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27/03/2015 | FRANCE | N°14/06875

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 27 mars 2015, 14/06875


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 27 MARS 2015



(n° 2015-91, 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 14/06875



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Février 2014 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 13/03315



APPELANT



Monsieur [Q] [O] [U]

Né le [Date naissance 1]1949 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[

Localité 1]



Représenté et assisté par Me Serge LEWISCH, avocat au barreau de PARIS, toque : D1474



INTIMÉE



SA CLINIQUE [1] Nom commercial HÔPITAL PRIVE DE [Localité 3]

N° SIRET : B 6 7...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 27 MARS 2015

(n° 2015-91, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/06875

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Février 2014 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 13/03315

APPELANT

Monsieur [Q] [O] [U]

Né le [Date naissance 1]1949 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté et assisté par Me Serge LEWISCH, avocat au barreau de PARIS, toque : D1474

INTIMÉE

SA CLINIQUE [1] Nom commercial HÔPITAL PRIVE DE [Localité 3]

N° SIRET : B 6 72 001 757

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistée de Me Mireille MARCHI de la SCP SAINT LOUIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K79

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été appelée le 17 février 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Anne VIDAL, présidente de chambre

Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Malika ARBOUCHE

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne VIDAL, présidente et par Mme Malika ARBOUCHE, greffière.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Le docteur [Q] [O] [U] a exercé sa profession de médecin interniste au sein de la Clinique [1] dont le nom commercial est HOPITAL PRIVE DE [Localité 3] du 2 janvier 2002 au 20 février 2009 et en contre partie des prestations fournies par la clinique il versait une redevance sous forme d'un pourcentage de 15% de ses honoraires.

Estimant avoir versé des sommes qui n'étaient pas dues à ce titre M [U] a sollicité la condamnation de la clinique à lui restituer la somme de 43 898 euros au titre d'un trop perçu sur le pourcentage de ses honoraires ainsi que des dommages-intérêts pour rupture abusive par la clinique du contrat d'exercice, rupture notifiée le 20 février 2009 moyennant un préavis d'un an.

L'ordonnance du juge de la mise en état prévoyant une mesure d'expertise a été infirmée par un arrêt du 1er février 2013 aux motifs que la clinique produisait la convention d'exercice déterminant les obligations des parties et un état détaillé du coût des services et moyens qu'elle considère avoir octroyés au médecin poste par poste pour chacune des années d'exercice ainsi que des honoraires et redevances certifiés par une attestation de son commissaire aux comptes du 13 avril 2011 et qu'il existait des éléments suffisamment précis pour être contradictoirement discutés de façon à mettre le tribunal en mesure d'apprécier l'adéquation des sommes prélevées avec les stipulations du contrat et la réalité des services rendus.

Par jugement en date du 24 février 2014 le tribunal de grande instance de Créteil a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription quinquennale opposée par la clinique, dit les demandes du docteur [Q] [O] [U] introduites le 5 février 2010 recevables et débouté ce dernier de ses prétentions tendant à voir condamner la clinique à lui rembourser un trop versé à titre de pourcentage sur ses honoraires ainsi que de sa demande en dommages-intérêts au titre de la résiliation du contrat dont il n'a pas retenu le caractère abusif. Il a également fait droit à la demande reconventionnelle de la clinique tendant au paiement de la somme de 49 201,07 euros au titre des redevances impayées de 2007 à 2010 et a condamné le docteur [U] à verser à la clinique la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M [U] a interjeté appel de cette décision le 26 mars 2014 et dans ses conclusions signifiées le 11 juillet 2014 demande à la cour de réformer le jugement et:

* A titre principal,

Vu la plainte du docteur [U] en date du 25 mars 2014 auprès du Procureur de la République de CRETEIL pour : « escroquerie au jugement, production et usage de faux documents, fausses attestations, subornation de témoin ou en tout cas pression sur un témoin, fausses factures, fraude fiscale, recel et usage »

Vu la plainte du docteur [U] avec constitution de partie civile pour les mêmes motifs auprès du Doyen des Juges d'Instruction en date du 1er juillet 2014,

Vu l'article 4 du code de procédure pénale et pour éviter le risque d'une contrariété de jugement civil et pénal,

-de surseoir à statuer dans l'attente du résultat de la procédure pénale engagée, s'agissant de pièces communiquées par la Clinique [1] ayant fondé le jugement dont appel,

* A titre subsidiaire,

-de réformer le jugement en date du 24 février 2014 et vu l'article L 4113-5 du code de la santé publique et les articles 1134 et suivants, 1147 et suivants du code civil,

-de condamner la Clinique [1] à verser au Docteur [Q] [O] [U] les sommes de :

. 43 898 euros en remboursement de trop-versé par le Docteur [Q] [O] [U] depuis le 2-01-2002 à titre de pourcentage sur ses honoraires, ainsi que les intérêts sur cette somme depuis le 6-11-2008,

. 300 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice de carrière lié à la rupture abusive du

contrat du docteur [U],

. 108 000 euros de dommages-intérêts pour violation du droit du Docteur [Q] [O] [U] à présenter un successeur,

. 20 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

* Très subsidiairement,

- de rejeter les demandes de la clinique [1] et vu les article 2222 et 2224 du Code Civil,

- de constater que la demande de remboursement de la clinique est prescrite à l'égard du docteur [U],

- de condamner la Clinique [1] à verser au docteur [U] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient pour l'essentiel que:

-sur le sursis à statuer:

-il a déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du Doyen des Juges d'Instruction en date du 1er juillet 2014 pour escroquerie au jugement, production et usage de faux documents, fausses attestations, subornation de témoin ou en tout cas pression sur un témoin, fausses factures, fraude fiscale, recel et usage,

-le tribunal de grande instance de Créteil a rendu sa décision sur la base de faux tableaux produits par la clinique et d'une fausse attestation de son commissaire aux comptes qui ne faisaient que reprendre ses allégations ainsi que de fausses factures et la cour doit prononcer un sursis à statuer dans l'attente du résultat de la procédure pénale engagée,

-sur les redevances:

-les factures décrivant de manière détaillées les services rendus au docteur [U] par la clinique soit 15% pour facturation et recouvrement des honoraires ont changé début 2008, notant les frais comptables pour la valeur de 1,5% et non plus 15% des honoraires et les 13,5% restant ne peuvent pas en tout état de cause concerner des services rendus au médecin vu leur libellé : « Ensemble des moyens matériels et humains, non pris en compte dans les tarifs de responsabilité, (lesquels sont basés sur des situations normatives), et étroitement liés à l'hospitalisation et à la délivrance des soins (*)

La participation des médecins aux remboursements des frais de la clinique n'est assise que sur les frais de personnel médicaux et les moyens matériels non compris dans la norme (cf Code de la Santé Publique)

- 13,5% du montant des honoraires sur patients hospitalisés le coût des prestations réalisées par la Clinique soit : ' euros »,

et de plus ne concernent pas la location de bureau qui est exclue par ladite facture dans les termes suivants : « Consultations

La clinique met à la disposition du médecin une salle de consultation équipée des matériels de diagnostic ainsi que le personnel médical éventuellement nécessaire pour l'assister.

Le coût des prestations (suivant détail annexe) réalisées pour votre compte par la Clinique

s'élève à : 0 euros »,

-en application de la jurisprudence de la Cour de cassation et des dispositions de l'article L 4113-5 du code de la santé publique, la redevance perçue par l'établissement de soins n'est licite que si elle correspond exclusivement par sa nature et par son coût à un service rendu au praticien,

-selon le contrat signé le 2-01-2002 avec la Clinique [1], il était prévu aux termes de l'article 11 « Refacturation » :

« Les dépenses afférentes aux prestations, services et fournitures qui sont engagées par la clinique dans l'intérêt du praticien, afin de faciliter l'exercice de son art, et qui ne sont pas comprises dans le prix de journée seront à la charge du praticien.

En contrepartie des prestations engagées par la clinique aux termes de la présente convention, le praticien s'engage à verser à la clinique une redevance égale à 15% du montant des honoraires perçus par le praticien sur les actes médicaux pratiqués à la clinique (honoraires de surveillance, consultations d'entrées et de sortie etc.). Cette redevance sera payable le jour du reversement des honoraires au praticien.

Le montant prévu à l'alinéa qui précède fera l'objet d'une révision annuelle pour suivre l'évolution des coûts et charges supportées parla clinique. A défaut d'accord, à chaque date d'anniversaire du contrat, les parties conviennent de recourir à la procédure de conciliation. Les prestations supplémentaires éventuellement fournies par la clinique dans l'intérêt et à la demande du praticien feront l'objet d'une facturation complémentaire sur la base des frais réels engagés' »

-or le docteur [U] n'avait aucun personnel dédié, ni local personnel ou autre service ou matériel à sa disposition et il n'a jamais reçu de patients externes sur rendez-vous nécessitant une organisation et des moyens, le seul service rendu par la clinique étant la facturation et le recouvrement de ses honoraires, ce qui représente une redevance de 1,5% sur ceux-ci,

-le bureau du service de médecine était partagé avec la secrétaire et la surveillante générale, dédié au service de médecine qui est une contrainte de l'article D 6214-413 du code de la santé publique,

-à partir de décembre 2007 il a reçu une nouvelle facturation ventilant ses honoraires en fonction de la TVA sans aucune explication soit 1,5% pour les frais administratifs et 13,5% pour l'ensemble des moyens matériels et humains dont il n'a jamais bénéficié ce que confirme la comparaison avec les factures émises par la clinique de [Localité 3],

-sur la résiliation fautive du contrat d'exercice médical le 20-02-2009 et les dommages-intérêts subséquents:

-le véritable et seul motif de l'éviction du Docteur [U] est lié à ses demandes successives d'obtenir la restitution des sommes indûment versées à titre de pourcentage sur ses honoraires et si ce motif n'est pas évoqué dans la lettre de rupture celle-ci se termine bien par une demande de remboursement injustifiée à titre 'd'arriérés de redevances',

-la carrière du Docteur [U] en tant que médecin a été totalement ruinée par la mesure d'éviction prise par la clinique et en conséquence, il convient de réparer ce préjudice majeur par l'allocation de la somme de 300 000 euros en indemnisation de la perte irrémédiable de carrière puisque compte tenu de son âge (62 ans), le Docteur [U] n'a aucune chance de retrouver un poste comparable, à laquelle il convient d'ajouter au titre du préjudice moral la somme de 20 000 euros et enfin au titre de la réparation de la privation du droit de présenter un successeur

dont le Docteur [U] était normalement titulaire selon un usage professionnel constant, la somme de 108 000 euros représentant une annuité moyenne d'honoraires ;

-sur la procédure disciplinaire :

-par arrêt du 23-06-2014 le Conseil d'Etat a annulé la décision du Conseil de l'Ordre des médecins en date du 10 juillet 2012 dont se prévalait la clinique [1] et si une seconde décision rendue par l'instance disciplinaire le 23 janvier 2015 a retenu des manquements de M [U] à ses obligations déontologiques au sein de la clinique, cette décision qui lui a interdit l'exercice de la médecine pendant 8 jours est également frappée d'appel,

-en toute hypothèse la cour d'appel n'a pas à connaître d'un tel litige,

sur la prescription :

-les demandes ne sont pas prescrites s'agissant d'une action en répétition d'indu qui relève du régime des quasi contrats,

-les parties s'accordent sur le montant des honoraires perçus ainsi que des redevances réclamées équivalant à un pourcentage de 15% dont le docteur [U] conteste le bien-fondé en l'absence de services liés aux soins ou de consultation externe.

Dans ses conclusions signifiées le 10 juin 2014 la Clinique [1] sollicite la confirmation du jugement et le débouté des demandes du docteur [U] notamment de sa demande de sursis à statuer ainsi que sa condamnation à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient pour l'essentiel que:

-exerçant successivement à titre libéral dans quatre établissements au sein du GIE SANTE RETRAITE , le docteur [U] a signé le 2 janvier 2002 une convention d'exercice libéral avec l'HOPITAL PRIVE DE [Localité 3] aux fins d'exercer la médecine interne dans les locaux de cet établissement aux conditions ci-après définies:

« Le praticien assurera en conséquence la surveillance et le suivi médical des malades hospitalisés à l'HOPITAL PRIVE DE [Localité 3] en médecine interne. Il prodiguera ses soins aux malades hospitalisés à la Clinique et aux patients venant en consultation avec compétence et dévouement et conformément aux données acquises de la médecine. Le praticien a vocation à exercer son activité concurremment avec d'autres praticiens de la même discipline qui formeront l'équipe de médecine interne. »

-l'article 10 du contrat prévoit, en ce qui concerne le recouvrement des honoraires que : « Dans le cadre des conventions conclues par la Clinique avec les organismes de protection sociale, les honoraires du praticien entrant dans le cadre du tiers payant en ce compris les dépassements d'honoraires seront encaissés en qualité de mandataire médical par les Docteur [X] et [L], sauf à ce que la Clinique lui notifie le changement de mandataires et pourront être traités par le service administratif de la Clinique. »

-et l'article 11 prévoit également que:

'La redevance sera payable le jour du reversement des honoraires au praticien.

A défaut de paiement des sommes dues par le praticien à la Clinique au titre du présent article, un intérêt de retard égal au taux légal majoré de 3 points sera dû à compter de la mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception par la Clinique sans préjudice d'une éventuelle application des dispositions de l'article 15. »

-ledit article 15 prévoit une faculté de résiliation pour chacune des parties à tout moment par lettre recommandée avec accusé de réception moyennant le seul respect d'un préavis de 3 mois jusqu'à un an d'exercice, 6 mois jusqu'à 5 ans d'exercice, un an jusqu'à 10 ans d'exercice, 18 mois jusqu'à 15 ans d'exercice.

-enfin l'article 17 intitulé « cessibilité » dispose que : « Le présent contrat n'est pas cessible. »

- compte tenu du refus systématique du Docteur [U] de régler le montant des redevances, de ses nombreux manquements tant au contrat qu'aux règles déontologiques, l'HOPITAL PRIVE DE [Localité 3], par lettre du 20 février 2009 décidait en application de l'article 15 de la convention de résilier le contrat en respectant le préavis d'une durée d'un an contractuellement prévu et aux termes de la même lettre, le Docteur [U] était à nouveau mis en demeure d'avoir à régler les arriérés de redevances s'élevant à 49.201,07 € et à verser les redevances courant jusqu'à la fin de la période de préavis,

-le Docteur [U] effectuera son année de préavis dans des conditions exécrables qui donneront lieu à la saisine du Conseil de l'Ordre, par la clinique, ce à quoi il répondra en initiant la présente procédure,

-sur le sursis à statuer :

-cette demande doit être déclarée irrecevable au visa de l'article 771 du code de procédure civile puisque le sursis à statuer s'analysant comme une exception de procédure il relève de la seule compétence du conseiller de la mise en état en vertu des dispositions de l'article sus-visé,

-il n'est pas justifié du dépôt de plainte avec constitution de partie civile,

-l'attestation du Commissaire aux comptes Monsieur [H] qu'il argue de faux lui a été communiquée en décembre 2011 et M [U] ne l'a jamais sérieusement critiquée, se bornant à dire que les chiffres n'étaient pas détaillés pour prétendre trois ans après, une fois que le tribunal l'a condamné au paiement des redevances qu'il réglait, qu'il s'agirait d'un faux,

-sur les redevances:

-la redevance constitue une rétrocession licite d'honoraires destinée à rémunérer des service rendus et des prestations qui ne sont pas couvertes par les prises en charge de la sécurité sociale auparavant comprises dans le prix de journée,

-pour ne pas être contraire à l'article L 4113-5 du code de la santé publique cette somme doit correspondre aux services rendus et cette valeur n'est pas limitée au coût des installations techniques et des locaux ainsi que des dépenses de personnel mais elle peut également être appréciée au regard des avantages de toute nature qu'en retirent les praticiens comme l'a jugé le Conseil d'Etat, ( il s'agit notamment de la réception et l'orientation des patients, de l'utilisation des locaux par analogie au loyer, des charges générales: électricité, eau, chauffage, nettoyage, du coût du brancardage lorsque l'activité sort du cadre du règlement intérieur, etc'),

-c'est de façon totalement mensongère que le Docteur [U] affirme que le seul service qu'il aurait reçu de la clinique était la facturation et le recouvrement de ses honoraires. -cela est d'ailleurs en contradiction complète avec ses prétentions tendant à obtenir 300.000 € aux fins d'indemnisation de sa perte de carrière ce qui implique qu'il avait développé un véritable cabinet médical au sein de l'établissement,

-en l'espèce le docteur [U] a bénéficié de personnel administratif, d'une standardiste pour la réception et l'orientation des consultations, d'un bureau de consultation et d'une secrétaire médicale ainsi que d'un approvisionnement en consommables (alèses, gants, compresses, blouses) et enfin d'un local de 15m2,

-la mission demandée à Monsieur [H], Commissaire aux comptes, était d'établir une attestation à l'aide des documents qui lui étaient communiqués après qu'il en ait effectué le contrôle, ce qui est son rôle, tous les actes étaient codés et l'expert comptable de la clinique a conclu que cette dernière aurait été en droit de prélever des sommes supérieures correspondant à l'exacte contrepartie des services rendus à ce médecin,

-il en résulte que le montant de la redevance sollicitée du docteur [U] de 15% forfaitaire du montant de ses honoraires est très inférieure au coût réel des prestations engagées par la clinique pour lui permettre d'exercer son art,

-la ventilation des 15% après 2007 est sans incidence car les médecins règlent le coût de la redevance TTC,

-sur la résiliation:

-le principe en la matière est que l'établissement dispose de la faculté de résilier unilatéralement un contrat d'exercice à durée indéterminée à condition de respecter le préavis.

-il en est autrement lorsque cette rupture résulte de l'intention de nuire, d'une légèreté blâmable, de l'emploi d'un prétexte fallacieux ou encore de l'absence ou de l'insuffisance d'un préavis et il appartient au médecin de prouver cette faute, le seul silence de l'établissement sur les motifs de la rupture ne permettant pas de juger celle-ci abusive,

-en l'espèce la clinique a résilié le contrat sans commettre de faute dans l'exercice de son droit de résiliation et sa décision était justifiée par le refus du Docteur [U] de régler le montant des redevances contractuellement prévues correspondant à la contrepartie des services à lui rendus,

-le Docteur [U] ne démontre nullement la réalité du préjudice qu'il prétend avoir subi à supposer que la rupture ait été fautive et le préavis qui lui a été accordé lui a permis de se réinstaller d'ailleurs en violation de la clause de non concurrence prévue au contrat ce qui a été sanctionné par la Chambre disciplinaire de l'Ordre des Médecins.

La clinique a notifié le 4 février 2015 soit postérieurement à la clôture prononcée le 8 janvier 2015 des conclusions aux fins de révocation de celle-ci pour lui permettre de produire la décision de la Chambre disciplinaire de l'Ordre des avocats rendue fin janvier 2015 et M [U] s'est opposé à cette demande par conclusions du même jour.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture:

Considérant que la clinique [1] qui a produit le 4 février 2015 soit postérieurement au prononcé de la clôture le 8 janvier 2015 une pièce n°23 relative à une décision de la Chambre disciplinaire nationale de l'Ordre des médecin sollicite en application de l'article 784 du code de procédure civil la révocation de l'ordonnance de clôture et le prononcé de la clôture à l'audience de plaidoiries en date du 17 février 2015 ;

que cependant la production d'une telle pièce relative à une autre procédure et qui n'apparaît pas nécessaire aux débats ni de nature à éclairer la cour ne justifie pas la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 8 janvier 2015 ainsi sollicitée ;

Sur la prescription:

Considérant que l'action en répétition de redevances prétendues indûment prélevées par la clinique chargée de recouvrer les honoraires du médecin qui relève du régime spécifique des quasi-contrats n'est pas soumise à la prescription abrégée de l'article 2277 ancien ou de l'article 2244 du code civil ;

qu'en conséquence la demande en remboursement des redevances prélevées entre mars 2003 et avril 2008 présentée par M [U] qui n'est pas prescrite doit être déclarée recevable ;

qu'en revanche les demandes présentées par la clinique s'agissant du paiement des redevances se prescrivent par cinq ans en application des dispositions susvisées ;

Sur le sursis à statuer :

Considérant que par ordonnance en date du 11 septembre 2014 le conseiller de la mise en état compétent jusqu'à son dessaisissement pour statuer sur une demande de sursis à statuer a rejeté la demande qui lui était présentée à cette fin par M [U] dans les mêmes termes que ses conclusions en date du 11 juillet 2014 et au vu des mêmes pièces de sorte que la cour n'a pas à statuer à nouveau sur une telle demande ;

Sur les redevances:

Considérant qu'en application de l'article L 4113-5 du code de la santé publique la redevance payée par le médecin sur ses honoraires doit correspondre exclusivement par sa nature et par son coût aux services rendus effectivement par la clinique au praticien lié à celle-ci par un contrat d'exercice libéral;

qu'en l'espèce le contrat d'exercice médical signé entre les parties prévoyait en son article 2 les prestations fournies par la clinique au praticien et il s'agit notamment :

- des locaux nécessaires à l'exercice de sa spécialité,

- des bureaux de consultation équipés pour les consultations d'entrée et de sortie,

- de la fourniture de l'électricité, de l'eau, du chauffage, de l'usage de son standard téléphonique à titre professionnel, de l'entretien et du ménage des locaux du service et des parties communes également à sa disposition,

et en son article 11 intitulé refacturation que :

'Les dépenses afférentes aux prestations, services et fournitures qui sont engagées par la Clinique dans l'intérêt du praticien afin de faciliter l'exercice de son art et qui ne sont pas comprises dans le prix de journée, seront à la charge du praticien.

En contrepartie des prestations engagées par la Clinique aux termes de la présente convention, le praticien s'engage à verser à la Clinique une redevance égale à 15 % du montant des honoraires perçus par le praticien sur les actes médicaux pratiqués à la Clinique (honoraires de surveillance, consultations d'entrée et de sortie, etc').

Cette redevance sera payable le jour du reversement des honoraires au praticien';

que le docteur [U] soutient qu'en réalité et à défaut de services rendus par la clinique puisqu'il effectuait ses consultations au chevet des patients hospitalisés et n'avait aucun personnel dédié à son activité , ni local ou autre service ou matériel, ce pourcentage ne devait pas dépasser 1,5% correspondant aux seuls frais administratifs engagés pour lui par la clinique, (personnel du service comptabilité/facturation), alors que la clinique soutient que le pourcentage de 15% arrêté d'un commun accord entre les parties est en réalité inférieur aux services effectivement rendus au médecin par l'établissement, services qui comprennent la réception des appels téléphoniques le concernant, l'approvisionnement de son cabinet en consommables lors des consultations, la mise à disposition d'un bureau de consultation et du secrétariat médical correspondant et que M [U] reste redevable de ce chef de la somme de 49 201,07 euros ;

Considérant que l'accord résultant du contrat d'exercice libéral liant le docteur [U] à la clinique et selon lequel il était prévu un reversement forfaitaire de 15% ne peut recevoir application que dans la mesure où les prélèvements sur honoraires correspondent par leur coût et leur nature aux services effectivement rendus par la clinique au médecin et celle-ci doit démontrer que le montant des prélèvements effectués est la contrepartie exacte des services rendus au docteur [U] pour la période considérée ;

que la cour relève que seule la réalité des services rendus et non leur nature qui exclurait une telle prise en charge est contestée par le docteur [U] ;

qu'en l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats et notamment des lettres échangées entre les parties en novembre 2008 ainsi que de l'attestation du docteur [I] en date du 17 mars 2014 que ces deux praticiens occupaient un bureau au 3ème étage de la clinique puis au rez-de -chaussée dédié pour partie à l'accueil des patients et de leur famille ainsi qu'à la secrétaire chargée de taper les compte-rendus médicaux; que les éléments comptables soumis à M [H], expert comptable de la clinique confirment la mise à disposition du bureau et de la secrétaire médicale ;

que l'attestation du docteur [I], elle-même en conflit avec la clinique, versée aux débats par M [U] ne vient pas contredire la mise à disposition certes partagée d'un local pour accueillir la famille des patients et permettre la rédaction des compte-rendus par la secrétaire ;

qu'enfin l'évaluation des coûts engagés pour le docteur [U] effectuée par la clinique et contrôlée par son expert comptable M [D] [H] Commissaire aux comptes n'est pas utilement combattue par le docteur [U] qui n'a fourni aucun élément probant à l'appui de sa contestation du montant des frais engagés en contre partie des redevances prélevées ;

qu'en conséquence le pourcentage de 15% retenu de 2003 à février 2010 soit la somme de 102 168,03 euros n'excède pas le montant des frais correspondant aux services effectivement rendus par la clinique au praticien qui s'élèvent selon cette évaluation effectuée poste par poste, pour chaque exercice considéré et en tenant compte de la mise à disposition partagée d'un bureau à la somme de 112 496 euros comprenant outre les frais de recouvrement de ses honoraires et de facturation reconnus par le docteur [U], les dépenses relatives au bureau occupé à temps partagé par M [U] et à la secrétaire médicale chargée des prises de rendez-vous, de l'accueil des patients et de la frappe des comptes rendus ;

Considérant qu'il n'est pas contesté par le docteur [U] et est attesté part M [H] que pour la même période M [U] n'a pas réglé la totalité des redevances qui lui étaient réclamées;

qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de M [U] en restitution de redevances sur honoraires trop perçues à hauteur de la somme de 43 898 euros ;

Sur la résiliation du contrat d'exercice médical par la clinique:

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 15 de la convention liant les parties le contrat d'exercice médical est résiliable à tout moment par lettre recommandée avec accusé de réception moyennant le seul respect d'un préavis d'une durée d'un an entre 5 et 10 ans d'exercice sauf en cas de force majeure ou de faute du praticien, laquelle n'a pas été invoquée dans la lettre de résiliation adressée par la clinique à M [U] le 20 février 2009 ;

qu'il appartient à M [U] qui ne soulève pas la nullité d'une telle clause de démontrer le caractère abusif de la résiliation du contrat à durée indéterminée le liant à la clinique qui a appliqué le préavis d'un an contractuellement prévu sans invoquer à l'encontre du praticien de faute de nature à la dispenser de respecter le délai contractuel de préavis et ce, indépendamment du sort des manquements déontologiques reprochés par la clinique à M [U] et qui ne sont pas l'objet de la présente procédure comme l'a rappelé M [U] lui-même dans ses conclusions aux fins de rejet de la révocation de l'ordonnance de clôture sollicitée par la clinique;

qu'il ne peut en effet soutenir utilement à l'appui du caractère abusif de cette résiliation le fait qu'une plainte a été déposée à tort à son encontre par la clinique auprès de l'Ordre des médecins, ni prétendre que le caractère brutal de cette rupture l'aurait mis dans l'impossibilité de présenter un successeur alors qu'il a disposé d'un délai d'un an pour prendre les dispositions rendues nécessaires par la résiliation de son contrat et que la procédure disciplinaire a été engagée dix mois après l'envoi de la lettre de résiliation ;

qu'enfin, à supposer que le motif de la résiliation soit effectivement le non paiement des redevances, la clinique, qui n'a pas visé ce motif, au demeurant justifié, à l'appui de sa résiliation dans la lettre du 20 février 2009, n'a pas davantage usé de la faculté de résiliation pour faute la dispensant de respecter le préavis d'un an prévu dans les autres cas de résiliation de sorte que M [U] est mal fondé à faire valoir le caractère abusif d'une telle résiliation alors que le délai de préavis d'un an a été respecté par la clinique ;

que dès lors M [U] sera débouté de ses demandes en dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat d'exercice médical le liant à la Clinique [1] ;

Sur les demandes de la clinique :

Considérant que la clinique sollicite le paiement de la somme de 49.201,07€ au titre des redevances qu'elle estime lui être dues par le docteur [U] à compter de l'année 2007 jusqu'à l'année 2010 outre les intérêts légaux depuis la mise en demeure du 20 février 2009 mais que la cour relève que les décomptes fournis par la clinique mentionnent des redevances dues pour les années 2003 et 2004 non détaillées et pour les années 2007 et 2008 selon cette fois un décompte précis de sorte qu'il sera fait droit à la demande de la clinique à hauteur de la somme justifiée et non prescrite de 25 617,87 euros au titre des redevances impayées des exercices 2007 et 2008 ;

Considérant que l'abus du droit d'ester en justice et le comportement fautif du docteur [U] permettant de retenir sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil et d'allouer à la clinique des dommages-intérêts en réparation du préjudice en résultant ne sont pas démontrés, qu'il n'y a pas lieu de faire droit à ce chef de demande présenté en cause d'appel par la clinique ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile;

Vu l'article 696 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement, par décision contradictoire:

-Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture en date du 8 janvier 2015 ;

-Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le quantum des redevances dues par le docteur [U];

-Condamne M [Q] [O] [U] à payer à la société CLINIQUE [1] la somme de 25 617,87 euros au titre des redevances impayées des exercices 2007 et 2008 avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 2009 , date de la mise en demeure ;

Y ajoutant,

-Déboute la société CLINIQUE [1] de sa demande en dommages-intérêts ;

-Condamne M [Q] [O] [U] à payer à la société CLINIQUE [1] la somme de

4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

-Condamne M [Q] [O] [U] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 14/06875
Date de la décision : 27/03/2015

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°14/06875 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-27;14.06875 ?
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