Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 2
ARRÊT DU 06 MARS 2015
(no 2015-54, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 17243
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juillet 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 08/ 14554
APPELANTS
SA AXA FRANCE IARD agissant en la personne de son représentant légal 313 Terrasse de L'Arche 92727 NANTERRE CEDEX
Monsieur Jacques X... ...06000 NICE
Représentés par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
INTIMES
Madame Sabine Y... Née le 17. 06. 1963 à Nice prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de sa fille Margot Y... née le 14. 10. 1993 ...06300 NICE
Monsieur Jean-Marc Y... Né le 03. 12. 1960 pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de sa fille Margot Y... née le 14. 10. 1993 ...06300 NICE
Représentés par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD et THOMAS-AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055 Associés de Me Emmanuelle GUYON de la SELARL LE BANNOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L299
MUTUELLE D'ASSURANCES DU CORPS DE SANTÉ FRANÇAIS pris en la personne de son représentant légal 10 rue Valmy 92500 PUTEAUX
Madame Monique Z... veuve A... Née le 05. 06. 1945 à Alger ...06100 NICE
Représentées par Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653 Assistées de Me Adeline MOUGEOT de la SCP CHASTANT, avoact au barreau de PARIS, toque : 72
Madame Myriam B... Né le 01. 08. 1963 à Audincourt ... 34500 BEZIERS
Société LE SOU MÉDICAL prise en la personne de son représentant légal Cours du Triangle 10 rue de Valmy 92800 PUTEAUX
Représentés par Me Claude CHAUVET de l'AARPI BURGOT-CHAUVET et ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : R123 Représentés par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090 Assistés de Me Anais FRANÇAIS de la AARPI BURGOT-CHAUVET et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R123
SA GENERALI IARD prise en la personne de son représentant légal 7, boulevard Haussmann 75009 PARIS
SA POLYCLINIQUE SANTA MARIA prise en la personne de son représentant légal 51 à 59, avenue de Californie 155 promenade des Anglais 06200 NICE
Représentés par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111 Assistés par Me Marine ROWEZ de la SCP NORMAND et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141, substituant Me Gilles CARIOU, avocat au barreau de Paris, toque : P0141
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARITIMES pris en la personne de ses représentants légaux 48, avenue Roi Robert Comte de Provence 06100 NICE
Défaillante. Régulièrement avisée.
CAISSE MUTUELLE COMPLÉMENTAIRE ET D'ACTION SOCIALE DU PERSONNEL DES INDUSTRIES ELECTRIQUES ET GAZIERES DES ALPES-MARITIMES prise en la personne de son représentant légal 16, route de Turin 06359 NICE CEDEX 4
Défaillante. Régulièrement avisée.
COMPOSITION DE LA COUR :
Madame Isabelle CHESNOT, conseillère, ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 janvier 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Anne VIDAL, présidente de chambre Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère Madame Isabelle CHESNOT, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Malika ARBOUCHE
ARRÊT :
- réputé contradictoire-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Madame Anne VIDAL, présidente et par Mme Malika ARBOUCHE, greffière.---------------------
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par jugement définitif rendu le 14 juin 2004 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS, la Polyclinique SANTA MARIA, GENERALI France, le Dr Jacques X..., AXA France IARD, Madame Myriam B..., le SOU MEDICAL, Madame Monique A... et la MACSF ont été condamnés in solidum à verser une indemnité provisionnelle à Margot Y..., sous l'administration légale de ses parents, à hauteur de 700. 000 ¿ avec intérêts et à la CPAM des Alpes Maritimes la somme provisionnelle de 10 900, 64 ¿ avec intérêts à valoir sur le remboursement des prestations versées pour le compte de Margot Y.... Les premiers juges ont considéré que leur comportement était à l'origine pour Margot d'une perte de chance de 70 % d'éviter les séquelles qu'elle subit et que cette perte de chance était imputable aux défendeurs de la manière suivante :-30 % pour le Dr X...,-30 % pour Mme B...,-40 % pour Mme A.... Avant dire droit sur les préjudices de toute nature et l'indemnisation définitive de l'enfant Margot Y... ainsi que sur le préjudice économique de sa mère, Sabine Y..., une mesure d'expertise médicale devant être réalisée lorsque Margot aurait atteint l'âge de 15 ans a été ordonnée, les Docteurs G... et H... étant désignés pour y procéder.
