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09/04/2015 | FRANCE | N°12/09237

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 09 avril 2015, 12/09237


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 09 Avril 2015

(n° 155 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09237



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section Commerce RG n° 10/13585





APPELANT



Monsieur [A] [N] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me FranÃ

§ois MICHELET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0411







INTIMEE



RATP REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représenté par Me Fabrice ANDRE, avoca...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 09 Avril 2015

(n° 155 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09237

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section Commerce RG n° 10/13585

APPELANT

Monsieur [A] [N] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me François MICHELET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0411

INTIMEE

RATP REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représenté par Me Fabrice ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2585

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mars 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine MÉTADIEU, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, présidente et par Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, greffier présent lors du prononcé.

EXPOSÉ DU LITIGE

[A] [E] a été admis à la Ratp le 11 juillet 1994 en qualité d'élève d'exploitation (réseau ferré).

Après avoir exercé le métier de conducteur de métro, il est depuis mars 2004 en charge de la logistique au département Métro, Transports et Service (Mts).

À la suite de faits commis dans la nuit du 6 au 7 octobre 2003, à savoir avoir subtilisé une cassette amovible d'enregistrement des paramètres d'exploitation d'un train, la Ratp a notifié à [A] [E] la sanction suivante : deux mois de disponibilité sans traitement, descente d'échelle avec changement de fonction T4N au niveau E6 avec interdiction de se présenter aux métiers de conduite.

[A] [E] a contesté cette sanction, le conseil de prud'hommes l'a débouté de sa demande.

Par arrêt en date du 29 juin 2010, cette cour a infirmé cette décision et a annulé la sanction l'estimant disproportionnée en ce qu'elle cumulait trois sanctions, ignorant l'avis du conseil de discipline.

La Ratp prenant acte de cette décision, a pris une nouvelle sanction qu'elle a notifiée le 2 octobre 2010, et consistant en une mesure de rétrogradation au niveau 10 et une affectation au poste d'animateur agent mobile, se conformant à l'avis du conseil de discipline du 30 janvier 2014.

Contestant cette nouvelle sanction, estimant par ailleurs ne pas être rempli de ses droits et être victime d'un harcèlement moral, [A] [E] a, le 25 octobre 2010, saisi le conseil de prud'hommes de Paris, sollicitant l'annulation de la sanction disciplinaire notifiée le 2 août 2010, un rappel de salaires et congés payés afférents, des dommages-intérêts pour harcèlement moral, des dommages-intérêts pour perte d'avancement et de déroulement de carrière, des dommages-intérêts pour préjudice moral, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la Ratp formant une demande reconventionnelle sur ce même dernier fondement.

Par jugement en date du 1er juin 2012, le conseil de prud'hommes a débouté [A] [E] de ses demandes et la Ratp de sa demande reconventionnelle.

[A] [E] demande à la cour d'infirmer ce jugement et, statuant à nouveau, de,

A titre principal,

- prononcer l'annulation de la sanction notifiée le 2 août 2012 comme constituant une modification de son contrat de travail que la Ratp ne lui a pas délibérément proposé et mis unilatéralement à exécution

Subsidiairement,

- la juger disproportionnée et prononcer son annulation

En tout état de cause,

- constater qu'il est victime de harcèlement moral

- condamner la Ratp à lui verser les sommes de :

' 408,88 € de rappel de salaires sur le mois de juillet 2010,

' 40,88 € de congés payés afférents,

' 12 008,81 € de perte de salaires à compter du mois d'août 2010,

' 1 200,88 € de congés payés afférents,

' 15 331,11 € de dommages-intérêts pour perte d'avancement et de déroulement de carrière 'à parfaire au jour du jugement à intervenir'

' 1 533,11 € de congés payés afférents,

' 15 000 € de dommages-intérêts pour préjudice moral,

' 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Ratp conclut à la confirmation du jugement au débouté de [A] [E] de l'intégralité de ses demandes et sollicite sa condamnation au paiement de la somme de 2 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.

