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10/04/2015 | FRANCE | N°14/17175

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2- chambre 2, 10 avril 2015, 14/17175


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 2

ARRÊT DU 10 AVRIL 2015

(no 2015-105, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 17175

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Juillet 2014- Juge de la mise en état de MEAUX-RG no 08/ 01940

APPELANTE

COMMUNE DE MEAUX
Agissant en la personne de son représentant légal
Hôtel de Ville-BP 227
77107 MEAUX

Représentée par Me Valentine COUDERT, avocat a

u barreau de PARIS, toque : C1224
Assistée de Me Aurélie TEULADE de la SCP FEDARC, avocat au barreau du VAL D'OISE toque : 10, substit...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 2

ARRÊT DU 10 AVRIL 2015

(no 2015-105, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 17175

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Juillet 2014- Juge de la mise en état de MEAUX-RG no 08/ 01940

APPELANTE

COMMUNE DE MEAUX
Agissant en la personne de son représentant légal
Hôtel de Ville-BP 227
77107 MEAUX

Représentée par Me Valentine COUDERT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1224
Assistée de Me Aurélie TEULADE de la SCP FEDARC, avocat au barreau du VAL D'OISE toque : 10, substituant Me Eric AZOULAY, avocat du barreau du VAL D'OISE toque : 10

INTIMES

SCP X...Z...en la personne de Maître Philippe X...ès-qualité de Liquidateur judiciaire de la société MOULIN-GALLAND
No Siret : 500 966 999
Prise en la personne de son représentant légal
49/ 51, avenue du Président Salvador Allende
77109 MEAUX

Représentée par Me Elsa RAITBERGER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0973
Assistée de Me François BURTHE, avocat au barreau de MEAUX, toque : 32

Société AUBINE ONYX venant aux droits et obligations de la société VEOLIA PROPRETE NORD NORMANDIE
Prise en la personne de son représentant légal
18 rue Henri Rivière
76000 ROUEN

Représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

MM TRADING (anciennement dénommée SCI FONCIMEAUX)
No RCS : 410 384 655
Prise en la personne de son représentant légal
16 rue de la Malerie
28400 NOGENT LE ROTROU

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Assistée de Me Nathalie YOUNAN de la SCP FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET et associés, avocat au barreau de PARIS, toque P10

ALBINGIA
Prise en la personne de son représentant légal
No Siret B 429 369 309
109-111 rue Victor Hugo
92532 LEVALLOIS PERRET CEDEX

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistée de Marian GABERY de la SCP NABA et Associés, avocat au barreau de PARIS toque : P 325

SCP Y...anciennement dénommée SCP Y...X..., (à titre personnel)
Prise en la personne de son représentant légal
...
77100 MEAUX

Compagnie MUTUELLES DU MANS ASSURANCES-MMA
Prise en la personne de son représentant légal
14 bld Marie et Alexandre Oyon
72030 LE MANS CEDEX 9

Représentées par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistées de Me Yves LE CORFF, avocat au barreau de PARIS, toque : R 44

Société GAN ASSURANCES
Prise en la personne de son représentant légal
No RCS : 542 063 797
8 rue d'Astorg
75008 PARIS

Représentée par Me Alexandre DE JORNA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0744
Assistée de Me Sarah TAEIB de la SCP PINSON SEGERS et Associés, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Stanislas DE JORNA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0744

COMPOSITION DE LA COUR :

Mme Isabelle CHESNOT, conseillère, ayant été entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 mars 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Anne VIDAL, présidente de chambre
Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère
Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Malika ARBOUCHE

ARRÊT :

- contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne VIDAL, présidente et par Mme Malika ARBOUCHE, greffière.
-----------------

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 17 avril 2002, un contrôle à la station d'épuration de Meaux a permis de déceler une pollution au pyralène (PCB) provenant des installations de l'entreprise MOULIN GALLAND en liquidation judiciaire depuis le 23 juillet 2001, installations situées sur des lieux appartenant à la SCI FONCIMEAUX.

