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01/04/2015 | FRANCE | N°14/11785

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 01 avril 2015, 14/11785


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 01 AVRIL 2015



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/11785



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Février 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/06111





APPELANTE



Madame [D] [L] [K] [X] épouse [N]

[administrateur de plein droit en vertu d'une décla

ration du 11 mai 2005 d'acceptation sous bénéfice d'inventaire de la succession de sa mère [H] [M] décédée le [Date décès 1]2003]

née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[A...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 01 AVRIL 2015

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/11785

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Février 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/06111

APPELANTE

Madame [D] [L] [K] [X] épouse [N]

[administrateur de plein droit en vertu d'une déclaration du 11 mai 2005 d'acceptation sous bénéfice d'inventaire de la succession de sa mère [H] [M] décédée le [Date décès 1]2003]

née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée et assistée de Me Patrick TOSONI, avocat au barreau de PARIS,

toque : D1010

INTIMÉS

1°) Monsieur [A] [J] [U] [X]

né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

défaillant

2°) SA SWEDBANK

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125, postulant

assistée de Me Valérie JUDELS de la SELARL LOYENS & LOEFF, avocat au barreau de PARIS, toque : C1409, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 11 février 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Evelyne DELBÈS, président,

Madame Monique MAUMUS, conseiller

Madame Nicolette GUILLAUME, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier :

lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN

ARRÊT :

- par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Evelyne DELBÈS, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

[O] [X] est décédé le [Date décès 2] 1993 laissant pour recueillir sa succession :

- son épouse, [H] [M], bénéficiaire d'une donation au dernier vivant, - ses deux enfants, Mme [D] [X] épouse [N] et M. [A] [X].

Il dépendait de la succession de l'intéressé deux appartements situés [Adresse 1].

Mme [N] a renoncé à la succession de son père le 15 décembre 1994 à la suite, indique-t-elle, de la découverte de la souscription par ses parents, le 20 mars 1990, auprès de la Banque Nord Europe, devenue la SA Swedbank, d'un prêt de 42 600 000 francs remboursable en cinq ans et garanti par M. [A] [X].

A l'ouverture de la succession d'[O] [X], la banque s'est prévalue d'une créance de 3 637 590,74 euros au titre de ce prêt.

En 1995, la SA Swedbank a engagé au Luxembourg une procédure en recouvrement contre M. [A] [X] et la veuve d'[O] [X].

[H] [M] veuve [X] est décédée le [Date décès 1] 2003. Mme [D] [N] a accepté sa succession sous bénéfice d'inventaire.

Par jugement du 22 février 2012, le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg a retenu sa compétence territoriale et a invité la banque à fournir de plus amples justificatifs retraçant l'évolution du prêt pour en arriver au montant de 23 976 653 francs français mis en compte en principal au 30 septembre 1994 avant déduction des avoirs en garantie.

Par acte du 13 mars 2012, Mme [N] a assigné M. [A] [X] et la société Swedbank devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité et paiement de dommages et intérêts leur faisant grief de réticences dolosives et d'un comportement déloyal l'ayant amenée à renoncer à une succession qui comprenait deux appartements et à perdre ainsi une chance d'hériter de son père.

Par jugement du 18 février 2014, le tribunal de grande instance de Paris a sursis à statuer sur l'ensemble des demandes dont il était saisi dans l'attente de l'issue définitive de la procédure initiée par la SA Swedbank, toujours en cours devant le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, a ordonné le retrait du rôle, a rappelé que l'affaire sera rétablie à la demande de la partie la plus diligente, sur présentation de la décision du tribunal de Luxembourg devenue définitive, a ordonné l'exécution provisoire et a réservé les dépens.

Par ordonnance du 28 mai 2014, le délégué du premier président a autorisé Mme [N] à interjeter appel immédiat de cette décision.

Mme [N] a formé son appel par déclaration du 10 juin 2014.

