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25/02/2015 | FRANCE | N°11/23011

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 7, 25 février 2015, 11/23011


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 7



ARRET DU 25 FEVRIER 2015



(n° 7 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/23011



Décision déférée à la Cour : Jugement

Jugement du 11 Mai 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/15606





APPELANTE



Madame [O] [J] ÉPOUSE [W]

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représ

entée par Me Alain FISSELIER de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant,

Représentée par Me Jacques LEGAY, avocat au barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE, avocat plaidant,




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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 7

ARRET DU 25 FEVRIER 2015

(n° 7 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/23011

Décision déférée à la Cour : Jugement

Jugement du 11 Mai 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/15606

APPELANTE

Madame [O] [J] ÉPOUSE [W]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant,

Représentée par Me Jacques LEGAY, avocat au barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE, avocat plaidant,

INTIMEES

SA MULTIMEDIA FRANCE PRODUCTION-MFP

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050, avocat postulant

Représentée par Me Hubert DIDON, avocat au barreau de PARIS, toque : R0172, avocat plaidant

SARL BARJAC PRODUCTION agisssant poursuites et diligences en la personne de son gérant domicilie en cette qualité audit siége

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, avocat postulant

Représentée par Me Christophe VOITURIEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : E1619, avocat plaidant

SA FRANCE TELEVISIONS agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration y domicilié en cette qualité.

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Dominique OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

Représentée par Me Martine COISNE, avocat au barreau de PARIS, toque : R283

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Décembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sophie PORTIER, Présidente de chambre

M. Pierre DILLANGE, Conseiller

Mme Sophie- Hélène CHATEAU, Conseillère

qui en ont délibéré sur le rapport de M. Pierre DILLANGE

Greffier, lors des débats : Mme Maria IBNOU TOUZI TAZI

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Sophie PORTIER, président et par Mme Maria IBNOU TOUZI TAZI, greffier présent lors du prononcé.

*

* *

DECISION

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Rappel des faits et de la procédure,

La demanderesse est propriétaire d'un immeuble à [Localité 4] où ont été tournées quelques scènes d'un téléfilm intitulé « LES SECRETS DU VOLCAN », produit par la SARL BARJAC PRODUCTIONS ET FRANCE TELEVION venant aux droits de FRANCE 2, diffusé sur la chaîne FRANCE 2 en août et septembre 2005.

Considérant que ce tournage lui a porté préjudice, [O] [J]-[W], par actes des 6 et 8 octobre 2009 a assigné ces deux sociétés devant le le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir réparation du préjudice qu'elle aurait subi et, préalablement, de leur enjoindre de produire sous astreinte tous éléments relatifs à la commercialisation directe ou indirecte de l'oeuvre. Elle a subsidiairement demandé que soit ordonnée une expertise aux mêmes fins et « pour faire les comptes entre les parties ».

La SARL BARJAC PRODUCTIONS a assigné en intervention forcée la SARL INDUSTRIE CINEMATOGRAPHIQUE REUNIONNAISE (ICR), producteur exécutif, et la SA MULTIMEDIA FRANCE PRODUCTIONS (MFP), co-producteur.

Par jugement du 11 mai 2011, le tribunal a déclaré l'action de la demanderesse recevable mais mal fondée et l'en a débouté, a dit les demandes en garantie sans objet, a débouté la société BARJAC PRODUCTIONS de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné la demanderesse aux dépens.

Sur la recevabilité, le tribunal a estimé que la demanderesse a suffisamment justifié de sa qualité de propriétaire du bien à l'origine de son action. Au fond, le premier juge, après avoir rappelé que le propriétaire d'une chose n'a pas un droit exclusif sur l'image de celle-ci et ne peut s'opposer à l'exploitation de celle-ci que si elle lui cause un trouble anormal, a retenu que le tournage dans les lieux représente environ entre 12 et 18 mn, sur un sujet de 360 mn. Il observe que les scènes correspondantes permettent à peine de discerner quelques éléments d'une propriété qui n'est jamais montrée dans son intégralité et que les scènes tournées à l'intérieur ne permettent pas de l'identifier, en dépit d'attestations produites par la demanderesse, indiquant que les lieux pourraient être reconnaissables. L'un des témoins s'est déclaré surpris d'une exploitation qui ne correspondrait à une pratique du milieu social de la demanderesse. Cette dernière qui n'occupait pas les lieux au moment n'a pu être perturbée par le tournage. Elle ne démontre pas davantage en quoi celui-ci aurait pu contrarier ses projets de rénovation du site. Ainsi le tribunal a-t-il considéré qu'à aucun titre le tournage en cause n'a généré pour [O] [W] un trouble anormal résultat de l'exploitation de l'image de son bien, conformément au principe ci-avant rappelé.