Les conclusions des experts médicaux ont été les suivantes :- Infirmité motrice cérébrale et lésion cérébrale irréversible à l'origine d'un handicap psychomoteur-DFTT du 14 octobre 1993 au 24 février 2009- Consolidation le 24 février 2009- AIPP 85 %- Dommages esthétiques 6/ 7- Souffrances endurées 6/ 7- Existence d'un préjudice d'agrément-Nécessité d'une tierce personne de l'âge de 3 à 6 ans, 6 heures par jour ; à partir de 6 ans : 24 h/ 24 h, 14 h en actif et 10 heures en passif ; à partir de 12 ans : 2 heures par jour supplémentaire-Existence d ` un préjudice scolaire et d'une incidence professionnelle.
Par jugement du 5 juillet 2010, le Tribunal de Grande Instance de PARIS a :- Condamné la Polyclinique SANTA MARIA, la société GENERALI, Jacques X... , la société AXA France IARD, Myriam B..., la société LE SOU MEDICAL, Monsieur A... et la MACSF à payer à Monsieur et Madame Y... , en leur qualité d'administrateurs légaux de leur fille Margot, déduction faite de la provision de 700 000 ¿ déjà allouée, la somme de 720 115, 60 ¿ à titre de dommages et intérêts pour l'indemnisation du préjudice subi par leur fille avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;- Condamné la Polyclinique SANTA MARIA, la société GENERALI, Jacques X... , la société AXA France IARD, Myriam C..., la société LE SOU MEDICAL, Monsieur A... et la MACSF à payer à Monsieur et Madame Y... , en leur qualité d'administrateurs légaux de leur fille Margot Y... :- une rente trimestrielle viagère due au titre de la tierce personne future de 27 982, 50 ¿, revalorisable et payable à compter du 14 octobre 2009, pour un capital représentatif de 3 135 830, 80 ¿ ;- Au titre de la perte de chance professionnelle de leur fille, une rente trimestrielle viagère de 3 150 ¿, révalorisable et payable à compter du 14 octobre 2011, pour un capital représentatif de 349 713 ¿ ;- Dit que ces rentes seront payables à terme échu avec intérêt au taux légal à compter de chaque échéance et seront révisables chaque année conformément à l'article 2 de la loi du 24 mai 1951, étant précisé que l'indexation n'interviendra et les intérêts ne seront exigibles qu'à compter du présent jugement ;- Dit que la rente versée au titre de la tierce personne sera suspendue en cas de prise en charge en milieu médicalisé pendant 45 jours ;- Dit qu'il sera sursis à statuer sur les demandes relatives à l'aménagement du logement des époux Y..., jusqu'à ce que ces derniers aient pris une décision quant au lieu de vie de la famille et quant à un éventuel déménagement, des justificatifs devront alors être produits à l'appui de cette demande ;- Dit qu'il sera également sursis à statuer sur le préjudice professionnel jusqu'à la majorité de Margot Y.... La CPAM des Alpes Maritimes et la caisse mutuelle complémentaire et d'action sociale du personnel des industries électriques et gazières des Alpes Maritimes, régulièrement assignées, n'ont pas comparu.
Le Docteur Jacques X... et la Société AXA France IARD ont fait appel de cette décision et les époux Y... ont interjeté appel incident.
Par arrêt du 30 novembre 2012, la juridiction de céans a :- confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions relatives à l'indemnisation de la perte de chance professionnelle et à l'indemnisation de l'assistance par tierce personne de Margot Y...,- confirmé le jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur l'indemnisation des frais d'aménagement du logement de Margot Y...,- désigné en qualité d'experts, Monsieur Claude D... et Monsieur Pascal E... .
Les consorts Y... se sont pourvus en cassation et par arrêt du 19 février 2014, la Cour de Cassation a rejeté leur pourvoi.
Monsieur F..., architecte, désigné en remplacement de Monsieur D... et Monsieur Pascal E..., ergothérapeute, ont déposé leur rapport le 12 mars 2014.
