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10/04/2015 | FRANCE | N°14/05108

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2- chambre 2, 10 avril 2015, 14/05108


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 2

ARRÊT DU 10 AVRIL 2015

(no 2015-103, 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 05108

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Décembre 2013- Tribunal d'Instance d'AUBERVILLIERS-RG no 1113000183

APPELANTE

SA CLINIQUE DE L'ESTREE
35 Rue d'Amiens
93240 STAINS

Représentée et assistée par Me Valérie DUBOIS-HELLMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : R001



INTIMÉE

Madame Angeline X...
Née le 28. 11. 1976 à Saint Denis
...
60230 CHAMBLY

Représentée par Me Michel BLIN, avocat au b...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 2

ARRÊT DU 10 AVRIL 2015

(no 2015-103, 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 05108

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Décembre 2013- Tribunal d'Instance d'AUBERVILLIERS-RG no 1113000183

APPELANTE

SA CLINIQUE DE L'ESTREE
35 Rue d'Amiens
93240 STAINS

Représentée et assistée par Me Valérie DUBOIS-HELLMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : R001

INTIMÉE

Madame Angeline X...
Née le 28. 11. 1976 à Saint Denis
...
60230 CHAMBLY

Représentée par Me Michel BLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0058
Assistée de Me Catherine LOUINET, avocat au barreau de VAL DE MARNE

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère, ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 mars 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Anne VIDAL, présidente de chambre
Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère
Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Malika ARBOUCHE

ARRÊT :

- contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne VIDAL, présidente et par Mme Malika ARBOUCHE, greffière.
-------------------

Mme Angéline X...était admise à la clinique de l'ESTRÉE le 21 novembre 2011 pour subir une interruption médicale de grossesse et accouchait d'un enfant sans vie le 23 novembre à OH55.

Se plaignant des conditions tant médicales que psychologiques de l'accouchement, Mme Angéline X...a assigné la clinique devant le tribunal d'instance d'Aubervilliers aux fins d'indemnisation de son préjudice moral.

Par jugement rendu le 19 décembre 2013, le tribunal d'instance a condamné la Clinique de l'ESTREE à payer à Mme Angéline X...la somme de 4 000 ¿ en réparation de son préjudice moral, ainsi que la somme de 800 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens étant mis à la charge de la clinique.
Le tribunal a considéré sur le fondement de l'article L 1142-1 du code de la santé publique que par son comportement lors de l'interruption médicale de grossesse subie par Mme Angéline X..., le personnel de la clinique de l'Estrée avait commis une faute engageant la responsabilité de l'établissement de soins.

La Clinique de l'ESTREE a fait appel de ce jugement par déclaration en date du 6 mars 2014.

Au terme de ses dernières conclusions signifiées le 11 septembre 2014, la Clinique de l'ESTREE demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de débouter Mme Angéline X...de ses demandes.
Elle soutient qu'il appartient à cette dernière de rapporter la preuve d'une faute dans l'accomplissement des soins qui lui ont été prodigués, que cette preuve ne peut résulter des seules allégations de la patiente et de son conjoint et que leurs déclarations ne sont corroborées par aucun élément objectif du dossier.
Elle reproche au tribunal d'avoir inversé la charge de la preuve en indiquant que la clinique n'apportait aucun élément sur le déroulement des faits ce qui " corrobore le récit " de Madame X.... Enfin, elle critique la note médicale du docteur Y..., produite par l'intimée pour les besoins de la cause, sans discussion contradictoire et dénuée de toute objectivité.
En tout état de cause, la clinique tient à affirmer qu'aucune faute médicale de nature à engager sa responsabilité ne peut être relevée dans la prise en charge de Mme Angéline X....

Par conclusions signifiées le 18 juillet 2014, Mme Angéline X...demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de la Clinique de l'ESTREE et formant appel incident, de condamner l'établissement de santé à lui verser la somme de 9 000 ¿ en réparation des préjudices qu'elle a subis, outre condamnation aux dépens de première instance et d'appel avec distraction et à la somme de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que lors de son admission à la clinique le 21 novembre 2011, elle a été prise en charge dans de bonnes conditions, que cependant, dès son arrivée en salle d'accouchement, le 22 novembre vers 20h30, l'équipe des sages-femmes s'est montrée incompétente et malveillante, qu'en effet, la sage-femme de nuit l'a contrainte à exposer à nouveau sa situation alors qu'elle l'avait déjà fait auprès de l'équipe de jour qui avait nécessairement transmis les consignes, qu'il lui a fallu, par l'intermédiaire de son conjoint, réclamer à plusieurs reprises l'intervention de l'anesthésiste alors qu'elle souffrait depuis plusieurs heures, qu'elle a été laissée seule dans la salle d'accouchement sans surveillance jusqu'à ce qu'alertée par son compagnon, l'équipe de sages-femmes appelle en urgence le médecin de garde, que par la suite, le placenta a été retiré sans anesthésie, provoquant des douleurs insupportables, qu'enfin, le personnel leur a demandé avec insistance s'ils souhaitaient conserver le corps ou prendre des photographies, exigeant la signature d'une décharge alors que leur souhait avait déjà été expressément recueilli avant l'accouchement.
Elle affirme qu'en vertu de l'article 1147 du code civil, la clinique doit rapporter la preuve de ce qu'elle et ses préposés ont rempli l'obligation de moyens dont ils étaient tenus envers elle et que la clinique a bien reconnu les fautes commises, présentant ses excuses pour le comportement du personnel " qui a manqué incontestablement de tact et de professionnalisme " par courrier du 12 janvier 2012.
Elle soutient que la sage-femme a manqué à ses obligations déontologiques d'accomplir sa tâche avec conscience et dévouement, et de prodiguer à la patiente des soins conformes à son état physique et psychique dans le respect de sa dignité, ce que confirme une note médicale établie par le docteur Y...en date de 18 juin 2014.
Enfin, elle fait valoir que du fait du comportement de l'équipe médicale, elle a subi un syndrome anxio-dépressif nécessitant un suivi psychothérapique.

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 29 janvier 2015.

MOTIFS DE LA DECISION :

Selon les dispositions de l'article L. 1142-1 paragraphe I du code de la santé publique, issue de la loi du 4 mars 2002, les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables de ces actes qu'en cas de faute, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un produit de santé.
Le contrat d'hospitalisation et de soins met à la charge de l'établissement de santé plusieurs obligations au nombre desquelles figurent celle de délivrer au patient des soins attentifs et consciencieux, celle de mettre à la disposition du patient un personnel qualifié (personnel paramédical et médecins), en nombre suffisant, pouvant intervenir dans les délais imposés par son état, et celle d'exercer une surveillance sur les patients hospitalisés.

Il appartient à Mme Angéline X...qui met en cause la responsabilité de la clinique d'établir les fautes commises par le personnel de cet établissement de santé pendant son hospitalisation et plus particulièrement lorsqu'elle était installée dans la salle d'accouchement, la preuve d'une faute pouvant être rapportée par tous moyens.

Les pièces produites aux débats par Mme Angéline X...permettent de corroborer, sans qu'il soit nécessaire de s'appuyer sur le contenu de l'attestation écrite de son concubin, Monsieur Christophe Z..., ni sur la note médicale du docteur Y..., la relation circonstanciée des faits contenue dans ses écritures, laquelle gagne en authenticité après avoir constaté qu'elle est identique à celle qu'elle avait exposée dans un courrier adressé à la direction de la clinique le jour même de sa sortie d'hospitalisation, le 23 novembre 2011.
En effet, l'examen du dossier médical de Mme Angéline X..., notamment de la feuille de transmissions (pièce 18/ 24 à 18/ 26), de la fiche tenue pendant le travail en salle d'accouchement (pièces 18/ 17 à 18/ 20) puis de la fiche de surveillance après la délivrance (pièce 18/ 22), révèle que si Mme Angéline X...a été convenablement prise en charge et régulièrement examinée entre son arrivée à la clinique le 21 novembre au soir et son admission en salle d'accouchement le 22 novembre à 20h30, il n'en a pas été de même lorsqu'elle a été prise en charge par l'équipe de nuit de la salle d'accouchement, la fiche de surveillance ne comportant strictement aucune mention avant celles de la péridurale (dont l'heure n'est pas précisée), de l'expulsion de l'enfant à 00h55 puis des examens après délivrance de sorte qu'il peut en être déduit que Mme Angéline X...a été laissée sans réelle surveillance jusqu'à la pose de la péridurale.

Par ailleurs, après que le personnel soignant a mentionné sur la fiche de transmissions du 23 novembre : " mauvais vécu de l'accouchement ", la clinique a implicitement reconnu des dysfonctionnements en présentant à Mme Angéline X..., par lettre du 12 janvier 2012 en réponse au courrier de plainte du 23 novembre précédent, ses excuses " concernant le comportement du personnel incriminé qui a manqué incontestablement de tact et de professionnalisme ".

La Clinique de l'ESTREE a donc commis une faute à l'origine pour Mme Angéline X...d'un préjudice moral indéniable qui sera réparé par l'octroi de la somme justement fixée par les premiers juges à 4 000 ¿.

Dans ces conditions, la décision déférée sera confirmée.

Vu les articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, par décision contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la Clinique de l'ESTREE à verser à Mme Angéline X...la somme de 2 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Clinique de l'ESTREE aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés au profit des avocats qui en ont fait la demande dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2- chambre 2
Numéro d'arrêt : 14/05108
Date de la décision : 10/04/2015
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2015-04-10;14.05108 ?
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