C'est en considérant que la demanderesse a pu se méprendre sur la portée de ses droits que le tribunal a estimé que son action n'était pas abusive.

Il a encore dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

[O] [J]-[W] a relevé appel de cette décision par acte du 23 décembre 2011.

L'appelante a déposé des conclusions du 18 novembre 2014 tendant au rabat de l'ordonnance de clôture, au motif que le film litigieux aurait été l'objet de nouvelles diffusions des 28 octobre et 4 novembre 2014. Les intimées s'opposent à une demande qui, selon elles, n'apparaît pas fondée sur une cause grave, contrairement à l'allégation de [O] [J]-[W].

Au fond, cette dernière sollicite aux termes de ses dernières écritures, l'infirmation du jugement déféré, soit que soit constaté que BARJAC PRODUCTION et FRANCE TELEVISION ont, au titre de ce tournage, engagé leur responsabilité à son égard et lui ont causé un préjudice, que celles-ci sont condamnées sous astreinte à justifier des droits directs et dérivés relatifs à l'oeuvre en cause, subsidiairement qu'une expertise tendant aux mêmes fins soit ordonnée aux frais avancés des intimées, que plus subsidiairement elles soient condamnées à lui payer une somme de 200 000 € à valoir sur une réparation complète du préjudice. Elle demande enfin leur condamnations aux entiers dépens, ainsi qu'à lui payer une somme de 6000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

FRANCE TELEVISION a demandé la confirmation du même jugement ainsi que la condamnation de l'appelante à lui payer une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement qu'il soit dit que BARJAC PRODUCTION et MFP seront tenues de la garantir de toute condamnation.

BARJAC PRODUCTION a conclu au principal à la confirmation du jugement déféré, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire pour procédure abusive. Elle demande à nouveau que l'appelante soit condamnée à lui payer une somme de 7000 € à ce titre, ainsi que la même somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Subsidiairement, elle sollicite qu'un éventuel préjudice de l'appelante soit fixé forfaitairement à de justes proportions sans qu'il y ait lieu à expertise, et qu'il soit dit que MFP doive la garantir de toute condamnation.

La société MFP demande la confirmation du jugement du 11 mai 2011 et la condamnation de l'appelante à lui payer une somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, elle demande qu'il soit dit que sa responsabilité n'est pas engagée dans ce contentieux, qu'elle soit donc mise hors de cause, que la société BARJAC PRODUCTION soit déboutée de ses demandes à son égard et qu'elle soit condamnée à lui payer une somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur ce,

Sur la procédure,

La cour constatera que « la cause grave » invoquée par l'appelante à l'appui de sa demande de rabat de l'ordonnance de clôture ne se distingue nullement de sa demande principale relative à l'évaluation des droits retirés de l'exploitation de la série en cause. Cette demande confirme s'il en est besoin que l'action de l'appelante intéresse moins la réparation d'un préjudice que l'exécution d'un contrat commercial auquel elle souhaiterait être partie.

L'ordonnance de clôture initiale ne sera donc pas modifiée.

Sur le fond,

L'appelante rappelle que l'autorisation de tournage dont peuvent se prévaloir les intimées n'est pas de son fait mais de celui de son locataire de l'époque [U] [F] qui a donc signé avec BARJAC PRODUCTION une convention par laquelle, notamment il assure qu'il est sinon propriétaire du bien en cause, en tout cas habilité à consentir les autorisations sollicitées. Affirmant que [U] [F] ne l'a jamais consultée préalablement, [O] [J]-[W] considère que l'intimée a engagé sa responsabilité du seul fait de n'avoir pas vérifié l'authenticité des pouvoirs dont se targuait son co-contractant. Elle produit le bail l'ayant lié avec ce dernier, mentionnant que cette location est consentie à usage exclusif d'habitation, les conditions générales de ce même bail prohibant toute sous-location même temporaire ou partielle de ce bien, ce conformément encore aux dispositions de l'article 8 de la loi du 6 juillet 1989, qui aurait dû conduire l'intimée à s'assurer de l'adhésion du propriétaire à son projet.

