RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 1
ARRÊT DU 25 FÉVRIER 2015
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/03338 et 13/03492 joint
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Février 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 11/10325
APPELANTE (RG 13/03338) et INTIMEE (RG 13/03492)
SARL CED GROUPE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Guillaume ABADIE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0024
INTIMÉE (RG 13/03338) et APPELANTE (RG 13/03492)
Madame [S] [F] épouse [V]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
comparante en personne, assistée de Me Laurence SOLOVIEFF, avocat au barreau de PARIS, toque : A0007
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2014/015725 du 07/05/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉE (RG 13/03338 et RG 13/03492)
SAS AAF LA PROVIDENCE II
La Rigourdière
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Hugues WEDRYCHOWSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0511
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Janvier 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Irène CARBONNIER, Présidente
Madame Véronique SLOVE, Conseillère
Madame Isabelle DELAQUYS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Laetitia LE COQ, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, conformément à l'avis donné après les débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme CARBONNIER, Présidente, et par Mme Ingrid JOHANSSON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement rendu le 4 février 2013 par le conseil de prud'hommes de Paris qui a :
- condamné la société CED Groupe Propreté à payer à Mme [S] [V] les sommes de 2.516,48 euros à titre d'indemnité de préavis et251,64 euros de congés payés afférents, 3.635,74 euros à titre d'indemnité de licenciement,8.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,313, 40 euros à titre de salaire du 18 au 26 avril 2011 et 31,13 euros de congés payés afférents et 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné à la société AAF La Providence II (La Providence II) de remettre à Mme [V] un certificat de travail prenant en compte son ancienneté en son sein à compter du 1er octobre 19991993, débouté Mme [V] du surplus de ses demandes et les sociétés CED Groupe Propreté et AAF La Providence II de leurs demandes reconventionnelles ;
Vu l'appel principal de cette décision interjeté par la société CED Groupe Propreté enregistré sous le n° 13-03338 et l'appel partiel formé par Mme [V] enregistré sous le n° 13-03492, en ce qu'elle a, d'une part, été déboutée d'une partie de ses demandes et notamment de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'absence de salaires pendant 9 mois et d'autre part en ce que le conseil de prud'hommes a limité à 8000 euros ( 6 mois de salaires) le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors qu'elle justifiait d'une d'ancienneté de 12 ans et d'un préjudice consécutif à la rupture particulièrement caractérisé;
Vu les conclusions soutenues oralement par lesquelles la société CED Groupe Propreté demande à la Cour d' infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau : juger que les dispositions de l'accord du 29 mai 1990 dit annexe 7 ne s'applique pas au contrats de travail de Mme [V], en conséquence, condamner solidairement Mme [V] et la société La Providence à lui rembourser les sommes payées au titre de l'exécution provisoire de droit du jugement déféré et à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions de Mme [V] développées à l'audience tendant à voir infirmer partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau :
- 1) juger que les dispositions de l'accord du 29 mars 1990 ne sont pas applicables à son contrat de travail, en conséquence, juger que le transfert du contrat de travail imposé par la société La Providence II à Mme [V] à compter du 18 avril 2011 nul et non avenu ; condamner la société La Providence à poursuivre le contrat de travail de Mme [V] à compter du 18 avril 2011 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir ; condamner la société La Providence II à lui payer une somme de70 477,68( 56 mois x 1.258, 53 euros ) à titre de rappels de salaires du 18 avril 2011 au 15 décembre 2014 et à parfaire selon la date du prononcé de l'arrêt à intervenir, ainsi que la somme de 7 047,76 euros à titre d' indemnité de congés payés afférents et à lui remettre les bulletins de paie conformes sous astreinte de 100 euros par jour et par document de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ; à titre subsidiaire et si la Cour estimait applicable l'accord du 29 mars 1990 au contrat de travail de Mme [V], condamner la société CED Groupe Propreté à lui remettre un avenant et les bulletins de paie d'avril et mai 2011 conformes sous astreinte de 100 euros par jour et par document de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ;
- 2) sur le préjudice causé à Mme [V] : condamner à titre principal la société La Providence II et à titre subsidiaire, la société CED Groupe Propreté à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel et psychologique causé par le transfert frauduleux de son contrat de travail et l'absence de paiement de tout salaire depuis le 8 mai 2011 ;