Dans ses dernières écritures du 9 février 2015, elle demande à la cour de :

- vu les dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil,

- vu l'acte de prêt portant sur une somme de 42 600 000 francs, soit 6 494 328,13 euros, conclu le 20 mars 1990 entre M. et Mme [X] et la Banque Nord Europe, sise au Luxembourg, devenue la SA Swedbank, négocié par M. [A] [X] qui s'est porté garant de son remboursement,

- vu la créance dont s'est prévalue la SA Swedbank à l'ouverture de la succession, telle qu'indiquée dans un courrier du 17 octobre 1994, soit 23 861 031,06 francs (3.637.590,74 euros), alors que les avoirs sur le compte de ses parents au 29 novembre 1993 s'élevaient à 8 729 950,26 francs (1 330 872,34 euros), laissant apparaître un débit à l'époque de 2 306 718,43 euros,

- vu la renonciation à la succession qui s'en est suivie de sa part le 15 décembre 1994,

- vu les réticences dolosives à apporter des éléments concrets sur la réalité de la créance de la banque,

- vu la dissimulation des pièces justificatives et des actions engagées à l'époque dont elle n'avait pas été tenue informée,

- vu l'absence de tout conseil à elle donné le temps où elle était bénéficiaire de la succession de son père de novembre 1993 à décembre 1994 et l'absence de toute information quelconque que la banque aurait pu fournir,

- constater que l'attitude des intimés est fautive et lui a gravement préjudicié puisque sa perte de chance dans la succession de son père peut être évaluée à 1 500 000 euros,

- débouter la SA Swedbank de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- en conséquence,

- condamner in solidum l'intéressée et M. [A] [X] à lui payer la somme de 1 500 000 euros au titre de la perte de chance qu'elle a subie dans la succession de son père,

- condamner également in solidum la SA Swedbank et M. [A] [X] à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les intimés en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Patrick

Tosoni, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 10 février 2014, la SA Swedbank demande à la cour de :

- vu les articles 380 et suivants, 568 et suivants et 32-1 du code de procédure civile,

- à titre principal,

- confirmer le jugement dont appel,

- surseoir à statuer en attendant que les juridictions luxembourgeoises rendent une décision définitive dans les rôles 54124, 48687, 97809 et 165957 actuellement pendants devant le Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg,

- à titre subsidiaire,

-rejeter la demande de Mme [N] visant à la voir condamner à payer la somme de 1 500 000 euros au titre de la perte de chance qu'elle aurait subie dans la succession de son père, [O] [X],

- rejeter la demande tendant à la voir condamner au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- condamner Mme [N] à lui payer la somme de 20 000 euros en remboursement de ses frais non taxables et à supporter les dépens, dont distraction au profit de Maître [E] en vertu de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [A] [X] auquel la déclaration d'appel et les conclusions d'appelante ont été régulièrement signifiées le 13 novembre 2014, n'a pas constitué avocat.

SUR CE

Considérant que la SA Swedbank fait plaider que le sort de l'action en responsabilité et paiement et dommages et intérêts engagée à son encontre par Mme [N] est tributaire de ce qui sera jugé par le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg sur son action aux fins de remboursement du prêt et sur l'action en nullité de celui-ci dirigée contre elle, instances actuellement pendantes devant cette juridiction et dans lesquelles elle a attrait Mme [N] ;

Considérant que l'appelante s'oppose à tout sursis à statuer faisant valoir que le tribunal luxembourgeois, dont elle a toujours contesté la compétence, a été saisi par la banque il y a 19 ans sans que l'on puisse fixer la date de l'issue de cette procédure ;

Considérant que des pièces mises aux débats, il ressort que, le 20 mars 1990, la banque a consenti aux consorts [X] un prêt de 42 600 000 francs garanti par des hypothèques inscrites sur des immeubles et par un gage sur les avoirs présents et futurs détenus par les emprunteurs auprès de la banque ; que sur le montant du prêt, 40 000 000 francs, laissés dans les livres du prêteur, ont été utilisés à des fins d'investissement; qu'à l'ouverture de la succession d'[O] [X], la banque s'est prévalue, au titre du prêt, d'une créance de 23 861 031,06 francs, soit 15 131 081 francs (2 306 718,43 euros), après déduction des avoirs en garantie ;

Considérant que par acte du 11 octobre 1994, [H] [M]-[X] et M. [A] [X] ont assigné la SA Swedbank devant le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg en paiement de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou, à défaut, de la responsabilité délictuelle, reprochant à l'intéressée une faute dans l'exécution du mandat de gestion de la somme de 40 000 000 francs qui lui avait été confié, ayant consisté en la réalisation d'opérations hautement spéculatives et le non-respect de leurs instructions, et lui faisant grief d'un manquement à son obligation d'information et de conseil, le tout à l'origine d'un découvert considérable ; que les consorts [X] ont été déboutés de toutes leurs demandes aux termes d'un jugement en date du 28 mars 1997 ; que sur l'appel interjeté par les intéressés, la cour d'appel de Luxembourg a, par arrêt du 17 décembre 2008, constaté la péremption de l'instance d'appel ;

Considérant que par acte du 16 janvier 1995, la SA Swedbank a assigné devant le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg [H] [M]-[X] et M. [A] [X] aux fins de les voir condamner à lui rembourser la somme de 23.976.653 francs au titre du solde du prêt du 20 mars 1990 ; que par acte du 21 avril 2005, la banque a attrait dans cette procédure M. [A] [X] et Mme [D] [N] en leur qualité d'héritiers de [H] [M]-[X] ; que le tribunal, après une première décision de sursis à statuer, a rendu, le 22 février 2012, un jugement aux termes duquel il s'est déclaré territorialement compétent pour connaître de la demande de la SA Swedbank et a invité celle-ci à fournir de plus amples justificatifs retraçant l'évolution du prêt pour arriver au montant de 23 976 653 francs au 30 septembre 1994 avant déduction des avoirs en garantie, à produire sa déclaration de créance au passif de la succession de [H] [M]-[X] et à conclure sur la recevabilité de sa demande en condamnation formulée à l'égard de [A] et [D] [X] en tant qu'héritiers au vu des dispositions du code civil français et, plus précisément, de celles des articles 792 et 792-1 du dit code ;

Considérant que le 11 novembre 1998, [H] [M]-[X] et M. [A] [X] avaient assigné la banque devant le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg aux fins de voir dire nul, notamment pour dol et erreur, le contrat de prêt du 20 mars 1990 ; que par acte du 21 octobre 2014, la banque a attrait Mme [N] dans cette procédure ; que par une décision du 28 octobre 2014, le tribunal a joint cette instance à celle aux fins de remboursement engagée par la banque ; que l'affaire a été fixé pour plaider au 27 février 2015 ;

Considérant que Mme [N] soutient qu'elle a perdu une chance d'hériter de son père par la faute de la SA Swedbank et de son frère, [A], auxquels elle fait grief de réticences dolosives ayant consisté à ne pas lui communiquer, au décès de son père, tous justificatifs de la créance revendiquée par la banque et toutes informations sur les procédures engagées à l'époque aux fins de contestation de cette prétendue créance, situation qui ne lui a pas permis de déterminer si la succession était bénéficiaire ou largement déficitaire et l'a contrainte, dans le doute, à renoncer à celle-ci ;

Considérant qu'au vu de ces prétentions, l'issue de la procédure encore pendante devant la juridiction luxembourgeoise est sans incidence sur la présente instance dès lors que la cour constate que Mme [N] a renoncé à la succession de son père le 15 décembre 1994, c'est-à-dire sans attendre la réponse de la banque et de son frère aux lettres qu'elle leur avait adressées, respectivement, le 15 et le 19 décembre 1994, aux termes desquelles elle leur enjoignait de lui communiquer toutes informations sur la gestion de la somme de 40 000 000 francs laissée dans les livres de la banque et un décompte circonstancié de la créance revendiquée par celle-ci ;

Considérant que l'appelante ne peut en effet soutenir, dans ces conditions, qu'elle n'aurait renoncé à la succession de son père que faute d'informations précises et exhaustives de la part des intimés sur la créance déclarée par la banque au décès de son père ; qu'elle n'établit en conséquence pas l'existence d'un lien de causalité entre le défaut d'information qu'elle reproche à la banque et à son frère et la perte de la chance d'hériter de son père qu'elle invoque ;

Considérant que l'absence de ce lien de causalité suffit à priver de fondement les prétentions de Mme [N] ;

Considérant que la cour, infirmant le jugement entrepris, déboutera en conséquence Mme [N] de toutes ses demandes ;

Considérant que l'équité commande de ne pas faire application, en l'espèce, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [N] de toutes ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [N] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 14/11785
Date de la décision : 01/04/2015

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°14/11785 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-01;14.11785 ?
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