Après avoir décrit le logement actuel de la famille Y..., les handicaps de Margot Y..., ses besoins au regard d'un projet de vie à son domicile, les experts judiciaires concluent ainsi :- Le logement actuel est techniquement impossible à adapter, vu sa configuration et les besoins les plus élémentaires qu'induit le handicap de Margot Y.... Monsieur et Madame Y... sont donc résolus à déménager,- Le nouveau logement devra disposer d'un espace de stationnement couvert, en communication directe avec le domicile,- Cet espace de stationnement ne devra pas interdire à Margot Y... de mettre en place, sa vie durant, différents types et modèles de véhicules adaptés de sorte qu'il devra être de 5 m sur 8, soit d'une surface de 40 m2,- Margot Y... devra donc disposer d'un logement de plain pied,- La chambre de Margot Y... devra mesurer 15 à 20 m2, La salle de bain de Margot Y... devra être attenante à sa chambre et devra être au moins de 6 m2,- Margot Y... devra disposer d'un espace de 15 à 20 m2, spécifiquement adapté à sa rééducation, à ses activités et au rangement des matériels qu'elle utilise quotidiennement,- Le logement devra donc disposer d'une chambre supplémentaire de 9 m2 spécifiquement dédiée aux tierces personnes,- Un espace de 4 m2 également dédié aux tierces personnes devra comporter un WC, une douche et un lavabo,- Le séjour, la cuisine et les dégagements devront être accessibles en fauteuil roulant, poussé par une tierce personne.
Ils indiquent ainsi que le futur logement devra comporter du fait des handicaps de Margot Y... un espace de stationnement de 40m2 couvert et attenant au domicile, et une surface habitable supplémentaire qui sera de l'ordre de 55 m2 à 70 m2, Ils précisent qu'ils ne pourront évaluer les surfaces exactes et le coût des éventuels travaux d'aménagement spécifiques complémentaires qu'après achat du logement correspondant aux surfaces ci-dessus décrites, qu'à leur avis, la lourdeur des handicaps et des activités adaptées qui ont pu être mises en place pour Margot Y... grâce à des tierces personnes très spécifiques et à proximité, impose que le futur logement continue d'être situé dans le même quartier que celui actuel, qu'ils ne peuvent faire obligation à la victime de se couper des tierces personnes qui interviennent pour pallier ses handicaps.
C'est dans ces conditions que le litige revient devant la cour.
Par conclusions signifiées le 1er décembre 2014 mais matériellement rectifiées à l'audience avant l'ouverture des débats et sans opposition des autres parties, la cour acceptant alors de révoquer la clôture, de recevoir ces conclusions rectifiées et de clôturer à nouveau l'instruction de l'affaire, Monsieur Jean-Marc Y... agissant à titre personnel et Madame Sabine Y... agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de tutrice de sa fille Margot Y... demandent à la cour, vu le rapport d'expertise de Messieurs F... et E..., de :
- Dire et juger qu'ils sont recevables et bien fondés en I'ensemble de leurs prétentions ;- Débouter la POLYCLINIQUE SANTA MARIA, la société GENERALI, Jacques X..., la société AXA France IARD, Myriam B..., la société LE SOU MÉDICAL, Monique A... et la MACSF de l'intégralité de leurs demandes ;- Condamner in solidum la POLYCLINIQUE SANTA MARIA, la société GENERALI, Jacques X..., la société AXA France IARD, Myriam B..., la société LE SOU MEDICAL, Monique A... et la MACSF à payer à Madame Y..., en sa qualité de tutrice de sa fille Margot Y... la somme de 574. 000 ¿ à titre de provision à valoir sur l'indemnisation relative à l'aménagement du domicile ;- A titre subsidiaire, les condamner à payer à Madame Y... en sa qualité de tutrice de sa fille Margot Y... la somme de 511. 000 ¿ à titre de provision à valoir sur l'indemnisation relative à l'aménagement du domicile ;- Surseoir à statuer sur l'indemnisation définitive de ce poste de préjudice dans l'attente de l'achat de leur futur logement ;- Dire qu'il y aura lieu d'ordonner une nouvelle expertise architecturale lorsqu'ils auront acquis leur logement afin de déterminer les travaux nécessaires afin qu'il soit adapté au handicap de Margot Y... ;- Condamner in solidum la POLYCLINIQUE SANTA MARIA, la société GENERALI, Jacques X..., la société AXA France IARD, Myriam B..., la société LE SOU MEDICAL, Monique A... et la MACSF à payer à Madame Y..., en sa qualité de tutrice de sa fille Margot Y... la somme de 28. 000 ¿ à titre de provision à valoir sur l'indemnisation relative aux frais de petits matériels et d'équipements ;- Ordonner une expertise confiée à un ergothérapeute avec mission habituelle en la matière ;- Condamner in solidum la POLYCLINIQUE SANTA MARIA, la société GENERALI, Jacques X..., la société AXA France IARD, Myriam B..., la société LE SOU MEDICAL, Monique A... et la MACSF à payer à Madame Y... en sa qualité de tutrice de sa fille Margot Y... la somme de 3. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens dont distraction au profit de SELARL INGOLD et THOMAS ;- Rendre l'arrêt à intervenir commun à la CPAM des Alpes Maritimes et à la Caisse mutuelle complémentaire et d'action sociale du personnel des industries et gazières des Alpes Maritimes.
