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29/05/2015 | FRANCE | N°13/19659

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 29 mai 2015, 13/19659


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 2









ARRET DU 29 MAI 2015



(n°82, 6 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 13/19659





Décision déférée à la Cour : jugement du 04 juillet 2013 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 1ère section - RG n°12/05743







APPELANTE
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Société CCC FILMKUNST GMBH, société de droit allemand, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé [Adresse 2]

[Localité 1]

ALLEMAGNE



Représentée par Me Jean-Claude CHE...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 29 MAI 2015

(n°82, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/19659

Décision déférée à la Cour : jugement du 04 juillet 2013 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 1ère section - RG n°12/05743

APPELANTE

Société CCC FILMKUNST GMBH, société de droit allemand, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé [Adresse 2]

[Localité 1]

ALLEMAGNE

Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque D 0945

Assistée de Me Emmanuelle HOFFMAN plaidant pour la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, toque C 610, Me Laure BOUCHARD plaidant pour la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, toque C 610

INTIMEE

Société DES AUTEURS ET COMPOSITEURS DRAMATIQUES (SACD)

Société civile, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Pierre LEPETIT, avocat au barreau de PARIS, toque C 516

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 9 avril 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente

Mme Sylvie NEROT, Conseillère

Mme Véronique RENARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

Selon exploit du 02 avril 2012, la société civile Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (ci-après : SACD) a assigné en paiement la société de production audiovisuelle CCC Filmkunst GmbH à qui elle reproche d'avoir omis de lui adresser, jusqu'au 18 janvier 2011, des comptes annuels d'exploitation afférents à un film intitulé « L'échiquier de Dieu ' la fabuleuse histoire de [C] [N] » réalisé en 1964 par trois de ses membres - à savoir : Messieurs [H] [M], co-adaptateur et co-scénariste, [W] [X], co-adaptateur, co-dialoguiste et co-réalisateur, et [L] [Z] dit [D] [O], co-scénariste et co-dialoguiste - qui lui permettaient de calculer et de percevoir les redevances dues aux auteurs, ceci en exécution de trois contrats de cession de leurs droits d'exploitation sur cette oeuvre (à effet au 1er janvier 1991 et à échéance au 1er janvier 2006) et, après tardive réception de ces comptes d'exploitation, d'avoir laissé impayées les factures qu'elle lui a adressées, nonobstant une mise en demeure du 13 mars 2012.

Par jugement contradictoire rendu le 04 juillet 2013, le tribunal de grande instance de Paris a, en substance et avec exécution provisoire, rejeté la fin de non-recevoir opposée par la société CCC Filmkunsk (fondée sur la prescription) et l'a condamnée à verser à la SACD la somme de 68.831,86 euros outre intérêts à compter de la mise en demeure (soit, respectivement, pour chacun des auteurs précités : 12.642,59 + 35.118,29 + 21.070,98 euros) outre celle de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 27 février 2015, la société de droit allemand CCC Filmkunst GmbH, appelante, demande pour l'essentiel à la cour, au visa des articles 1322 et suivants du code civil et 287 du code de procédure civile :

sur l'incident de vérification d'écriture, de procéder à la vérification de la signature des contrats versés aux débats par la SACD en pièces 6, 7 et 8 et de constater qu'ils n'ont pas été conclus par son représentant,

d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, in limine litis, de déclarer l'action prescrite depuis le 1er janvier 2011 et la SACD irrecevable en son action,

de déclarer la SACD mal fondée en sa demande en paiement et de l'en débouter en la condamnant à lui verser la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 24 février 2015, la société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) prie en substance la cour, au visa des articles 1134 du code civil et 143 du code de procédure civile ainsi que des contrats précités, de déclarer irrecevable la demande de vérification d'écriture, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris en condamnant l'appelante à lui verser la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

SUR CE,

Considérant que l'appelante, exposant qu'elle exploite le film dont s'agit en vertu d'un « accord de licence » avec l'un de ses co-producteurs, la société yougoslave Avala Film et que c'est par erreur qu'elle a adressé à la SACD le relevé de compte au demeurant erroné qui a suscité la facturation et la mise en demeure de celle-ci, fait d'abord valoir qu'elle conteste la signature apposée par la personne physique désignée dans ces contrats pour la représenter, opposant ensuite à la SACD une fin de non-recevoir ;

Qu'il y a lieu de considérer qu'en application des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, une fin de non-recevoir tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, et que l'appréciation du caractère probant des contrats versés aux débats ressort du fond du litige de sorte qu'il sera statué avant tout examen au fond sur le moyen d'irrecevabilité à nouveau soulevé devant la cour ;

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Considérant que la société CCC Filmkunst soutient que la demande est fondée sur des contrats ayant pour échéance le 1er janvier 2006, que le dernier exercice est arrivé à échéance le 31 décembre 2006 et qu'en application de l'article 2224 du code civil, la créance revendiquée est prescrite depuis le 1er janvier 2011, soit antérieurement à la délivrance de l'acte introductif d'instance ;

Qu'elle fait valoir que la SACD ne pouvait raisonnablement ignorer le fait qui donne naissance à son action, à savoir l'exploitation du film et non, comme l'a retenu le tribunal, la reddition de compte, et qu'en négligeant de se prévaloir de son droit à réclamation, elle a laissé passer le délai de prescription si bien que sa créance est prescrite ;

Considérant, ceci rappelé, la créance née de l'exploitation du film était, certes, exigible à la date du 1er janvier 2006, terme de chacun des contrats ;

Que, toutefois, l'obligation de rendre compte et de fournir, sur demande, des documents justificatifs constitue une obligation essentielle du contrat dès lors qu'elle est indispensable à l'exercice, par les auteurs, de leur droit à rémunération proportionnelle et qu'il appartient au débiteur de l'exécuter sans attendre la mise en demeure des auteurs, en l'espèce membres de la SACD ;

Qu'à cet égard, il résulte des dispositions de l'article 2233 (1°) du code civil issu de la loi du 17 juin 2008 et qui reprend celles de l'article 2257 du même code, que « la prescription ne court pas à l'égard d'une créance qui dépend d'une condition jusqu'à ce que la condition arrive » ; qu'au cas particulier, le fait auquel la reconnaissance par le débiteur d'un droit à rémunération au fondement d'une action en paiement était subordonné, à savoir l'exécution, par le producteur, de son obligation de rendre compte, ne s'est réalisé que tardivement, le 18 janvier 2011, comme soutenu par l'intimée, si bien que la prescription quinquennale n'était pas acquise au moment de l'introduction de l'instance;

Qu'il suit que le jugement qui a rejeté cette fin de non-recevoir doit être confirmé ;

Sur la demande d'incident aux fins de vérification d'écriture

Considérant qu'au soutien de sa demande présentée dans le corps de ses conclusions sous cette unique formulation, l'appelante fait cumulativement valoir :

que Madame [E] [Y] qui aurait signé les trois contrats invoqués dont elle n'a pu obtenir que tardivement une copie certifiée conforme n'avait pas compétence pour engager la société CCC Filmkunst GmbH à l'époque, que seul le directeur et fondateur de cette société en avait le pouvoir et que le nom de celui-ci figure, d'ailleurs, de manière incohérente en première page de ces actes sous seing privé,

que la signature et le paraphe de Madame [E] [Y] sont incohérents car elle était alors mariée et signait et paraphait en adjoignant à son nom de jeune fille son nom d'épouse et qu'en outre, son nom est mal orthographié,

que, de ce fait, elle conteste la signature prêtée à Madame [E] [Y]-[R] en affirmant qu'elle n'a jamais signé ces contrats,

qu'au surplus, la forme de la société (GmbH) est omis et qu'aucune trace de ces contrats ne figure au sein de sa comptabilité pourtant « parfaitement tenue depuis 1988 » ;

Considérant, ceci rappelé et s'agissant de ce dernier argument, que l'appelante ne peut valablement affirmer qu'elle ne dispose d'aucune trace des contrats litigieux et faire état de la bonne tenue de sa comptabilité tout en exposant, par ailleurs, qu'elle a fait parvenir « par erreur » à la SACD des résultats non officiels et non valides en 2011, sans s'expliquer sur l'origine de cette double erreur nécessairement causée par des éléments en sa possession et par des errements comptables ;

Que les deux seuls éléments qu'elle produit, à savoir une lettre de Madame [Y]-[R] datée de 1992 et une carte d'identité datée de 2001, ne permettent pas d'attester qu'à la date de signature des trois contrats en cause (le 20 juin 1991) elle paraphait et signait sous ses noms de jeune fille et d'épouse et ne constituent pas pour la cour, après examen des documents en cause, un commencement de preuve de nature à rendre pertinent le déni de signature ;

Que le nom de Monsieur [F] [Y] figure, il est vrai, en première page de ces contrats de même qu'une erreur in fine dans le nom de Madame [Y]-[R], orthographié avec un « s » plutôt qu'un « z » ; qu'il apparaît toutefois que ces contrats ont été établis en langue française à [Localité 3], qu'une erreur a pu être commise par leur rédacteur dans l'inscription du nom propre et qu'une ambiguïté peut être relevée quant à la qualité de représentant, légal de la société ou au contrat, de Monsieur [Y] ; que ces éléments, tout comme l'omission de la forme sociale de la société, sont en tout état de cause insuffisants pour remettre en cause la validité de ces contrats ;

Qu'enfin, en produisant un extrait du registre du commerce daté du 21 décembre 2004, soit postérieur de 14 ans à la signature de ces contrats, attestant « du contenu actuel du registre du commerce B » (pièce 12) sans plus d'éléments, la société CCC Filmkunst GmbH ne rapporte pas la preuve que ce dernier avait, en 1991, « le pouvoir de représenter seul la société » ainsi qu'il est mentionné dans cet extrait, étant, de plus, relevé que rien ne permet d'exclure que Madame [Y]-[R] dont il n'est pas contesté qu'elle lui était liée ait pu bénéficier d'une délégation pour contracter au nom de la société ;

Que le moyen, en ses différentes composantes telles que présentées, ne peut donc prospérer ;

Sur la créance revendiquée

Considérant que, poursuivant l'infirmation du jugement, l'appelante en conteste à la fois le principe et le quantum ;

Qu'outre la contestation de l'authenticité des contrats déjà évoquée, elle fait état d'un premier contrat la liant à la société de production yougoslave Avala qui avait acquis les droits sur divers territoires, étendu en 1989 jusqu'en 2012 et de son exploitation du film en vertu de ces seuls accords ;

Que, sur son quantum, elle tire argument de l'absence de certification du décompte adressé en 2011 à la SACD ne comportant pas un état des dépenses afférentes à l'exploitation du film et produit en cause d'appel une attestation comptable certifiée faisant ressortir un revenu net ;

Considérant, ceci exposé, que s'il est justifié (en pièces 15 et 16) de la qualité de co-producteur de la société Avala et de deux « accords de licence » avec celle-ci ' le premier non daté, le second daté du 12 juin 1989 - aux termes desquels, notamment, la société Avala se présente comme « le seul titulaire de l'ensemble des droits sur le film (') pour les territoires qui suivent : (... )» et « vend et transfère l'ensemble de ses droits » moyennant paiement d'une somme forfaitaire, force est de considérer qu'aucun élément ne vient attester de la chaîne de contrats permettant à la société Avala, non attraite en la cause, de se prévaloir comme elle le fait dans ces documents de la titularité des droits d'exploitation et que l'appelante ne peut donc être suivie en son argumentation ;

Que, sur le quantum, les contrats en cause prévoyaient en leurs articles 3 des rémunérations correspondant à des pourcentages des recettes nettes part producteur ; qu'en l'absence de contestation de l'intimée relative au relevé de compte rectifié et certifié produit en pièce 18 par l'appelante, il convient de minorer le montant de la créance retenu par le tribunal et de prendre pour assiette les revenus nets tels que dégagés par ce document rectificatif, conforme aux stipulations (soit : 166.392,45 euros) ;

Qu'ainsi, sur la base de cette somme, la créance de la SACD s'établit à une somme totale de 40.766,30 euros, soit : en faveur de Monsieur [M] une somme de 7.487,69 euros (4,5 %), en faveur de Monsieur [D] [O] celle de 12.479,48 euros (7,50 %) et en faveur de Monsieur [X] celle de 20.799,13 euros (12,5 %) ; que cette créance portera intérêts à compter de la réception de la mise en demeure du 13 mars 2012 ;

Sur les autres demandes

Considérant que l'équité conduit à allouer à la SACD une somme complémentaire de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que, déboutée de ce dernier chef de demande, l'appelante supportera les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sauf en son évaluation de la créance et, statuant à nouveau en y ajoutant ;

Rejette la demande de la société CCC Filmkunst GmbH relative à la vérification de signature des contrats et à la contestation du pouvoir de représentation de celle à qui elle est attribuée ;

Condamne la société CCC Filmkunst GmbH à payer à la société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) la somme de 40.766,30 euros [soit : en faveur de Monsieur [H] [M] une somme de 7.487,69 euros (4,5 %), en faveur de Monsieur [D] [O] une somme de 12.479,48 euros (7,50 %) et en faveur de Monsieur [W] [X] une somme de 20.799,13 euros (12,5 %)] outre intérêts au taux légal à compter de la réception de la mise en demeure du 13 mars 2012

Déboute la société CCC Filmkunst GmbH du surplus de ses demandes ;

Condamne la société CCC Filmkunst GmbH à payer à la société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques la somme complémentaire de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 13/19659
Date de la décision : 29/05/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°13/19659 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-29;13.19659 ?
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