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31/03/2015 | FRANCE | N°14/03327

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 31 mars 2015, 14/03327


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 31 MARS 2015



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/03327



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n°



APPELANTE :



SARL SANTÉ ACTIONS INNOVATIONS représentée par son gérant en exercice domiciliée en cette qualité audit siège

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[Localité 2]



Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Ayant pour avocat plaidant par Me Françoise MATHE,...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 31 MARS 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/03327

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n°

APPELANTE :

SARL SANTÉ ACTIONS INNOVATIONS représentée par son gérant en exercice domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Ayant pour avocat plaidant par Me Françoise MATHE, avocat au barreau de TOULOUSE, toque : 226

INTIMEE :

SARL AESTHETIC GROUP agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité de droit audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant par Me Sylvia GRADUS de la SCP HYEST et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0311

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Février 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente de chambre, présidente

Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Pervenche HALDRIC

Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Madame Pervenche HALDRIC, greffière présente lors du prononcé.

La société Aesthetic Group détenait la totalité du capital social de la société EMSI Biomédical qui a pour activité la fabrication de dispositifs médicaux implantables à base de silicone destinés au marché de la chirurgie esthétique et reconstructrice, et principalement de prothèses mammaires.

Par acte sous seing privé en date du 2 février 2011, la société Santé Action Innovations, qui a pour objet la production et la commercialisation de matériels à usage médical, a acquis de la société Aesthetic Group la totalité des parts composant le capital social de EMSI moyennant le prix de 120 000 euros payable en 4 tranches, les deux dernières venant à échéance les 31 décembre 2011 et 31 décembre 2012.

Par acte du même jour, la société Aesthetic Group cédait sa créance en compte courant à la société Santé Actions Innovations pour un montant de 617 439,56 euros, également payable par tranches.

L'acte de cession comportait une garantie d'actif et de passif et la convention était conclue sous la condition résolutoire de l'absence de validité ou de la remise mise en cause du marquage 'CE' dont bénéficiait la société cédée, s'il apparaissait dans les 30 jours ouvrés à compter de la signature de l'acte que le marquage 'CE' 'n'est pas valide ou est menacé d'être remis en cause, pour quelque raison que ce soit au titre des faits, manquements ou omissions antérieures à la date de la signature', l'acquéreur pouvant alors à sa seule discrétion se prévaloir de la clause résolutoire.

Enfin, la société cédante avait constitué une caution auprès du Crédit Agricole Nord-Midi-Pyrénées en garantie de ses engagements.

Quelques jours après la signatures de ces actes, la société cédée recevait un rapport de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) daté du 1er février 2011 faisant suite à une inspection réalisée les 26, 27 et 28 janvier, soit dans les jours précédant la cession.

Un nouveau rapport de l'Afssaps lui était notifié le 23 mars 2011 faisant état de préconisations à mettre en oeuvre.

Enfin, par courrier du 20 octobre 2011, l'Afssaps mettait en demeure la société EMSI de prendre toutes dispositions nécessaires pour remédier à des non-conformités avant toute remise d'implants mammaires sur le marché.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 26 décembre 2011 adressée à la société cédante, la société cessionnaire a invoqué une violation de l'article 3.1,u de la garantie de passif relatif à la déclaration sur le marquage 'CE' valant autorisation de mise sur le marché, aux motifs de la dissimulation des contrôles opérés par l'Afssaps et de l'absence imputable au cédant de mesures propres à satisfaire aux préconisations antérieures de l'agence.

Soulignant que cette situation l'avait empêchée de démarrer la moindre production et l'avait contrainte à engager des frais pour remédier aux carences de la précédente gestion, la cessionnaire se prévalait d'un préjudice de 10 millions d'euros et annonçait qu'elle imputait l'indemnisation lui étant due sur le prix de cession des parts et la créance en compte courant restant à verser, soit 60 000 euros pour les parts et 307 439,56 euros s'agissant de la cession de créance.

La garantie d'actif n'a pas été finalement mise en oeuvre et par ordonnance du 28 mars 2013, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a suspendu les effets de la caution bancaire.

C'est dans ces circonstances que par acte du 9 août 2012, la société Santé Actions Innovations a fait assigner la société Aesthetic Group devant le tribunal de commerce de Paris en sollicitant, sur le fondement de la réticence dolosive, la rescision du prix des cessions, la fixation du prix de cession des parts à 40 000 euros, celle de la cession de créance à 1 euros et en poursuivant la condamnation de la société cédante à lui restituer le trop perçu du prix déjà payé et à lui payer la somme de 6 744 318 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice subi.