Monsieur et Madame Y... exposent qu'il est primordial que soit maintenue l'organisation actuelle avec des intervenants de qualité ayant tissé des liens avec leur fille, qu'étant maintenant résolus à changer de domicile, il leur appartient de trouver une maison de plein pied ou aménageable de 150 m2 avec une place de stationnement de 40 m2, que dans leur quartier actuel, il est impossible de trouver un bien immobilier répondant à ces critères, qu'ils sont donc contraints de chercher dans des quartiers limitrophes plus résidentiels et donc plus chers. Ils indiquent que le prix de vente d'un tel bien immobilier ne peut être inférieur à 820 000 ¿ et qu'en conséquence, après application du taux de perte de chance de 70 %, ils sont bien fondés à solliciter une provision de 574 000 ¿. En réponse aux oppositions formées par les autres parties, ils précisent que ce logement sera acquis par leur fille Margot, qu'en l'absence d'handicap, elle n'aurait pas consacré plus de 90 000 ¿ au financement de son logement, son revenu moyen ayant été estimé par le tribunal de grande instance de Paris en cela confirmé par la cour à la somme mensuelle de 1 500 ¿ et qu'elle aurait recherché un logement de 70 m2 de sorte que subsidiairement, ils sollicitent le versement de la somme de 511 000 ¿ (820 000 ¿-90 000 ¿) x 70 %. S'agissant de leur demande de provision à valoir sur le coût des équipements et petits matériels, ils font valoir qu'elle n'est pas nouvelle dès lors qu'elle est destinée à la même fin d'indemnisation des préjudices subis par Margot Y... et que ces frais, déjà engagés sur leurs fonds propres à hauteur de 40 000 ¿, sont bien imputables à l'accident dont Margot Y... a été victime à la naissance. Par ailleurs, ils sollicitent une nouvelle mesure d'expertise portant sur cette question spécifique des équipements et petits matériels avec consignation mise à la charge des autres parties et ne s'opposent pas à la désignation demandée en défense d'un médecin diplômé en réparation du dommage corporel lequel pourra s'adjoindre un sapiteur ergothérapeute.
Selon conclusions signifiées le 17 juin 2014, le docteur Jacques X... et la société anonyme AXA France Iard proposent que la somme totale de 150 000 ¿ soit versée aux consorts Y... pour les frais d'adaptation du logement, soit la somme de 31 500 ¿ à leur charge après application du taux de perte de chance de 70 % et du partage de responsabilité de 30 %. Ils déclarent s'en rapporter à justice quant à la demande de sursis à statuer ainsi que sur celle d'une mesure d'expertise complémentaire formulée par les consorts Y.... Ils font observer que le prix de 820 000 ¿ avancé par Monsieur et Madame Y... correspond à un coût au m2 bien supérieur à celui qui est observé dans leur quartier actuel et qu'en tout état de cause, Margot Y... ne peut prétendre qu'au financement des 55 à 70 m2 supplémentaires, nécessaires en raison de son handicap, ses parents devant prendre en charge le coût de la surface complémentaire.
Par conclusions signifiées le 28 novembre 2014, Madame Myriam B... et la société LE SOU MÉDICAL formulent la même offre de règlement d'une provision à hauteur de 150 000 ¿ à valoir sur l'adaptation du logement, la somme de 31 500 ¿ étant mise à leur charge après application du taux de perte de chance (70 %) et du partage de responsabilité (30 %) et demandent que les consorts Y... soient déboutés du surplus de leurs demandes. S'agissant des équipements et petits matériels, elles affirment que la demande des consorts Y... se heurte à l'effet dévolutif de l'appel et subsidiairement, concluent au rejet de la demande provisionnelle comme étant infondée. Elles font aussi observer la différence de standing et donc de coût de l'immobilier entre le quartier populaire où réside actuellement la famille et le quartier résidentiel pour lequel le consorts Y... présentent des estimations par des agences immobilières et considèrent qu'il y a uniquement lieu de financer le coût des aménagements supplémentaires nécessités par le handicap de Margot Y..., soit une extension de 55 à 70 m2 suivant la valeur moyenne du m2 dans le quartier Saint Roch où habite la jeune fille. A titre infiniment subsidiaire, elles sollicitent que la mesure d'expertise demandée par les consorts Y... sur les petits équipements et les appareillages soit confiée à un médecin diplômé en réparation du dommage corporel qui pourra s'adjoindre un sapiteur ergothérapeute.
Selon conclusions signifiées le 1er juillet 2014, Madame Monique veuve A... et la MACSF fixent la provision globale au titre de l'aménagement du domicile à la somme totale de 150 000 ¿ et proposent donc pour leur part d'allouer aux consorts Y... la somme provisionnelle de 42 000 ¿ après application du taux de perte de chance (70 %) et de leur part de responsabilité (40 %). Elles développent les mêmes arguments que les autres intimés sur l'estimation du bien immobilier et le financement des aménagements supplémentaires directement liés au handicap de Margot Y... sous peine d'enrichissement sans cause. De même, elles considèrent que la demande portant sur les équipements et petits matériels est nouvelle en cause d'appel donc irrecevable et à titre subsidiaire, insistent sur la nécessité pour l'expertise judiciaire de désigner un médecin diplômé en réparation du préjudice corporel (avec si besoin adjonction d'un sapiteur ergothérapeute), qui seul peut vérifier l'imputabilité des équipements et matériels à l'accident initial.
Par conclusions signifiées le 12 juin 2014, la Polyclinique SANTA-MARIA et la société d'assurance GENERALI IARD rappellent que par jugement du 14 juin 2004, à ce jour, définitif, la société LE SOU MEDICAL en sa qualité d'assureur de Madame Myriam B... a été condamnée à garantir la société GENERALI dans la limite de la part de responsabilité de Madame B... (30 %) de toutes les condamnations prononcées in solidum contre elle. Elles demandent à la cour de leur donner acte qu'elles ne s'opposent pas à la mise en oeuvre d'une expertise médicale qui devra tendre exclusivement à apprécier les frais d'aménagement du logement directement lié au handicap dont souffre Margot Y..., de ramener à de plus justes proportions la demande de provision qui ne devra pas être supérieure à 111 650 ¿ (calculée sur la base d'un prix moyen au m2 dans le quartier actuel de la famille de 2 900 ¿ et d'une augmentation de surface habitable de 55 m2 directement liée au handicap). Concernant la demande de provision à valoir sur les frais d'appareillage passés et futurs, elles soutiennent qu'elle est irrecevable comme nouvelle, ces frais étant connus par les consorts Y... dès la première instance mais n'ayant pas fait l'objet d'une demande devant les premiers juges.
A nouveau, ni la CPAM des Alpes Maritimes ni la caisse mutuelle complémentaire et d'action sociale du personnel des industries électriques et gazières des Alpes Maritimes, bien que régulièrement assignées, n'ont comparu. Les conclusions des consorts Y... par lesquelles ils demandent le remboursement des frais d'appareillage, de matériels et de petits équipements ne leur ont pas été signifiées.
L'ordonnance clôturant l'instruction de l'affaire a été rendue le 4 décembre 2014.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur les demandes relatives aux équipements et petits matériels :
Ces demandes formées par Madame Y... ès qualités de tutrice de sa fille Margot Y... en cause d'appel et en ouverture de rapport, aux fins de versement d'une provision à valoir sur l'indemnisation des frais de petits matériels et d'équipements engagés sur leurs fonds propres pour leur fille sont recevables, bien que nouvelles en appel dès lors qu'elles poursuivent la même fin d'indemnisation du préjudice subi du fait de l'accident intervenu à la naissance de Margot Y... et constituent le complément des demandes formées en première instance par les époux Y... ès qualités d'administrateurs légaux de leur fille alors mineure.
Margot Y... étant atteinte d'un handicap tant physique que cognitif très important, il ne fait aucun doute qu'elle a besoin dans sa vie quotidienne de matériels et d'équipements spécifiques lesquels, en lien direct avec le sinistre, doivent être indemnisés en totalité. Le rapport d'expertise déposé par Monsieur F..., architecte, et Monsieur Pascal E..., ergothérapeute, porte exclusivement sur l'aménagement du logement mais permet néanmoins de constater l'existence au domicile de la famille de nombreux équipements et matériels dédiés à Margot. Monsieur et Madame Y... affirment n'avoir reçu aucune aide financière de la part du conseil général pour l'achat de petits matériels et d'équipements ; ils produisent aux débats 18 factures de 2000 à 2013 pour un montant total de 41 982, 45 ¿.
Si comme l'affirment la société GENERALI IARD et la polyclinique SANTA MARIA, les consorts Y... ont déclaré aux termes de leurs conclusions de première instance (signifiées le 24 septembre 2009) que " les dépenses de santé, y compris les frais d'appareillage sont intégralement pris en charge par la CPAM et par une association créée par les parents. Selon les parents, Margot étant continente, il n'y a pas de petits matériels à charge. ", ces affirmations ne peuvent valoir aveu judiciaire portant sur l'intégralité des frais invoqués par les consorts Y..., dès lors qu'en première instance, la créance présentée par la CPAM s'élevait à la somme de 17 939, 34 ¿ pour des frais médicaux et pharmaceutiques, des frais de massage outre les frais d'hospitalisation à la naissance de Margot, que nécessairement ces frais étaient arrêtés à une date antérieure au jugement du 5 juillet 2010, qu'il n'était demandé aucune condamnation au titre des frais futurs. Ainsi, à supposer que les conclusions de première instance non produites devant la cour contiennent un tel aveu, celui-ci ne pourrait porter que sur les dépenses prises en charge par la CPAM antérieurement à la date du jugement de sorte que Madame Y... ès qualités est bien fondée à solliciter une indemnisation au titre des petits matériels et équipements payés après cette date.
Compte-tenu de l'incertitude portant sur le montant des prestations versées par la CPAM et, le cas échéant, par la Caisse mutuelle complémentaire et d'action sociale du personnel des industries électriques et gazières des Alpes-Maritimes, toutes deux régulièrement assignées à personne habilitée et défaillantes en cause d'appel, et au vu des justificatifs produits par les consorts Y... (18 factures dont 5 concernant des frais postérieurs au 5 juillet 2010 et directement liées au handicap de Margot) la demande de provision sera accueillie à hauteur de 8 000 ¿.
La désignation d'un expert judiciaire ayant pour mission de caractériser les équipements nécessaires à Margot Y... ne sera pas ordonnée en l'état du litige, l'intérêt bien compris de Margot étant de faire apprécier les petits matériels et équipements nécessaires et adaptés lorsque son nouveau domicile sera connu de manière définitive, observation faite qu'une telle mission pourra, le cas échéant, être confiée à l'ergothérapeute désigné avec un architecte au cours d'une expertise qui pourra être ordonnée au titre de l'adaptation du nouveau logement.
Sur l'aménagement du logement :
Les parties s'accordent pour considérer que le projet de Margot Y... est de vivre avec ses parents au domicile familial et que, pour ce faire, la famille Y... se trouve dans l'obligation de changer de logement.