Motivation

Sur la sanction :

[A] [E] fait valoir que la rétrogradation est une mesure de déclassement qui s'accompagne d'une baisse de rémunération, qu'elle entraîne nécessairement une modification de la relation de travail, qu'elle a été prononcée pour une durée indéterminée, qu'une modification du contrat de travail prononcée à titre de sanction disciplinaire ne peut être imposée à un salarié sans son accord.

Il estime par ailleurs cette sanction disproportionnée par rapport aux faits reprochés.

L'article 149 du statut relatif à l'échelle des mesures disciplinaires, prévoit que tout manquement à la réglementation peut donner lieu à dix mesures parmi lesquelles la descente d'échelle avec changement de fonctions (8°) sans qu'il soit prévu que la Ratp doive recueillir le consentement de l'agent au demeurant tant pour cette mesure disciplinaire que pour les autres sanctions de gravité supérieure.

C'est en effet dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de direction, et notamment de son pouvoir disciplinaire, que la Ratp a prononcé, dans le respect de la procédure applicable, une mesure de 'rétrogradation au niveau 10 de base et affectation sur un poste d'animateur agent mobile' , dont il y a lieu de relever qu'elle est conforme à l'avis émis par le conseil de discipline.

Les sanctions prévues par le statut sont par nature des décisions unilatérales de l'employeur, comme relevant du champ disciplinaire.

Elles sont comme telles exclues des règles et principes exigés, dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, en matière de modification d'un élément essentiel du contrat de travail, impliquant l'accord du salarié.

[A] [E] ne peut par conséquent soutenir que la rétrogradation dont il a fait l'objet est nulle faute pour la Ratp d'avoir préalablement à la mise en oeuvre de cette sanction sollicité son consentement, l'employeur n'étant tenu au respect que des seules conditions de nécessité et proportionnalité exigées par le droit disciplinaire.

Il est reproché à [A] [E] d'avoir subtilisé une cassette amovible Epe (enregistrement des paramètres d'exploitation) d'un train lors de la journée du 6 octobre 2003.

Il résulte des pièces versées aux débats que [A] [E] a, à plusieurs reprises, au cours de la procédure disciplinaire, reconnu être l'auteur de cette subtilisation expliquant avoir procédé à son extraction, en tapant sur la trappe dans laquelle elle se trouvait avec son 'triangle' et puis avoir ensuite refermé cette trappe avec un outil personnel.

Interrogé, il a précisé avoir emmené la cassette chez lui, avoir paniqué, l'avoir gardée la nuit puis l'avoir jetée le lendemain soir, expliquant avoir agi sans autre raison que la bêtise.

Selon les pièces versées aux débats, la cassette subtilisée enregistre divers paramètres parmi lesquels la vitesse, le mode de conduite, le timbre et le contrôle des portes, les signaux présentant l'indication d'arrêt, la position de différents commutateurs..., soit de manière générale des paramètres d'exploitation et des événements de conduite.

Or, quand bien même, [A] [E] a été perturbé psychologiquement pour avoir assisté en 2002 à la tentative de suicide d'un voyageur en avril 2002, il n'en demeure pas moins que les faits qui lui sont reprochés sont d'une particulière gravité s'agissant du retrait d'une cassette dont les données enregistrées sont essentielles, comme permettant de vérifier si les règles de conduite, vitesse notamment, ont été respectées, ce, qui, plus est, par effraction, puisque l'intéressé a indiqué s'être aidé d'un instrument pour parvenir à ses fins, et sans possibilité de restitution, puisqu'il s'est débarrassé de la cassette.

La sanction prononcée était non seulement nécessaire mais également proportionnée au regard de la nature des agissements fautifs de [A] [E]

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a estimé bien fondée la sanction et de débouter [A] [E] de ses demandes subséquentes, rappel de salaires et congés payés afférents, dommages-intérêts pour perte d'avancement et déroulement de carrière et congés payés, dommages-intérêts pour sanction injustifiée.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments de prouver, que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, [A] [E] invoque les faits suivants :

- la Ratp a délibérément pris une seconde sanction en dépit de son état de santé, dès lors qu'il a été reconnu en accident du travail,

- elle a refusé de suivre l'avis unanime du conseil de discipline en lui infligeant une première sanction disproportionnée et de réviser sa position malgré les éléments de son dossier médical,

- sa situation s'est aggravée, la Ratp entretenant une situation administrative confuse et multipliant les tracasseries : affectation sans bureau, dans un sous-sol seul sans téléphone et sans tâche, refus de ses congés de fin d'année, stage imposé en dehors des prescriptions médicales...

- il a fait l'objet de brimades : non remise d'une carte de cantine, absences de boîtes mail et codes, propositions de reclassement imposant des conditions de travail 'particulières voire impossibles', absence d'entretiens d'évaluation.

Pour étayer ses affirmations, [A] [E] produit notamment de nombreuses attestations de collègues de travail témoignant de ce qu'il était dans un état psychologique fragile au moment des faits.

Toutefois, il résulte des pièces de la procédure qu'antérieurement au 6 octobre 2003, deux des témoins entendus lors du conseil de discipline, Messieurs [A] et [I], ont indiqué n'avoir pas décelé l'état dépressif du salarié, que ce dernier, ainsi que M. [X] l'a précisé, rencontrait des difficultés au plan personnel comme 'ayant mal ressenti les quatre jugements concernant la garde de ses enfants' et enfin qu'une aide de l'assistante sociale de la ligne 9 ainsi que celle de l'institut d'accompagnement psychologique post traumatique de prévention et de recherche lui ont été proposées, à charge pour lui de les contacter.

Concernant les autres faits invoqués, c'est par une analyse aussi exacte qu'approfondie des éléments de la cause, et par de justes motifs qu'au vu des pièces qui lui sont soumises, la cour adopte que les premiers juges ont estimé que :

- le refus de l'employeur de ne pas accorder à [A] [E] des congés début décembre 2010, avec toutefois une exception pour la journée du 11 décembre 2010, était motivé par le fait qu'il était inscrit à une formation destinée à le faire évoluer vers un autre emploi après une longue période d'arrêt faisant suite à un accident du travail et dont les dates sont fixées à l'avance, et qu'il ne peut donc être perçu comme une volonté de lui nuire,

- il ne peut être reproché à la Ratp d'avoir, au regard de la situation confuse de l'aptitude du salarié à son nouveau poste, multiplié les sollicitations de la médecine du travail pour se et de s'être finalement pourvu devant l'inspection du travail, ces démarches ayant pour but de proposer au salarié un emploi compatible avec son état de santé,

- les affectations successives de [A] [E] ne permettent pas de constater de la part de la Ratp un comportement prohibé par l'article L.1154 du code du travail dès lors qu'elles sont la conséquence de ses choix, puisqu'il a contesté dès le lendemain de son arrivée sur lieux de sa nouvelle affectation sur le site de Nation, qu'il a remis en cause sa nouvelle affectation sur le site de Chanzy pour n'avoir pas disposé immédiatement d'une ligne téléphonique et d'un bureau alors que le service était en cours de déménagement, qu'il a ensuite refusé de rejoindre le quatrième poste de reclassement qui lui était proposé en raison des temps de trajets, qu'il a laissé sans réponse l'ultime proposition d'assistant logistique et administratif.

Par ailleurs, la non-délivrance d'une carte de cantine, outre qu'elle est justifiée, ainsi qu'en atteste la responsable du secrétariat Mts/horaires et trafic, par le fait que le nombre de carte d'accès est limitée et subordonnée à la restitution préalable d'une carte par un agent quittant le service, ne permet pas plus d'étayer les faits de harcèlement allégués par l'appelant.

En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée.

La demande de dommages-intérêts pour faits de harcèlement doit par conséquent être rejetée et le jugement confirmé en toutes ses dispositions.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la Ratp et de lui allouer la somme de 1 000 € à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire et publiquement ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

Condamne [A] [E] à payer à la Ratp la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne [A] [E] aux entiers dépens.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 12/09237
Date de la décision : 09/04/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°12/09237 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-09;12.09237 ?
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