Par jugement du 24 janvier 2014, le tribunal a :

- débouté la société Aesthetic Group de sa fin de non-recevoir,

- dit que la société Aesthetic Group a fait preuve de réticence dolosive en n'informant pas la société Santé Actions Innovations des observations formulées par l'Afssaps en 2010 et lors de l'audit de janvier 2011,

- condamné la société Aesthetic Group à payer à la société Santé Actions Innovations la somme de 221 231 euros à titre de réduction du prix d'acquisition,

- débouté la société Santé Actions Innvovations de sa demande de dommages et intérêts.

- condamné cette dernière à payer à la société Aesthetic Group la somme de 367 439,56 euros au titre du solde du prix de cession des parts de la société EMSI Biomédical et de la créance de compte courant de la société Aesthetic Group,

- dit qu'il sera fait compensation entre les sommes dues par les deux parties.

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné les parties aux dépens par moitié.

Le tribunal a pour l'essentiel considéré que les observations et préconisations de l'Afssaps formulées en octobre 2011, soit huit mois après la cession, correspondaient à des exigences nouvelles qui ne figuraient pas dans les rapports antérieurs, de sorte qu'aucune réticence dolosive ne saurait être reproché de ce chef à la société cédante, que l'absence de commercialisation des implants mammaires est sans lien établi avec les préconisations de l'Afssaps du mois d'octobre 2011, la société EMSI n'ayant réalisé aucune vente depuis sa reprise par les nouveaux acquéreurs, et qu'à la date de la cession aucun risque d'interdiction de mise sur le marché ne pouvait être connu du vendeur.

Mais les premiers juges ont retenu que si l'acquéreur avait été informé des observations formulées par l'agence en 2010 et 2011 relativement à 'des mesures correctives d'ampleur limitée' à mettre en oeuvre, 'il aurait sans aucun doute négocié plus sévèrement le prix de cession'.

La société Santé Actions Innovations a relevé appel de cette décision par déclaration du 13 février 2014.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 12 janvier 2015, elle demande à la cour de débouter l'intimée de ses demandes, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu le dol par réticence, l'infirmant pour le surplus, de fixer à la somme de 40 000 euros le montant du prix de cession des parts sociales EMSI Biomédical, de constater qu'elle a payé la somme de 80 000 euros et de condamner en conséquence, Aesthetic Group à lui payer la somme de 40 000 euros au titre du trop-payé, de fixer à un euro symbolique le prix de cession de la créance de compte courant, de condamner la société Aesthetic Group à lui payer la somme de 417 438 euros au titre du remboursement du trop payé de ce chef, de la condamner encore à lui payer la somme de 6 744 318 en réparation du préjudice subi comme conséquence du dol, en toute hypothèse, de débouter la société Aesthetic Group de sa demande de paiement de la somme de 31 746,04 euros, de constater que le principe de la garantie de passif est acquis par application de l'article 3.2.b de l'acte de cession, de condamner la société Aesthetic Group à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 19 janvier 2015, la société Aesthetic Group demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu le dol par réticence, en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Santé Actions Innovations la somme de 221 231 à titre de réduction du prix d'acquisition, de l'infirmer pour le surplus, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de paiement de la somme de 31 746,04 euros et de celle de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts et, statuant à nouveau, de dire et juger qu'en mettant en 'uvre la garantie d'actif et de passif contenue dans le contrat de cession de parts sociales, la société a par là même considéré ce contrat et l'acte de cession de créance qui y est adossé bons et valables, en conséquence dire et juger que par cet aveu, la société appelante est irrecevable en son action en réfaction du prix fondée sur un dol par réticence, subsidairement au fond, de débouter la société Santé Actions Innovations de ses demandes, de dire et juger qu'elle ne justifie pas de son préjudice, s'agissant de la somme de 6 744 318 euros qu'elle réclame à titre de dommages-intérêts, de dire et juger en toute hypothèse que l'indemnisation ne pourrait être fondée que sur l'appréciation de la future marge brute perdue, en conséquence, de la débouter également et de plus fort de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre, à titre reconventionnel, de condamner la société Santé Actions Innovations à lui payer la somme de 31 746,04 euros à titre de remboursement d'avances, ladite somme majorée des intérêts au taux légal à compter de la lettre de mise en demeure du 14 février 2012, avec capitalisation ainsi que la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, pour le surplus de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Santé Actions Innovations à lui payer la somme de 367 439,56 euros au titre du solde du prix de cession, de dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2012 date de la première mise en demeure, de condamner la société Santé Actions Innvoations à lui payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