Après avoir évalué la situation du domicile familial actuel, les handicaps de Margot Y..., ses besoins spécifiques et son projet de vie, les experts judiciaires, architecte et ergothérapeute, concluent en ce sens, indiquant que la maison actuelle comportant 3 niveaux est techniquement impossible à adapter.
Dès lors, se pose la question de l'achat d'un nouveau logement adaptable aux besoins de Margot Y... sa vie durant.
Il ressort de l'expertise judiciaire que le futur logement devra comporter du fait des handicaps de Margot Y... :- un espace de stationnement de 40 m2 couvert et attenant au domicile,- une surface habitable supplémentaire qui sera de l'ordre de 55 à 70 m2.
Aux contraintes techniques liées aux lourds handicaps de Margot et à la nécessité de prévoir, outre les pièces destinées à la vie familiale, des espaces de vie dédiés à Margot, aux tierces personnes et à M. et Mme Y..., s'ajoutent celle qui résulte de l'organisation mise en place par ses parents, parfaitement adaptée et cohérente, pour l'intervention de tierces personnes de proximité destinées à pallier ses handicaps et avec lesquelles Margot a tissé des liens. Ainsi, le principe de la proximité du nouveau logement avec l'actuel domicile familial ne fait pas débat entre les parties. Toutefois, les consorts Y... ne sont pas en mesure de proposer un projet abouti d'acquisition immobilière et sollicitent le versement d'une provision à valoir sur le prix d'achat du logement ainsi qu'une nouvelle expertise judiciaire après acquisition du bien immobilier afin de déterminer les aménagements à prévoir pour une adaptation parfaite aux handicaps de Margot.
Au vu des éléments précités et des pièces produites aux débats, notamment des attestations provenant d'agences immobilières, il sera fait droit à la demande de provision à hauteur de 300 000 ¿ sauf à parfaire quand l'acquisition du logement sera effective en fonction du prix du bien immobilier et de la part du prix liés aux contraintes résultant directement des handicaps de Margot Y....
Les demandes de sursis à statuer et de nouvelle expertise portant sur les dits aménagements seront rejetées en l'état, à charge pour Margot Y... et ses parents de saisir à nouveau le juge aux fins de voir ordonner une telle mesure d'instruction en vue d'une liquidation définitive, lorsque le logement sera effectivement acquis.
Vu l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'article 699 du même code ;
PAR CES MOTIFS
statuant publiquement, par décision réputée contradictoire
Vu l'arrêt rendu par la cour le 30 novembre 2012,
DIT recevables en cause d'appel les demandes formées par Madame Y... ès qualités de tutrice de Margot Y... au titre des matériels et petits équipements ;
CONDAMNE in solidum la Polyclinique SANTA MARIA, la société GENERALI, Monsieur Jacques X..., la société AXA France IARD, Madame Myriam B..., la société LESOU MEDICAL, Madame A... et la MACSF à payer à Madame Y..., en sa qualité de tutrice de sa fille majeure Margot Y... la somme provisionnelle de 300 000 ¿ à valoir sur le coût d'acquisition et d'aménagement d'un nouveau logement ;
CONDAMNE in solidum la Polyclinique SANTA MARIA, la société GENERALI, Monsieur Jacques X..., la société AXA France IARD, Madame Myriam B..., la société LE SOU MEDICAL, Madame A... et la MACSF à payer à Madame Y... ès qualités de tutrice de Margot Y... la somme provisionnelle de 8 000 ¿ à valoir sur son indemnisation au titre des matériels et petits équipements ;
REJETTE en l'état les demandes de nouvelles expertises et dit que les consorts Y... pourront ressaisir le juge en vue de la liquidation définitive de leurs préjudices lorsque le nouveau logement sera effectivement acquis ;
CONDAMNE in solidum la Polyclinique SANTA MARIA, la société GENERALI, Monsieur Jacques X..., la société AXA France IARD, Madame Myriam B..., la société LE SOU MEDICAL, Madame A... et la MACSF à payer à Monsieur et Madame Y..., en leur nom personnel et à Madame Y... ès qualités de tutrice de sa fille Margot Y... la somme de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum la Polyclinique SANTA MARIA, la société GENERALI, Monsieur Jacques X..., la société AXA France IARD, Madame Myriam B..., la société LE SOU MEDICAL, Madame A... et la MACSF aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE