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10/03/2015 | FRANCE | N°14/07679

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 10 mars 2015, 14/07679


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 10 MARS 2015



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/07679



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mars 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/02528



APPELANTE :



Madame [G] [V] épouse [J]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Jean-

Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945



INTIMES :



Monsieur [X] [F]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 10 MARS 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/07679

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mars 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/02528

APPELANTE :

Madame [G] [V] épouse [J]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

INTIMES :

Monsieur [X] [F]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour avocat plaidant Me Marie BURIDANT, avocat au barreau de PARIS, toque : P133

SA COVEA RISKS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant Me Pascal FONTBRESSIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1305

SA ALLIANZ IARD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour avocat plaidant Me Marie BURIDANT, avocat au barreau de PARIS, toque : P133

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Janvier 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente de chambre, présidente

Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Pervenche HALDRIC

Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Madame Pervenche HALDRIC, greffière présente lors du prononcé.

Dans le cadre d'une instance en divorce opposant les époux [J], Mme [G] [V] épouse [J] a produit trois rapports d'expertise établis par des experts-comptables évaluant le patrimoine professionnel de son époux à vingt millions d'euros et M. [J] un rapport évaluant le même patrimoine à six millions d'euros.

Compte tenu de la divergence de ces estimations, le juge aux affaires familiales a désigné un consultant, par jugement du 19 octobre 2010, en la personne de M. [X] [F], expert-comptable, avec mission de prendre connaissance des rapports et pièces financières produites par les parties, de comparer les méthodologies, de donner son avis et d'établir l'ordre de grandeur du patrimoine professionnel de M. [J].

M. [F] a déposé son rapport le 28 février 2011.

Par jugement du 6 septembre 2011, le juge aux affaires familiales a prononcé le divorce des époux [J] aux torts du mari et a attribué une prestation compensatoire de 2 100 000 euros constituée par l'attribution en pleine propriété de l'appartement indivis situé [Adresse 4], soit la quote-part de moitié appartenant à l'époux d'une valeur de 1 500 000 euros, et un capital complémentaire de 600 000 euros devant être versé en huit années par mensualités de 6 250 euros.

Cette décision sera confirmée par arrêt de cette cour en date du 4 octobre 2012.

Par acte du 30 décembre 2011, Mme [V] a fait assigner en responsabilité le consultant M. [F] devant le tribunal de grande instance de Paris en lui reprochant un manque d'impartialité et diverses fautes dans l'exécution de sa mission et poursuivant sa condamnation à réparer le préjudice en résultant pour elle, soit une somme de 5 600 000 euros à parfaire ainsi que celle de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Covea Risks et Allianz Iard, assureurs de responsabilité professionnelle de M. [F] sont intervenus volontairement à l'instance.

Par jugement du 4 mars 2014, le tribunal a débouté Mme [V] de ses demandes, l'a condamnée à payer à M. [F], la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Les premiers juges ont pour l'essentiel considéré que les griefs soulevés par Mme [V] pour voir engager la responsabilité du consultant étaient les mêmes que ceux qu'elle avait formulés dans le cadre de l'instance en divorce au soutien de la demande en nullité du rapport, que ces griefs avaient été écartés par une décision devenue définitive, qu'au demeurant les juges du divorce n'étaient pas liés par l'avis de l'expert et avaient statué au regard de l'ensemble des pièces produites et contradictoirement discutées par les parties, de sorte que le lien de causalité entre les fautes alléguées et le préjudice invoqué n'était pas établi.

Mme [V] a relevé appel de cette décision selon déclaration en date du 7 avril 2014.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 8 janvier 2015, elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de juger que M. [X] [F] a commis des fautes graves dans le choix de la méthode d'évaluation du patrimoine professionnel de M. [J] et de la période de référence, en dépréciant les résultats trouvés sans référence à aucune règle méthodologique, en omettant de comparer le groupe Weill à une société cotée comparable, en omettant d'intégrer dans son évaluation la valeur de la marque '[J]' et les droits au bail, et en retenant une méthodologie erronée s'agissant du coût des loyers de remplacement, de dire et juger 'qu'il résulte, en général, des fautes graves dans l'évaluation du patrimoine professionnel de M. [J] ayant un lien direct avec le préjudice causé', en conséquence, de condamner M. [F] au paiement de la somme de 840 000 euros sauf à parfaire, de débouter les intimés de leurs demandes, de condamner M. [F] au paiement d'une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 12 janvier 2015, M. [F] et la société Allianz Iard demandent à la cour de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a limité à 5 000 euros le montant des dommages-intérêts alloués à M. [F] et, statuant à nouveau de ce chef, de condamner Mme [V] à payer à M. [F] la somme de 30 000 euros de ce chef, en tout état de cause, de donner acte à la société Allianz des limites de sa garantie plafonnée à 1 500 000 euros moyennant une franchise de 1 500 euros et de condamner Mme [V] au paiement d'une somme de 10 000 euros à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 30 juillet 2014, la société Covea Risks demande à la cour de confirmer le jugement déféré, de condamner Mme [V] au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens.