Elle affirme que si elle avait été régulièrement sollicitée, elle aurait refusé de donner son autorisation en raison du « préjudice incontestable » que lui a causé ce tournage. Sous la forme d'une sorte de raisonnement « circulaire », elle affirme que le fait même de ne pas avoir demandé une telle autorisation est en soi « un trouble anormal ».

A supposer que son locataire ait manqué à ses obligations contractuelles, ce manquement n'affecte que la responsabilité éventuelle de ce dernier à l'égard de sa bailleresse, sans qu'il ne puisse être reproché à l'intimée d'avoir elle-même contracté avec un individu qui était l'occupant légitime des lieux l'intéressant.

Les développements de l'appelante quant la durée et la nature des plans montrant avec plus ou moins de précision son habitation (elle retient en particulier un total de plus de 18 mn de tournage concernant son bien contre environ 12 mn selon l'intimée), sont de peut d'intérêt, de même que les restrictions de BARJAC PRODUCTION quant à l'identification du bien. La cour retiendra seulement que l'existence du tournage litigieux n'est pas contesté et qu'il n'est dès lors pas étonnant que des familiers des lieux les reconnaissent.

Sur son préjudice elle allègue en premier lieu le retard qu'aurait pris des travaux qu'elle projetait. A ce titre elle établit certes l'existence d'un tel projet (ainsi par la productions de pièces relatives à son permis de construire), mais ne prouve ni l'existence d'un retard dommageable, ni, a fortiori, qu'il existe un lien de causalité entre celui-ci et le tournage objet du présent contentieux. Selon ses propres pièces il ressort que ces travaux suite à des permis sollicités à l'automne 2005, se sont achevés en mai 2007.

Il sera encore remarqué qu'elle ne propose aucun élément relatif à la durée l'indisponibilité des lieux qui serait résultée du même tournage. A ce sujet elle ne contredit pas l'intimée qui indique que celui-ci a duré 3 jours en mars 2006 Par voie d'affirmation elle retient qu'une des cause de ce retard serait la difficulté de joindre son locataire « puisqu'il se préoccupait de la mise en oeuvre du tournage. »

Pour proposer un chiffrage partiel de ce préjudice elle retient que ce retard lui aurait interdit pendant 24 mois (soit de décembre 2006 à décembre 2008) d'augmenter le loyer de son bien d'une somme mensuelle de 400 €, alors que la première diffusion de « LES SECRETS DU VOLCAN » a eu lieu en août 2006.

Au vu des observations qui précèdent, non contraires aux motifs du premier juge, la décision de celui-ci sera confirmée en ce qui concerne le débouté de l'appelante de l'ensemble de ses demandes.

Il n'y a en conséquence pas lieu de statuer sur les garanties que pourraient devoir les intimées.

Sur la demande reconventionnelle de BARJAC PRODUCTIONS,

L'intimée souligne l'obstination procédurale de l'appelante suite à un jugement parfaitement clair. BARJAC PRODUCTION relève encore la vacuité de l'argumentation de [O] [J]-[W].

De fait, la cour considérera que c'est avec une grande bienveillance que le premier juge a estimé « qu'elle avait pu se méprendre sur la portée de ces droits » ; la cour ne saurait avoir la même indulgence, alors qu'elle persiste à appuyer ses prétentions sur des moyens largement fantaisistes, ainsi qu'il ressort du seul rappel chronologique qui précède.

Aussi la cour constatera-t-elle le caractère abusif de la procédure et condamnera-t-elle l'apellante à payer à ce titre en réparation à BARJAC PRODUCTION une somme de 3000 €.

L'équité commande encore qu'elle soit condamnée à payer lui payer la même somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera également condamnée au même titre à payer une somme de 2000 € à FRANCE TELEVISION. Il n'y a pas lieu en revanche de faire droit à la demande au même titre de MFP qui n'a pas été appelée dans la cause par [O] [J]-[W] .

L'appelante sera enfin condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement du 11 mai 2011 en ce qu'il a débouté [O] [J]-[W] de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée aux entiers dépens et a dit sans objet les demandes de garantie,

L'infirmant pour le surplus,

Constate le caractère abusif de l'action de l'appelante,

La condamne en conséquence à payer une somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts à la société BARJAC PRODUCTON,

La condamne à payer à cette même société 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne à payer au même titre une somme de 2000 € à la société FRANCE TELEVISION

Déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne l'appelante aux entiers dépens en cause d'appel.

LE PRÉSIDENTLE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 11/23011
Date de la décision : 25/02/2015

Références :

Cour d'appel de Paris C7, arrêt n°11/23011 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-25;11.23011 ?
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