- 3) sur l'imputabilité de la rupture du contrat de travail, à titre principal, juger que la société La Providence II a commis des manquements graves justifiant la résiliation judiciaire à ses torts du contrat de travail de Mme [V] et, en conséquence, prononcer à la date de l'arrêt à intervenir, la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société La Providence II et juger qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ; la condamner, en conséquence, à lui payer à les sommes de : 30 204 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, 2 517,07euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 251,70 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférents, 4 719,48 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 4 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de la violation des droits au DIF,
2 000 euros au titre de l'indemnité pour procédure irrégulière et à lui remettre les solde de tout compte, certificat de travail et attestation Pôle Emploi conformes sous astreinte de 100 euros par jour et par document de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir; à titre subsidiaire, si la Cour estimait l'accord du 29 mars 1990 précité applicable : juger la rupture de la période d'essai notifiée par la société CED Groupe Propreté illégale et constitutive d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ; la condamner, en conséquence, à lui payer les sommes de : 30 204 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, 2 517,07euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 251,70 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférents, 4 719,48 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 4 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de la violation des droits au DIF, 2 000 euros au titre de l'indemnité pour procédure irrégulière et à lui remettre les solde de tout compte, certificat de travail et attestation Pôle Emploi conformes sous astreinte de 100 euros par jour et par document de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir;
- dans tous les cas, condamner solidairement et conjointement la société La Providence II et la société CED Groupe Propreté à payer à Mme [V] la somme de 313,40 euros au titre de rappel de salaire du 18 au 26 avril 2011 ainsi que 31.34 euros à titre de congés payés afférents et fixer au 1er octobre 1999 l'ancienneté de Mme [V] et à 1 258, 53 euros la moyenne de ses salaires et condamner solidairement et conjointement les sociétés La providence et CED Groupe Propreté ou la société succombant au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle dont distraction au profit de Maître Laurence Solovieff ainsi que la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Vu les conclusions soutenues oralement par lesquelles la société La Providence II demande à la Cour de confirmer dans son intégralité le jugement déféré et à titre principal, constater que le contrat de travail de Mme [V] a été transféré à la société CED Groupe Propreté à compter du 18 avril 2011 en application des dispositions de l'accord du 29 mars 1990 et que celle-ci a travaillé pour le compte de la société CED Groupe Propreté sur le site '[Adresse 4]' à compter du 26 avril 2011 ; en conséquence, mettre hors de cause la société La Providence II et débouter Mme [V] des demandes formées à son encontre ; à titre subsidiaire, si la Cour estimait que le contrat de travail de Mme [V] n'a pas été transféré à la société CED Groupe Propreté, constater que la société La Providence II a manifesté son intention de ne pas conserver le contrat de travail de Mme [V] à plusieurs reprises ; en conséquence, débouter Mme [V] de sa demande de poursuite de son contrat de travail à compter du 18 avril 2011, de sa demande de rappel de salaire pour la période du 18 avril 2011 à la date du jugement ; constater que Mme [V] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'étendue et de la réalité de son préjudice ; limiter en conséquence strictement l'indemnisation du préjudice allégué à hauteur de 6 mois de salaires soit la somme de
7 191,16 euros et en tout état de cause, débouter Mme [V] de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice, de rappel de salaire du 18 au 26 avril 2011 et pour irrégularité de la procédure ; condamner la société CED Groupe Propreté à la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant, les appels étant connexes, qu'il y a lieu pour une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 13-0338 et 13-03492 ;
Considérant que Mme [V] a été engagée le 1er octobre 1999 en qualité d'agent de propreté par la société La Providence aux droits de laquelle sont venues successivement les société AAF la Providence et AAF la Providence II ; que Mme [V] était affectée sur le chantier de nettoyage de l'immeuble '[Adresse 4]' situé à [Localité 1], propriété de la BPCE qui occupait les locaux ; qu'en dernier lieu son salaire moyen mensuel brut s'élevait à 1.258,53 euros, la convention collective applicable aux relations contractuelles étant celle des entreprise de nettoyage ;
Considérant que le 17 septembre 2010, la BPCE a informé la société La Providence II qu'elle mettait fin au contrat de nettoyage de l'immeuble qui était loué à La Préfecture de Paris, laquelle avant de l'occuper allait réaliser des travaux ;
Que la Préfecture de Paris a lancé un appel d'offre pour l'attribution d'un marché de nettoyage, conclu un contrat de nettoyage avec la société La Providence II du 1er janvier au 28 février 2011, contrat qui a été renouvelé du 1er au 31 mars 2011 puis du 1er au 15 avril 2011 ; que Mme [V] a continué dans le cadre de ces contrats à travailler dans l'immeuble '[Adresse 4]' avec une de ses collègues, Mme [G] ; que le marché du nettoyage de cet immeuble a été confié par la Préfecture de Paris à compter du 18 avril 2001 à la société CED Groupe Propreté ;
Que le 26 avril 2011, la société CED Groupe Propreté a proposé à Mme [V] un contrat de travail à durée indéterminée avec période d'essai que cette dernière n'a pas signé ; que le 9 mai 2011, la société CED Groupe Propreté a mis fin au contrat de travail de Mme [V] au motif suivant : 'rupture de contrat de travail à durée indéterminée à l'initiative de l'employeur pendant la période d'essai' ;
Considérant que La société CED Groupe Propreté et Mme [V] font valoir que l'accord du 29 mars 1990 (ancienne annexe 7), alors en vigueur, fixant les conditions d'une garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire ne s'applique pas au contrat de travail de la salariée ;
Considérant que l'article 1 de cet l'accord prévoit le champ d'application suivant : ' Les présentes dispositions s'appliquent aux employeurs et aux salariés des entreprises ou établissements exerçant une activité relevant des activités classées sous le numéro de code APE 87-08, qui sont appelés à se succéder lors d'un changement de prestataire pour des travaux effectués dans les mêmes locaux, à la suite de la cessation du contrat commercial ou du marché public.' ;
Considérant, en l'espèce, qu'il résulte de la chronologie contrats conclus pour le nettoyage de l'immeuble '[Adresse 4]entre d'une part, la société La providence et la BPCE jusqu'au 31 décembre 2010, la société La Providence II et la Préfecture de Paris du 1er janvier 2011 au 15 avril 2011 et d'autre part, entre la société CED Groupe Propreté et la Préfecture de Paris à compter du 18 avril 2011, que ces deux entreprise se sont succédées pour des travaux exécutées dans les mêmes locaux au sens de l'article 1 précité ;
Qu'en effet, la société La Providence ayant réalisé, sans discontinuer, les prestations de nettoyage sur le site '[Adresse 4] I' jusqu'au 15 avril 2011, il importe peu que celle-ci ait signé un nouveau contrat de nettoyage avec la Préfecture de Paris pour une durée trois mois et demi en ne maintenant sur le site que deux salariées, la garantie d'emploi du personnel affecté à ce marché n'étant pas soumise à des conditions de forme, de durée du contrat et d'étendue des prestations dès lors que le changement de prestataire est intervenu pour des travaux effectués dans les mêmes locaux de l'immeuble '[Adresse 4]" ;
Considérant que l'article 2 de l'accord précité prévoit que le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de 100 % du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise qui remplit les conditions suivantes :
A - Appartenir expressément :
- soit à la filière d'emplois 'ouvriers' de la classification nationale des emplois et passer sur le marché concerné 30 % de son temps de travail total effectué pour le compte de l'entreprise sortante ;
- soit à la classe IV des agents de maîtrise et techniciens et être affecté exclusivement sur le marché concerné.
B - Etre titulaire :
a) Soit d'un contrat à durée indéterminée et,
- justifier d'une affectation sur le marché d'au moins 6 mois à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public ;
- ne pas être absent depuis 4 mois ou plus à la date d'expiration du contrat. Cette condition ne s'applique pas aux salariés en congé maternité qui seront reprises sans limitation de leur temps d'absence.
b) Soit d'un contrat à durée déterminée conclu pour le remplacement d'un salarié absent qui
satisfait aux conditions visées ci-dessus en a).' ;
Considérant, en l'espèce, qu'il résulte des pièces produites que Mme [V] qui appartenait à la filière d'emplois 'ouvriers' et était titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée était affectée depuis le mois de septembre 2002 sur le site '[Adresse 4] I'pour la totalité de ses heures de travail ; que lors de la reprise de ce site par la Préfecture de Paris et au cours des travaux, Mme [V] a continué à travailler sur ledit site pour l'ensemble de ses heures travaillées, effectuant sur le marché concerné plus de 30 % de son temps de travail au titre du contrat de travail la liant à la société La Providence II, avec une ancienneté de plus de 6 mois et aucune absence de plus de 4 mois ;
Considérant, en conséquence, les conditions d'application des articles 1 et 2 de l'accord du 29 mars 1990 (ancienne annexe 7) étant remplies, que le contrat de travail de Mme [V] a été transféré à la société CED Groupe propreté à compter du 18 avril 2011 étant précisé que Mme [V] a fourni une prestation de travail pour cette société qui l'a licenciée le 9 mai 2011 ;
Considérant qu'en raison du transfert du contrat de travail, la société CED Groupe Propreté qui devait reprendre l'ensemble des clauses attachées à ce dernier ne pouvait le rompre au motif qu'elle avait proposé à Mme [V] un nouveau contrat de travail à durée indéterminée avec période d'essai ; que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que l'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la société Ced Groupe Propreté ayant repris le chantier le 18 avril 2011 était tenue de régler à Mme [V] le montant des salaires et congés payés afférents à la période du 18 au 26 avril 2011; que Mme [V] ayant gardé son droit individuel à formation auprès de Pôle emploi, ne justifie d'aucun préjudice à ce titre ;
Considérant, en conséquence, qu'il y a lieu de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf à allouer à Mme [V], compte tenu de son ancienneté, de son âge et de sa capacité à retrouver un emploi, une somme de 15.106,36 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de débouter Mme [V] de ses autres demandes ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 13-03338 et 13-03492;
Confirme le jugement sauf à condamner la société CED Groupe Propreté à payer à Mme [V] la somme de 15.106,36 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Déboute Mme [V] de ses autres demandes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société CED Groupe Propreté aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT