Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRÊT DU 02 JUIN 2015
(n° 2015/ , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/13195
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Avril 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/15014
APPELANT
Monsieur [X] [V]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Christian NZALOUSSOU, avocat au barreau de PARIS, toque : E0361
Assisté par Me Endes LOUBAKI-KAYA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMÉE
SA AXA FRANCE IARD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Assistée par Me Julie VERDON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0577
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Avril 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Christian BYK, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente
Monsieur Christian BYK, Conseiller
Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Aouali BENNABI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente, et par Madame Aouali BENNABI, greffier présente lors de la mise à disposition.
Le 6 septembre 1990, M. [X] [V], employé auprès de la société DAVIGEL, a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il était tiers transporté d'un véhicule professionnel. Son employeur avait souscrit auprès de la compagnie UAP un contrat d'assurance collectif couvrant les risques de décès, invalidité absolue et définitive et incapacité de travail, la police prévoyant le versement d'un capital en cas de décès ou lorsque l'assuré se trouve en état d'invalidité absolue et définitive ainsi que le versement d'une rente d'invalidité permanente, ces deux prestations pouvant se cumuler.
Le 11 janvier 1993, la sécurité sociale lui a reconnu un taux d'incapacité de 60% et lui a versé une rente d'accident du travail fixée à 11 493.64 euros. Le taux d'incapacité de M. [V] a été évalué à 85% à partir du 1er décembre 1994. Le 5 juillet 1994, le Tribunal de grande instance de BORDEAUX a reconnu responsable de l'accident Madame [D] et l'a condamnée ainsi que son assureur ,AXA, à indemniser M. [V] de ses préjudices. L'UAP, aux droits de laquelle est venue AXA FRANCE, versant, par ailleurs, la rente trimestrielle prévue au titre de la garantie de l'invalidité permanente.
Par ordonnance du 23 novembre 2009, le juge des référés du Tribunal de grande instance de PARIS a condamné la compagnie AXA FRANCE VIE à verser à M.[V] la somme de 87.000 euros à titre de provision suite à sa demande de versement du capital dû au titre de l'invalidité absolue et définitive. L'ordonnance a été infirmée par arrêt du 10 septembre 2010 et AXA a sollicité la mise en place d'une mesure de séquestre.
Par courriers du 29 mars et 6 avril 2010, suite à une demande de revalorisation de la rente d'invalidité permanente pour tenir compte du nouveau taux d'incapacité de 85%, l'assureur a réglé la somme complémentaire de 10 125.81 euros. Toutefois, estimant que la rente était surévaluée, AXA a indiqué par courrier du 14 avril 2010 que le montant de la rente d'invalidité permanente serait fixé à partir du 1er avril 2010 à 3 236.89 euros par trimestre. M.[V] a saisi le Président du Tribunal de grande instance de PARIS afin de voir ordonner le maintien de la rente trimestrielle à 6 909.48 euros ainsi que d'ordonner une mesure d'instruction ayant pour objet le calcul du montant de sa rente. Ces deux demandes ont été rejetées par une ordonnance rendue le 12 octobre 2010.
Par acte d'huissier en date du 16 septembre 2011, M.[V] a saisi le Tribunal de grande Instance de PARIS afin de voir condamner la société AXA FRANCE VIE et, par jugement du 18 avril 2013, le tribunal a déclaré irrecevable comme prescrite sa demande relative au versement du capital d'invalidité absolue et définitive, l'a débouté de ses demandes au titre de la rente d'invalidité, a condamné la société AXA à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 1er juillet 2013, M.[V] a interjeté appel. Aux termes de ses dernières conclusions en date du 16 mars 2015, il sollicite l'infirmation du jugement déféré, exception faite de la condamnation prononcée au titre du préjudice moral, dont il demande cependant d'augmenter le quantum. Il sollicite également la condamnation de la société AXA à lui payer, à titre principal, la somme de 823 424 euros, avec intérêts au taux légal, et à titre subsidiaire la somme de 617.509 euros, outre la somme de 164 434.50 euros, avec intérêts au taux légal, au titre d'un rappel sur rentes,795 111.93 euros, avec intérêts au taux légal, en liquidation de la rente et, à titre subsidiaire, la somme de 632 380 euros, avec intérêts au taux légal. A titre infiniment subsidiaire, il sollicite la condamnation de l'assureur à lui payer les sommes sus réclamées pour la période allant du 1er décembre 1994 au jour du jugement avec les frais d'expertise. Enfin, il réclame 300 000 euros au titre du préjudice moral et 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions en date du 12 mars 2015, la société AXA demande la confirmation.
A titre subsidiaire, elle demande de dire que M.[V] ne justifie pas remplir les conditions de mise en oeuvre de la garantie IAD et de confirmer le jugement en ce qu'il l' a débouté de son action. Elle sollicite, par ailleurs, la désignation d'un expert médical et demande à la cour de dire qu'elle ne demeure débitrice d'aucune somme.
Enfin, elle réclame l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 5000 euros au titre de dommages et intérêts à M.[V] ainsi que la condamnation de ce dernier a lui payer la somme de 6000 euros au titre des frais irrépétibles.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mars 2015.
CE SUR QUOI, LA COUR
Sur la demande relative au capital IAD : prescription
Considérant qu'au soutien de l'appel, M [V], se fondant sur l'article R112-1 alinéa 8 du code des assurances, avance que l'assureur n'a pas respecté son obligation d'information à l'égard de la prescription biennale, cette inobservation étant sanctionnée par l'inopposabilité du délai de prescription ;
Qu'il ajoute que son épouse n'avait pas reçu mandat pour accepter en 1993 une provision, qui est un bien propre ;
Qu'au demeurant, la prescription ne peut courir qu' à compter de 2010, date à laquelle il a appris le versement de cette somme à son épouse et a pu agir valablement, conformément à l'article 2234 du code civil ;
Considérant que, pour l'assureur, la prescription biennale s'applique, M.[V] ne pouvant bénéficier de la prescription décennale, l'article L 114-1 al 6 du code des assurances réservant le bénéfice de celle-ci au versement d'un capital décès lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, l'adhérent d'un contrat groupe, bénéficiaire du contrat, étant assimilé au souscripteur ;
Qu'AXA ajoute n'avoir pas non plus renoncé à se prévaloir de la prescription en répondant à M. [V] en 2009 puisqu'elle ignorait à cette date que le capital avait été versé et que la prescription était acquise depuis 1996 ;
Qu'elle précise enfin que l'obligation de retranscrire le délai de prescription biennale imposée par L'article R112-1 alinéa 8 du code des assurances ne s'applique qu'au contrat d'assurance et non à la lettre de notification accompagnant le versement ;
* respect des dispositions de l'article R 112-1 du code des assurances et inopposabilité de la prescription
Considérant que M [V] qui, en cause d'appel ,comme cela est rappelé ci-dessus, fonde son argumentation sur l'inopposabilité de tout délai de prescription , ne saurait invoquer pour ce faire l'article R 112-1 du code des assurances , dont il allègue qu'il n'était pas accompagné du rappel de la prescription, dès lors que ce texte vise ' les polices d'assurance des entreprises mentionnées au 5° de l'article L. 310-1", ce qui ne saurait être le cas d'une lettre de transmission d'un chèque en paiement d'un capital ;
* application de la prescription
Considérant qu'en application de l'article L114-1 du code des assurances, applicable en l'espèce, la prescription biennale part à compter de l'événement qui y a donné naissance, à savoir, s'agissant du versement d'une rente en cas de classement du bénéficiaire dans une catégorie d'invalidité de la sécurité sociale, le jour où ce classement a été notifié, soit en l'espèce le 1er décembre 1994 ;
Considérant que, s'agissant de contester le paiement de sommes encaissées sur son compte le 8 juillet 1993 et qui, en tant qu'indemnités versées pour compenser des dommages corporels constituent des biens propres, M [V] sollicite l'application de l'article 2234 du code civil, qui prévoit que la prescription est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la force majeure, en l'espèce un état végétatif ;
