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10/03/2015 | FRANCE | N°12/23482

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 10 mars 2015, 12/23482


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5



ARRÊT DU 10 MARS 2015



(n°2015/ , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/23482



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Novembre 2012 -Tribunal de Grande Instance d'AUXERRE - RG n° 11/00508





APPELANTES



Madame [F] [X] - [H]

[Adresse 1]

[Localité 2]



et



Compagnie d'assura

nces MUTUELLE ASSURANCE DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES dite MATMUT

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentées par Me Pierre-Robert AKAOUI de la SCP AKAOUI, AKAOUI-CARNEC, avocat au barreau de PARIS, toque :...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRÊT DU 10 MARS 2015

(n°2015/ , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/23482

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Novembre 2012 -Tribunal de Grande Instance d'AUXERRE - RG n° 11/00508

APPELANTES

Madame [F] [X] - [H]

[Adresse 1]

[Localité 2]

et

Compagnie d'assurances MUTUELLE ASSURANCE DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES dite MATMUT

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentées par Me Pierre-Robert AKAOUI de la SCP AKAOUI, AKAOUI-CARNEC, avocat au barreau de PARIS, toque : C0673

INTIMÉE

SARL MAYTOP ISO 89 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250

Assistée par Me Béatrice CARLO-VIGOUROUX de la SCP BAZIN-PERSENOT-LOUIS SIGNORET CARLO-VIGOUROUX, avocat au barreau d'AUXERRE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Février 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente de chambre, entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente de chambre

Monsieur Christian BYK, Conseiller

Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Aouali BENNABI

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine LE FRANÇOIS, présidente et par Madame Aouali BENNABI, greffier présente lors de la mise à disposition.

Le 17 avril 2003, Monsieur [W] [C], gérant de la SARL MAYTOP ISO 89, a été victime d'un accident de la circulation.

Par jugement définitif du Tribunal correctionnel d'Auxerre en date du 2 décembre 2003, Madame [F] [X] épouse [H] a été déclarée responsable du préjudice subi par Monsieur [C].

Par ordonnance de référé en date du 6 décembre 2003, une expertise a été confiée à Monsieur [T] qui a déposé son rapport le 7 juillet 2006.

Par ordonnance de référé du 8 juin 2004 confirmée par arrêt de cette cour du 11 février 2005, une provision de 213.734,63 euros, correspondant à l'état des dettes revalorisées pour la mise en sommeil de la société MAYTOP ISO 89 a été accordée.

Par ordonnance de référé en date du 22 décembre 2009, Monsieur [T] a, de nouveau, été désigné en qualité d'expert pour chiffrer le préjudice subi par la société MAYTOP mise en sommeil depuis le 30 avril 2004 sur justification de Monsieur [C] de son incapacité définitive à reprendre ses activités de gérant de la société. Le rapport d'expertise a été déposé le 31 mars 2009.

Par acte du 13 avril 2011, la société MAYTOP ISO 89 a assigné Madame [X] et la MUTUELLE D'ASSURANCE DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES (la MATMUT) devant le Tribunal de Grande Instance d'Auxerre qui, par jugement en date du 26 novembre 2012, a condamné in solidum Madame [X] épouse [H] et la MATMUT à payer à la société MAYTOP ISO 89 la somme de 88.531,06 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, celle de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, rejetant les autres demandes .

Par déclaration du 24 décembre 2012, Madame [X] et la MATMUT ont interjeté appel.

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 22 mars 2013, elles sollicitent l'infirmation du jugement déféré, demandant à la cour de juger qu'il n'existe pas de lien direct, certain entre l'accident survenu le 17 avril 2003 et le préjudice allégué par la société MAYTOP ISO 89, que cette dernière ne peut prétendre à l'indemnisation d'un préjudice indirect ou par ricochet à la suite de l'accident dont Monsieur [C] a été victime le 17 avril 2003, de débouter la société MAYTOP ISO 89 de l'ensemble de ses réclamations, et de condamner la société MAYTOP ISO 89 à rembourser à la MATMUT la somme de 132.689,83 euros et aux dépens.

Par ses dernières conclusions en date du 22 mai 2013, la société MAYTOP ISO 89 demande la confirmation du jugement, le débouté des appelantes de toutes leurs demandes et leur condamnation in solidum à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 janvier 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le lien de causalité entre le préjudice allégué par la société MAYTOP ISO 89 et l'accident

Considérant que Madame [X] et la MATMUT soutiennent que le préjudice allégué trouve sa source dans la situation financière critique de la société MAYTOP ISO 89 antérieure à l'accident, rappelant que suite à la démission du précédent dirigeant en 1997 et au départ concomitant de plus de la moitié du personnel, la société MAYTOP ISO 89 s'est trouvée fortement désorganisée et a connu d'importantes difficultés de trésorerie corrélées à l'effondrement de son chiffre d'affaires, qu'il n'est donc pas certain que, sans l'accident, l'entreprise aurait pu survivre malgré ses graves difficultés financières ce dont il résulte qu'il n'y a pas lieu de faire supporter à la MATMUT les conséquences financières d'une part de la mise en sommeil de la société qui correspond à la trésorerie nécessaire pour faire face à des dettes non acquittées dans le passé en raison de graves difficultés financières préexistantes à l'accident et d'autre part de la cessation définitive de la société dans la mesure où elle n'est que la conséquence indirecte de l'accident et qu'elle trouve son origine principale dans la situation financière passée ;

Considérant qu'invoquant les conclusions de l'expert , la société MAYTOP ISO 89 fait valoir que l'accident de Monsieur [C] a fait basculer l'équilibre certes déjà fragile de l'entreprise en l'empêchant d'assurer ne serait-ce que son quotidien et que l'accident a ainsi privé la société de son dirigeant et principal employé, que du fait de l'arrêt définitif de son activité et de l'impossibilité de son gérant de reprendre son activité, elle est incessible et que c'est donc la valeur totale de la société, au moment de l'accident, que l'expert a retenu pour évaluer son préjudice ;

Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que la société MAYTOP ISO 89 avait pour activité principale la fabrication, l'achat, la vente, le commerce de techniques et de produits d'isolation thermique et acoustique, d'étanchéité ainsi que tous les travaux du bâtiment destinés à la construction neuve ou ancienne et la renovation, qu'elle posait ainsi notamment des survitrages, doubles vitrages, volets roulants et stores, qu'elle avait également développé un concept de rénovation d'escaliers avec un habillage en stratifié, qu'au moment de l'accident de Monsieur [C], elle avait un effectif de cinq personnes, Monsieur [C] compris ;

Considérant qu'au vu des constatations non contestées de l'expert sur ce point, Monsieur [C] occupait les fonctions de gérant, poseur, commercial et dirigeant de l'entreprise et que du fait de son absence, il n'a pas été en mesure d'assurer la direction de l'entreprise, de la gérer au quotidien, de motiver et contrôler ses salariés, d'effectuer les poses sur les chantiers, d'établir certains devis, d'aider ses salariés pour les manipulations et les déplacements d'objets lourds ou dans le cadre de situations difficiles, qu'il s'en évince que le rôle de Monsieur [C] dans l'entreprise était primordial et que l'accident a brutalement privé la société MAYTOP ISO 89 de son dirigeant qui était également son principal employé ;

Considérant qu'il est par ailleurs établi, par les documents médicaux présentés à l'expert, qu'après la mise en sommeil de la société décidée par son gérant, et en raison de la persistance de séquelles résultant des fractures ouvertes de la jambe et du métatarsien du pied, Monsieur [C] ne pourra pas reprendre ses activités antérieures ;

Considérant que s'agissant des difficultés antérieures de la société MAYTOP ISO 89, l'expert, dans une note en réponse du 21 mai 2004, répondu de la manière suivante : 'Le fait que la SARL MAYTOP ISO ait eu des difficultés financières n'est pas inconnu des partie, a fortiori de l'expert . L'absence de capitaux propres, soit un montant négatif de 107 772 euros n'est pas en soi un critère suffisant qui caractérise l'entreprise, d'autant que cette société n'était pas en cessation de paiements, les créanciers étant réglés . C'est donc bien, à notre sens, l'accident de Monsieur [C] qui a fait 'basculer' l'équilibre, certes déjà fragile de l'entreprise, en l'empêchant d'assurer ne serait-ce que son quotidien' ;

Considérant que, suivant en cela l'avis de l'expert il est suffisamment établi que c'est bien la cessation brutale d'activité de Monsieur [C] , 'homme clé' de l'entreprise qui a empêché celle-ci de maintenir son activité ce qui l'a rendue incessible et que la perte de la valeur vénale de l'entreprise est la conséquence directe et certaine de l'arrêt d'activité de Monsieur [C] consécutive à l'accident ;

Sur la provision réglée au titre de la mise en sommeil et la limitation du préjudice de la société MAYTOP ISO 89 proportionnellement aux parts détenues par Monsieur [C] au moment de l'accident .

Considérant que Madame [X] et la MATMUT soutiennent que conformément au principe de la réparation intégrale, il n'est pas concevable de cumuler l'indemnisation d'un préjudice d'une société volontairement mise en sommeil dans la perspective d'une poursuite d'activité avec le préjudice correspondant à la valorisation de la société suite à sa cessation d'activité sans reprise effective, même partielle, qu'elles contestent la méthode de calcul du coût de la mise en sommeil, exposant qu'elles n'ont pas à supporter les difficultés de trésorerie de l'entreprise et que s'il devait être jugé que la MATMUT doit supporter le coût de la mise en sommeil, il conviendrait de le réintégrer dans le calcul opéré par l'expert pour déterminer la valeur de la société dans la mesure où l'expert a pris en compte les indemnités obtenues dans le cadre de la procédure en concurrence déloyale, gonflant de ce fait artificiellement les résultats de la société et ainsi la valeur de la société alors que pour calculer l'indemnité de mise en sommeil, il n'a pas tenu compte du montant prévisible des indemnités à recevoir, qu'elles ajoutent qu'il convient de limiter l'indemnisation du préjudice à la valorisation de la société proportionnellement au pourcentage des parts sociales détenues par Monsieur [C] au jour de l'accident soit 49% , ce dont il résulte que le préjudice doit être limité à la somme

de 43 380,22 euros, en valeurs 2011 ;