SUR CE

Sur la fin de non-recevoir opposée à la société Santé Actions Innovations

La société Aesthetic Group soutient que la société cessionnaire, en se prévalant de la garantie d'actif et de passif dans son courrier du 21 décembre 2011 et en s'en prévalant encore subsidiairement dans le cadre de la cadre de la présente instance, reconnaît la validité de la convention et estime que cet reconnaissance vaut aveu judiciaire pour conclure à l'irrecevabilité de ses demandes fondées sur le dol, dès lors que l'on ne peut à la fois et sans contradiction se prévaloir d'une convention et en poursuivre la nullité sur le fondement d'un vice du consentement.

Mais l'existence d'une garantie d'actif et de passif au bénéfice de l'acquéreur ne prive pas de dernier de la possibilité d'invoquer contre son co-contractant le dol ou, comme en l'espèce, la réticence dolosive, vice du consentement qui peut donner lieu, par application des articles 1117 et 1147 du code civil, à une action en rescision et justifier l'allocation de dommages-intérêts et le moyen tiré de l'aveu judiciaire est inopérant dès lors que tant dans son courrier du 26 décembre 2011 que dans le cadre de la présente instance, la société cessionnaire a invoqué les déclarations 'fausses et mensongères' de la cédante et le silence gardé sur les contrôles opérés par l'Afssaps sur la société EMSI, objet de la cession.

La fin de non-recevoir sera par conséquent écartée.

Sur la réticence dolosive

La société Santé Innovations Actions soutient pour l'essentiel que les manquements constatés lors de l'inspection de l'Afssap du mois de janvier 2011 concernent des éléments clés de la sécurité sanitaire et qu'ils avaient déjà été constatés lors dune inspection précédente ayant donné lieu à des engagements de rectification non tenus par le cédant, fait reproche aux premiers juges d'avoir méconnu l'importance et l'impact des non-conformités visées par le rapport de l'Afssaps du 1er févier et conteste que les mesures correctrices à entreprendre aient été, comme retenu par le jugement déféré, d'une ampleur limitée, alors que la commercialisation des prothèses mammaires n'a pu reprendre qu'au mois d'août 2012.

Elle fait grief à la société Aesthetic Group qui lui a dissimulé ces événements antérieurs à la cession d'une réticence dolosive justifiant à la fois une réfaction du prix de cession des parts sociales et du compte courant d'associé, imputant sur le montant de ce compte à la date de la cession l'ensemble des frais générés par la mise en conformité qui s'imposait, pour fixer la valeur de la créance cédée à un euro symbolique.

La société Aesthetic Group se défend, quant à elle, de toute réticence dolosive en faisant valoir qu'il résulte des énonciations expresses de l'acte de cession que la cause essentielle de l'acquisition de la société EMSI tenait au marquage CE dont disposait la société cédée, qui n'a jamais été remis en cause, et non au développement propre de ladite société dont les difficultés étaient patentes, les deux derniers exercices avant cession ayant dégagé un résultat d'exploitation déficitaire. Elle souligne que les observations de l'Afssaps ont été connues de l'acquéreur dès le rapport du 1Er février, ce dernier ayant répondu seul aux observations successives de l'Afssaps sans lui avoir jamais fait part de son étonnement ou de quelque reproche que ce soit sur une rétention d'informations avant la fin décembre 2011, date à laquelle le règlement d'une partie du solde du prix de cession venait à échéance. Elle ajoute que, contrairement à ce qui est soutenu, le premier rapport de l'Afssaps après cession indiquait que la déclaration CE de conformité n'appelait aucune observation, que le rapport ultérieur du 23 mars 2011 ne remettait nullement en cause la commercialisation des produits, que ce ne sont que les résultats d'une nouvelle inspection réalisée par l'Afssaps les 3 et 4 octobre qui ont révélé de nouveaux et multiples motifs de remarques, lesquels ne sont pas imputables à la gestion précédente mais correspondent à un renforcement des normes de sécurité lié au scandale largement médiatisé qui avait entouré les prothèses dites PIP, les difficultés évoquées par l'appelante s'expliquant également pour partie par les modifications substantielles qu'elle a apportées aux conditions d'exploitation (déménagement du siège de l'activité et de la chambre stérile, embauche de sept salariés supplémentaires, changement de fournisseur de matière première).

Selon l'article 1116 le dol ne se présume pas, et doit être prouvé. Il ne peut résulter que de faits antérieurs à la cession. Il appartient en outre à celui qui l'invoque d'établir l'intention dolosive de son co-contractant et le caractère déterminant des manoeuvres ou de la réticence dolosive alléguée sur l'intention de contracter ou sur les conditions du contrat.

La société appelante invoque en l'espèce la réticence dolosive tirée du silence gardé par la société cédante sur une visite d'inspection de l'Afssap ayant eu lieu les 26, 27 et 28 janvier 2011, soit quelques jours avant la cession régularisée le 2 février, et sur l'absence, à cette date, de mise en conformité de préconisations antérieures de l'Afssaps.

Mais il résulte de la chronologie des faits et des rapports successifs de l'Afssaps au débat singulièrement du rapport préliminaire du 1er février 2011 que les deux seuls points évoqués faisant part d'engagements antérieurs non tenus par la société EMSI à la date de la cession ne concernent que des aspects mineurs du contrôle précédent sans incidence déterminante prouvée sur l'économie générale de la cession, l'un (E.10) relatif à l'absence de mise à jour documentaire des instructions d'utilisation, l'autre (E.9) à l'absence de conclusion du rapport d'essai du silicone alors que l'agence constatait, par ailleurs, que des essais physiques avaient été réalisés et que, s'agissant de la toxicité, une étude clinique était en cours sur dix patientes et durant dix mois avec une procédure de surveillance particulière (point E.8), que l'analyse des risques avait été remaniée depuis l'inspection de janvier 2010 et qu'elle 'n'appelle donc plus de remarque particulière' (point B.4.3) et que la déclaration CE de conformité des dispositifs médicaux mis sur le marché par la société EMSI Biomédical avait été mise en conformité depuis la précédente inspection (A.4).

En cet état, la société Santé Innovations Actions n'établit nullement que le silence gardé par la société cédante sur les visites d'inspection antérieures au mois de janvier 2011 manifeste une intention dolosive de la part de son co-contractant et ait revêtu, pour elle, un caractère déterminant relativement aux conditions de la cession.

S'agissant de la visite d'inspection des 26, 27 et 28 janvier 2011, si la société Aesthetic Group ne démontre pas en avoir avisé explicitement l'acquéreur, il demeure que le rapport préliminaire d'inspection n'a été communiqué à la société cédée que postérieurement à la cession, de sorte qu'il ne saurait être reproché à la cédante une rétention dolosive d'information inconnues d'elle cette date.

Il sera relevé, en outre, que la société Santé Actions Innovations qui a été informée des observations de l'Afssaps dès réception de son rapport du 1Er février a répondu à l'agence sur chacun des points évoqués sans se rapprocher de la société cédante ni lui faire un quelconque reproche tiré d'une éventuelle rétention d'informations, la plupart des réserves de l'Afssaps, pour un grand nombre d'ordre réglementaire ou documentaire, ayant été levé dès le rapport final du 21 mars 2011.

Seuls demeuraient alors en suspend quatre 'écarts', dénomination des observations ou recommandations maintenues par l'agence, dont deux (E.1 et E.2) se rapportaient à la nécessité de faire procéder à un audit du fournisseur des gels de silicone, destiné notamment à préciser les spécifications des matières premières utilisées, ces observations ayant été ensuite levées, comme le révèle le rapport du 19 décembre 2011, le seul grief maintenu, d'ordre purement administratif et non imputable à la cessionnaire, résidant dans l'absence de communication par la société cédée postérieurement à la cession des informations entre temps obtenues du fournisseur à l'organisme indépendant délivrant la certification CE, laquelle n'a jamais été remise en cause.

Les deux autres écarts observés concernaient l'absence de réalisation d'essais de sensibilisation, irritation, reprotoxicité et immunotoxicité ou le défaut de justification de tels essais (point E.8) ainsi que l'absence de protocole de l'investigation technique dont la société EMSI était le promoteur (point E.9), l'Afssaps demandant dans son rapport final du 21 mars 2013 le démarrage sans délai de tels essais. Mais là encore, la réaction de la société cessionnaire qui, en toute connaissance des reproches énoncés par l'organisme de surveillance s'est abstenue de se rapprocher de la société cédante ou de lui faire grief d'avoir manqué à ses obligations sanitaires, n'accrédite nullement le caractère déterminant de ces derniers, lesquels ont été de surcroît énoncés postérieurement à la cession, de sorte que la réticence dolosive invoquée n'est nullement caractérisée.

La société appelante souligne enfin la particulière gravité en termes de sécurité sanitaire des 'écarts'reprochés par l'Afssaps dans sa mise en demeure du 20 octobre 2011. Mais ses observations de l'agence, portant d'une part sur la teneur plus élevée - comparativement à celles observées sur d'autres implants durant la campagne d'inspection- en molécules courtes D4 et D5 dans le gel de remplissage des implants et, d'autre part, sur l'absence 'de justification de la péremption' des implants mammaires avant usage, ne résultent d'aucun rapport de l'agence antérieur à la cession et n'ont été formulées qu'à l'occasion d'une inspection ultérieure des 3 et 4 octobre, la présentation et le volume du rapport s'y rapportant, daté du 20 octobre 2011, très différents des rapports précédents, étayant l'affirmation de l'intimée, reprise par les premiers juges et non sérieusement contredite par l'appelante, selon laquelle les exigences de l'Afssaps ensuite de l'affaire dite des prothèses PIP étaient devenus plus beaucoup plus rigoureuses, sans que cette circonstance, qui s'est manifestée en l'espèce lors d'un contrôle postérieur de 10 mois à la cession, ne puisse être opposée à la société cédante dans un contexte au demeurant connu de l'acquéreur, la société Santé Actions Innovations appartenant à un groupe spécialisé dans le secteur bio-médical réalisant un chiffre d'affaires de 53 millions d'euros et qui emploie plus de 1 000 salariés.

Et c'est sans fondement au regard des faits de la cause et des pièces produites que les premiers juges ont retenu que le cédant ne pouvait ignorer que 'des mesures correctives d'une ampleur limitée devaient rapidement être mise en oeuvre', en s'abstenant d'établir que les corrections à opérer dont la société cédante aurait eu connaissance antérieurement à la cession revêtaient un caractère déterminant du consentement de l'acquéreur ou relativement aux conditions financières de la cession, démonstration qui, en l'état des observations qui précédent, n'est pas plus faite en cause d'appel.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a retenu la réticence dolosive de la société Aestethic Group et a prononcé condamnation à son encontre et la société Santé Innovations Actions sera déboutée de ses demandes de ce chef.

Sur les autres demandes

Il est constant que le solde du prix de cession, soit la somme de 367 439, 56 euros, n'a pas été réglé par la société cessionnaire, qui ne saurait se libérer de son obligation en invoquant à ce titre la garantie d'actif et de passif, laquelle n'a pas été régulièrement mise en oeuvre, faute pour la cessionnaire d'avoir respecté le délai de notification prévu par l'article 3.2, b, premier alinéa dans l'hypothèse où la cessionnaire disposait, comme en l'espèce, d'un délai pour répondre à la réclamation d'un tiers, soit 23 jours à compter de la mise en demeure de l'Afssaps du 20 octobre 2011, ne s'étant manifestée auprès de la société cédante à aucun moment avant le 26 décembre 2011.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il porte condamnation de la société Santé Innvovations Actions à payer cette somme à la société Aesthectic Group. Il y sera ajouté en précisant que l'intérêt au taux légal courra sur cette somme à compter du 13 janvier 2012, date de la mise en demeure, avec capitalisation des intérêts à compter du 15 juillet 2014, date justifiée de la première demande.

La société Aesthetic Group sera en revanche déboutée se sa demande portant sur une somme de 31 746, 04 euros au titre d'avances consenties à Santé Actions Innovations, insuffisamment justifiée.

Elle sera encore déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive que les faits de l'espèce ne caractérisent pas.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit que quiconque.

Compte tenu de l'issue du litige, le jugement déféré sera infirmé en sa disposition relative aux dépens qui seront mis à la charge de la seule société Santé Actions Innovations.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que la société Aesthetic Group a fait preuve de réticence dolosive en n'informant pas la Sarl Santé Actions Innovations des observations formulées en 2010 et lors de l'audit de janvier 2011, en ce qu'il a prononcé condamnation à l'encontre de la société Aesthetic Group et dit qu'il sera fait compensation entre les sommes dues par les deux parties et en sa disposition relative aux dépens,

Statuant des chefs infirmés,

Déboute la société Santé Actions Innovations de ses demandes fondées sur le dol ou la réticence dolosive et dit par conséquent sans objet la demande de compensation entre créances réciproques,

Y ajoutant,

Dit que la somme de 367 439,56 euros portera intérêts de droit au taux légal à compter du 13 janvier 2012, avec capitalisation à compter du 15 juillet 2014,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Santé Actions Innovations aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 14/03327
Date de la décision : 31/03/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°14/03327 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-31;14.03327 ?
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