur la résolution de la vente
Les dispositions du jugement ayant déclaré l'action de Mme [T] recevable sur le fondement cumulé des articles L. 211-4 et suivants du code de la consommation et 1641 du code civil ne sont pas remises en cause devant la cour et seront donc confirmées. En effet, la société Vincennes auto Nation, qui développe à nouveau dans le corps de ses conclusions l'obligation pour Mme [T] d'opter pour l'une ou l'autre action, s'en tient, dans le dispositif récapitulatif des seules prétentions sur lesquelles la cour doit statuer, à solliciter la confirmation entière du jugement.
Il appartient à Mme [T] qui agit en résolution de la vente sur le fondement des textes précités d'administrer la preuve du défaut de conformité ou du vice caché de la chose vendue. Le moyen tiré d'un manquement à une obligation de résultat, introduit dans le débat par ses conclusions du 14 avril 2015, est seulement susceptible d'engager la responsabilité contractuelle du garagiste du chef de la réparation confiée et de fonder à son encontre une créance de dommage en cas d'inexécution ou de nouvelle panne en rapport avec son intervention. Elle ne peut servir à faire peser sur les intimés la charge de la preuve d'une vente conforme ou exempte de vice.
Pour administrer la preuve qui lui incombe des défauts invoqués, Mme [T] produit les ordres de réparation émis les 8 février et 7 mars 2011 qui mentionnent au titre des «instructions de réparation» : «véhicule tire à droite» et «claquement au passage de la marche arrière». Ainsi que l'a exactement relevé le tribunal, ces documents traduisent les doléances de Mme [T] mais ne démontrent pas la réalité et la gravité des désordres allégués. Les lettres que, par l'intermédiaire de son avocat, elle a adressées les 9 février, 7, 9, 18, 21 et 30 mars, 8 et 15 avril 2011 à Vincennes auto nation et les 21 mars et 8 avril 2011 à Ford, et qui dénoncent à compter du 18 mars 2011 une fuite d'huile au niveau du vilebrequin, ne font état que de ses propres griefs, sans les assortir d'aucun constat objectif. Les mesures relevées lors d'un contrôle technique du 9 mars 2011 ne sont éclairées par aucun avis ni par la communication des normes applicables. C'est en vain que Mme [T] produit les contrôles techniques d'autres véhicules qui, mis en circulation entre 1988 et 2002, ne permettent pas une comparaison utile avec le véhicule acquis en 2011. Les données contenues dans ces documents ne sont pas au demeurant significatives des anomalies prétendues, s'agissant en particulier des mesures de la «direction» qui fournissent au titre du «ripage essieu avant» des valeurs comprises dans une fourchette de +0,9m à -0,5m/km, dans laquelle s'inscrit celle de -0,3,1m/km relevée sur le véhicule de Mme [T].
Les interventions auxquelles la société Vincennes auto Nation a procédé, en faisant opérer un contrôle de géométrie les 8 et 10 février, en permutant les pneus le 7 mars, en remplaçant un amortisseur et en contrôlant le parallélisme le 9 mars, et en faisant réaliser un nouveau contrôle de géométrie le 13 mars 2011, répondent aux doléances de Mme [T], mais ne caractérisent pas l'existence d'un défaut d'une nature telle qu'il rende le véhicule impropre à son usage suivant les conditions exigées sur l'un ou l'autre des fondements adoptés. Il en est de même de l'intervention du garage Lesnis, qui précise dans un courrier du 12 mars 2015 adressé au conseil de Mme [T], avoir procédé à une opération de «remplacement d'un joint SPI et d'une campagne à réaliser». Les réponses de Vincennes auto Nation le 16 mars 2011 indiquant «nous comprenons bien les désagréments auxquels vous êtes en train de faire face», et de Ford le 7 avril 2011 déclarant avoir «pris acte» de ses «remarques» et «désagréments», l'invitant à «se rapprocher de son concessionnaire vendeur» pour «mettre un terme amiable au litige», et l'informant que le concessionnaire de Pont l'Evêque a «effectué les réparations de remise en état du véhicule», ne manifestent pas plus la reconnaissance de défauts d'une telle nature.
La demande d'expertise formulée au soutien de l'action en résolution de la vente dans le but de déterminer si le véhicule «était ou non impropre à l'usage normal que pouvait attendre un conducteur normal d'un véhicule automobile neuf» n'est pas irrecevable au sens des articles 564 et 565 du code de procédure civile puisqu'elle tend aux mêmes fins de résolution de la vente que les prétentions déjà soumises aux premiers juges. Mais, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve et, en l'espèce, Mme [T] ne fournit aucun élément précis et objectif de nature à étayer son action. En considérant dans sa lettre du 8 avril 2011 adressée à Ford que «les causes techniques des défaillances demeurent inconnues» et en tenant les réparations pour insuffisantes «dans la mesure où aucune garantie n'existe sur le fait que le véhicule ne soit pas atteint d'un vice susceptible de mettre en danger les personnes qui l'utilisent», l'appelante élude l'obligation qui est la sienne de rapporter la preuve d'un véritable défaut affectant le véhicule au sens des dispositions visées. En outre, une expertise ne saurait être utilement accomplie après les réparations opérées sur le véhicule et sans connaître les conditions de conservation des pièces litigieuses. C'est en vain que Mme [T] affirme ne pas avoir pris l'initiative du transfert du véhicule au garage Lesnis, alors que celui-ci précise dans un courrier du 12 mars 2015 que le véhicule a été rapatrié et pris en charge dans son établissement sur l'intervention de Mondial assistance contacté par elle-même. En avançant dans le même courrier du 8 avril 2011 que «sous sa responsabilité, le responsable de la concession Ford Vincennes auto Nation a fait réparer par le concessionnaire de Pont l'Evêque le véhicule, ce qui empêche toute investigation contradictoire avant réparation», Mme [T] ne fait que confirmer l'inefficacité de la mesure qu'elle entend solliciter.
Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions, y compris en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts sollicités par la société Vincennes auto Nation, le droit d'agir de Mme [T] n'ayant pas dégénéré en abus.
Il est équitable de compenser à hauteur de 2 000 euros les frais non compris dans les dépens que chacune des sociétés intimées a été contrainte d'exposer en appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,
Rejette les demandes de renvoi de la procédure et de rejet des dernières conclusions de la société Vincennes auto Nation,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne Mme [T] aux dépens exposés en appel, avec droit de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, et à verser à la société Vincennes auto Nation et à la société FMC automobiles Ford France la somme de 2 000 euros chacune en application de l'article 700 du même code.
Le greffier Madame Marie-Sophie RICHARD,
conseillère faisant fonction de présidente