Considérant que la société MAYTOP ISO 89 répond que si une autre solution que la mise en sommeil avait été choisie cela aurait eu pour conséquence que l'activité n'aurait généré aucun chiffre d'affaires mais qu'il aurait fallu assumer l'intégralité des charges, au préjudice de l'auteur de l'accident et de son assureur, qu'en toute état de cause, le chiffrage de la mise en sommeil a été avalisé par la cour et qu'il n'y a plus lieu de le remettre en cause, qu'elle ajoute que l'impossibilité de reprise de l'activité est la conséquence directe de l'accident dont a été victime Monsieur [C] et qu'aucun élément ne permet d'établir que les dirigeants de la société MAYTOP ISO 89 n'auraient délibérément pris aucune disposition permettant la poursuite de l'activité de la société ;

Mais considérant que la société MAYTOP ISO 89 ne peut prétendre que la cour d'appel a définitivement statué sur l'indemnité de mise en sommeil dans son arrêt du 11 février 2005 alors que l'absence d'autorité de chose jugée au principal de l'ordonnance de référé s'applique également à l'arrêt rendu par la cour sur appel de cette décision ;

Considérant que la mise en sommeil de la société MAYTOP ISO 89 procède de la seule décision du dirigeant de l'entreprise, ainsi que l'a rappelé l'expert, que la lecture du premier rapport d'expertise démontre en effet que l'expert avait fait état d'une possible liquidation amiable de la société dès 2004, que la société MAYTOP ISO 89 ne peut prétendre être indemnisée à la fois de dépenses exposées dans le but de reprendre l'activité ultérieurement et de la perte de valeur de la société, qu'alors que la présente instance a pour objet la liquidation de son préjudice, elle n'a en outre saisi la juridiction d' aucune demande chiffrée concernant des dépenses qu'elle impute directement à l'accident tels les licenciements ou les honoraires de l'expert comptable ou de l'avocat ;

Considérant en conséquence qu'il y aura lieu d'imputer le montant de la provision reçue sur le préjudice définitivement retenu et de condamner la société MAYTOP ISO 89 à restituer la différence, avec intérêts au taux légal non pas à compter du versement de la provision mais à compter de la date de signification des écritures de Madame [X] et de la MATMUT devant les premiers juges sollicitant cette restitution, valant mise en demeure ;

Considérant qu' il n'y a pas lieu de limiter les dommages et intérêts à la valorisation de la société proportionnellement au pourcentage des parts sociales détenues par Monsieur [C] alors que le préjudice de la société est égal à la totalité de la perte de sa valeur ;

Considérant que c'est à juste titre que l'expert a réintégré dans les résultats de la société l'indemnité de 366 000 euros perçue par celle-ci à l'issue d'un litige avec l'ancien dirigeant de la société et la nouvelle société qu'il avait créée puisque ces dommages et intérêts avaient pour but de compenser le préjudice d'exploitation résultant des agissements de ces derniers, qu'en conséquence, suivant en cela les conclusions de l'expert, il apparaît que le préjudice de la société MAYTOP ISO 89 au titre de sa perte de valeur s'élève à la somme de 88 531, 06 euros ;

Considérant que la société MAYTOP ISO 89 sera dès lors condamnée à rembourser à la MATMUT la somme de 213 734,66 - 88 531, 06 euros=125 203, 60 euros;

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Considérant qu'il convient de condamner in solidum Madame [X] et de la MATMUT aux dépens de première instance, comprenant le coût des deux expertises judiciaires qui ont été nécessaires pour déterminer le préjudice de la société MAYTOP ISO 89, qu'il y a lieu par contre de débouter la société MAYTOP ISO 89 de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner celle-ci aux dépens de la procédure d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour , statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout,

Fixe le préjudice de la société MAYTOP ISO 89 à la somme de 88 531, 06 euros,

Compte tenu de la provision de 213 734,66 euros versée, condamne la société MAYTOP ISO 89 à rembourser à la MATMUT la somme de 125 203, 60 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification des écritures de Madame [X] et de la MATMUT devant les premiers juges sollicitant cette restitution,

Déboute la société MAYTOP ISO 89 de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Madame [X] et de la MATMUT aux dépens de première instance, comprenant le coût des deux expertises judiciaires,

Condamne la société MAYTOP ISO 89 aux dépens de la procédure d'appel,

Dit que les dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 12/23482
Date de la décision : 10/03/2015

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°12/23482 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-10;12.23482 ?
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