Faisant suite au rapport déposé par l'expert judiciaire désigné selon ordonnance de référé du 7 juillet 2004, la commune de MEAUX a, par actes d'huissier du 7 et 14 mars 2008, fait assigner la SCI FONCIMEAUX et son assureur (RC) la société ALBINGIA, la SCP Y...X...ès qualités de mandataire liquidateur de la société MOULIN GALLAND et son propre assureur (RC) la société GAN, devant le tribunal de grande instance de Meaux aux fins de voir :

- Constater que la SCI FONCIMEAUX et la SCP Y...X..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société MOULIN GALLAND et leurs assureurs sont
responsables in solidum du sinistre ayant conduit à la pollution constatée dans
la station d'épuration de Meaux le 17 avril 2002 ;

- Condamner in solidum les défendeurs aux sommes de :

-2. 164. 819, 68 ¿ HT soit 2. 589. 124, 20 ¿ au titre de l'évacuation, des remises en état des plates formes et d'épandage, de la mise en centre agréé des boues et non-épandage de mars 2002 à avril 2006 avec intérêt au taux légal à compter de cette date ;
-895. 570, 87 ¿ HT soit 1. 071. 102, 50 ¿ TTC au titre du coût des opérations de dépollution menées en 2005, avec intérêt au taux légal depuis le 30 juin 2005 ;
-130. 000 ¿ au titre des frais de perturbations générés par le surcroît de travail, les difficultés administratives, la baisse de productivité et les troubles de jouissance liés directement et exclusivement à la présence de PCB dans les boues de la station d'épuration de Meaux ;
-15. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société ALBINGIA a appelé en la cause à titre personnel la SCP Y...X...et les Mutuelles du MANS Assurances (MMA), son assureur au moment des faits dommageables ainsi que la SCP X...Z...ayant succédé à la SCP Y...X....

La SCP X...Z...ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MOULIN GALLAND a assigné en intervention forcée la SA VEOLIA PROPRETÉ NORD NORMANDIE venant aux droits de la société AUBINE ONYX, désignée par ordonnances rendues par le juge commissaire les 15 novembre 2001 et 20 mars 2002, pour procéder à l'évacuation des déchets industriels et au démantèlement de certains équipements.

Les affaires ont été jointes et appelées sous un numéro de répertoire général unique.

Saisi par la SCI FONCIMEAUX, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Meaux a, par ordonnance du 10 juillet 2014 :
- déclaré nulle et de nul effet l'assignation délivrée le 14 mars 2008 par la commune de Meaux pour défaut de pouvoir de son maire en exercice, faute d'avoir été autorisé par délibération ou d'avoir reçu délégation du conseil municipal ;
- dit que cette nullité de l'assignation emporte celle des actes de procédure subséquents, et rend sans objet la demande de sursis à statuer ;
- rejeté les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la commune de Meaux aux entiers dépens de l'instance.

Le juge de la mise en état a dit pour l'essentiel que :
- le défaut de pouvoir du maire constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'assignation, le moyen d'irrecevabilité tiré de ce défaut de pouvoir peut être invoqué à tout moment de la procédure mais cette irrégularité est susceptible de régularisation au cours de l'instance par une autorisation ultérieure du conseil municipal ; en l'espèce cette régularisation n'a pas été faite ;
- en application des articles L 2122-21 8o et L 2122-22 16o du code général des collectivités territoriales, la commune est représentée en justice par le maire qui ne peut toutefois agir au nom de la commune qu'en vertu d'une délibération du conseil municipal ou d'une délégation de celui-ci, que cette délégation pour ester en justice est limitée dans le temps et n'est valable que pendant la durée du mandat du maire, qu'en l'espèce, la délégation en date du 18 septembre 2003 donné par le conseil municipal au maire en exercice, Monsieur Ange A..., n'a pu profiter en 2008 à Monsieur Jean-François B..., maire depuis le 1er décembre 2005 ;
- que dès lors, en l'absence d'urgence et de régularisation ultérieure, l'assignation délivrée le 14 mars 2008 par la commune de Meaux est nulle et de nul effet.

La commune de Meaux a fait appel de cette décision par déclaration reçue le 8 août 2014.

Selon conclusions signifiées le 23 janvier 2015, la commune de Meaux demande à la cour de :
"- REFORMER l'ordonnance en date du 10 juillet 2014 rendue par la commune de Meaux en raison de son caractère infondée ;
- DÉBOUTER les intimés de l'ensemble de leurs demandes ;
- DÉCLARER régulière, valable et recevable l'assignation délivrée le 14 mars 2008 par la commune de Meaux.
- CONDAMNER les intimés au paiement de la somme de 3 000 ¿ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens. "

Elle affirme que le maire de Meaux avait tout pouvoir pour représenter la commune dans le cadre de l'instance introduite par l'assignation délivrée le 7 mars 2008 en raison d'une délibération du conseil municipal en date du 18 septembre 2003 autorisant le maire à " intenter au nom de la commune toutes actions en justice dans tous les domaines ou de défendre la commune dans toutes les actions intentées contre elle " puis a posteriori par l'effet d'une seconde délibération en date du 28 mars 2014 décidant que le maire est chargé par délégation d'exercer certaines attributions dont " intenter au nom de la commune toutes les actions en justice y compris la constitution de partie civile, tant en demande qu'en défense, en toutes matières et devant toutes juridictions de l'ordre administratif et judiciaire quelque soit le degré de juridiction. "
Elle expose que Monsieur B... a été contraint de laisser son fauteuil de maire à Monsieur A...en 2001 lorsqu'il a été nommé porte-parole du gouvernement mais qu'il est resté membre du conseil municipal en qualité de premier adjoint et que la délibération du 18 septembre 2003 reprise dans l'arrêté du 20 avril 2004 donnait délégation au maire mais aussi à son premier adjoint pour exercer les attributions énumérées à l'article L 2122-22 du code général des collectivités territoriales, dont celle d'intenter une action en justice au nom de la commune.
Elle soutient par ailleurs que la délégation donnée au maire pour agir en justice peut être générale et ne pas définir les cas dans lesquels elle jouera, que par arrêté du 20 avril 2004, il a été procédé à la désignation de Maître AZOULAY, avocat, pour défendre les intérêts de la commune dans le cadre de la procédure devant le tribunal de grande instance de Meaux du fait de la pollution au pyralène, que cette désignation concerne la présente instance et qu'en tout état de cause, le défaut d'autorisation du conseil municipal constitue une irrégularité, bien que d'ordre public, sanctionnable dans le seul intérêt de la commune et régularisable jusqu'au jour du jugement.

Selon conclusions signifiées le 19 février 2015, la SARL MM TRADING venant aux droits de la SCI FONCIMEAUX sollicite de la cour au visa des articles 462 alinéa 1er, 56, 117 et suivants, et 378 du code de procédure civile, que :

- A titre liminaire, elle rectifie des erreurs matérielles contenues dans l'ordonnance du 10 juillet 2014 (en page 1, la dénomination, la forme sociale et l'adresse du siège social de la concluante ; en pages 3 et 6, la date de la signification de l'assignation de la SCI FONCIMEAUX, par la Commune de MEAUX) ;

- A titre principal, elle confirme l'ordonnance rendue le 10 juillet 2014 par le juge de la mise en état et déboute la commune de Meaux de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- A titre subsidiaire, elle dise et juge nulle et de nul effet l'assignation délivrée par la commune de Meaux le 7 mars 2008 à la SCI FONCIMEAUX (aujourd'hui dénommée MM TRADING), pour défaut de motivation en droit et absence d'indication des pièces et déboute la Commune de MEAUX de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- A titre infiniment subsidiaire, dans l'intérêt d'une bonne administration de la Justice, elle sursoit à statuer dans la présente procédure, dans l'attente d'une décision définitive, suite au pourvoi dont est saisie la Cour de Cassation à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 septembre 2013 ;

- En tout état de cause, elle condamne la commune de Meaux aux entiers dépens dont distraction et à lui payer la somme de 5. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société MM TRADING expose que : à la suite d'un cambriolage perpétré en novembre 2001, puis d'occupations successives des lieux non autorisées en février 2002, une mesure d'expertise judiciaire a été ordonnée afin notamment d'en rechercher les causes et d'évaluer les préjudice subis ; puis par jugement en date du 24 février 2011, le tribunal de grande instance de Meaux a déclaré irrecevable la majeure partie des demandes formulées par la SCI FONCIMEAUX à l'encontre d'ALBINGIA, de la SCP Y...-X...puis de la SCP X...Z...et de GAN ASSURANCES aux fins de les voir condamner à, selon le cas, réparer ou garantir le préjudice subi par la SCI FONCIMEAUX suite aux différents sinistres et les a rejetées sur le fond ; sur appel de la SCI FONCIMEAUX, la cour de Paris a rendu un arrêt le 10 septembre 2013, infirmant le jugement déféré concernant l'appel en garantie formé à l'encontre de GAN ASSURANCES au titre du sinistre du mois de novembre 2001 et condamnant cette dernière à payer à la SCI FONCIMEAUX la somme de 5. 761, 26 euros à ce titre ; la cour a toutefois confirmé le jugement déféré sur l'irrecevabilité des demandes formées à l'encontre de la SCP Y...X...et de la SCP X...Z...recherchées à titre personnel, et le rejet des demandes en paiement formées par la SCI FONCIMEAUX à l'encontre de la SCP X...Z..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société MOULIN GALLAND ; s'agissant des demandes dirigées contre ALBINGIA, la cour d'appel a, contrairement au tribunal de grande instance de MEAUX, déclaré ces demandes recevables mais non fondées.
Elle indique avoir, le 10 octobre 2013, formé un pourvoi contre l'arrêt du 10 septembre 2013.

La société MM TRADING soutient que :
- la délibération du conseil municipal en date du 18 septembre 2003 est inopérante à régulariser l'assignation délivrée le 7 mars 2008 sous la mandature de Monsieur B... dès lors qu'elle a été prise au cours du mandat d'un autre maire, M. A...lequel, démissionnaire, a laissé sa place à Monsieur B... le 1er décembre 2005 ; au demeurant, s'agissant des pouvoirs que Monsieur B... aurait pu tirer de son statut de premier adjoint, cette délibération n'accordait certains pouvoirs du maire à son premier adjoint qu'en cas d'empêchement du maire, lequel n'est pas établi en l'espèce ; au surplus, à la date de l'assignation, Monsieur B... n'était plus premier adjoint mais à nouveau maire, de sorte que la commune ne peut se prévaloir des pouvoirs qui seraient attribués au premier adjoint ;
- il en est de même pour l'arrêté du 2 avril 2004 qui confie un mandat spécial à l'avocat Maître AZOULAY « pour défendre les intérêts de la ville de MEAUX dans le cadre de l'action judiciaire introduite devant le TGI de MEAUX suite à la pollution au pyralène » en précisant que " le présent arrêté est soumis aux mêmes règles qui sont applicables aux délibérations du Conseil Municipal portant sur les mêmes objets » puisque ce mandat spécial accordé à Maître AZOULAY pendant la mandature de Monsieur A...a nécessairement pris fin en même temps que le mandat de maire de ce dernier ;
- enfin la délégation accordée par délibération du conseil municipal du 28 mars 2014 est générale et ne vise pas l'action intentée par la commune de Meaux le 7 mars 2008 à l'encontre de la concluante ; elle ne saurait ainsi autoriser la poursuite par Monsieur B... d'une action spécifique engagée avant qu'il ne soit réélu maire, le 9 mars 2008, à défaut d'y avoir été habilité par un pouvoir spécial, le fait que l'assignation ait été délivrée aux autres parties à l'instance le 14 mars 2008 n'ayant aucune incidence sur le sort de l'assignation du 7 mars 2008, de même que le fait que cette assignation n'a nécessairement été placée qu'après le 9 mars.

La SCI FONCIMEAUX plaide aussi que la nullité de l'assignation est encourue au regard de l'article 56 du code de procédure civile, en l'absence de fondement en droit et de désignation des pièces sur lesquelles les demandeurs s'appuient.
En dernier lieu, elle sollicite que soit ordonné un sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de Cassation laquelle est saisie d'un pourvoi à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 septembre 2013 dès lors que cette procédure concerne les mêmes parties, a été initiée à la suite des mêmes événements et qu'elle a aussi pour objet de déterminer les responsables de la pollution survenue suite à la destruction des transformateurs.

Selon conclusions signifiées le 2 mars 2015, la société ALBINGIA, assureur de responsabilité civile de la SCI FONCIMEAUX demande la confirmation de l'ordonnance déférée et la condamnation de la commune de MEAUX à la somme de 2 000 ¿ à titre de dommages et intérêts, à la somme de 2 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction.

Elle cite les articles L 2122-21, 8ème et L 2122-22 du code général des collectivités territoriales qui disposent que le maire doit être mandaté par une délibération du conseil municipal pour intenter une action en justice, et que cette délégation ne peut excéder la durée du mandat du maire pour affirmer que la délégation donnée à M. A...d'engager une action judiciaire au nom de la commune par délibération du conseil municipal du 18 septembre 2003 a pris fin à la démission de M. A...et que M. B... lui succédant à la suite des élections lors du conseil municipal du 1er décembre 2005 n'a pu bénéficier de cette délégation.
Elle soutient par ailleurs que la délibération du 28 mars 2014 n'a pu régulariser la situation, l'action intentée par la commune de Meaux sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle étant à cette date prescrite en application de l'article 2224 du code civil qui institue un délai de 5 ans à compter du fait dommageable (pollution de 2002), ainsi qu'en application des dispositions de la loi du 17 juin 2008 réformant le régime de la prescription qui font courir un délai de 5 ans à compter de la promulgation de la loi, soit en l'espèce jusqu'au 17 juin 2013.

Par conclusions signifiées le 16 février 2015, la SCP Y...X...assignée à titre personnel et son assureur de responsabilité, la société Mutuelles du Mans Assurances (MMA) sollicitent de la cour qu'elle confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, à titre subsidiaire, qu'elle juge prescrite l'action de la commune de MEAUX représentée par son maire en exercice en application de l'article 2270-1 du code civil, enfin qu'elle condamne tout succombant à la somme de 1 500 ¿ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux frais et dépens dont distraction selon les dispositions de l'article 699 du même code.

La SCP Y...X...et la société MMA soutiennent que l'assignation délivrée le 7 mars 2008 à la requête de la commune de MEAUX représentée par son maire en exercice, Monsieur A..., est nulle et de nul effet puisqu'à cette date, Monsieur A...n'était pas le maire de la commune et ne pouvait donc la représenter, que cette nullité de fond ne peut être régularisée, qu'en tout état de cause, aucune régularisation par la délibération du 28 mars 2014 ne peut être envisagée en l'absence pour ce faire de conclusions au fond devant le tribunal de grande instance postérieurement à cette délibération et principalement du fait de la prescription intervenue en application de l'article 2270-1 du code civil.

La SCP X...Z...prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société MOULIN GALLAND demande à la cour au terme de ses conclusions signifiées le 6 janvier 2015 de dire n'y avoir lieu à statuer sur une ordonnance de la commune de MEAUX ainsi qu'indiqué dans les conclusions de l'appelante, très subsidiairement in limine litis, de dire nulle et de nul effet l'assignation introductive d'instance pour défaut de pouvoir et de capacité du maire, défaut de fondement juridique et défaut de visa des pièces et subsidiairement, dire le maire de MEAUX irrecevable à agir pour la commune sans justifier d'une délibération l'ayant autorisé à agir précédemment à l'assignation, enfin de condamner tout succombant à la somme de 15 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction.

La SCP X...Z...ès qualités relève comme le premier juge que le défaut de pouvoir d'un maire constitue une irrégularité de fond affectant l'acte introductif d'instance, que l'absence de fondement juridique exposé dans l'assignation n'a pas permis aux défendeurs de préparer utilement leur défense, que le bordereau de communication de pièces annexé à l'assignation était vierge.

Par conclusions signifiées le 20 novembre 2004, la société GAN assureur de responsabilité civile de la société MOULIN GALLAND demande la confirmation de l'ordonnance, le débouté des demandes de la commune de Meaux, ainsi que la condamnation de cette dernière aux dépens dont distraction et à la somme de 2 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Reprenant pour l'essentiel les moyens et arguments des autres intimés, elle précise que le défaut de pouvoir du représentant d'une personne morale constitue une irrégularité de fond au regard de l'article 117 du code de procédure civile et que l'arrêté du 20 avril 2004 ne désigne Maître AZOULAY que pour défendre les intérêts de la commune dans le cadre du référé expertise.

La SA VEOLIA Propreté Nord Normandie anciennement dénommée et venant aux droits de la SA AUBINE ONYX, partie comparante en première instance, a constitué avocat devant la cour mais n'a pas conclu.

L'ordonnance clôturant l'instruction de l'affaire a été rendue à l'audience fixée pour les plaidoiries.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, il doit être constaté qu'aux termes de ses dernières conclusions qui lient la cour, la commune de MEAUX lui demande de " RÉFORMER l'ordonnance en date du 10 juillet 2014 rendue par le juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de MEAUX, en raison de son caractère infondée ", rectifiant ainsi l'erreur relevée par la SCP X...Z...prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société MOULIN GALLAND, l'appelante ayant dans ses conclusions antérieures sollicité l'infirmation d'une ordonnance rendue par " la commune de MEAUX ".

Le maire peut, en application de l'article L 2122-22, 16o du code général des collectivités territoriales, par délégation du conseil municipal, être chargé pour la durée de son mandat d'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas autorisés par le conseil municipal.

En premier lieu la SCP Y...X...assignée à titre personnel et son assureur, la MMA, sont mal fondées à dire nul et de nul effet l'acte introductif d'instance délivré le 7 mars 2008 en raison de l'indication erronée du nom du maire désigné comme étant Monsieur A...aux lieu et place de Monsieur B..., maire en exercice, dès lors qu'une telle erreur constitue un vice de forme et que ces parties ne prouvent pas que cette irrégularité leur a causé un grief. En effet, il échet de rappeler que celles ci n'ont pas été attraites en la cause par cette assignation délivrée le 7 mars 2008 mais qu'elles ont été postérieurement appelées à l'instance par la société ALBINGIA.

En deuxième lieu, aux termes de la délibération du conseil municipal de la commune de MEAUX en date du 18 septembre 2003 (pièce 1 de l'appelante), le maire est chargé entre autres attributions : " 16o D'intenter au nom de la commune toutes les actions en justice dans tous les domaines ou de défendre la commune dans toutes les actions intentées contre elle ", mais il est expressément précisé à la fin de ce document, reprenant en cela les dispositions de l'article L 2122-22, 16o, que " ces attributions sont déléguées pour la durée du mandat du Maire (...) ".
Dans ces conditions, les délégations données au maire en exercice par cette délibération ont nécessairement pris fin avec le mandat de ce maire, de sorte qu'elles sont devenues caduques le 1er décembre 2005, date à laquelle à la suite de la démission de Monsieur Ange A..., Monsieur Jean-François B... a été élu maire par le conseil municipal.
L'arrêté du 20 avril 2004 pris par le maire, Monsieur A..., aux fins de désigner Maître AZOULAY, avocat, pour défendre les intérêts de la commune " dans le cadre de l'action judiciaire introduite devant le tribunal de grande instance de Meaux suite à la pollution au pyralène du réseau d'assainissement et de la station d'épuration " n'a aucune incidence sur la régularité de la représentation de la commune lors de l'introduction de la présente instance, le mandat régulièrement donné à un avocat pour effectuer les actes nécessaires à cette action judiciaire étant différent du pouvoir du maire d'agir en justice pour la commune.

Ainsi, la commune de MEAUX ne peut se prévaloir de la délibération du 18 septembre 2003 alors qu'à la date de l'assignation, soit le 7 mars 2008, la délégation accordée à Monsieur A...avait pris fin et ne pouvait profiter à Monsieur B..., maire depuis le 1er décembre 2005.
Par ailleurs, la commune de MEAUX ne peut utilement affirmer qu'en sa qualité de premier adjoint, Monsieur B... avait l'autorisation de remplacer le maire Monsieur A...et pouvait donc représenter la commune pour agir en justice. En effet, non seulement l'autorisation délivrée par le conseil municipal permettant au premier adjoint de remplacer le maire ne vaut " qu'en cas d'empêchement du maire " lequel n'est pas établi mais principalement à la date de la dite assignation, Monsieur A...n'étant plus maire, il ne pouvait plus agir en justice pour la commune de sorte que Monsieur B... ne peut se prévaloir en sa qualité de premier adjoint de Monsieur A...d'un pouvoir que ce dernier n'avait plus.

En troisième lieu, la commune de MEAUX soutient que le défaut d'autorisation par le conseil municipal d'agir en justice constitue un vice susceptible d'être régularisé en cours de procédure et produit, pour ce faire, une délibération prise par le conseil municipal en date du 28 mars 2014, au cours du mandat accordé à Monsieur B... à la suite des élections du 9 mars 2008.

En tout état de cause, cette délibération ne peut pas régulariser la représentation de la commune dans les assignations délivrées le 7 mars 2008, soit antérieurement au mandat au cours duquel la délibération du 28 mars 2008 a été prise, le placement des actes introductifs d'instance n'ayant aucune incidence sur la date à laquelle le lien d'instance s'est créé qui demeure celle de la délivrance des assignations.
Ces assignations sont donc nulles et de nul effet pour défaut de pouvoir du maire en exercice de sorte qu'aucun lien d'instance n'a été noué entre la commune de MEAUX d'une part et la SCI FONCIMEAUX devenue MM TRADING, son assureur la société ALBINGIA et la société GAN, assureur RC de la SCP Y...d'autre part. La SCP Y...X...prise à titre personnel et la MMA son assureur RC ainsi que la SCP X...Z...ayant succédé à la SCP Y...X...ès qualités, appelées à l'instance par la société ALBINGIA seront donc aussi mises hors de cause. Il en est alors de même pour la SA VEOLIA PROPRETE NORD NORMANDIE venant aux droits de la société AUBINE ONYX qui a été appelée en intervention forcée par la SCP X...Z...ès qualités.

S'agissant de l'assignation délivrée le 14 mars 2008 à la SCP X...Z...ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MOULIN GALLAND par la commune de MEAUX représentée par son maire en exercice, Monsieur B..., une régularisation ne peut avoir d'effet que si elle intervient avant prescription de l'action. En l'espèce, introduite aux fins d'indemnisation des dommages causés par une pollution au pyralène constatée le 17 avril 2002, l'action intentée par la commune de MEAUX se prescrit selon les dispositions de l'article 2270-1 ancien du code civil, la loi du 17 juin 2008 réformant le régime de la prescription civile n'ayant pas vocation à s'appliquer à une action introduite en mars 2008.
Par application de l'article 2244 ancien du code civil, le délai de prescription de 10 ans qui a commencé à courir à compter de la manifestation du dommage a été interrompu par l'assignation en référé aux fins d'expertise judiciaire délivrée selon actes d'huissier en date des 24, 25, 26, 27 et 28 mai 2004 par la commune de Meaux alors valablement représentée par Monsieur Ange A..., son maire en exercice.
Un nouveau délai de prescription a alors commencé à courir à compter de la date de dépôt du rapport d'expertise judiciaire, le 12 mars 2007, de sorte qu'au regard des règles de prescription, la régularisation de l'acte introductif d'instance au moyen d'une délibération intervenue le 28 mars 2014 est possible.

Il résulte de cette délibération (pièce 2 de l'appelante) que Monsieur B... s'est vu déléguer la charge " D'intenter au nom de la commune toutes les actions en justice y compris la constitution de partie civile, tant en demande qu'e n défense, en toutes matières et devant toutes les juridictions de l'ordre administratif et judiciaire quel que soit le degré de juridiction, " et conformément à la loi, " pour la durée du mandat du Maire ".

Force est alors de constater que la commune qui, l'instance étant en cours, aurait pu régulariser l'assignation délivrée le 14 mars 2008 n'a ni conclu à cette fin ni produit aux débats la dite délibération avant les nouvelles élections municipales du 30 mars 2014, date à laquelle a pris fin le mandat du maire au cours duquel est intervenue la délibération du 28 mars 2014.

En conséquence, la délégation accordée à Monsieur B..., par cette délibération du 28 mars 2014 étant devenue caduque, elle ne peut plus être invoquer pour régulariser l'assignation en date du 14 mars 2008.

Par ailleurs, aucune nouvelle délibération prise au cours du mandat actuel du maire n'a été produite aux fins de régularisation de l'instance pendante.

L'assignation délivrée le 14 mars 2008 doit être déclarée nulle et de nul effet par application de l'article 117 du code de procédure civile, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de nullité.

L'ordonnance déférée sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

Vu les articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, par décision contradictoire,

CONFIRME la décision déférée ;

CONDAMNE la commune de MEAUX à payer à la société MM TRADING, à la société ALBINGIA, à la SCP Y...et à la société MMA ensemble, à la SCP X...Z...ès qualités, à la société GAN la somme de 1 500 ¿ chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la commune de MEAUX aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2- chambre 2
Numéro d'arrêt : 14/17175
Date de la décision : 10/04/2015
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2015-04-10;14.17175 ?
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