SUR CE

Mme [V] recherche la responsabilité pour faute du consultant judiciaire désigné par le juge aux affaires familiales en invoquant la perte de chance résultant pour elle des conclusions erronées du rapport déposé dans l'instance en fixation par le juge du divorce de la prestation compensatoire qui lui a été allouée.

Mais la responsabilité de l'expert judiciaire ne peut être recherchée que s'il a commis une erreur suffisamment grave ayant échappé au contrôle du juge et à la discussion des parties, le lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice invoqué n'étant établi que si, le juge étant demeuré dans l'ignorance de l'erreur, le rapport de l'expert a nécessairement influé sur sa décision.

Or, il résulte des faits de l'espèce que M. [F], consultant désigné, l'a été avec pour mission notamment de donner son avis sur les rapports produits par les parties relativement à l'évaluation du patrimoine de M. [J] ( rapports de M. [O], M. [Y] et de M. [S] par Mme [V], rapport de M. [W] par M. [J]), puis, qu'une fois le rapport [F] déposé, Mme [V] a sollicité unilatéralement deux avis d'experts inscrits sur la liste des experts auprès de la Cour de cassation, MM. [D] et [R], lesquels ont critiqué le rapport [F] dont la nullité était poursuivie et la pertinence discutée dans le cadre de l'instance en divorce.

Il en résulte que loin de s'être fondés sur le seul rapport de consultation de M. [F], le juge aux affaires familiales puis la cour d'appel dans son arrêt confirmatif disposaient de tous éléments soumis à la discussion contradictoire des parties pour fixer le montant de la prestation compensatoire revenant à Mme [V], en ce compris les avis critiques des sachants auxquels elle avait fait appel pour critiquer le rapport de M. [F].

Le juge du divorce s'est ainsi prononcé en toute connaissance de cause des griefs faits à M. [F], tant au regard du principe du contradictoire ou du devoir d'impartialité, griefs qui ont été écartés, que des querelles méthodologiques qui opposaient les parties et dont les termes lui étaient parfaitement connus.

Il sera relevé de surcroît, comme la cour d'appel l'a spécialement souligné dans son arrêt du 4 octobre 2012, que la prestation compensatoire est fixée non pas seulement au regard du patrimoine estimé ou prévisible des époux mais aussi en considération d'éléments qui lui sont étrangers, tels la durée du mariage, l'âge et la santé des intéressés, leur qualification et leur situation professionnelle ainsi que les conséquences de leurs choix professionnels respectifs pendant la vie commune.

Il en ressort, sans même qu'il y ait lieu d'examiner les fautes reprochées à M. [F], en tous points identiques à celles qui ont été discutées lors de l'instance en divorce, que Mme [V] échoue à rapporter la preuve qui lui incombe d'un lien de causalité direct ente ces dernières et le préjudice allégué, lequel a évolué en cours d'instance de 5, 6 millions d'euros à 840 000 euros, comme celle du caractère certain de la perte de chance désormais invoquée, laquelle supposerait acquis que les juges se soient exclusivement fondés sur une appréciation gravement erronée du sachant dans l'ignorance de laquelle ils seraient demeurés.

Or, les faits de l'espèce établissent que tel n'a pas été le cas, étant observé à toutes fins que Mme [V] n'a pas formé de pourvoi contre l'arrêt confirmatif ayant déterminé le montant de sa prestation compensatoire.

Le jugement déféré sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions, en ce compris l'indemnité au titre de la procédure abusive qui a été allouée à M.[F], et que les faits de la cause justifient pleinement, sans qu'il y ait lieu d'y ajouter en cause d'appel.

La société Covea Risks manque, quant à elle, à établir la réalité du préjudice qu'elle invoque de ce chef et sera par conséquent déboutée de sa demande à ce titre.

Mme [V] sera condamnée en équité à payer à M. [J] la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel sans qu'il y ait lieu de faire d'autres applications de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne Mme [V] à payer à M. [J] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne Mme [V] épouse [J] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 14/07679
Date de la décision : 10/03/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°14/07679 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-10;14.07679 ?
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