Considérant, cependant, que lors de l'expertise judiciaire réalisée les 27 octobre 1994 et 17 janvier 2015 par le Pr [E] , le Dr [J] intervenant comme sachant psychiatre, ce dernier a pu interroger M [V], qui lui a fait part de ses doléances, que ce sachant a, en outre, pu décrire la personnalité de celui-ci comme étant celle d'un homme méticuleux, perfectionniste, exigeant envers lui-même comme envers les autres. Il vérifie la fermeture des portes, de l'eau du gaz, il fait ses comptes tous les jours' ;
Considérant, par ailleurs, que si tant ce rapport que les rapports subséquents relèvent l'impossibilité pour M [V] d'accomplir seul les actes usuels de la vie courante nécessitant l'assistance d'une tierce personne, les éléments relevés ci-dessus sur son état de conscience et la force de son caractère, qui font de lui quelqu'un de méticuleux et perfectionniste, ne permettent pas de conclure à un état végétatif ni à des troubles psychiatriques lui interdisant toute prise de décision sur les affaires le concernant, le Dr [J] notant même que 'M [V] fait ses comptes tous les jours' ;
Considérant, enfin, que M [V] prétend que la somme versée n'étant qu'une provision, la prescription n'a pu s'écouler, que, cependant, cet argument est contredit, ainsi que l'a relevé le premier juge, par le fait que le paiement de la somme litigieuse est intervenu postérieurement (le 14 juin 1993) au rapport du Dr [T] du 13 mai 1993 concluant à l'invalidité totale de M. [V] et à la nécessité de l'assistance par une tierce personne pour les actes essentiels de la vie, cet état correspondant à une invalidité de 3ème catégorie de la sécurité sociale ;
Qu'aucun élément en relation avec la contestation du paiement litigieux n'étant intervenu pour interrompre la prescription entre le 1er décembre 1994 et le 1er décembre 1996, il y a lieu de dire que celle-ci est acquise depuis cette date, le jugement déféré étant confirmé de ce chef ;
Sur les demandes relatives à la rente d'invalidité permanente:
Considérant que M [V] soutient qu'un rappel lui est dû à hauteur de la somme de 164 434,50 euros, la revalorisation faite par l'assureur en 1997 ayant été faite sur la base d'un taux de 60% d'IPP, jusqu'à ce que cette erreur soit découverte en 2009 ;
Considérant, par ailleurs, que, s'agissant du calcul de la rente, M [V] estime également que celle-ci n'a pas été calculée sur la bonne base, le salaire de référence devant tenir compte de l'évolution potentielle de carrière, soit une rente de 795 111,93 euros (déduction à faire du rappel ci-dessus) ;
Considérant qu'il résulte d'une attestation du 3 décembre 1992 de l'employeur de M. [V] que le salaire à prendre en considération est le salaire perçu mensuellement au cours de la période du 1er septembre 1989 au 31 août 1990 et qu'en fonction des calculs, au vu des revalorisations effectuées en application du contrat et en fonction des coefficients de la sécurité sociale, le montant annuel revalorisé du salaire était au 1er avril 2010 de 41 969,34 euros, soit, déduction faite de la pension de 29 137,27 euros versées par la CPAM, une somme de rente trimestrielle de 3236,69 euros, que c'est à juste titre que le premier juge a débouté M. [V] de ses demandes ;
Sur le préjudice moral:
Considérant qu'approuvant sur ce point la motivation du premier juge, la cour en confirme la décision ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Considérant que l'équité n'implique pas qu'il soit fait droit aux demandes des parties ;
PAR CES MOTIFS
Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré,
Déboute M. [V] de son appel,
Dit n'y a avoir lieu à faire droit aux demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [V] aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE